Une soirée sur la Chine le 7 décembre à 21h 15

Une soirée sur la Chine le 7 décembre à 21h 15, au local de l’ECF, organisée par l’équipe de la bibliothèque (dont je fais partie). Il y sera question entre autres de l’écriture chinoise. Cette affaire de la calligraphie chinoise rejoint nos interrogations sur l’art et l’acte, si j’en crois les quelques lectures que j’ai faites. Cf. « L’unique trait de pinceau » du moine Citrouille-amère, dont parle Lacan. Bon, j’avoue que nous ne savons pas exactement ce que diront nos quatre invités, nous ne leur avons pas demandé leurs textes. Ce sera une surprise ! Mais je peux vous dire que ce sont des gens passionnants. Quelques précisions dans Babel n° 11, qui se trouve en pièce jointe et sur ECF-Alexandrie.

Dominique

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Babel n°11 – novembre 2011
Bulletin Apériodique de la Bibliothèque de l’École de Lacan-ecf
Sommaire :
– Soirée de la bibliothèque du 7 décembre 2011 : « Lire Lacan en Chine »
– Une offre de la bibliothèque aux responsables des Enseignements à l’ECF
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Vous trouverez le Babel n° 11 en attaché

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Soirée de la Bibliothèque
Mercredi 7 décembre 2011 à 21h15
1, rue Huysmans 75006 Paris

Le symbolique au XXIe siècle
Le signifiant vivant : « Lire Lacan en Chine »

Nathalie Charraud présentera un exemple chinois de pas-tout, tiré d’un commentaire de l’Art de la guerre de Sun-tsu.

Alain Cochard se propose de montrer que les références de Lacan à la culture chinoise et en particulier à Mencius répondent à des problèmes cliniques. Il prendra la courte référence à Mencius à la fin du Séminaire VII pour montrer qu’elle s’inscrit dans la question de Lacan concernant ce qu’on est en droit d’attendre d’une analyse menée à son terme.

Jean-Louis Gault fera le point sur les caractéristiques de l’écriture chinoise, en ce qui la distingue d’une écriture alphabétique et ce pour quoi elle a pu intéresser Lacan, qui était à la recherche d’une théorie de l’écriture, qu’exigeait la nature du symptôme chez le parlêtre.

Catherine Orsot-Cochard traitera des « pouvoirs de la cursive », en référence à la phrase de Lacan dans « Lituraterre », Séminaire XVIII, p. 120 : « Ça me fascine, ces choses qui pendent, kakemono, c’est comme ça que ça se jaspine, les choses qui pendent au mur de tout musée là-bas, portant inscrits des caractères, chinois de formation, que je sais un peu, très peu, mais qui, si peu que je les sache, me permettent de mesurer ce qui s’en élide dans la cursive, où le singulier de la main écrase l’universel, soit ce que je vous apprends ne valoir que du signifiant. »

On trouvera des échos des récents voyages de nos collègues en Chine dans Lacan quotidien n° 10, 27, 40, 42, 59, 73, 84, 90, 91, et dans Babel n°11 une brève bibliographie sur le thème de la soirée, disponibles sur le site : http://ecf.base-alexandrie.fr/
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Tao : le faire sans nom n’ayant désir et le nom ayant désir

Cher Alain, en début de réponse à ta proposition sur le « faire » de l’artiste, ce merveilleux texte d’Eric Laurent sur le vide-médian où sont confrontés, en Chine, par Cheng et Lacan,  « le faire » et « le parler ».

A ce texte, et un peu paradoxalement, j’ajouterais : y aurait-il un lien à établir entre

.d’une part, l’opposition que découvre Lacan dans le Tao du dire et du fairele faire sans nom n’ayant désir et le nom ayant désir -, « dilemme » avec lequel il se demande « comment vivre?  », à quoi Cheng répond spontanément : « par le vide médian »

.et, d’autre part, le Witz  que préconise Duchamp quand il veut tirer le conséquences de ce que « le faire » n’est plus possible en peinture du fait que ce sont maintenant les machines qui font et que la peinture arrive « ready-made » ? Ce Witz lui ouvre-t-il la voie du Vide médian dont Lacan et Cheng s’attachent à « élucider la réalité »?

Et puis, tu vois, Dominique, moi aussi, on dirait, que je vais vers la Chine….

Bon dimanche à tous,

Véronique

le vide-médian

La Voie qui peut s’énoncer

N’est pas la Voie pour toujours

Le nom qui peut se nommer

N’est pas le nom pour toujours

Sans nom : Ciel-et-Terre en procède

Le nom : Mère-de-toutes-choses

La Voie/voix, en tant qu’elle est avant tout nomination puis l’effet de nomination, qui fait venir quelque chose, mais quoi ?, car c’est là où ça n’est pas grec : il ne s’agit plus de faire venir à l’être, mais à un certain usage. Le chinois n’est pas une langue indo-européenne, il ne connaît pas le verbe être, à la place de la copule il y a cette invention propre au chinois qui est que le mot Tao veut dire tout à la fois faire et dire, énoncer.

Et c’est une des histoires les plus extraordinaires de la pensée que révèle l’histoire de la pensée en Chine, où la pensée chinoise a réussi à accueillir l’être transmis par le bouddhisme sous le mode du vide, parce qu’il parlait le sanskrit, une langue indo-européenne, donc, impliquant l’être et le non-être, et que les Chinois ont mis quand même huit cents ans pour faire se rejoindre le Tao et le vide bouddhique. Ça a pris beaucoup de temps, et causé beaucoup de frictions dans les différentes écoles chinoises, pour ajuster deux notions qui n’avaient rien à voir, et pour en faire une création de discours, qui, elle, sera transmise au Japon, avec le bouddhisme que l’on appelle zen. La secte Chan a mis au point, précisément, une version un peu sophistiquée de cette combinaison entre le vide hindou et le Tao chinois.

Là nous avons la Voie/voix en tant qu’elle est d’avant la nomination, et Cheng dit qu’en lisant ce texte, Lacan dit : c’est merveilleux !, s’arrête, arrête Cheng et lui fait le petit schéma suivant :

Il lui dit : voilà, il y a le Tao, alors faisons deux registres, le faire –  le parler, ce qui est sans nom, ici – et le nom, ce qui est n’ayant désir, et ce qui est ayant désir. Lacan lui fait donc ce petit schéma, mais il dit tout de suite qu’« il s’agit maintenant de savoir comment tenir les deux bouts, ou plutôt ce que Lao-Tseu propose pour vivre avec ce dilemme. »

Et là, ce qui intéressait Lacan parlant avec Cheng, c’était la solution proposée, et, dans le témoignage de Cheng nous lisons ceci : « Sans trop réfléchir, je réponds : « Par le Vide-médian ». Ce terme de Vide-médian une fois prononcé, nous n’avons eu de cesse que nous n’ayons élucidé la réalité de cette notion fondamentale entre toutes ». Après avoir fouillé les sources, vérifié les interprétations, ils ont donc pu établir que le trois, chez Lao-Tseu, n’était autre que le Vide-médian. Or, à suivre Cheng, qui est ici le spécialiste, alors que, jusque-là, le trois n’avait pas beaucoup retenu les spécialistes de la pensée chinoise, qui s’arrêtaient au deux, à l’opposition du Yin et du Yang, cette interprétation est désormais adoptée par tous les sinologues ainsi que par les savants chinois eux-mêmes. (Cf : L’Âne,  p. 53). Ils se sont appliqués à observer les multiples usages du Vide-médian dans le domaine concret à l’intérieur d’une personne – c’est très précieux, le Vide-médian à l’intérieur d’une personne – dans un couple, entre deux tribus, (en se référant à Lévi-Strauss), entre acteur et spectateur au théâtre etc.

Voilà donc, dans le concret, où se situe le vide. Comment articuler le vide, c’est ce qui intéressait Lacan. L’usage correct du vide, de ce Vide-médian qui est une sorte de version du littoral, soit ce qui sépare deux choses qui n’ont entre elles aucun moyen de tenir ensemble, ni aucun moyen de passer de l’une à l’autre.

« Shih-t’ao n’a-t-il pas parlé d’Universelle Circulation ?, poursuivait-il. Cela explique peut-être que les Chinois aient privilégié la notion de sujet/sujet, au détriment de celle de sujet/objet, puisque tout métaphorisé que soit le sujet, ce qui importe à leurs yeux, c’est ce qui se passe entre les sujets, plutôt que le sujet lui même, en tant qu’entité séparée ou isolée. Là intervient encore, sans doute, le Vide-médian » conclut Lacan.

Eric Laurent, « La lettre volée et le vol sur la lettre ». Conférence prononcée au Cours de Jacques-Alain Miller : « L’expérience du réel dans la cure analytique » 1998-1999 (inédit). Publiée dans La Cause freudienne n° 43, « Les paradigmes de la jouissance », p. 22.

Ai Weiwei : « Entrelacs » au Jeu de Paume

Bonsoir Vanessa et Isabelle,
Un rapide retour donc sur cette exposition nouvelle, intéressante pour ceux que la transformation de la Chine actuelle et ses dérives inquiétantes dans l’œil de cet artiste engagé et cynique accrochent. De l’humour contestataire corrosif au drame de la mondialisation qui rase la culture traditionnelle au nom du profit, des entrelacs de l’effet du malaise contemporain ‘pour tous’.
Géraldine.

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escapades aux pays du soleil levant

– DES TRADITIONS À LEUR ENVERS –

Je voudrais vous faire part des impressions et réflexions que m’ont inspirées mes deux dernières escapades au cœur de deux cultures extrême-orientales : le Japon d’une part avec le spectacle des Tambours japonais de Kodo dirigés par Tamasaburo Bando sous le titre « Dadan » auquel j’ai assisté à la dernière (à plusieurs !) au Théâtre du Châtelet le samedi 18 février et la Chine d’autre part avec l’exposition de l’architecte et photographe Ai Weiwei intitulée « Entrelacs » que j’ai visitée (à deux !) au Jeu de Paume en son jour d’inauguration le 21 février.

J’aimerais vous faire partager le contraste flagrant auquel j’ai été sensible qui a émané de ces deux événements culturels vécus à trois jours d’écart. Autant les percussionnistes de Kodo avec leurs multiples tambours et grosses caisses m’ont semblé transmettre à la perfection des traditions séculaires qui se perpétuent depuis quarante ans dans « la lointaine île de Sado, en mer du Japon » même si celles-ci ont été revisitées par une chorégraphie moderne dirigée par Tamasaburo Bando ; autant les photographies et les blogs de Ai Weiwei m’ont laissé dans un certain malaise à montrer l’arasement de la culture chinoise traditionnelle réputée pour être plusieurs fois millénaire et ce au nom de la mondialisation et du profit financier à tout crin.

Autant les tambours de Kodo ont fait battre mon cœur d’occidental (il faut noter qu’en langue japonaise « kodo » signifie « battement de cœur »), autant les clichés de Ai Weiwei m’ont déprimé à constater les ravages perpétués sur les villages ancestraux pour laisser la place aux buildings « made in monde », aux « Down Town » standardisés, banalisés où scintillent les lettres des grands financeurs.

Le spectacle « Dadan » était impressionnant de maîtrise de cet art des percussions aux sonorités inimaginables associé à une chorégraphie très physique voire sculpturale. Une pure beauté qui a été fort applaudie. J’ai eu le sentiment très étrange mais en même temps très rassurant d’avoir traversé toute l’histoire de l’humanité jusqu’à l’origine primitive de la communion humaine par la découverte de la musique. Il m’a semblé évident que les percussions ont été les premiers outils de la sublimation du caractère animal dont étaient encore empreints les primates (je vous renvoie aux premières scènes du film de Stanley Kubrick 2001 L’Odyssée de l’espace !) Je me suis senti très proche de mes ancêtres du Neandertal. Quoi de plus troublant et réjouissant que cette chaîne humaine que les tambours de Kodo perpétuent !

La mise en images de la Chine nouvelle par Ai Weiwei m’est apparue plutôt de l’ordre d’une coupure radicale entre la tradition et l’individualisme outrancier. Les doigts d’honneur perpétués par l’artiste jusqu’à plus soif (sous couvert de ce qu’il nomme une « perspective ») devant les représentations de la diversité des cultures du monde (Paris, Venise, Rome, Berlin, New-York…) finissent par donner la nausée tant la dérision et la position de déchet sont à leur comble. Comme si ces doigts d’honneur pointaient l’arasement de la différence pour privilégier le « tous pareils ! » N’est-ce pas tout bonnement ce qui se profile à notre horizon prochain ?

Mais fort heureusement il y a encore des percussionnistes pour nous savoir encore des sujets doués d’humanité.

Bien à vous.

 José Rambeau (le 22 février 2012)