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Varia sur la Passe #74

LE MEILLEUR ROMAN POLICIER…


par Mariamna de Rostoll

 

Les travaux qui sont actuellement publiés dans le Journal des Journées constituent probablement le meilleur roman policier que je lise en ce moment. Il y a des rebondissements, des envolées, des retours, c’est un travail de plusieurs, et ça porte une dimension politique, avec des conséquences que l’on ne connaît pas encore.

Je ne me suis jamais engagée dans la passe, je découvre son fonctionnement en lisant le Journal, et en lisant des textes qui se raccrochent aux publications du Journal des Journées. Les cartels de la passe, les passants, les passeurs… un vocabulaire institutionnel que je ne connaissais pas devient pour moi une nouvelle langue, une expérience actualisée à la publication de chaque Journal.

Cette expérience fait écho pour moi avec une expérience que j’ai choisie et qui est celle de l’analyse.

On fait un choix, celui de l’analyse. On fait un choix en ceci qu’à un moment, qu’en un instant, et cela pour toujours, on sait que c’est l’analyse. Que ça, ça ne se discute pas. Qu’il n’y a pas d’autre possibilité.

Qu’il y ait des choses qui ne se discutent pas, ça me va plutôt bien.

Or, je crois que le plus difficile aujourd’hui, dans notre monde… mondialisé, c’est justement de faire passer l’idée qu’il y a un « on se jette à l’eau » qui ne se discute pas, dans un monde où tout se discute. Dans un monde où tout se conditionne. Ça se discute toujours, et c’est dingue ce que ça peut jouir que ça se discute, ceci d’autant plus lorsque le point de certitude est fort. Il y a du ça se discute dans l’air et sur les écrans. Mais il y a aussi un « ça ne se discute pas » qui est nécessaire à l’analyse. Y aller ne suffit pas à être en analyse. Et ceux qui témoignent de comment ils en sont sortis, de toute les manières, on aura vite fait de savoir s’ils y sont entrés.

Il y a un versant de la passe qui se discute, c’est son volet institutionnel, organisationnel. Je ne commente pas celui-là, du moins par directement. Je parle de la passe au point de ce qui ne se discute pas dans un monde où tout se discute. C’est une interrogation. Ma préconisation serait donc celle-ci, et qui est, je crois, le style qu’adopte Jacques-Alain Miller, et le biais par lequel je peux lire le Journal, qui me rend sa lecture supportable : mettre un adjuvant de discutaille dans la passe pour que la passe préserve le point où ça ne se discute pas et qui est celui de notre certitude, de la mienne au moins déjà, qu’il n’y a pas d’équivalent à l’analyse. Ceci qu’il n’y pas d’équivalent à l’analyse, je vais vous dire un truc, ça demande une sacrée dose de passion pour l’assumer en public. Mais d’y renoncer est, je crois, ce qui a conduit l’Ecole de la Cause freudienne à s’endormir. Convaincre ceux qui sont déjà acquis est le secret du sommeil.

C’est de cette manière que j’ai compris la transparence prônée par Jacques-Alain Miller. La transparence, ça me fait horreur, et je crois que je ne suis pas la seule -ou plutôt, je l’espère. Compte tenu du travail engagé par Jacques-Alain Miller à propos de l’évaluation, je ne comprenais pas. C’était une équation qui se présentait à chaque lecture du Journal. En droit, nous disons : « Vu le décret n°… / Vu l’arrêté en date du … / Considérant l’avis de la Commission en charge, etc… » Arrête, article premier… Et là, la conclusion était « arrête, article premier et pas d’autres ensuite : la transparence ». Il y avait donc un truc qui clochait quelque part, mais une certitude en même temps, la mienne : lire le Journal.

Dés qu’il y a un point de certitude qui est son analyse, alors, il y a une place pour le manque. C’est logique. Il convient d’ajouter à l’équation un « Considérant que… ». Considérant que tout le monde viendra nous enquiquiner de notre certitude, alors, il faut la transparence pour la préserver. C’est une leçon de s’en passer s’en servir.