Claude Cahun au Jeu de Paume

La première rencontre d’Escapades Culturelles est fixée au samedi 24 septembre à 14h au jeu de paume, 1 place de la Concorde 75008 Paris. Rendez-vous dans l’entrée du musée.

Claude Cahun,  Sans titre, vers 1939
Claude Cahun, Sans titre, vers 1939

CLAUDE CAHUN AU JEU DE PAUME par Dominique Chauvin

L’actualité Claude Cahun vient croiser la rentrée lacanienne. L’exposition que lui consacre le musée du Jeu de Paume depuis le mois de mai s’achèvera en effet le 25 septembre, ce qui nous laisse juste le temps de vous proposer cette visite ! Heureuse coïncidence, car Claude Cahun, qui a fait partie du groupe surréaliste dans les années trente, a elle-même croisé Lacan. Elle a suivi des présentations de malades à Sainte-Anne et Lacan a fréquenté à l’occasion, en compagnie de ses amis surréalistes, l’atelier qu’elle occupait avec sa compagne Suzanne Malherbe, 70 bis, rue Notre-Dame des Champs. En 1938, Claude et Suzanne s’installent dans l’île de Jersey et se trouvent dès lors coupées du groupe. Elles sont arrêtées en 1944 pour actes de résistance, condamnées à mort, libérées en 1945(1)…
Claude Cahun se tenait plutôt pour un écrivain, un poète. Elle se passionna aussi pour le théâtre. L’œuvre photographique, présentée ici, était peu connue de son vivant. C’est pourtant une œuvre fascinante, que nous vous invitons à venir découvrir.

(1) Cf. François Leperlier, Claude Cahun, L’exotisme intérieur, Paris, Fayard, 2006.

munch, premier repérage

Bonsoir tous,

Passant devant Beaubourg, j’ai fait un premier repérage impromptu cet après-midi !

Points communs avec Claude Cahun : Munch a pratiqué la photographie, l’autoportrait tout au long de sa vie, et l’écriture. En l’occurrence, de poèmes, dont l’un est intitulé « Le cri ».

Il a, lui aussi, un rapport très particulier au regard (normal, il est peintre): souffrant de troubles de la vision (hémorragie de l’œil droit), il entreprend de peindre ce qu’il voit à travers cet œil. Normal aussi: ça se traduit à l’occasion par des visions assez cauchemardesques.

Mercredi, je mettrai la dernière main à mes préparatifs de voyage. A un prochain samedi, donc ?

D

A text from Munch’s diary in 1892 relates to The Scream:
I was walking along a path with two friends
the sun was setting
I felt a breath of melancholy
Suddenly the sky turned blood-red
I stopped and leant against the railing,
deathly tired
looking out across flaming clouds that hung
like – blood and a sword over the
deep blue fjord and town
My friends walked on –
I stood there trembling with anxiety
And I felt a great, infinite scream pass
through nature

derniers jours d’Instants critiques

Chers amis,

Encore deux jours pour voir « Instants critiques » au Théâtre 71 de Malakoff (métro ligne 13).

Mise en scène de François Morel, d’après Jean-Louis Bory et Georges Charensol, les deux compères de l’émission « Le masque et la plume » dans les années 70.

C’est très amusant et intelligent à la fois, chose rarissime, et on a le plaisir de retrouver des critiques de films de cette époque. Très bien joué aussi.

D

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INSTANTS CRITIQUES par THEATRE71

débat sur EX VIVO IN VITRO

Bonjour Escapadeurs,

J’ai assisté au débat au théâtre de la Colline ce soir  avec le metteur en scène Jean-François Peyret, son co-auteur le biologiste Alain Prochiantz, ainsi que François Ansermet et Pierre Magistretti, professeur de neurosciences. Une fine équipe, pleine d’humour ! J’ai posté une demi-douzaine de tweets, où je tente de reprendre quelques points marquants du débat.

D

——

Dominique Chauvin

Les tweets de @doms3

Débat passionnant sur « Ex vivo in vitro » à la Colline. Il n’a pas du tout été question de la procréation médicalement assistée (AMP !)

mais du non-rapport entre art (ou théâtre) et science. Chaque intervenant a parlé de sa position subjective dans son champ propre.

Alain Prochiantz mentionnant un « sujet de l’art » vs  sujet de la science , François Ansermet le définit ainsi : le sujet étant réponse du réel

l’artiste est sujet de l’art en tant qu’il met en jeu une pratique symbolique particulière pour traiter l’impensable de ce réel.

Réplique géniale dans la pièce : avec l’AMP, je sais exactement quand j’ai été conçu mais pendant que la technicienne opérait

que faisaient mes parents ? L’irreprésentable recule d’un cran !

Alain Prochiantz : La science est le dernier refuge de la poésie (où l’on invente encore quelque chose).

post kusama – l’acte et le geste

Chère Véronique,

Bravo et merci pour ton texte, qui rassemble les fils de plusieurs discussions et ouvre de nombreuses pistes pour d’autres échanges. Nous voici en plein cartel, déjà ! Il faut que je retrouve quelques références et je t’en ferai part.

Je n’ai jamais mis en doute que les photos de Claude Cahun soient de l’art !!! A développer, mais je ne voulais pas laisser planer ce malentendu… Je disais sans doute qu’à côté de son art, elle avait fait des actes dans sa vie – en particulier de résistance.

Il y aurait peut-être une distinction à faire entre « acte« , analytique ou pas (pour nous c’est une référence un peu obligée en effet, quand on parle d’acte, cf. le séminaire XV, « L’acte psychanalytique ») et « geste » de l’artiste. En même temps, ça a certainement quelque chose à voir. Cf. les développements de Lacan sur « l’unique trait de pinceau » des peintres et calligraphes chinois, dans « Lituraterre » et, je crois, dans le séminaire XVIII, « D’un discours qui ne serait pas du semblant ».

A suivre bientôt…

D

Comment se repère l’Acte dans le livre de BHL

CONVERSATION AVEC BERNARD-HENRI LEVY, « DES GUERRES DU XXIe SIÈCLE », le 23 novembre 2011, à l’occasion de la sortie de son livre La guerre sans l’aimer

A la demande de Géraldine, je partage avec vous quelques notes prises lors de cette soirée. Au risque d’inexactitudes, car il s’agit de notes très lacunaires. Les interventions seront certainement publiées bientôt.

Dans son intervention, Anaëlle Lebovits repère un acte au sens psychanalytique dans le récit que fait BHL de la part qu’il a prise aux événements de Libye.

Anaëlle Lebovits montre en cinq points qu’il s’agit bien d’un acte :

  1. L’acte n’a de sens que quand manque la certitude. Ce qui est le cas ici. BHL fait part de ses nombreux doutes.
  2. Le choix est dicté par un impossible à supporter : devant l’impossibilité pour lui de laisser « l’ordre ancien » se maintenir, il prend le risque de la mort.
  3. L’opposition optimisme / pessimisme [qui partage l’opinion] a pour fonction d’inhiber l’acte. Il s’agissait d’opérer un dépassement dialectique, en prenant la juste position dans l’infime espace temporel qu’il avait pour le faire en emportant l’aval du Conseil de sécurité, ce qui était essentiel [avant que la Russie et la Chine ne mettent leur veto].
  4. Qui dit acte dit engager une livre de chair, ce qu’il appelle « l’emportement corps et âme » [p. 10]. Cela suppose d’engager ce qu’on n’a pas. Au-delà de ses biens (qu’il a engagés aussi), au-delà du risque encouru par le corps : en Libye, sa tête est mise à prix, en France, il suscite haine et méfiance, et le retour d’un « antisémitisme d’un autre âge ». Il reçoit des menaces de mort. Il lui faut se battre, ruser et gagner, pour rester en vie.
  5. Pour poser un acte, il faut s’en savoir responsable, soit s’en faire responsable. Il faut avoir cerné le mal en soi, ce qui évite de chercher un responsable en dehors de soi et d’éprouver de la haine.
    La solitude est la condition de possibilité de l’acte. Que BHL ait été accompagné de quelques « camarades » n’y change rien.

Réponse de BHL à Anaëlle Lebovits :

Cela va encore plus loin que l’opposition optimisme / pessimisme que vous relevez. Tout est fait pour inhiber l’acte, que ce soit par les administrations, par l’opinion… Comment déjouer cet empêchement acharné de faire, de décider et de dire ?

« L’engagement » des intellectuels est très galvaudé. Qu’est-ce qu’on met en gage ? Dans cette affaire, j’ai mis au clou des choses plus précieuses que ma vie : mon nom, ce que mon nom dit. Mes valeurs aussi, bien sûr. C’est un calcul + un pari.

Qu’est-ce qu’on met en gage, c’est la question qu’il faudrait se poser à propos de tous les intellectuels « engagés ». Cf. la préface de Sartre au Portrait de l’aventurier de Roger Stéphane. Sartre y oscille tout au long, il cherche le point de l’esprit où les deux positions peuvent se conjoindre. Il cherche la « révolte logique » [terme emprunté à ???]. C’est peut-être ce après quoi nous courons tous, nous qui sommes ici.

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MISE à JOUR du 30 nov. 2011 : le texte d’annaëlle lebovits-quenehen est publié sur le site de la règle du jeu : http://laregledujeu.org/2011/11/26/7950/lacte-dun-ecrivain/

l’art, la langue naturelle de l’artiste

Merci, eoik, pour ce texte où tu vas si loin pour tenter de te « dépatouiller » avec des questions aussi difficiles. J’en reste un peu saisie, il me faudra y revenir, et plus d’une fois. Je vais commencer par lire Thierry de Duve ! Et ce fameux catalogue de l’exposition de Bruxelles « 100 ans d’art contemporain », le trouve-t-on encore ?

Quant à la pulsion et au fantasme, ça a été mon sujet de cartels pendant dix ans (quel que soit le séminaire au travail, je mettais « pulsion et fantasme ») et, bien sûr, je ne m’en dépatouille toujours pas ! Les enseignements de l’Ecole en ce moment tournent beaucoup autour de ces questions de plus-de-jouir (que le « s » s’entende ou non) et d’objet a à la fin de l’enseignement de Lacan. Ce qui entraîne forcément la question de l’universel et du particulier (pas plus tard qu’hier soir). Mais toi, tu partages avec nous non seulement ce que tu as retiré de ton expérience analytique mais aussi de ton expérience de « fille d’artiste », et de tes longues réflexions sur l’art (comment peux-tu dire que tu n’y comprends rien ?)

Je reviens à l’un de mes tweets de l’autre jour, que tu avais d’ailleurs souligné, « L’artiste est sujet de l’art en tant qu’il met en jeu une pratique symbolique particulière pour traiter l’impensable de ce réel » (François Ansermet). Si l’on suit ce fil, ce qui ferait la différence (c’est mon hypothèse), ce qui ferait que quelque chose « est de l’art » ne tiendrait peut-être pas non plus tant que ça à l’objet au sens où il serait de l’ordre du visible (d’où il peut bien être « n’importe quoi »), mais à la position de l’artiste, à une certaine façon qu’il a de traiter le trou dans le symbolique qu’est l’objet. Alain Prochiantz disait aussi qu’à son sens les mathématiques étaient peut-être la « langue naturelle » du mathématicien, c’est-à-dire la langue qu’il parle, même si à première vue c’est la science par excellence qui n’a plus rien à voir avec une « langue naturelle ». Ne pourrait-on poser de la même façon que l’art est la « langue naturelle » de l’artiste ? D’autant plus que, souvent, l’artiste n’a rien à dire de plus sur son art.

Je sens que je m’embrouille, je m’arrête là !
Dominique.

Rétrospective Béla Tarr au Centre Pompidou

29.11.11 04:56

Rétrospective Béla Tarr à Beaubourg, du 3 décembre au 2 janvier. C’est un cinéaste à découvrir (cf. L’homme de Londres et Les harmonies Werckmeiter, qu’on a pu voir à Paris ces dernières années).

Dominique

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Programme

Toutes les séances

Samedi 3 Décembre 2011
15:00 Master class avec Béla Tarr
Pour la première fois en France, Béla Tarr retrace les différentes étapes de son parcours de cinéaste, depuis les tournages en 16 mm semi-improvisés des débuts jusqu’à la précision extrême des œuvres tardives.
18:30 Les Harmonies Werckmeister, Béla Tarr, 2000 noir et blanc
Dans une petite ville glaciale de la plaine hongroise, un cirque s’installe pour exhiber son unique attraction, une gigantesque baleine empaillée.

Dimanche 4 Décembre 2011
14:30 Le Nid familial, Béla Tarr, 1977 noir et blanc (100 mn)
Le premier film de Béla Tarr, emblématique du style de ses débuts, est précédé du court métrage Hotel Magnezit (1978, noir et blanc).
17:30 Damnation, Béla Tarr, 1987 noir et blanc
Karrer, personnage amer et renfrogné, a pour seul lien avec le monde un bar-cabaret, le Titanik. La chanteuse qui s’y produit l’obsède tant elle semble posséder quelque chose qui lui est inaccessible : une forme d’espoir.

Lundi 5 Décembre 2011
19:30 Rapports préfabriqués, Béla Tarr, 1982 noir et blanc
Dans un style qui est comme un pendant épuré de celui de Cassavetes, Béla Tarr poursuit avec ce troisième long métrage son portrait du prolétariat hongrois et des relations hommes-femmes qui s’y développent.

Vendredi 9 Décembre 2011
19:30 L’Outsider, Béla Tarr, 1979-1980 couleur
L’outsider, c’est András, jeune homme qui semble flotter sur la vie sans jamais trouver sa place, avec, pour seul compagnon stable, un violon. Par un récit elliptique, le film nous fait partager quelques étapes de la vie de cet être en décalage permanent, incapable de se plier aux injonctions du monde qui l’entoure.

Samedi 10 Décembre 2011
14:00 Satantango, Béla Tarr, 1990-1994 noir et blanc
Adapté du roman éponyme de László Krasznahorkai, Satantango expose les complots et les trahisons qui agitent une coopérative agricole en déliquescence, au cœur d’une campagne humide.
Samedi 10 Décembre 2011

Dimanche 11 Décembre 2011
14:30 L’Homme de Londres, Béla Tarr, 2007 noir et blanc (132 mn)
Le film, adapté d’un récit de Georges Simenon, est précédé du court métrage « Prologue » (2004, noir et blanc).
17:30 Almanach d’automne, Béla Tarr, 1983-1984 couleur
Hédi, une dame âgée et argentée, partage une maison avec son fils, son infirmière et l’amant de celle-ci, bientôt rejoints par un quatrième locataire.

Lundi 12 Décembre 2011
19:30 Macbeth, Béla Tarr, 1982 couleur
Fidèle adaptation du texte de Shakespeare, Macbeth a été réalisé pour la télévision hongroise. Radicalisant son usage du plan-séquence, Béla Tarr y livre une mise en scène vertigineuse et labyrinthique.

Jeudi 15 Décembre 2011
19:30 The Last Boat, Béla Tarr, 1990 couleur (32 mn)
C’est sans doute avec « The Last Boat » que Béla Tarr s’est le plus éloigné d’une conception classique de la narration. On y découvre une Budapest désertée, théâtre de scènes énigmatiques et irréelles baignant dans un climat post-apocalyptique. Le film est suivi du court métrage « Voyage sur la plaine hongroise » (1995, coul.).

Vendredi 16 Décembre 2011
19:30 Les Harmonies Werckmeister, Béla Tarr, 2000 noir et blanc
Dans une petite ville glaciale de la plaine hongroise, un cirque s’installe pour exhiber son unique attraction, une gigantesque baleine empaillée.

Samedi 17 Décembre 2011
14:30 Macbeth, Béla Tarr, 1982 couleur
Fidèle adaptation du texte de Shakespeare, Macbeth a été réalisé pour la télévision hongroise. Radicalisant son usage du plan-séquence, Béla Tarr y livre une mise en scène vertigineuse et labyrinthique.

Samedi 17 Décembre 2011
16:00 Table ronde
Table ronde autour de l’oeuvre du maître hongrois, avec Kristian Feigelson, András Kovács, Sylvie Rollet et Jarmo Valkola
18:00 Rapports préfabriqués, Béla Tarr, 1982 noir et blanc
Dans un style qui est comme un pendant épuré de celui de Cassavetes, Béla Tarr poursuit avec ce troisième long métrage son portrait du prolétariat hongrois et des relations hommes-femmes qui s’y développent. Ici, chaque nouvelle scène semble amener le couple plus loin dans l’impasse.
20:00 L’Outsider, Béla Tarr, 1979-1980 couleur
L’outsider, c’est András, jeune homme qui semble flotter sur la vie sans jamais trouver sa place, avec, pour seul compagnon stable, un violon. Par un récit elliptique, le film nous fait partager quelques étapes de la vie de cet être en décalage permanent, incapable de se plier aux injonctions du monde qui l’entoure.

Dimanche 18 Décembre 2011
14:00 Satantango, Béla Tarr, 1990-1994 noir et blanc
Adapté du roman éponyme de László Krasznahorkai, Satantango expose les complots et les trahisons qui agitent une coopérative agricole en déliquescence, au cœur d’une campagne humide.

Lundi 19 Décembre 2011
19:30 Tarr Béla, cinéaste et au-delà, Jean-Marc Lamoure, 2011 couleur
Accompagnant la réalisation du Cheval de Turin entre 2008 et 2011, ce film présenté à l’état de work in progress propose une immersion auprès de Béla Tarr. Il est précédé du court métrage « Le jour où le fils de Raïner s’est noyé » (2011, coul.), d’A. Vernhes-Lermusiaux.

Jeudi 22 Décembre 2011
19:30 Almanach d’automne, Béla Tarr, 1983-1984 couleur
Hédi, une dame âgée et argentée, partage une maison avec son fils, son infirmière et l’amant de celle-ci, bientôt rejoints par un quatrième locataire.

Vendredi 23 Décembre 2011
19:30 Le Nid familial, Béla Tarr, 1977 noir et blanc (100 mn)
Le premier film de Béla Tarr, emblématique du style de ses débuts, est précédé du court métrage « Hotel Magnezit » (1978, coul.)

Vendredi 30 Décembre 2011
19:30 L’Homme de Londres, Béla Tarr, 2007 noir et blanc (132 mn)
Le film, adapté d’un récit de Georges Simenon, est précédé du court métrage « Prologue » (2004, coul.).

Samedi 31 Décembre 2011
14:30 The Last Boat, Béla Tarr, 1990 couleur (32 mn)
C’est sans doute avec « The Last Boat » que Béla Tarr s’est le plus éloigné d’une conception classique de la narration. On y découvre une Budapest désertée, théâtre de scènes énigmatiques et irréelles baignant dans un climat post-apocalyptique. Le film est suivi du court métrage « Voyage sur la plaine hongroise » (1995, coul.).

Lundi 2 Janvier 2012
19:30 Damnation, Béla Tarr, 1987 noir et blanc
Karrer, personnage amer et renfrogné, a pour seul lien avec le monde un bar-cabaret, le Titanik. La chanteuse qui s’y produit l’obsède tant elle semble posséder quelque chose qui lui est inaccessible : une forme d’espoir.

« Le cheval de Turin » : chef-d’oeuvre !

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29.11.11 12:20

Je vous conseille surtout son dernier film: Le cheval de Turin.

Un chef-d’œuvre, et comme vous ne me connaissez pas, vous ne pouvez pas savoir qu’entre autres je suis critique de cinéma, que je ne suis pas forcément difficile à cause de cette activité mais par contre que je fais attention aux mots que j’emploie dans ce domaine et là, il n’y en a pas d’autres! Ce film (le dernier de sa carrière de réalisateur si j’en crois ce qu’il m’a dit à la Berlinale) est la somme épurée de toute son œuvre. J’en ai des frissons rien que de penser aux images de ce film.

Par contre, histoire que vous ne me fassiez pas de procès dès la sortie du cinéma, je vous avertis que le film est très exigeant et très inhabituel dans sa structure: c’est une sorte de boléro de Ravel cinématographique. Cela veut donc dire que soit on se laisse aller et arrive à entrer dans le rythme soit on reste à l’extérieur…et comme le film est long, si on reste à l’extérieur, là, cela peut être éprouvant!

Malik

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30.11.11 02:23

Merci, Malik, pour votre conseil : surtout ne pas rater Le cheval de Turin de Béla Tarr, film exigeant, le clou de sa carrière – et peut-être le dernier qu’il fera (j’espère quand même que non…) Contrairement à ce que je pensais, il ne fait pas partie de la rétrospective qui sera consacrée à Béla Tarr au centre Pompidou du 3 décembre au 2 janvier. Il faudra donc guetter sa sortie en salles, qui sera sans doute concomitante à cet événement.

Quelle chance d’avoir un critique de cinéma parmi nous ! J’espère que vous nous suggérerez beaucoup d’escapades cinématographiques et que vous y participerez de temps en temps.

A bientôt donc.

Dominique.

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30.11.2011 17:50

Malheureusement Dominique, pour avoir rencontré le « maître », je n’ai pas l’impression qu’il soit du genre à changer d’avis. Il a dit qu’avec le Cheval de Turin, il avait fermé une boucle et tout ce qui pourrait venir après ne serait que recommencement, répétition. Il n’exclut cependant pas de continuer dans le cinéma, comme producteur par exemple. Mais effectivement, comme on dit en allemand, l’espoir meurt en dernier…alors espérons qu’il trouve une autre boucle à ouvrir…

Le film sort chez vous en France aujourd’hui (30 novembre).

Malik

Il n’y a pas, il n’y a jamais eu d’Art brut

Ce qui serait de l’Art… (et ce qui n’en serait pas tout à fait !)

Francis Berezné est né en 1946. Il dessine depuis toujours, même dans les moments les plus difficiles d’une vie tourmentée. Adolescent, il voyage, croquant sur nature tout ce qui se présente à lui. Pendant quelques années, il est assistant aux Beaux-Arts. À présent il s’intéresse aux relations du dessin et de l’écriture, et commence à réaliser des films expérimentaux. Après avoir été fou, le voilà qui revient en psychiatrie pour animer des ateliers d’arts plastiques.

Extraits du Dit du brut, de Francis Bérezné, éditions « La chambre d’échos ».

Mon ami Francis Bérezné, peintre et écrivain, est diparu en 2010. Le sous-titre de son livre Le dit du brut est Colère. Colère parce que, si « l’Art des fous et des marginaux » s’est vu reconnaître une place depuis que Dubuffet inventa le terme d’art brut en 1945 et créa une fondation pour l’abriter (devenue la Collection de l’art brut de Lausanne), il continue à être ghettoïsé. Cette colère est née, « un jour de 1967 en voyant les oeuvres de ces artistes [les grands, les reconnus] exposées dans la grande nef du Musée des Arts décoratifs, alors que bien séparée d’eux, dans des salles différentes, était accrochée la donation Dubuffet. » (p. 7).

« J’ai voulu battre en brèche un certain nombre d’idées reçues à ce sujet », continue-t-il. «Certaines dont je crains qu’elles n’aient la vie longue. En particulier que cet art ne peut s’inscrire dans une histoire de l’Art, sinon comme un genre tout à fait à part et bien singulier. Je pense au contraire qu’il fait partie de l’Art du vingtième siècle, au même titre que ses grands créateurs reconnus, et comme eux inspirant fortement la production d’aujourd’hui »

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Conversation imaginaire entre Francis Bérezné et une amie :

« Je le vois [Dubuffet] dans Son Musée remplissant des cases, des tiroirs, des étages, aménageant Ses Collections, ouvrant des annexes aux Collections, inaugurant des à-côtés des Collections, éliminant les pas tout à fait ci ou pas tout à fait ça, dont Lui seul pouvait juger. Lui et les siens écartant ceux qui n’étaient pas dignes de participer aux grandes festivités de la création.

– Ce ne sont que des affabulations jalouses. Il n’était même pas conservateur du Musée de l’Art brut!

– Mais je me fous de l’Art brut ! Il n’y a pas, il n’y a jamais eu d’Art brut. Ce n’est qu’une de Ses inventions. Et pas des meilleures. Qui, après qu’on eut enfermé les fous, enfermait leurs œuvres dans un concept et un Musée, sinon à double tour et comme sous haute surveillance, du moins à consommer selon un strict mode d’emploi. En vérité, Wölfli créait comme n’importe quel autre artiste. […] Tenez, dites-vous que Wölfli est comme orphelin du reste de la création. » De Miro, en particulier, dont il serait éclairant de le rapprocher. En effet, « Ainsi que Miro et quelques autres il a fabriqué un monde où les signes se combinent comme un langage, se répondent d’un tableau à l’autre, se font écho, et nous tiennent un discours surprenant. » (p. 27-28). Même chose quand il s’agit de rapprocher Francis Palanc, artiste « brut » né en 1928, et Jean-Pierre Raynaud. « Mais avez-vous vu la gymnastique mentale et les détours que j’ai faits pour mettre Palanc et Raynaud en perspective ? les efforts sans compter pour déplacer la barrière que tous après moi se hâteront de remettre en place ? » (p. 29-30).

Or « ne croyez pas que l’asile soit étanche. Il y souffle le vent des grands bouleversements artistiques, sociaux et politiques. » (p. 46). Ledit « art brut » est « une pratique née avec la modernité et avec l’abstraction, avec le renouveau des arts. […] je revendique pour ces artistes le droit d’être regardés avec les mêmes yeux que tout autre […]. Leur spécificité n’est pas de faire l’envers ou le contraire de tout ce qu’ont fait l’art et la culture. Leur spécificité est d’être, comme tout artiste digne de ce nom, un parmi les autres et irréductible aux autres. » (p. 48).

Ah ah ! Qui va dire ce qu’est un « artiste digne de ce nom » ?

Les soulignages sont de moi.

Dominique.

LIENS:

http://www.francis-berezne.net/

http://lesilencequiparle.unblog.fr/2010/10/19/sur-lamitie-dans-la-psychiatrie-francis-berezne/

Peintures de F. Bérezné

Francis Bérezné et moi

Le 30/11/2011 10:55, véronique müller a écrit :

superbe artiste que je découvre, dominique, merci. oui oui finissons-en avec l’art brut, c’est un préalable nécessaire, en effet, finissons-en, ça suffit comme ça !

Le 30/11/2011 10:59, véronique müller a écrit :

enfin, heu, Raynaud / Palanc : il va fort ! sa gymnastique mentale, moi, j’ai un peu du mal à la refaire… (ça résiste dans les synapses)
😉

Le 30/11/2011 17:28, Dominique Chauvin a écrit :

> Je ne connais pas Palanc…
> Francis Bérezné s’explique sur son rapprochement hardi entre Raynaud et Palanc : « Il s’agit de comparer des choses a priori incomparables et d’en tirer quelque idée nouvelle sur un sujet. » (Le dit du brut, p. 29)
> « Au sujet des origines » [puisque, pour lui, il s’agit de ça], il trouve Palanc « bien bavard ».
> « Et au petit matin frais, en attendant que s’ouvrent les portes du Centre Georges Pompidou, voir le pot de Raynaud recouvert de ses feuilles d’or, et être touché précisément par le fait de n’y comprendre rien, un truc tout à fait propre à Raynaud, comme un idiotisme, et que ce soit Palanc qui déclenche le délire associatif qui éclaire le problème d’un jour nouveau, nous offre le début d’une solution, voilà évidemment qui donne à réfléchir.
> Regarder les travaux de Raynaud à la lumière de ceux de Palanc, est-ce en apprendre un peu plus sur cette œuvre, ou est-ce une folie ? (p. 31).
> NB. Je trouve le pot de Raynaud beaucoup plus beau dans son nouvel environnement, ou encore dans le jardin de sa maison (d’après les photos de Daphné), que sur le parvis de Beaubourg.
> Bravo encore, Véronique, pour ton travail d’édition, les liens que tu as été chercher, etc. Je suis touchée pour Francis. Merci.
> Dominique.

Le 30/11/2011 17:57, Dominique Chauvin a écrit :


Une photo récente… 
> Dominique.

 

Sophie Taeuber-Arp (« Danser sa vie » au centre Pompidou)

12/12/2011

01:53

Merci tout plein pour vos échos de la dernière escapades, et pour vos photos, vos liens, vos citations. Pour me consoler d’avoir raté Klee avec vous, un premier petit tour aujourd’hui à l’expo « Danser sa vie » au centre Pompidou. Un monde à visiter. D’emblée, je suis accrochée par sept gouaches de Sophie Taeuber-Arp, au début de la deuxième partie de l’expo, « Art et abstraction ». C’est très simple et c’est une évidence, ces taches de couleur dansent sur la feuille.


Sophie Taeuber, née le 19 janvier 1889 à Davos, Suisse et morte le 13 janvier 1943 à Zurich, est une artiste, peintre et sculpteur suisse ayant participé aux mouvements Dada puis surréaliste avec son époux Jean Arp.
Le billet de banque de 50 francs suisses, en circulation depuis 1995, représente l’artiste.

02:40
Sophie Taeuber-Arp, il me semble que ça danse parce qu’il y a du vide (le souffle médian…). Enfin, entre autres éléments. Bien sûr, il y a les couleurs, le rythme, et puis le fait que c’est un peu de traviole. La grande fresque de Sonia Delaunay, dans la même salle, c’est uniquement du plein. Il y a du mouvement mais, pour moi, de danse point.

02:53

Bon, il n’y a pas que ça, dans cette expo. Aussi : la captation de « L’après-midi d’un faune », donné à l’opéra Garnier il y a deux ou trois ans dans un cycle « Ballets russes ». Et mille autres choses.

D.

Robert Morris, Site, 1963 Performance au Surplus Dance Theater, Stage 73, New York, 1963 Danseurs : Carolee Schneemann et Robert Morris Film 16 mm, noir et blanc, sonore, 18’30” Réalisateur anonyme Collection de l’artiste

Le Centre Pompidou consacre une exposition sans précédent aux liens des arts visuels et de la danse, depuis les années 1900 jusqu’à aujourd’hui. « Danser sa vie » montre comment ils ont allumé l’étincelle de la modernité pour nourrir les courants majeurs et les figures qui ont écrit l’histoire de l’art moderne et contemporain. L’exposition illustre son propos par les œuvres des figures artistiques du 20e siècle, des mouvements fondateurs de la modernité, ainsi que par les recherches des artistes et danseurs contemporains. Elle montre l’intérêt commun de l’art et de la danse pour le corps en mouvement. « Danser sa vie » fait dialoguer toutes les disciplines, des arts plastiques et de l’art chorégraphique. Un vaste choix de peintures, de sculptures, d’installations, d’œuvres audiovisuelles et de pièces chorégraphiques, témoigne de leurs échanges incessants, d’un dialogue souvent fusionnel.

23 novembre 2011 – 2 avril 2012
11h00 – 21h00

Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (5) // ô les beaux jours

La dernière corde, qui forme un petit tas d’où sort une main, elle me fait penser à Beckett : « Ô les beaux jours ». C’est bouleversant, surtout avec Catherine Samie dont ça a été, je crois, le dernier rôle à la Comédie Française.

Dominique.

Catherine Samie sur la scène du Phénix, dans «Oh les beaux jours», de Samuel Beckett.PHOTO ARCHIVES DIDIER CRASNAULT

 

des femmes trash et bientôt une maison de poupées

Wednesday, December 28, 2011 5:36 PM 

Chère Véronique, Chère Nouage,

Géraldine, j’ai intégré deux de tes photos dans l’article de Véronique (https://disparates.org/escapades/category/escapades/theatre/des-femmes/), les plus grandes.

J’aurais aimé pouvoir mettre les vidéos, mais elles sont trop lourdes. Je crois qu’il faudrait que je les mette sur DailyMotion ou sur YouTube – j’ai peut-être bien un compte YouTube quelque part, je verrai ça…

C’est drôle, au vu de l’affiche, j’imaginais un spectacle en plein air ou, à tout le moins, quelque chose de très clair, très lumineux. Mais au vu des photos, et des vidéos, je découvre au contraire un dispositif théâtral très marqué et fort sombre.

Quelqu’un sait-il ce que représente l’affiche ? Et à quoi ça correspond ?

Bises à vous,

Véronique m.

NB : je réitère ma proposition : nous retournons voir Klee le 15 janvier avec Roseau_pensant ? ça intéresse qq ? Dominique ? Géraldine ?

¤

jeudi 29 décembre 2011 03:10

 Déjà de retour, Véronique, et déjà à la tâche !

 En effet, le décor est trash, très sombre, et c’est exactement ce qui convient ! J’avais vu une précédente mise en scène d’ « Electre », passablement ennuyeuse, où tout se passait sur les marches éblouissantes de blancheur du palais de Créon… Ici, il y a une progression à travers les trois pièces, ça devient de plus en plus sombre, pour finir dans un paroxysme où les protagonistes s’aspergent de boue et se roulent dedans. Comme si au moment (génial) du meurtre de Clytemnestre, l’intérieur du palais passait au-dehors de sorte que le spectateur assiste aux crimes, et que cette boue qu’il recelait se déverse à l’extérieur.

C’est comme la musique, très hard pour qui n’apprécie pas vraiment ce genre de rock. Ceux qui l’aiment nageaient dans le bonheur, n’est-ce pas, Vebueno ? Mais j’admire d’autant plus Wajdi Mouawad d’avoir réussi à me la faire avaler, si j’ose dire. Il me l’a fait trouver bien et nécessaire dans le contexte, même si mes oreilles avaient mal.

 Dominique.

¤

jeudi 29 décembre 2011 11:59

 Il a en effet été présenté en décor naturel cet été à qq km d’avignon précisément à la carrière de Boulbon.

Oui Dominique, tout à fait de ton avis, les Electre, Antigone et autres Bérénice….. drapées de blancheur m’ennuient à mourir.  Anecdote amusante, en sortant des Amandiers j’ai entendu une dame dire à sa copine : « les costumes… ils se sont pas foulés, ils étaient moches et puis la scène… mais c’était une véritable porcherie !  » un couple avec elle de lui répondre  » ah bah c’était pas roger Harth et Donald Cardwell !!! ». ;))

 Bises à tous

Véro O -Vebueno


jeudi 29 décembre 2011 13:06

 Véronique, concernant l’affiche, il en existe une autre qui représente un visage de femme malheureusement je ne la retrouve pas.

Les Amandiers ont choisi pour chacune des pièces de la saison un personnage symbolisant la résistance à l’oppression, au pouvoir en place. On y trouve Aung San Sun Kyi (orthographe approximative….) femme politique birmane qui s’est opposée à la junte militaire, Nelson Mandela etc… Pour « des femmes » il s’agit de M. Luther King lors de son discours pour l’emploi et la liberté des Noirs Mars sur Washington en 63.

 Nous envisageons si toutefois Dominique en est toujours d’accord d’aller, toujours aux Amandiers, voir une reprise d’une maison de poupée d’Ibsen mise en scène par Martinelli. Nous suive qui aime ! Ce sera en janvier du 10 au 22/01. D’ailleurs l’affiche montre une manifestation de femmes (probablement pakistanaises puisque je repère une banderole NWFP (Nord Ouest province frontalière) ) s’opposant sans doute aux brutalités commises par les Talibans (à vérifier).

 Bises à bientôt.

Véro O

Kusama, un article de Philip Metz dans la LM

Un article de Philip Metz sur Yayoi Kusama, dans la Lettre mensuelle n° 304, reçue aujourd’hui. Sous le titre évocateur « Une poulette japonaise rencontre le fantôme du serpent. Let’s go fuck ! » (p. 31). Philip Metz mentionne aussi « le superbe article de Gérard Wajcman », dans la catalogue de l’exposition.

le cheval de turin // une étrange erreur

Géraldine et moi venons de revoir « Le cheval de Turin » et j’ai constaté, de ma part, une erreur très étrange, qu’elle m’avait d’ailleurs signalée. J’avais vu – et écrit – que, dans le dernier plan, le père et la fille se regardaient enfin. Or ils ont tous deux les yeux baissés et ne se regardent pas un instant ! Chacun est au contraire laissé à sa solitude, il n’y a même plus la lampe entre eux pour les séparer ou les unir, avant que les deux figures se dissolvent progressivement dans le noir – image magnifique et bouleversante, sur le mode discret et complètement dépourvu de pathos propre à Béla Tarr. Pourquoi cette erreur ? Peut-être parce que, pour la première fois, l’œil de la caméra les prend assis à cette table ensemble. Le père, dont la violence contenue s’était manifestée pendant tout le film, rend les armes. Pour moi, il s’humanise enfin.

Un détail qui m’a beaucoup touchée lors des deux projections est la longueur des cils du cheval, quand on le voit de face, juste avant que la porte de la grange se referme définitivement sur lui. Dirais-tu que c’est le « punctum » selon Barthes, Alain ? Il y manque sans doute l’élément de « hasard », car Béla Tarr laisse peu de choses au hasard, et sûrement pas ça. Ce détail fait du cheval un être féminin, et une sorte de figure maternelle pour la jeune fille. Du moins, c’est ainsi que je le vois.

Au bonheur des maths

Quelle joie, Catherine, de revoir en DVD le film de Raymond Depardon « Au bonheur des maths », qui est le clou de l’exposition de la fondation Cartier. Cela me permet de transcrire quelques extraits du témoignage de Michael Atiyah, celui des mathématiciens interrogés dont les propos m’avaient le plus frappée :

 « Les mathématiques sont un processus interactif. Il s’agit d’idées. Une idée, c’est quelque choses de fluide. Ça fluctue rapidement. On réfléchit bien plus vite qu’on n’écrit ou qu’on ne parle. Une idée, c’est un peu comme une vision, une image qui apparaît. Quand on parle avec un collègue mathématicien, on peut échanger des idées à un rythme incroyable. Un peu comme dans un film en accéléré. […]. L’écrit et même l’oral sont des formes primitives de communication. La pensée est beaucoup plus créative que la parole. La partie créative des mathématiques opère à ce niveau. 

 On explore des idées. L’exploration, c’est l’essence même des mathématiques. […] La science ou l’art sont une exploration. On tente d’explorer le monde de la nature, mais aussi notre monde intérieur. […] Un mathématicien est comme un peintre.Un artiste ne peint pas ce qui existe, mais ce qu’il voit.

C’est la même chose avec les mathématiques. On interprète le monde selon nos propres schémas, nos structures, selon les choses qui nous semblent belles et fondamentales. [….] on essaie d’utiliser son intuition fondamentale, son imagination. Et bien sûr, la pensée logique. Mais la pensée logique est la structure qui permet à votre vision de se développer et d’arriver à maturité. La logique n’est pas le processus créatif, c’est la structure à l’intérieur de laquelle les choses se développent. Beaucoup de gens pensent que les mathématiques sont une branche de la logique. C’est faux. Les mathématiques se rapprochent plus de l’art.

Le grand mathématicien allemand Hermann Weyl a dit un jour qu’il consacrait sa vie à la recherche de la vérité et de la beauté. Mais que dans le doute il choisissait la beauté. Ce qui veut dire que la vérité est une chose que l’on cherche mais que l’on n’atteint jamais. On n’arrive qu’à une vérité partielle. Alors que la beauté est immédiate et personnelle. Quand on voit quelque chose de beau, on sait que c’est beau. C’est certain. La beauté, c’est ce qui nous éclaire, ce qui nous mène dans la bonne direction. On espère qu’en la suivant, on atteindra notre objectif. Mais on n’atteint jamais la fin. La vie, comme les mathématiques, est une quête sans fin. »

 Cela ne revient-il pas, avec ses mots, à mettre la vérité du côté du manque à être, du sens après lequel le sujet court toujours, tandis que ce qu’il appelle la « beauté » (mathématique, bien sûr) serait en position de cause, et du côté du réel ? Comme tu l’as déjà souligné, Catherine.

 Quant à ce qu’il dit de la logique, ça me rappelle la phrase de Lacan : « Le signifiant est bête. » Alain Prochiantz, lors du débat sur « Ex vivo in vitro » voyait, lui, dans les mathématiques le dernier refuge de la poésie – qui est une toute autre façon de traiter le signifiant… Lacan déplorait, n’est-ce pas, de n’être « pas poâte assez ».

 Merci Alain, Catherine, et les autres…

 Dominique.

freud°spielrein°jung ~SOURCES

De : do
 
Qu’avez-vous pensé du film ? Je l’ai beaucoup aimé, à cause des acteurs, de la mise en scène. J’avoue que je ne me suis même pas posé la question de l’image que ça donne de la psychanalyse. Freud était sans doute le moins convaincant, on connaît trop sa tête. J’ai pris ça comme une fiction.

//

De : vé

J’ai également beaucoup aimé ce film. Je l’ai trouvé très intéressant, et j’ai de mon côté beaucoup aimé l’interprétation de Spielrein (son prénom m’échappe), psychanalyste que je ne connaissais pas. Sur quoi penses-tu que l’actrice a basé son jeu, au début du film, quand elle est en crise ? Pour ce qui est de Freud, je l’ai  beaucoup aimé. Et étonnée de le «découvrir juif ». Non, que je ne le savais, mais. Étonnée, tu sais, de cette réplique «Nous sommes juifs, quittez cet aryen ». Son interprétation, ce film, l’ancrent mieux pour moi dans la réalité de son temps. Mais, il est vrai que j’ai un gros problème avec l’histoire, que j’ai du mal à percevoir, à ressentir. Il manque la durée à ma notion du temps. Ce qui revient probablement à dire qu’il me manque le temps tout court. Cela dit, aurait-il pu dire ce genre de chose ? Alors, vraiment, je ne l’aurais pas deviné à lire ses écrits théoriques. Je n’ai pas lu toute son œuvre, mais beaucoup. Je suis maintenant très tentée de lire sa correspondance avec Jung. Et je n’avais pas noté que ses disciples de l’époque étaient tous juifs. Comment cela se fait-il ? Que cela m’aie échappé ? Peut-être n’est-ce pas très important. Peut-être Freud a-t-il écrit son œuvre en dehors de cette réalité-là, que le film, sa biographie révèlent justement. D’après l’article lu cette nuit dans LQ, l’article paru hier, il aurait été tenté « d’aryaniser » justement la psychanalyse, dans un souci d’en étendre la portée au plus grand nombre. Quel homme tout de même ! Et quelle époque ! Ce moment de la découverte ! Et que cette découverte il eut eu le talent de la communiquer, d’en faire mouvement ! Vraiment ce film est pour moi d’une grande intelligence, et confirme pour moi Croenenberg comme l’un des grands.
A tout à l’heure !
Véronique

//

De : do

Chère Véronique-eoik,
 
Merci pour ta réponse et pour ton commentaire ! Du coup, j’ai été lire celui de Clotilde Leguil, très juste, dans LQ 123. Il faudrait que je revoie le film. Comme je te le disais hier, j’ai été tellement prise au premier degré par le jeu des acteurs et l’intelligence de la mise en scène que, dans un premier temps, je ne me suis même pas posé de questions. Je ne sais pas sur quoi Keira Knightley s’est appuyée pour jouer ainsi (les critiques en disent peut-être quelque chose ?) Elle est magnifique.
 
Témoignage d’un jeune homme de mes amis, qui passait son bac l’an dernier. Sa mère, soucieuse de l’impact du film sur les jeunes, lui a demandé si ça lui donnait envie de lire Freud ou Jung. Réponse : « Ni l’un ni l’autre. Je l’ai juste pris comme un film et je le trouve excellent. »
 
Entre parenthèses, il se donne aussi en ce moment, et certainement pas pour longtemps, Augustine de Jean-Claude Monod et Jean-Christophe Valtat, sur les leçons de Charcot à la Salpétrière. C’est un film en noir et blanc, dont le propos est moins ambitieux (quoique…), plus confidentienl en tout cas. Passé inaperçu à sa sortie en 2003. Il y a également une étonnante performance d’actrice (Maud Forget). Et ça fait assez froid dans le dos.
 
J’avais lu dans le temps Sabina Spielrein, une femme entre Freud et Jung, paru il y a 30 ans et réédité en 2004, sous le titre simplifié Sabina Spielrein entre Freud et Jung.
 
http://www.cgjung.net/publications/sabina-spielrein/lettres-journal.htm
 
Si on en croit ce lien, la partie commentaires est un peu datée. Mais le livre reste intéressant pour les extraits du journal de Sabina, pour sa correspondance avec Freud et Jung, et pour des textes d’elle, en particulier un sur le langage enfantin. Autant qu’il m’en souvienne, c’est écrit avec beaucoup de fraîcheur – comme on écrivait à l’époque.
 
Alain nous a parlé aussi d’un texte récemment traduit, sur un cas de phobie, qu’il nous enverrait.
 
A très bientôt, oui !
 
Dominique.

Re: Re: Au bonheur des maths

Bien sûr, Isabelle, mais ces mathématiciens cherchent à approcher, avec leur vocabulaire, les phénomènes dont ils témoignent. Cela nous demande un effort de traduction ! Pas facile, car c’est plein de contradictions. Il ne s’agit sans doute pas de l’imaginaire comme nous l’entendons. Le terme de « vision« , que Michael Atiyah emploie aussi, convient peut-être mieux ? Avant de trouver quelque chose, ils écrivent beaucoup de formules, et en écrivent encore beaucoup après, pour vérifier une découverte, puis pour en formaliser la démonstration. Il insiste sur le fait que le chemin est semé d’essais et d’erreurs. Mais, et c’est ce qui m’a frappée, la trouvaille n’intervient pas quand ils ont le nez sur leurs équations. C’est un moment tout à fait particulier. Qu’est-ce qui pourrait traduire « vision » dans notre vocabulaire à nous ? Une sorte d’ « éclair », peut-être ?

« La pensée est beaucoup plus créative que la parole », dit-il encore. La pensée est bien du symbolique. Il s’agirait d’un discours sans paroles ? Cf. le travail de l’inconscient, les « pensées du rêve » chez Freud. Je divague. A l’aide, amis mathématiciens !

Enfin, ce terme si mystérieux de « beauté », que je distinguerai de l’ « élégance ». Les mathématiciens font aussi grand cas de l’élégance (c’est même un lieu commun), mais dans un second temps, celui de la démonstration. La démonstration, objet d’échange dans le monde scientifique. Alors que ce qu’il appelle la « beauté » intervient dans la quête et dans la découverte et, comme je le disais hier, me semble de l’ordre de la cause, propre à chacun. Cette appréhension de la beauté, Atiyah la qualifie de « certaine », d’ « immédiate et personnelle ». C’est sûr, la pratique des mathématiques génère chez certains un plus-de-jouir évident, une « lichette » de taille.

 Bon, tu vas les voir et de les entendre, ils sont passionnés (voire passablement allumés).

J’espère d’autres commentaires de toi après la visite.

 Dominique.

Et la critique cinématographique ?

Bonjour cher Malik,

J’attendais impatiemment ton opinion sur A dangerous method et… rien du tout ! Tu rappellerais-tu du nom d’un film assez récent traitant du même thème ? Et du nom du réalisateur ? Recommandes-tu quelque chose en ce moment ? Bon, il ne sort pas un chef-d’oeuvre tous les jours, mais à défaut ?

J’ai beaucoup aimé Tous au Larzac. Une affaire de génération, sans doute un peu, ou beaucoup ? Mais j’ai aussi été touchée par Sweetgrass : encore une affaire de moutons, bien plus récente, en même temps qu’un document ethnographique, puisque c’était la dernière transhumance de ces bergers et de leurs troupeaux (Montana, 2003).

Côté fiction, euh…, pas grand-chose.

A bientôt.

Dominique.

 

//

Bonjour chère Dominique,

oui effectivement, rien du tout de mon côté: mais cela va venir! En attendant, je suis avec attention les échanges sur le sujet.

Quant à des recommandations, je suis un peu emprunté: je vois les films en général assez longtemps à l’avance et je suis au fait des sorties en Suisse et en Allemagne, mais pas en France. Je vais me tenir plus au courant des films qui sortent en France pour pouvoir être plus en phase avec le groupe. Mais pour info: je vois beaucoup de films qui ne sortent jamais en salle dans nos pays formatés multiplex et art & essai intello-centrés, c’est un peu malheureusement ma spécialité.

 

Par contre, je recommande par défaut, car je ne l’ai pas vu mais aimerais le voir: Bruegel, le moulin et la croix.

A bientôt,

malik

 

RV : Bruegel, le moulin et la croix

Bruegel, le Moulin et la Croix

1h31mn‎‎ – Drame‎‎ – VO st Fr‎- Distribution: Rutger Hauer, Charlotte Rampling, Michael York, Oskar Huliczka, Joanna Litwin

Année 1564, alors que les Flandres subissent l’occupation brutale des Espagnols, Pieter Bruegel l’Ancien achève son chef-d’œuvre « Le Portement de la croix ». Derrière la Passion du Christ, on peut lire en filigrane la souffrance d’un pays en plein chaos. Le film plonge littéralement le spectateur dans le tableau et suit le parcours d’une douzaine de personnages au temps des guerres de Religion. Leurs histoires s’entrelacent dans de vastes paysages peuplés de villageois et de cavaliers rouges. Parmi eux Bruegel lui-même, son ami le collectionneur Nicholas Jonghelinck et la Vierge Marie

Vendredi 20 janvier à 17h 55 aux 7parnassiens. On entre dès qu’on peut et on se retrouve directement dans la salle ? Je devrai filer vite après. On échangera nos impressions sur Escapades
Dominique.

Cinéma Les parnassiens 98 boulevard Montparnasse 75014 Paris M° Vavin / Notre-Dames des Champs / Montparnasse / Edgar Quinet

Ce soir : Projection de « Compagnie », 23 janvier, ENTREE LIBRE

Lundi 23 janvier à 21h, au théâtre de la Madeleine, soirée commémorative en l’honneur de Pierre Chabert, comédien et metteur en scène, qui a travaillé avec Beckett pendant vingt ans. Projection de « Compagnie ». Entrée libre. C’est à 21h et il ne semble pas nécessaire de venir trop longtemps à l’avance. Vers 20h 45 ? Nous devons cette information à Jo Attié. Qu’en dites-vous ? eoik ?

Dominique.

le 30 mars, jean-quentin châtelain lira alain huck

Alain Huck, Danse, 2009, édition 1/3, jet d'encre sur papier baryt monté sur aluminium, 74 x 111 cm

Le 30 mars à 20h, au Centre culturel suisse (qui est un endroit très plaisant, 32 rue des Francs-Bourgeois, dans le 3e), lecture par le grand comédien Jean-Quentin Châtelain de « L’inspection des roses », livre-objet d’Alain Huck, composé de citations de 82 auteurs sur le thème des plantes.

Je suis tentée, et vous ?

L’entrée est libre, sur réservation au 01 42 71 95 70

Dominique.

Voir aussi : http://www.ccsparis.com/events/detail/277

__._,_.___

 

De l’art et de l’acte

L’entretien avec Jean-Pierre Raynaud paru dans La cause du désir n° 80, p. 118-130 (revue de l’ECF, nouvelle version) est une mine pour travailler cette question.

« C’est sur ce versant que j’attends les artistes, qu’ils prennent le risque d’aller jusqu’au bout, sans pour autant faire n’importe quoi, ni créer de confusion. L’art peut servir de détonateur et, du coup, la responsabilité de l’artiste est très importante. Il faut s’affranchir de la censure et prendre ses responsabilités, mais on ne peut pas, sous couvert d’art, faire n’importe quoi. Il faut à l’artiste une ligne claire, une intégrité, une éthique. (…). C’est là que se pose la question du but d’une œuvre d’art. On ne le sait pas très bien, on ne sait pas à quoi ça sert ni ce que c’est. La Maison a eu un statut artistique parce qu’on ne lui en a pas trouvé d’autre, et je l’ai assumé comme tel, sachant que ce n’était pas un objet d’art comme les autres. Du reste, je lui ai fait subir un autre destin que de terminer dans un musée comme les momies égyptiennes. » (p. 128-129).

On sait que, cette Maison, après avoir consacré vingt-cinq années de sa vie à la métamorphoser, Jean-Pierre Raynaud l’a détruite lui-même :

« A moi, la beauté ne fait pas peur. Je me dis au contraire que plus la chose sera belle, plus sa disparition sera intéressante, puisque c’est de la disparition de la beauté elle-même qu’il s’agit alors. Plus la chose est parfaite et plus j’ai de jouissance à sa disparition…  » (p. 124).

De l’art et de la fin de l’analyse

Dans le fil de ce que vous disiez à ce propos, je ne peux résister à y aller d’une petite citation de Lacan :

« Disons pourtant la fin de l’analyse du tore névrotique.

[…]

De tout cela il (l’analysant) saura se faire une conduite. Il y en a plus d’une, même des tas, à convenir aux trois dit-mensions de l’impossible : telles qu’elles se déploient dans le sexe, dans le sens, et dans la signification.

S’il est sensible au beau, à quoi rien ne l’oblige, il le situera de l’entre-deux-morts, et si quelqu’une de ces vérités lui parest bonne à faire entendre, ce n’est qu’au mi-dire du tour simple qu’il se fiera. » (« L’étourdit », Autres écrits, p. 487-488.)

Ce qui me renvoie encore à quelques citations de Jean-Pierre Raynaud : 

« ça ne m’a jamais plu de vivre. C’est comme ça. Dans la création, c’est autre chose. La création, pour moi, c’est une ivresse. Quand je remue des mètres cubes de terre, je ne pense à rien. (« L’intime et la matière ». Entretien avec Jean Pierre Raynaud », Revue La cause du désir, n° 80, p. 122.)

« A moi, la beauté ne fait pas peur. Je me dis au contraire que plus la chose sera belle et plus sa disparition sera intéressante, puisque c’est de la disparition de la beauté elle-même qu’il s’agit alors. (…) Je ne fais pas disparaître les choses parce que j’en ai assez, je les fais disparaître pour les protéger de la décrépitude. Un autre raccourci, contrasté, est celui de la vie : naître pour mourir. Il n’y a que le début et la fin qui peuvent être intéressants. » (op.cit., p. 124). 

« L’art est d’abord un moyen de sauver ma peau. » (op. cit., p. 125.)

Chic by accident, d’Yves-Noël Genod

Chic by accident, nouvelle pièce d’Yves-Noël Genod du 13 au 17 mars à la Ménagerie de verre, à 20h 30.

La Ménagerie de verre
12/14 rue Léchevin, 75011 Paris
Métro : Ligne 3 (Parmentier)

Ligne 9 (Saint-Ambroise)
Bus : Ligne 96 (Parmentier-République)
Ligne 46 (Parmentier-République ou Saint-Ambroise)

Chic by accident
Durée estimée : 75 mn
Avec : Jeanne Balibar, Valérie Dréville, Romain Flizot, Sophie O’Byrne, Lucien Reynes, Marlène Saldana, Wagner Schwartz, Dominique Uber, Charles Zevaco
Lumière : Philippe Gladieux

 

Photo François Stemmer. Jeanne Balibar.
Photo François Stemmer. Jeanne Balibar.

J’ai assisté à une répétition, ça m’a bien plu. Je dois vous avertir que c’est très « déshabillé », des vêtements circulent entre les acteurs (en qui l’on peut voir « des hétéronymes à la Pessoa ») et se posent sur l’un ou l’autre « comme des papillons », dixit Genod. Mais il n’est pas du tout dans la provocation. Pour moi, ça accentue la vulnérabilité propre aux comédiens. Ceux-ci sont très bons et je les trouve très courageux aussi ! 

La pièce est faite de bouts et de fragments (déplacements qui paraissent aléatoires, bribes de discours, bribes de musiques) mais trouve pourtant son unité. Si le metteur en scène voit le plateau comme « la maison des acteurs » (je le cite encore), il sait aussi faire du théâtre la maison des spectateurs. L’impression est très forte de participer ensemble, comédiens et spectateurs, à un rite, à une cérémonie.

Voilà ce qu’on en dit sur le site du théâtre: 

« Claude Régy avait envoyé Claude Degliame se faire faire une robe par Madame Grès. Madame Grès a donc placé Claude Degliame entièrement déshabillée au centre d’une pièce à la moquette épaisse et elle a commencé à dérouler le tissu autour d’elle. Les fameux drapés. « Taffetas carton, bleu canard, un rien ténébreux ». Coco Chanel disait, elle aussi, qu’elle ne savait pas à l’avance comment serait sa collection car elle faisait « ses robes sur les mannequins ». Yves-Noël Genod laisse les acteurs (ainsi que les spectateurs) se vêtir de leur imaginaire. Après le diptyque de la Cité internationale intitulé : – je peux / – oui, et plus récemment, La Mort d’Ivan Ilitch, au théâtre de la Bastille, le metteur en scène présente une nouvelle pièce de groupe en forme de manifeste. « Je suis ce qui m’entoure. / Les femmes comprennent cela. / On n’est pas duchesse / A cent mètres de son carrosse. » (Wallace Stevens le dit dans un poème justement intitulé Théorie) Soient donc ces portraits : / un vestibule sombre; / Un lit à baldaquin. / Ce ne sont là que des exemples. »

Je compte y aller le 13 15.

Dominique

Ô solitude, tu te souviens Géraldine?

Dans le film de Benoît Jacquot Villa Amalia, d’après le livre de Pascal Quignard, on peut entendre « Ô solitude, poème écrit par Katherine Philips au dix-septième siècle, mis en musique par Henry Purcell et chanté par Alfred Deller. »

Cf. l’article de Marie-Claude Chauviré, Lettre mensuelle n° 306, p. 7.

Dominique.

O Solitude
O solitude, my sweetest choice!
Places devoted to the night,
Remote from tumult and from noise,
How ye my restless thoughts delight!
O solitude, my sweetest choice!
O heav’ns! what content is mine
To see these trees, which have appear’d
From the nativity of time,
And which all ages have rever’d,
To look today as fresh and green
As when their beauties first were seen.
O, how agreeable a sight
These hanging mountains do appear,
Which th’ unhappy would invite
To finish all their sorrows here,
When their hard fate makes them endure
Such woes as only death can cure.
O, how I solitude adore!
That element of noblest wit,
Where I have learnt Apollo’s lore,
Without the pains to study it.
For thy sake I in love am grown
With what thy fancy does pursue;
But when I think upon my own,
I hate it for that reason too,
Because it needs must hinder me
From seeing and from serving thee.
O solitude, O how I solitude adore!

Katherine Fowler Philips (née le 1er janvier 1631, décédée le 22 juin 1664), dite l’incomparable Orinde (« the matchless Orinda ») est une poétesse anglo-galloise, connue notamment en raison de la reprise de son poème « O solitude » par Henry Purcell

« A quoi répond en nous : ennui »

——————– #1 ——————–

Chère Véronique,

Voici la citation complète que tu recherchais,
et un peu de son contexte :

« Un regard, celui de Béatrice, soit trois fois rien, un battement de paupières et le déchet qui en résulte : et voilà surgi l’Autre que nous ne devons identifier qu’à sa jouissance à elle, celle que lui, Dante, ne peut satisfaire, puisque d’elle il ne peut avoir que ce regard, que cet objet, mais dont il nous énonce que Dieu la comble ; c’est même de sa bouche qu’il nous provoque à en recevoir l’assurance.

A quoi répond en nous : ennui. Mot dont, à faire danser les lettres comme au cinématographe jusqu’à ce qu’elles se replacent sur une ligne, j’ai recomposé le terme : unien. Dont je désigne l’identification de l’Autre à l’Un.« 

Lacan, « Télévision », Seuil, 1974, p. 41.

Fi donc l’ennui ! Vive les multiples projets d’escapades et la « disparité » des textes qui en résultent.

Dominique.

——————– #2 ——————–

Merci beaucoup Dominique, l’ennui ne lasse pas de m’intéresser…

 Tentative de décryptage de la citation de Lacan :

Un regard –> un battement de paupières + un déchet.

l’Autre ≈ (identifié à) sa jouissance à elle

Mais que Lacan veut-il dire ? que dit-il, crois-tu Dominique ? Quel est cet ennui de « l’identification de l’Autre à l’Un » – du moment de l’identification de l’Autre à son seul regard, à sa seule jouissance à elle – à quoi lui, pauvre Dante, ne peut rien, mais qui elle la comble,  la faisant Une, Unienne en ce regard,  pleine – séparée, sans Autre ni autre…

Elle y est Une, en devient Autre pour lui (entraînant son ennui, à lui ?) L’unien entraînant l’ennui, la stase, le vide.

Voici, à tout hasard, la définition du mot « ennui » dans le Littré :

ennui

nm (an-nui, an prononcé comme dans antérieur)

1/ Tourment de l’âme causé par la mort de personnes aimées, par leur absence, par la perte d’espérances, par des malheurs quelconques. Le roi même arrivant partage leur ennui. [Corneille, Oedipe]
Contrariété. Cette affaire lui a donné beaucoup d’ennui. Être accablé d’ennuis.

2/  Sorte de vide qui se fait sentir à l’âme privée d’action ou d’intérêt aux choses. Donner, causer, avoir, éprouver de l’ennui. Un ennui mortel. Charmer les ennuis de l’absence. Quand on se verrait même assez à l’abri de toutes parts [des misères], l’ennui, de son autorité privée, ne laisserait pas de sortir du coeur où il a des racines naturelles, et de remplir l’esprit de son venin. [Pascal, Pensées]
Dégoût de tout. Tomber dans un ennui profond. L’ennui de la vie.
Mélancolie vague. L’ennui de Réné [le héros d’un roman de Chateaubriand]. Du romantisme jeune appui, Descends de tes nuages ; Tes torrents, tes orages Ceignent ton front d’un pâle ennui. [Béranger, Troubadours.]

REMARQUE

Dans le style relevé, ennui est un mot d’une grande force et qui s’applique à toutes sortes de souffrances de l’âme : les ennuis du trône ; des ennuis cuisants. Dans le langage ordinaire, il perd beaucoup de sa force et se borne à désigner ce qui fait paraître le temps long.

Le Fils
de Jon Fosse

Théâtre de la Madeleine

Texte français Terje Sinding

Avec
Michel Aumont
Catherine Hiegel
Stanislas Roquette
Jean-Marc Stehlé

Mise en scène
Jacques Lassalle

Décors
Jean-Marc Stehlé Catherine Rankl

Costumes Arielle Chanty

Lumières
Franck Thévenon

Son Julien Dauplais

Du 17 avril au dimanche 3 juin 2012

Du mardi au samedi à 21h
Le dimanche à 16h

En quoi cet ennui se rapproche-t-il de celui que vous avez éprouvé à la vision de la pièce de Jon Fosse,  ou que dit avoir éprouvé Géraldine :

Vos paupières sont lourdes… très lourdes… la note monocorde qui accompagne les premiers temps de la pièce diffusant son effet hypnotique irrésistible, nous met à rude épreuve et ajoute à une envie irrépressible de dormir, interprétée audacieusement comme une défense contre un réel inassimilable, sans exclure toutefois les manifestations de l’ennui profond face à la pauvreté de l’histoire.

… « monocorde », « hypnotique », dans un désir de représentation de la répétition inlassable d’un même Un… ((représentation impossible s’il en est)) Face à la jouissance de l’Autre, où il s’emmure sans nous, je nous vois bien ennuyés, finalement, oui, effectivement…

Ah! je regrette bien de n’avoir pas vu cette pièce !!!

Bien amicalement à vous,

Véronique

——————– #3 ——————–

Attention ! Lacan ne dit pas que Dante s’ennuyait ! La brièveté de la rencontre ne le lui aurait guère permis – sauf peut-être au sens classique, que tu as relevé dans le Littré, Véronique. Mais non, il était lui-même tout occupé de son objet, le regard de Béatrice, « déchet exquis ». Sans compter l’écriture…  Il semble s’être très bien accommodé que Béatrice ait « sa jouissance à elle ».

« A quoi répond en nous : ennui », dit le texte. C’est donc bien le nôtre, affect caractéristique de notre époque, paraît-il, qui ici nous interpelle.

 Dominique.

Richter, les tableaux incompréhensibles

« Ce qui fait vivre les tableaux », pour Richter, « c’est le désir d’y reconnaître quelque chose. Ils offrent à chaque instant des ressemblances avec des phénomènes réels auxquels ils opposent ensuite une forme de démenti. » Dietmar Elger, Gerhard Richter, Hazan, p. 222. D’où la tentation de donner des titres aux tableaux abstraits.

En effet, « Peindre, c’est créer une analogie avec ce qui est invisible et inintelligible et qui peut ainsi prendre forme et se rendre disponible. C’est pourquoi les bons tableaux sont incompréhensibles. » Op. cit., p. 259.

Incompréhensibles même pour le peintre, ajoute-t-il dans le film qui se donne au MK2 Beaubourg (Gerhard Richter Painting, documentaire de Corinna Belz).

D.

Lire/écrire // ce qui pousse à écrire

Depuis quelques années, je fais une petite enquête sur ce qui pousse les gens à écrire (ou pas, d’ailleurs). Je collectionne les citations et, quand l’occasion s’en présente, je pose directement la question. Les réponses sont très très variées, certains écrivent pour se souvenir, d’autres pour oublier…, chaque écrivain a évidemment la sienne. 

Mais c’est la première fois que je tombe sur une réponse comme celle de Véronique : écrire pour mieux lire. C’est peut-être parce qu’ elle n’est pas un écrivain (dit-elle)… A méditer.

Dominique.

« SOUS MA PEAU » de et avec Geneviève de Kermabon au Lucernaire : Prolongation !

Un joli spectacle, un « One woman show », avec une comédienne qui vient du cirque et qui sait incarner de multiples rôles. Il est question des hommes, des femmes, du désir…

Plus que deux jours pour le voir, mais il reprendra le 11 juillet (c’est elle-même qui nous l’a annoncé).

http://www.lucernaire.fr/beta1/files/dossiers_presse/Dossier de presse SMP pour mailing sans fonds perdus.pdf

Voici ce qu’écrit un ami à propos de « Sous ma peau ».

Dominique.

« Si vous avez la possibilité d’assister à ce spectacle, n’hésitez pas. Ce n’est pas tous les jours qu’on redécouvre que la magie théâtrale, ce n’est pas un vain mot. Une présence rare, troublante, une Circé de la scène, qui ne vous transformera pas en pourceaux, mais vous charmera délicieusement. Des moments de grâce insolite, avec cet ange du bizarre, le théâtre fait agir ses pouvoirs un peu sorciers, et on en est ravi. »

Claude M.

Sous ma peau / Le manège du désir

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