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Le courrier de Rennes #71

Invitation

 

par Monique Amirault

 

Bien sûr, dans l’ouest, ils ne manquent pas ceux qui, à l’instar d’Alain Prost, pourraient venir témoigner, au cours de nos Journées, d’un désir efficace et du rapport à l’inconscient qui l’a produit.

panizza-le-concile-amourMais peut-être quelqu’un connaît-il Michel Mousseau, compositeur, et Jean-Pierre Laroche, metteur en scène scénographe, qui viennent de faire sortir de l’oubli Oskar Panizza, avec la création mondiale par Angers-Nantes Opéra, en novembre dernier, d’un opéra pour voix, instruments, marionnettes et machinerie, mettant en scène « Le concile d’amour, tragédie céleste » 1.

Ce texte, publié en 1895 fut confisqué pour immoralité et valut à son auteur un an de prison. Oskar Panizza assura lui-même sa défense dans une remarquable plaidoirie, très argumentée, pour la liberté d’expression de l’écrivain.

Le traitement dont furent l’objet les écrits de Panizza alimentèrent une folie non dénuée de courage qui le conduisit d’expulsion en exil et retour, jusqu’à ce que, lucide sur sa folie, il demande lui-même son internement dans un hôpital, près de Bayreuth. Sans que se tarisse sa production littéraire, il y demeura une quinzaine d’années avant d’y mourir en 1921, à l’âge de soixante-huit ans.

La verve, la dérision et le style d’Oskar Panizza réjouirent les surréalistes, tout particulièrement André Breton qui le surnomma « le scorpion du calice ». Abandonnant très vite la psychiatrie pour l’écriture, Oskar Panizza s’engagea dans une dénonciation ironique et décapante des semblants de la religion et des autorités d’une Allemagne impériale moralisatrice. Il sut se servir avec génie du savoir acquis à l’asile et des textes comme « Génie et folie » ou « Psychopathia criminalis » qui pourraient aujourd’hui faire partie des saines lectures de base pour ceux à qui la tâche échoit de légiférer sur la déviance et la santé mentale.

Il serait intéressant de savoir si quelqu’un parmi nous connaît Michel Mousseau et Jean-Pierre Laroche et s’il conviendrait de les solliciter pour nous entretenir du choix qu’ils ont fait du « Concile d’amour », œuvre maudite et restée vive malgré la malédiction qui a longtemps pesé sur elle.

1 Oskar Panizza, Le concile d’amour, une tragédie céleste en cinq actes suivie de son dossier de censure, Agone, éditions cent pages, 2008, préface d’André Breton à la première édition en français, 1964.