Nus de Degas au musée d’Orsay

Je vous adresse ce texte écrit le jour de l’ouverture de l’exposition.

 

Chers amis et compagnons de contemplation,

Je viens de rentrer d’une escapade solitaire au musée d’Orsay où sont présentés des nus de Degas d’une grande beauté…


Degas et le nu
Musée d’Orsay
13 mars – 1 juillet 2012

Je vous livre ici quelques impressions sur le vif d’une émotion intense et durable: ravissement…

Des nus, des nus, des nus, partout des nus! Vous êtes prévenus!

Des corps dénudés de femmes et de quelques trop rares hommes (ceux-ci restant pudiquement habillés, même au bordel!), croqués, esquissés, estompés, huilés, au sang d’encres, de fusains, tout pastels, ou colorés à outrance.

Des silhouettes devinées, des baigneuses surprises, des tentatrices démystifiées, des séductrices lascives, des jeunes filles sages, des filles de joie, des vieilles femmes, le corps féminin est décliné en variantes souvent empreintes des clichés de l’époque, mais reste largement sublimé par la beauté de la peinture exceptionnelle de l’artiste.

Le bidet, le tub, le bain, la coiffeuse, le peigne, l’éponge, la serviette, la cheminée de la chambre, ou la fraîcheur du jardin, tout est bon pour créer l’atmosphère et pour rendre la toilette et ses gestes d’une intimité dérobée d’une sensualité diffuse, surannée. Une question surgit, les femmes au bain restent le thème de prédilection du peintre, et se répètent avec insistance, comme pris dans une obsession de purification ou d’un fantasme religieux qui contrastent avec la part belle faite aux scènes de bordel.

Les titres évocateurs au vocabulaire détaillé de la passe: Attente, En attendant le client, L’entremetteuse, Repos sur le lit, Conversation, Le client sérieux, etc… renvoient aux scènes troublantes mais racoleuses des maisons closes, réduisant les femmes à des objets, des marchandises à disposition du bon plaisir des hommes, laissant peu de place à la psychologie des femmes d’alors. Tout comme les scènes du petit déjeuner ou de la toilette dans des intérieurs bourgeois marquent et témoignent des styles de vie d’une époque pas si lointaine qui enfermaient les femmes mondaines dans des postures d’attente, comme chosifiées, les peintures des nus de Degas paradoxalement ne montrent rien de l’énigme de la féminité, et par cette absence, suscite-t-il peut-être le questionnement? Des nus qui dénudent les corps, mais laissent à l’âme son entier mystère, …les visages floutés, effacés, ne dévoilent rien…

D’autres nus de grands peintres viennent ponctuer et créer des surprenantes ruptures dans ce parcours répétitif dans la peinture de Degas: Renoir, Manet, Caillebotte, Matisse, Gauguin… et Picasso, avec son magnifique Nu sur fond rouge.

Une exposition à voir.

Bonne fin de soirée.

Géraldine.

Gerhard Richter (sur le bruit de la peinture)

très beau documentaire sur Richter, oui Dominique, que j’ai pu moi aussi voir l’autre jour dans ce merveilleux petit cinéma (MK2 Beaubourg) ( où se jouent en ce moment, entre autres, Saya Zamuraï, Cosmopolis, Avé et Il n’y a pas de rapport sexuel). 

on y assiste à la genèse très physique, sensorielle, de deux, trois grands tableaux abstraits. sont très étonnants les bruits, en forme de musique,  que fait la grande racle de peinture quand elle glisse sur la toile, conférant à son avancée aveugle un caractère épique, les longues traces, sillons, stries qu’elle tire lentement sur la toile encore vierge ou au travers des couches de peintures déjà posées, qu’elle balaie, détruit.

je n’ai pu m’empêcher de songer aux longues chevelures de Degas (voir l’exposition Degas et le nu au Musée d’Orsay, du 13 mars au 1er juillet 2012) où le peigne passe, ainsi qu’à ces peignes que dans un jeu de mot Duchamp rapportait à la peinture : « que ça peigne », à une époque où certaines avancées techniques, futiles pour le profane, d’importance pour les peintres, comme l’industrialisation de la fabrication de la peinture, amenée dorénavant à sortir de tubes, « readymade », « déjà faites, toutes faites », mais aussi les avancées de la photographie et de la reproduction mécanique, conduisaient les peintres à reconsidérer leur medium : la peinture même, avec lequel il perdait, non sans nostalgie,  un certain rapport physique, artisanal. perte qui conduira des Kandinsky à tout laisser pour ne garder qu’elle : la peinture, la couleur, lui ouvrant les territoires de l’abstraction où elle puisse s’épanouir, jouir, jouer. c’est au moment donc où se perd un rapport physique à la peinture, que les peintres, au moins pour certains d’autres eux, trouvent à nouer avec elle de nouveaux liens. c’est comme ils la perdent, qu’ils la découvrent, en découvrent la physicalité, la font passer au concept. d’où, chez des Degas, par exemple, ces toiles, comme des corps, comme des corps de femme, que le pinceau, le peigne, du peintre vient mettre au monde. c’est particulièrement visible, dans l’exposition des Degas et le nu  avec ses très beaux monotypes : de  l’encre posée sur une plaque, la recouvrant complètement, est travaillée au doigt, à la brosse, au peigne, la plaque étant ensuite retournée sur une feuille de papier, pour une impression unique.

L’un des choix de Richter se situe là : un choix de la peinture (des peintures primaires, simples, dit l’un de ses assistants) dans ce qu’elle comporte de physique, dans ce qu’elle apporte de plaisir, « c’est si amusant de faire ça ». la peinture finalement devenue inutile n’ayant (enfin) laissé d’elle que sa jouissance (« inutilité de la jouissance »), une jouissance à portée de main, à prendre à bras le corps (c’est Jules qui faisait remarquer qu’il devait être costaud, cet homme, Gerhard Richter).

véronique

nb : je ne suis pas sûre du mot racle.

« Le fait que les peintres ne broient plus leurs couleurs paraît de prime abord n’être que la conséquence évidente de la disponibilité des tubes de couleur produits industriellement. En réalité ce fait est d’une importance extrême quand on cherche à comprendre les changements culturels qui bouleversèrent la tradition de la peinture et firent du modernisme une sorte d’anti-tradition, conduisant au déclin de la peinture comme métier et à sa renaissance instantanée comme idée. Aux vieux jours de la peinture ancienne, le broyage des couleurs, comme la confection des châssis, l’apprêt de la toile et d’autres pratiques préparatoires, était loin d’être considéré comme une activité subalterne. Cennino Cennini le prescrit comme un processus important presque amoureux, dans lequel s’entendent déjà les échos de la masturbation olfactive de Duchamp […] » Thierry de Duve, Résonnances du Readymade, Duchamp entre avant-garde et tradition, p. 166.

Shame de Steve McQueen et Les nus de Degas – note 0

Edgard Degas, Intérieur (appelé aussi « Le viol »)
Shame, Steve Mc Queen

0/ Partir de la honte ( relire la « Note sur la honte » de Miller)

D’instinct, aller d’abord vers l’ontologie, parce que concernant cette « science de l’être », Lacan préconisait  de plutôt l’écrire avec un H :  « Hontologie« . Quand Miller nous apprit l’année dernière à l’opposer à l’hénologie.

Hénologie opposée à ontologie.
L’un opposé à l’être,
L’existence à l’essence. 

La honte, celle que vous éprouvez à vous être approché au plus près du noyau de votre être (ai-je retenu de ce que me dit, il y a bien longtemps, mon analyste, peu avant que je n’arrive à Paris (( en ce qui me concerne, la honte d’écrire…))). (( Il y a plus longtemps encore, arrivant juste en analyse, pour ma part je lui dis: « Je ne suis pas venue ici pour demander pardon. Ici, je veux être sans pardon. »))

Déjà, reconnaître dans ce « noyau de l’être », ce qui fait la marque du sujet, sa brulure, dont, s’il convient qu’il se détache de la passion,  il ne convient pas qu’il ne l’assume, ne s’en tienne responsable. Ce que je peux en dire. Du symptôme au sinthome ( ?) (( Et l’Hontologie avec un H de Lacan se ferait précurseur de l’hénologie de Miller. L’hontologie lacanienne extime à l’ ontologie. Ce noyau de l’être extime à l’être.)) 

« J’aimerais au moins être arrivé à vous faire honte » – Lacan J., citation approximative.

 

 

Vous envoie mes notes, et encore, de façon fragmentée. Un texte en effet traîne sur mon bureau, qui n’est pourtant pas long, et que je n’ai même pas eu (pris) le temps de finir de retaper ; il traite de l’exposition sur les Nus de Degas, du  film Shame et de la salle de bain…

Ne s’agit-il pas également avec Escapades d’un laboratoire d’écriture, aussi bien que d’e-lecture…..

Bien à vous,

Véronique