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Les Journées de l'ECF #56

MON PAYS, LA PSYCHANALYSE

par Fouzia Liget

Merci encore pour ce merveilleux week-end. De la magie : on était transporté dans un autre monde, dans le pays de la psychanalyse. Tels des funambules, nous étions tous, là, marchant sur le fil – nous avançons, hésitons, parfois nous reculons – pour mieux avancer, sans doute. L’aventure de la psychanalyse, c’est la prise de risque, le tâtonnement, la peur, l’angoisse, le vide, la solitude. Clopin-clopant nous déchiffrons notre inconscient, pour accéder au désir.

Payer de sa personne! Chacun des intervenants a payé de sa personne, a témoigné avec pudeur de son analyse, certains nous ont même fait pleurer… de rire, bien sûr, je pense à Patrick Lambouley. Toute les idées reçues que j’avais de l’ECF ont volé en éclats. Je la trouvais peu accessible aux plus jeunes, fermée, d’une lourdeur… J’avais tout faux, Non, elle est bien vivante, on travaille avec amusement, le sérieux est là, le travail aussi.

J’ai été émue par le témoignage de Mirta Kadivar, avec qui j’ai en commun la culture arabo-musulmane. Un petit bout de femme à la force gigantesque, qui nous a donné une belle leçon sur ce que c’est que d’être, au 21e siècle, une guerrière pour la psychanalyse. Dans son pays, il faut du courage, et un désir très décidé, pour faire entendre sa voix. Et c’est une femme! C’est « par la force des choses » que le désir parle et s’anime.

Merci d’avoir sollicité l’aide des « Anges gardiens ». Je voulais faire des rencontres, et j’ai en effet rencontré Yasmina Picquart, Laura Sokolowsky, et, lors de la réunion des Anges, Mme Judith Miller, avec laquelle j’ai pris un café et discuté. Et bien d’autres encore. Cette expérience inédite me fait pousser des ailes pour avancer dans la psychanalyse et dans l’ECF 3.

Merci de m’avoir fait mettre comme Ange dans la salle de Laure Naveau et Laura Petrosino. L’intervention de Laura a fait écho en moi, m’a donné envie de parler de mon analyse, a touché ce qui fait ma faiblesse, ma difficulté : mon corps de femme. Médusée, je l’étais face à ce que j’entendais, vibrant au plus profond de mon être, sentant mes jambes faillir. La question était : « Comment on devient analyste », j’entendais : « Comment on devient femme au 21e siècle ».

A cette question, la religion, la culture, répondent du côté du devoir, non du désir.  Femme je suis, et de culture arabo-musulmane : pas toujours facile. Une révoltée et une effrontée dès toute petite, pire à l’adolescence. Ma mère me renvoyait : «  Ce n’est pas bien, tu ne te comportes pas comme une fille musulmane doit le faire, mais comme une vraie Française. »

Aujourd’hui, l’analyse est en train de faire naître en moi un désir de femme longtemps étouffée et réprimée par la culture arabe. Je me suis toujours battue pour qu’on ne me loge pas sous ce signifiant de « femme musulmane ». Divisée entre la femme et la musulmane, née en France et de culture marocain, j’ai découvert il y a peu, en analyse, qu’avoir une double culture, c’est une force. Et je n’ai pas fini de découvrir.

Ces Journées ont été pour moi un hommage de la psychanalyse au désir et à la vie. Merci pour ce voyage. Mon pays, c’est la psychanalyse – pays de tolérance, pays cosmopolite, accueillant la différence, pas de norme, pas de standard, pas de chiffres. L’inconscient n’a ni couleur, ni frontière.