Gerhard Richter à la Tate modern

Tiens tiens, que dit donc Pierre Naveau de cette exposition (voir Lacan Quotidien n°120) ?

NB : Richter doit être l’un des mes peintres préférés, sinon, mon peintre préféré. Et, et, et, l’exposition sera à paris en juin !!!

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▪ Lecture d’une Oeuvre ▪

Londres, Tate Modern, Gerhard Richter : Panorama Pierre Naveau

GERHARD RICHTER EST UN PEINTRE POUR QUI, ÉTANT NÉ EN 1932, LA GUERRE A ÉTÉ UN MOMENT-CLÉ. LA QUESTION, EN EFFET, SE POSE : QUE PEUT LA PEINTURE PAR RAPPORT À L’HISTOIRE ?

Confrontation 3, 1988. Oil on Canvas 112 cm X 102 cm

Pendant un temps, Richter a peint à partir de photographies, s’appuyant sur elles en tant que supports de son inspiration. L’exposition de Londres montre une série de tableaux dans lesquels apparaît une variété de gris. Le gris, a pu dire Richter, c’est «l’indifférence, le non-engagement, l’absence d’opinion ». Quatre termes définissent, selon lui, cette tendance à donner au gris le pas sur les autres couleurs : la perte, le chagrin, la frustration et le dégoût. Richter a peint, par exemple, le bombardement de Cologne pendant la guerre, des faits d’armes des membres de la bande Baader-Meinhof ou la catastrophe du 11 septembre 2001. La dominante de ses tableaux est une sorte de brume qui irréalise la réalité, qui donne au réel une valeur de « semblant ». C’est le mot que lui-même utilise : Painting concerns itself exclusively with semblance. Puis, il y eut le passage à la couleur. Richter a peint ainsi des paysages, des montagnes, des mers, des ciels, des villes. Des couples – joyeux – s’ébattent. Les corps sont nus, mais – à l’opposé de Francis Bacon ou de Lucian Freud – sans que le trait de la nudité soit pour autant appuyé. Une « étudiante » impudique perd quelque chose de son attitude provocatrice à cause du gris de la brume qui efface les reliefs. C’est comme s’il cherchait à rendre invisible le visible. Le paradoxe de cet étrange voile jeté sur le réel peut être ainsi formulé : « Vous ne verrez pas ce que vous voulez voir ». L’âme de la peinture de Gerhard Richter est la rencontre avec l’incompréhensible. Cela donne l’impression qu’à la fin des fins, les visiteurs de l’exposition ne peuvent rien y comprendre. Il y a une telle diversité ! Des tableaux figuratifs et des tableaux abstraits. Certains représentent quelque chose et d’autres, rien du tout. Mais, que ses tableaux soient figuratifs ou abstraits, la manière de peindre de Richter tend vers l’abstraction, c’est-à-dire, comme il le dit lui-même, vers quelque chose de mystérieux qui échappe à la description et à la prise du concept. La brume crée une atmosphère qui serait celle d’un songe et donne un sentiment d’illusion. Son désir est d’aller au-delà de ce qui est, d’aller vers ce qui n’existe pas et d’atteindre ainsi le hors sens et le hors temps. Le néant est au bout du chemin. Sur son auto-portrait lui-même, on ne distingue pas les traits du visage du peintre. Il se montre et il se cache. L’être du peintre devient insaisissable. Richter insiste sur le fait qu’il en passe fréquemment par l’échec qui fait ainsi partie de sa pratique. Il lui faut alors laisser ce qu’il a commencé et recommencer. Le ratage est, pour lui, inévitable. La rencontre avec Marcel Duchamp a marqué Gerhard Richter. Ainsi a-t-il repris le thème de la femme qui descend un escalier – nue. J’aime beaucoup « La liseuse » qui fait penser, comme il l’indique lui-même, à un Vermeer.

Le mot de Richter est : la qualité. C’est ce qu’il cherche. Il n’est satisfait que s’il la trouve. Gerhard Richter a traversé deux systèmes totalitaires, le nazisme et le stalinisme. Sa mère était libraire et son père instituteur. Mais, affirme-t-il, il n’a pas eu de père, un père qui dit non, précise-t-il. C’est pourquoi, il aime les commandements : Thou shalt and Thou shalt not. Il a essayé de peindre la Shoah. Il n’y est pas arrivé. Il reconnaît qu’il ne peut y en avoir aucune représentation. Ce thème, dit-il bizarrement, it’s like a cudgel – « c’est comme une trique ». En 1995, il a reçu, à Jérusalem, le Wolf Prize des Arts. Richter refuse ce qu’il y a de spectaculaire dans l’image. Il évide le spectacle que l’image pourrait offrir au regard. Il ne croit pas au père, mais il croit au hasard. Quand il peint, dit-il, il se saisit de ce que le hasard fait surgir. C’est pour cette raison qu’il aime la musique de John Cage, qui restitue au hasard sa fonction. Il partage avec John Cage une certaine réticence à parler. Il a fait sienne cette phrase de John Cage : Je n’ai rien à dire et je le dis.

L’exposition Gerhard Richter se tient à Londres du 6 octobre 2011 au 8 janvier 2012. Elle sera au Centre Pompidou du 6 juin au 24 septembre 2012

Lien :

Gerhard Richter : Panorama http://www.tate.org.uk/modern/exhibitions/gerhardrichter/default.shtm

http://www.gerhard-richter.com/