burlesque

Bonjour

Je tombe par hasard sur ceci
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/03/09/la-culture-plus-on-la-consomme-plus-on-a-envie-d-en-consommer_1655773_3246.html

Le genre d’article qui me donne envie de balancer une brique dans mon pc

« ou simplement être plus productif au travail grâce au plaisir que vous avez ressenti. En bref, vous serez un meilleur citoyen et cela va profiter à la société. »

Quelle horreur
Quelle honte

Votre,
Guy.

 

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 Je préfère :

La culture / C’est comme le riz / D’abord c’est dur / Ensuite c’est cuit… 

(in « – je peux / – oui« , d’ Yves-Noël Genod).

 

Dominique.

 

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 Eh bien oui, cher Guy, si le capitalisme investit dans la culture ce n’est pas pour nos beaux yeux! Il sait sur quel bouton appuyer pour nous faire jouir et produire comme il veut. Il sait même perfectionner cela en s’appuyant sur Freud ( la sublimation, qui a des effets thérapeutiques), sur Marx ( la plus-value) et maintenant sur Lacan ( le plus-de-jouir). On appelle cela du détournement, de l’exploitation du bien de l’autre.

À nous d’y résister de la bonne manière, à ce pousse-à-jouir sans fin d’objets standardisés venant du marché.

Et la seule résistance qui vaille, c’est ce qui fait référence pour chacun: son petit a ! Ce n’est que par lui qu’on peut faire solidement objection à la standardisation de la jouissance.

L’usage de la culture pour l’obtention d’objets humains équilibrés en vue d’une meilleure exploitation de leur force de travail est vieux comme le monde: bien nourrir ses esclaves! Certaines entreprises offrent aujourd’hui gratuitement des séances de psychothérapie à ses salariés. Le système s’est perfectionné en passant de l’esclavage au salariat, via  » la servitude volontaire » ( cf La Boetie )

À ce titre-là, je serais toujours plutôt Loup que Chien ( cf le Loup et le Chien, fable de Jean de la Fontaine), Plus Lobito (lol)que chiot.

Soyons arteurs de nos vies!

Al

 

 

Envoyé de mon iPhone

 

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Bonjour

Oui, sans doute!
Bon je relisais ça ce matin:

192

La consommation spectaculaire qui conserve l’ancienne culture congelée, y compris la répétition récupérée de ses manifestations négatives, devient ouvertement dans son secteur culturel ce qu’elle est implicitement dans sa totalité : la communication de l’incommunicable. La destruction extrême du langage peut s’y trouver platement reconnue comme une valeur positive officielle, car il s’agit d’afficher une réconciliation avec l’état dominant des choses, dans lequel toute communication est joyeusement proclamée absente. La vérité critique de cette destruction en tant que vie réelle de la poésie et de l’art modernes est évidemment cachée, car le spectacle, qui a la fonction de faire oublier l’histoire dans la culture, applique dans la pseudo-nouveauté de ses moyens modernistes la stratégie même qui le constitue en profondeur. Ainsi peut se donner pour nouvelle une école de néo-littérature, qui simplement admet qu’elle contemple l’écrit pour lui-même. Par ailleurs, à côté de la simple proclamation de la beauté suffisante de la dissolution du communicable, la tendance la plus moderne de la culture spectaculaire — et la plus liée à la pratique répressive de l’organisation générale de la société — cherche à recomposer, par des « travaux d’ensemble », un milieu néo-artistique complexe à partir des éléments décomposés ; notamment dans les recherches d’intégration des débris artistiques ou d’hybrides esthético-techniques dans l’urbanisme.

Ceci est la traduction, sur le plan de la pseudo-culture spectaculaire, de ce projet général du capitalisme développé qui vise à ressaisir le travailleur parcellaire comme « personnalité bien intégrée au groupe », tendance décrite par les récents sociologues américains (Riesman, Whyte, etc.). C’est partout le même projet d’une restructuration sans communauté.

http://dumauvaiscote.pagesperso-orange.fr/la_societe_du_spectacle/societespectacle.htm

Bonne journée
Guy.

Cosmopolis – un rat à la mesure de toute chose

Cosmopolis, le film. Je ne l’ai pas aimé, trouvé trop bavard et…. trop peu cauchemardesque ( déçue ( vos « avertissements » avaient sonné comme des promesses pour moi ;)) ).  Mais j’ai acheté le livre de Don DeLillo, que j’ai commencé à lire ,sachant que Cronenberg avait repris très fidèlement tous les dialogues du livre.

Catherine, il ne me semble pas qu’il n’y ait pas de femmes dans ce film, pas de voix de femmes, ou qu’elles soient uniquement intéressées par l’argent… Certes, ses interlocutrices travaillent pour lui, Eric Packer (de même que chacun de ses interlocuteurs), en dehors de sa femme, qui, par ailleurs, ne veut pas coucher avec lui… Mais, est-ce que ça en fait des prostituées pour autant ? Ils se parlent, il les écoutent, elles lui parlent. Elles sont séduites, peut-être par son argent, peut-être par cette forme de savoir qu’il détient sur le fonctionnement du monde, du capital, de la finance, du chiffre, cette forme de savoir proche de la certitude où le doute prend peu de place : rien ne vaut rien, tout vaut tout, un rat est la mesure de toute chose, seul compte le chiffre. 

C’est à et endroit-là que le film se situe dans la problématique de « l’Un sans l’Autre ». C’est le chiffre qui apporte la valeur, valeur que lui, Packer, tente ramener à un système, de rapporter à un discours – au risque finalement de sa vie. Il n’est pas complètement blasé, il ne cesse de parler et d’entraîner les autres à parler. Il y a d’un côté l’Un qui l’a mis dans la position où il est, et il y a l’Autre encore auquel il aimerait incorporer la logique réduite mais implacable de l’Un. Sa certitude d’un côté, le doute auquel il cherche à s’initier de l’Autre.

« Tu vis dans une tour qui monte jusqu’au ciel sans que Dieu la punisse. »

Si je me réfère à la « Note sur la honte» de Jacques-Alain Miller, je dirais : il est sans vergogne, il n’a pas de honte et personne qui veuille lui faire honte. Éventuellement, va-t-il vers sa honte, vers cette figure de double inversé ( ainsi que le remarquait finement un ami), qui essaiera de lui faire honte, sans y parvenir ( – Ne me faites pas rire. – Je ne dois pas le faire rire.) Plus personne n’y croit. La machine capitaliste est implacable. L’Un va sans l’Autre.

Véronique

Sur le doute, sur la montée du doute :

« Il y a un ordre quelque part, à un niveau profond, dit-il. Un schéma qui veut apparaître.

– Alors regarde-le. »

Il entendait des voix dans le lointain.

« Je l’ai toujours fait. mais dans ce cas particulier, il est évasif. Mes experts se sont donné un mal fou mais ils ont pratiquement renoncé. J’ai travaillé là-dessus, dormi là-dessus, et pas dormi là-dessus aussi. Il y a une surface commune, une affinité entre les mouvements de marché et le monde naturel. *

– Une esthétique d’interaction.

– Oui. Mais dans ce cas je commence à douter de la trouver un jour.

– Douter. Qu’est-ce que le doute? Tu ne crois pas au doute. Tu me l’as dit. La puissance de l’ordinateur élimine le doute. Tout doute provient d’expériences passées. Nous connaissons le passé mais pas le futur. C’est en train de changer, dit-elle. Il nous faut une nouvelle théorie du temps.

Dialogue entre Vija Kinski, sa conseillère en matière de pensée, et Eric Packer dans Cosmopolis le films et Cosmopolis, le livre de Don DeLillo, Babel, p. 98

sur le prix, sur le chiffre :

« Le concept de propriété se modifie de jour en jour, d’heure en heure. Les dépenses énormes que font les gens […] Ça n’a rien à voir avec la confiance en soi à l’ancienne, d’accord. La propriété n’est plus une affaire de pouvoir, de personnalité et d’autorité. Elle n’est plus une affaire d’étalage de vulgarité ou de goût. Parce qu’elle n’a plus ni poids ni forme. La seule chose qui compte c’est le prix que vous payez. Toi-même, Éric, réfléchis. Qu’est-ce que tu as acheté pour cent quatre millions de dollars? Pas des dizaines de pièces, des vues incomparables, des ascenseurs privés. Pas la chambre à coucher rotative ni le lit informatisé. Pas la piscine ni le requin. Les droits aériens peut-être? Les capteurs à régulation et l’informatique? Pas les miroirs qui te disent comment tu te sens quand tu te regardes le matin. Tu as payé pour le chiffre lui-même. Cent quatre millions. Voilà ce que tu as acheté. Et ça les vaut. Le chiffre est sa propre justification.« 
 Ibid., p. 89

 

NOTES

* A ce propos, pour un prolongement de l’analyse de ce film, j’invite à se rapporter à ce que dit Jacques-Alain Miller du « monde naturel » dans sa présentation du thèmes des prochaines journées du Congrès de l’AMP. Eric Packer croit à une nature qui n’existe plus, n’a pas eu l’idée du « désordre dans le réel » – son aymétrique prostate. Ou n’a pas réussi à l’incorporer dans son système : un élément de la nature –> un chiffre.