post kusama

Chers amis,

Et voilà! encore une super escapcult ce dimanche à Beaubourg pour l’exposition de cette artiste au prénom imprononçable pour nous, Yayoi Kusama.

En ce qui me concerne exposition intéressante à plusieurs titres. je n’arrive pas encore à élaborer ma question précisément mais elle tourne, d’une part, autour du lien de la psychose et de l’art, de ce que ce lien peut nous dire de la nature de l’art aujourd’hui, et, d’autre part, de ce que l’art nous dit du monde contemporain.

lien psychose – art // disparition du Nom du Père – monde contemporain // psychose généralisée

Au départ de l’expérience de YK que peut-on dire de l’éthique de l’artiste ?

Pour rappel, en guide de prélude à l’exposition, on passe par une pièce qui reproduit ce qu’Alain avait nommé le « phénomène élémentaire » d’enfant de Yayoi Kusama dont elle parle dans les termes suivants ( que je reprends du petit dépliant de l’exposition):

« Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s’étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en seront pleins; moi-même je m’acheminerai vers l’auto-anéantissement, vers un retour, vers une réduction, dans l’absolu de l’espace et dans l’infini d’un temps éternel […] Je fus saisie de stupeur. […] peindre était la seule façon de me garder en vie, ou à l’inverse était une fièvre qui m’acculait moi-même. […]. »

Le terme de « phénomène élémentaire » utilisé par Alain m’avait frappée, retenue : sans doute avais-je envie d’entendre parler de psychose (j e rappelle que je ne suis pas psychanalyste, mais très intéressée par la psychanalyse). Au cours de la discussion post-expo à la cafèt de Beaubourg, je repose la question : de quoi s’agit-il quand on parle de « phénomène élémentaire ». Dominique me répond que s’agissant de l’installation dont il est question plus haut on peut parler d’une expérience de jouissance. Et rappelle dans quels termes Lacan parle du phénomène élémentaire dans le séminaire des psychoses :

« Dès cette époque, j’ai souligné avec fermeté que les phénomènes élémentaires ne sont pas plus élémentaires que ce qui est sous-jacent à l’ensemble de la construction du délire. Ils sont élémentaires comme l’est, par rapport à une plante, la feuille où se verra un certain détail de la façon dont s’imbriquent et s’insèrent les nervures – il y a quelque chose de commun à toute la plante qui se reproduit dans certaines des formes qui composent sa totalité. De même, des structures analogues se retrouvent au niveau de la composition, de la motivation, de la thématisation du délire, et au niveau du phénomène élémentaire. Autrement dit, c’est toujours la même force structurante, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui est à l’œuvre dans le délire, qu’on le considère dans une de ses parties ou dans sa totalité. L’important du phénomène élémentaire n’est donc pas d’être un noyau initial, un point parasitaire, comme s’exprimait Clérambault, à l’intérieur de la personnalité, autour duquel le sujet ferait une réaction fibreuse destinée à l’enkyster en l’enveloppant, et en même temps à l’intégrer, c’est-à-dire à l’expliquer, comme on dit souvent.
Le délire n’est pas déduit, il en reproduit la même force constituante, il est, lui aussi, un phénomène élémentaire. »
J. Lacan, Le Séminaire, Livre III, Les Psychoses (1955-1956), Paris, Le Seuil, 1981, p. 26.

Je me souviens alors que Miller a parlé l’année dernière du symptôme comme d’un objet fractal (objet fractal que m’évoque ici la feuille et ses nervures de Lacan) :

Alors l’ itération du symptôme, l’itération du Un de jouissance, il m’est arrivé durant la semaine de la comparer, quand j’ai eu à parler à Londres, il m’est arrivé en passant, de la comparer au processus qui génère ce qu’on appelle en mathématiques, les objets fractals. Ce sont des objets qui sont exactement auto-similaires, c’est-à-dire où le tout est semblable à chacune des parties. Et bien, c’est sur cette référence que je m’arrête pour dessiner la configuration du symptôme dont la matrice est élémentaire, et dont pourtant les formes sont les plus complexes de celles qui peuvent se rencontrer dans les mathématiques.
cours du 6 avril 2011

Le symptôme, ce qui en reste une fois qu’il est interprété, une fois que le fantasme est traversé, une fois que le désêtre est conquis, le symptôme n’est pas dialectique, il représente, il répercute le « une seule fois« , et lorsqu’il est fermé, lorsque dans l’expérience, et dans la parole bien entendu, il est saisi dans sa forme la plus pure, alors il apparaît qu’il est, comme on dit en mathématiques, auto-similaire (n’écrivez pas ça « S -I-M-I- L L – E- R » … )  Il est auto-similaire, c’est-à-dire qu’on s’aperçoit que la totalité est semblable à l’une des parties, et c’est en quoi il est fractal.
cours du 3 mai 2011

Dans l’installation-prélude : passé et présent sont emmêlés : on trouve dans le buffet livres et photos récents de Yayoi, la nappe n’est pas celle de la première expérience – d’ailleurs il n’y en n’a plus – , témoignant de la constante actualité de cette hallucination : cela parle – ou plutôt manque à parler – encore aujourd’hui. A cette première hallucination, peut-être suivie d’autres, je ne le sais pas, YK n’a cessé de chercher à y revenir, d’en rendre, d’en ramener le réel vers la représentation.

Est-ce que c’est ce fait de la représentation qui la « soulage » ? Est-ce que c’est le « ratage » même de la représentation qui la sauve ?

Les Infinity Dots offrent ce même type de réponse : c’est la toile même qui fait arrêt, qui cadre qui limite l’expérience d’infinitisation, d’illimité (la cerne en un objet … d’art). Et en quelque sorte le ratage de la représentation vient ici redoubler le premier ratage, celui du manque rencontré dans le symbolique qui a provoqué l’hallucination, le retour dans le réel du forclos.

Ce qui est intéressant également, c’est que la réponse de YK trouve de l’intérêt auprès du public, qu’il fût artiste ou profane (l’intérêt du public et du marché, d’ailleurs) – dans quelle mesure est-ce que cela ne souligne pas qu’on a tous à faire avec la psychose…

Question à Alain : penses-tu que Munch est plutôt du côté de la psychose quand tu proposes le i de Munch comme son Nom-du-père ?

Autre question à Alain ( !) : lien Bourgeois /Kusama : pourquoi avoir souligné qu’il n’y avait pas d’ironie chez Kusama ?

//

Autres points d’intérêt pour moi :

.politique

Au cours de la discussion, Nou a voulu souligner les points de ressemblances entre les 3 expos – Cahun /Munch/Kusama. voulait parler de leur présence dans le monde, de leur façon d’engagement politique.

.keskelart

C’est alors qu’à un moment donné Dominique a, me semble-t-il, posé la question de « Mais est-ce que c’est de l’art ? » « Pourquoi ? Parce que c’était quelque chose qu’elle faisait ‘pour elle-même’ ?» lui a répondu Nou parlant de Claude Cahun, et de son travail photographique…

(Pour moi, intuitivement, oui, c’est de l’art, il me semble que leur démarche à tous les trois s’inscrivait dans une démarche artistique, et il m’arrive de penser à l’art comme à un style de vie – il y a là, quelque chose, une vie qui se mène sinon au nom de l’art, au moins grâce au soutien de ce nom.

Bon, c’est pas très clair. Plus clairement, YK a fait une école d’art, il y a autour de Cahun et de sa compagne la présence de tout un monde artistique foisonnant ; quant à Munch il est clair que sa démarche est volontairement artistique. Puis, est-ce qu’il ne faut et suffit pas qu’il y ait quelqu’un qui dise : c’est de l’art, pour que ça en soit ? )

.l’acte et le processus

Enfin, il a une fois de plus été question du cartel proposé par Alain. De l’acte et du processus… (je m’étais permise de rapporter que Vanessa était éventuellement intéressée à travailler la question du processus de création – tandis qu’Alain était intéressé par la dimension de l’acte)

Qu’est-ce que l’acte ? On s’y oublie, dit quelqu’un (Dominique ?)

« Devenez un avec l’éternité. Oblitérez votre personnalité. Devenez une partie de votre environnement. Oubliez-vous. L’auto-destruction est la seule issue. » YK

Dominique souligne qu’on ne peut parler de l’acte sans se référer à l’acte analytique.

Je fais un rapprochement entre les Infinity Dots de Y. Kusama quand elle arrive à New York et le travail de Pollock. Frédéric en profite pour signaler qu’il n’aimait pas du tous les Infinity Dots. Qu’il les trouvait fastidieux, là où on contraire chez Pollock, on sent l’acte, le geste, le mouvement.

Les Infinity Dots rappellent à Dominique Louise Bourgeois qui, quand elle n’arrivait pas à dormir la nuit, dessinait des petits carrés.

J’ai encore été trop longue, hein.

biiiiise !!!

vrm

nb : hii, à ceux dont les propos sont rapportés ici, n’hésitez pas à corriger, compléter vos positions…

——– Message original ——– Origine, Zéro, Yadl’un


——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Mon, 12 Dec 2011 16:27:14 +0100
De : véronique müller
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

al’ain,

faut-il croire au yadl’un comme à un zéro, je ne le dirais pas,

et yadl’un rend-il possible la limite, est-ce sûr?

je ne peux m’empêche de songer au UN – ah mais c’est un DEMI, c’est vrai – de la tortue, à coup duquel elle avance, pour aller de zéro à un,
traverser cet espace de la jouissance féminine

v

Le 11/12/2011 20:26, Alain Gentes a écrit :

> Avec le YADL’UN, comme origine, comme zéro, l’infini se limite, pour chacun!

 ——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Mon, 12 Dec 2011 17:06:02 +0100
De : Alain Gentes
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

Vé,
Je rentre d’une séance, et avant de recevoir, je tombe sur ton mail. Et comme j’ai  » l’être et l’un » à portée de main, je réponds: oui, c’est ma lecture du cours de Miller du 16 mars 2011. Il y a deux zéros en Un!!!
Je t’envole la photo de la page. Mes patients m’attendent.
Al’un !

Envoyé de mon iPhone

——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Origine, Zéro, Yadl’un
Date : Mon, 12 Dec 2011 17:07:46 +0100
De : Alain Gentes
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : Escapades Culturelles

À Vé et aux autres .

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Origine, Zéro, Yadl’un
Date : Tue, 13 Dec 2011 00:50:14 +0100
De : Catherine Decaudin
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

C’est super Alain, d’avoir retrouvé ça pour nous! Je comprends mieux pourquoi on parle d’inexistence, au sens d’un effacement et non pas d’un préalable néant: Si il y a, alors, il peut ne pas y avoir, ce qui formalise un zéro, et après on peut compter…cela peut aussi éclairer la question du « Penisneid « pour la femme: Il y a, « elle a vu cela etc. dit Freud », donc pour elle il n’y a pas…D’où le « vertige féminin » du Un au Zéro. Ce zéro, inscrit comme manque, qui compte pour Un tout de même permet la suite phallique. Géant!!!
Catherine

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Tue, 13 Dec 2011 19:48:26 +0100
De : véronique müller
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

oui, alain,

pourtant, des souvenirs de lectures de miller qui se sont imposées à moi, qui ont été très importantes, me disent ceci:

pour passer du cardinal (du 1 1 1 1 ou du +1 +1 +1 … de l’identification, de la répétition du même)
à l’ordinal, à la suite des nombres (à la possibilité de l’histoire, du temps),
il faut avoir posé le zéro (ça se trouve dans le texte intitulé je crois la suture que j’avais posté en son temps sur le blog empreintes digitales)
(et poser ce zéro ne va pas de soi) (ça a été une découverte mathématique postérieure à celle du 1 ai-je répondu hier à jules qui me demandait en devinette « quel était le plus ancien des chiffres? »
quand je lui avais répondu : « 1 »
il m’a dit « faux ! c’est zéro ! »
je lui ai dit que même si le zéro était antérieur dans la suite des nombres,
il était postérieur dans l’histoire des nombres. avant le zéro il y a le manque, et dans la faille du manque s’engouffre l’un primordial (j’invente))

donc pour poser le zéro, il faut penser l’effacement, et il faut qu’il y ait cet acte de nomination (enfin là je me risque un peu) du zéro.

et, dit miller dans suture du sujet, la place du zéro, c’est le sujet.

il n’y a pas le sujet tant que dans une analyse, le sujet n’accepte pas ou n’aperçoit pas qu’il a à se séparer d’une identification fondamentale ( je pense ici à un autre texte, de r. warshwski, où elle parle d’une analysante identifiée à la shoah. et c’est à partir du moment où elle pose la question : si je suis de la génération 2, mes parents de la génération 1, qu’en est-il de la génération zéro? c’est, du moment où elle pose le zéro qu’elle peut concevoir le concept de la génération, de la succession plutôt que de l’identification. et que son histoire à elle, comme sujet, peut commencer. parce qu’elle a entendu que c’était ce qui comptait dans ce qu’elle venait raconter à un analyste qui pourtant n’avait même pas connu ça (la shoah))

à tout hasard je vous livre ici un rêve récent, au sortir duquel, en pleine nuit, dans l’effroi, je me suis dit : « Muller et Muller! S1, S2! l’holophrase! mais comment séparer le même?! » muller et muller, son nom à mon père et le mien. c’est ça, qui est à décoller. pour ça, il faut se compter comme zéro et concevoir que le sujet n’est qu’une place dans la chaîne signifiante.

je te relis et relis miller, et relis warshawski, et relis catherine, plus sérieusement plus tard.

v

nb: dit probablement trop rapidement: je dirais même qu’il y a dl’un qui ne s’efface pas, du trop pl1. qui ne rentrera pas dans le compte. extime à la suite des nombres. et donc destiné à la répétition.

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Origine, Zéro, Yadl’un
Date : Tue, 13 Dec 2011 19:59:46 +0100
De : véronique müller
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

les textes auxquels je faisais allusion :


Du zéro au septième million : Israël et l’Holocauste de Rivka Warshawsky http://empreintesdigitales.wordpress.com/2011/03/22/du-zero-au-septieme-million/

Sa question était celle d’un traitement du réel par le symbolique, une opération de Frege. « Du zéro manque au zéro nombre, se conceptualise le non-conceptualisable.» Le silence tenu jusque-là par cette analysante signait l’échec de la symbolisation du réel de son histoire familiale – travail de symbolisation qui, avec l’apparition du nombre, pouvait commencer.

La suture (ÉLÉMENTS DE LA LOGIQUE DU SIGNIFIANT)
http://empreintesdigitales.wordpress.com/2011/03/23/jacques-alain-miller-la-suture-elements-de-logique-du-signifiant/

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Tue, 13 Dec 2011 22:40:14 +0100
De : Catherine Decaudin
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

Chère Véronique,
Je suis d’accord avec la pertinence de cette phrase de JAM que tu as retrouvée, « la place du zéro, c’est le sujet ». C’est la place aussi de celui qui parle, S barré, qui a établi un rapport au grand Autre, et pourquoi pas, qui parvient en fin d’analyse à se nommer, ou « nominer ». Mais la question reste: Est ce que le passage du Un au zéro, assumé comme manque est à proprement parler , par excellence, « l’effort féminin »? Le « vertige féminin » dont ‘Hélène Bonnaud a si bien témoigné va dans ce sens: Vertige éprouvé dans son corps entier, depuis toute jeune, avec plein de symptômes (mal de ventre, de tête, etc…), vertige qu’elle élucide finalement d’avoir en permanence à s’arracher au « décrochage », produit par cette phrase paternelle restituée par sa soeur, « si c’est encore une fille, je la jette par la fenêtre ». Il me semble que l’on peut rapporter cela au « Penisneid » freudien, Roc de la castration, et aller plus loin, comme le fait Lacan, en saluant l’effort féminin, l’effort du manque éprouvé comme « Autre jouissance », abîme, mais non comme nullité.
Pour rejoindre notre débat sur « Ex vivo, In vitro », cela permet tout de même qu’il y ai deux sexes, et pas plus, pas moins, même si par ailleurs, tout se mélange aujourd’hui…
Bien à vous tous
Catherine

 

——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Zéro, mon héros Un!
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:20:30 +0100
De : Alain Gentes
Pour : Escapades Culturelles

Chères Veronique, Catherine, Nou & Do,
Que de plaisir à vous lire, à voir la transformation de nos escapades en joutes verbales.
Je sors d’une soirée ACF à Bergerac, où j’ai eu plaisir de découvrir dans Freud ( Moi et Ça, p261, in essais de psychanalyse) l’existence d’un 3ème Ics, qui ne soit ni le Pcs, ni l’ics refoulé.
Il ne dit pas réel, mais c’est tout comme!
Revenons à nos moutons.
Ok: le mouton zéro, c’est le sujet!
Mais avant lui, il y a le mouton Un, qui, par son effacement, produit le mouton Zéro, à partir duquel on se met à compter, à conter les moutons: ce qui endort, bien évidemment!
Le réveil, père-cutant, n’est, s’il est, qu’à retrouver le mouton Un, père du.
bye, bye
À l’un.

Envoyé de mon iPhone

——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Qui est premier: O ou 1 ?
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:29:59 +0100
De : Alain Gentes
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : Escapades Culturelles

Joli débat avec Jules, Vé!
J’ajouterai qu’au commencement est le Un, rencontre matérielle et sonore d’ un mot avec le corps. Son effacement produit le zéro, comme origine et comme MANQUE!
allez, voy a bailar en la cama!
Besitos !
Alain

Envoyé de mon iPhone

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Zéro, mon héros Un!
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:34:00 +0100
De : Catherine Decaudin
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

> En attendant le printemps..
http://www.youtube.com/watch?v=PxMjenL4k-g&feature=related
>

——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Nom et Nom !
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:36:22 +0100
De : Alain Gentes
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : Escapades Culturelles

Démonstration percutante à partir de ton rêve!
Véronique, il serait dommage de perdre nos échanges, peut-on les conserver?
Bye, bye
Je sombre!
Alain

Envoyé de mon iPhone

[ Illustration:  Georg Baselitz, Volk Ding Zero Ξ  à voir jusqu’au 29 janvier au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (MAM) ]

« A quoi répond en nous : ennui »

——————– #1 ——————–

Chère Véronique,

Voici la citation complète que tu recherchais,
et un peu de son contexte :

« Un regard, celui de Béatrice, soit trois fois rien, un battement de paupières et le déchet qui en résulte : et voilà surgi l’Autre que nous ne devons identifier qu’à sa jouissance à elle, celle que lui, Dante, ne peut satisfaire, puisque d’elle il ne peut avoir que ce regard, que cet objet, mais dont il nous énonce que Dieu la comble ; c’est même de sa bouche qu’il nous provoque à en recevoir l’assurance.

A quoi répond en nous : ennui. Mot dont, à faire danser les lettres comme au cinématographe jusqu’à ce qu’elles se replacent sur une ligne, j’ai recomposé le terme : unien. Dont je désigne l’identification de l’Autre à l’Un.« 

Lacan, « Télévision », Seuil, 1974, p. 41.

Fi donc l’ennui ! Vive les multiples projets d’escapades et la « disparité » des textes qui en résultent.

Dominique.

——————– #2 ——————–

Merci beaucoup Dominique, l’ennui ne lasse pas de m’intéresser…

 Tentative de décryptage de la citation de Lacan :

Un regard –> un battement de paupières + un déchet.

l’Autre ≈ (identifié à) sa jouissance à elle

Mais que Lacan veut-il dire ? que dit-il, crois-tu Dominique ? Quel est cet ennui de « l’identification de l’Autre à l’Un » – du moment de l’identification de l’Autre à son seul regard, à sa seule jouissance à elle – à quoi lui, pauvre Dante, ne peut rien, mais qui elle la comble,  la faisant Une, Unienne en ce regard,  pleine – séparée, sans Autre ni autre…

Elle y est Une, en devient Autre pour lui (entraînant son ennui, à lui ?) L’unien entraînant l’ennui, la stase, le vide.

Voici, à tout hasard, la définition du mot « ennui » dans le Littré :

ennui

nm (an-nui, an prononcé comme dans antérieur)

1/ Tourment de l’âme causé par la mort de personnes aimées, par leur absence, par la perte d’espérances, par des malheurs quelconques. Le roi même arrivant partage leur ennui. [Corneille, Oedipe]
Contrariété. Cette affaire lui a donné beaucoup d’ennui. Être accablé d’ennuis.

2/  Sorte de vide qui se fait sentir à l’âme privée d’action ou d’intérêt aux choses. Donner, causer, avoir, éprouver de l’ennui. Un ennui mortel. Charmer les ennuis de l’absence. Quand on se verrait même assez à l’abri de toutes parts [des misères], l’ennui, de son autorité privée, ne laisserait pas de sortir du coeur où il a des racines naturelles, et de remplir l’esprit de son venin. [Pascal, Pensées]
Dégoût de tout. Tomber dans un ennui profond. L’ennui de la vie.
Mélancolie vague. L’ennui de Réné [le héros d’un roman de Chateaubriand]. Du romantisme jeune appui, Descends de tes nuages ; Tes torrents, tes orages Ceignent ton front d’un pâle ennui. [Béranger, Troubadours.]

REMARQUE

Dans le style relevé, ennui est un mot d’une grande force et qui s’applique à toutes sortes de souffrances de l’âme : les ennuis du trône ; des ennuis cuisants. Dans le langage ordinaire, il perd beaucoup de sa force et se borne à désigner ce qui fait paraître le temps long.

Le Fils
de Jon Fosse

Théâtre de la Madeleine

Texte français Terje Sinding

Avec
Michel Aumont
Catherine Hiegel
Stanislas Roquette
Jean-Marc Stehlé

Mise en scène
Jacques Lassalle

Décors
Jean-Marc Stehlé Catherine Rankl

Costumes Arielle Chanty

Lumières
Franck Thévenon

Son Julien Dauplais

Du 17 avril au dimanche 3 juin 2012

Du mardi au samedi à 21h
Le dimanche à 16h

En quoi cet ennui se rapproche-t-il de celui que vous avez éprouvé à la vision de la pièce de Jon Fosse,  ou que dit avoir éprouvé Géraldine :

Vos paupières sont lourdes… très lourdes… la note monocorde qui accompagne les premiers temps de la pièce diffusant son effet hypnotique irrésistible, nous met à rude épreuve et ajoute à une envie irrépressible de dormir, interprétée audacieusement comme une défense contre un réel inassimilable, sans exclure toutefois les manifestations de l’ennui profond face à la pauvreté de l’histoire.

… « monocorde », « hypnotique », dans un désir de représentation de la répétition inlassable d’un même Un… ((représentation impossible s’il en est)) Face à la jouissance de l’Autre, où il s’emmure sans nous, je nous vois bien ennuyés, finalement, oui, effectivement…

Ah! je regrette bien de n’avoir pas vu cette pièce !!!

Bien amicalement à vous,

Véronique

——————– #3 ——————–

Attention ! Lacan ne dit pas que Dante s’ennuyait ! La brièveté de la rencontre ne le lui aurait guère permis – sauf peut-être au sens classique, que tu as relevé dans le Littré, Véronique. Mais non, il était lui-même tout occupé de son objet, le regard de Béatrice, « déchet exquis ». Sans compter l’écriture…  Il semble s’être très bien accommodé que Béatrice ait « sa jouissance à elle ».

« A quoi répond en nous : ennui », dit le texte. C’est donc bien le nôtre, affect caractéristique de notre époque, paraît-il, qui ici nous interpelle.

 Dominique.

note sur la « face mortifère de la jouissance l’Un sans l’Autre » dans les films « Shame » et « Cosmopolis »

Chère Catherine,

J’ai publié ton texte sur Cosmopolishttps://disparates.org/escapades/cosmopolis-film-cauchemar/

Ce paragraphe :

« Ce film laisse donc à penser qu’heureusement, il y a des hommes et des femmes et la question de l’amour entre eux, même si c’est un leurre, pour éviter une chute aussi funèbre! Il me semble que cela ré-interroge le « il n’y a pas de rapport sexuel » ou son équivalent « Ya de l’Un » autrement, comme un danger pour le vivant lorsque cet aphorisme est poussé jusqu’à son terme. »

ne résonne-t-il pas avec celui-ci, qui m’avait frappée d’un article de Paulo Siqueira dans Lacan Quotidien à propos du film Shame (Shame ou l’affect qui va avec la jouissance de l’Un) :

« Malgré son hyperactivité sexuelle, c’est un homme seul, malheureux dont la vie va être chamboulée par l’intrusion dans son intimité d’une femme, sa sœur Sissy, qui le surprend dans son activité autoérotique et déclenche l’affect de la honte, entraînant Brandon dans une souffrance subjective qui le submerge et lui révèle progressivement la face mortifère de la jouissance de l’Un sans l’Autre (2).

(2) Lacan J., « De l’un et l’autre sexes », Le Séminaire, livre XIX, …Ou pire, Paris, Seuil, 2011, p. 9 & sq. »

Malheureusement, je n’arrive plus à mettre la main sur mon exemplaire d’… Ou pire

A tout bientôt,

 Véronique

lettre ouverte

Il y a comme deux courants qui s’opposent, celui de l’Un, celui de l’Autre. Il y a comme si Miller nous disait allons vers l’Un, il n’y a pas le choix, et qu’il lui soit répondu : mais pas sans l’Autre. Car  l’Un est partout, l’Un est partout, l’Un nous embarrasse de toutes parts, quel autre recours que l’Autre? A quoi Miller, répondrait, impassible, nous n’avons pas encore suffisamment exploré les extrémités de l’Un. Il nous faut encore aller vers cette réduction, nous en rapprocher, tant que possible sans l’Autre. Cela, probablement, dans le cadre de la cure analytique, dont le terme trouverait son terme en ce terme : l’Un. 

Avec les analyses que nous, membres d’Escapcult, avons conduites des films ShameSaya Zamurai et Cosmopolis, nous avons découvert des personnages que l’Un semblait avoir perdus, et qui tentaient de retourner vers l’Autre, du moins est-ce ainsi que nous l’avons interprété. Cela comme à rebours de ce que propose Miller (nous enjoint-il). 

Faut-il dès lors prendre ces films comme des fables réussies de ce qu’il vous arrive quand on va jusqu’au bout de l’Un, l’artiste se montrant une fois de plus précurseur de l’analyste ?

Ou ces territoires de l’Un ne s’avèrent-ils explorables qu’à l’intérieur du cadre de l’analyse ? Et n’aurions-nous qu’à regretter qu’aussi bien Brandon (de Shame), que Nomi (de Saya Samurai), qu’Eric (de Cosmopolis) n’aient, plutôt que de mourir, rencontré un analyste?

La proposition de Miller alors deviendrait : c’est à nous analystes qu’il revient d’aller vers l’Un en ne ramenant l’Autre que prudemment (que l’Autre apprivoise l’Un) – puisqu’aussi bien, c’est cette intervention de l’Autre dans chacun des 3 films qui s’est avérée invivable, mortifère (Brandon n’est pas mort  à la fin du film, mais sa situation est plus qu’inquiétante). 

Je ne pense pas qu’aucun de ces films nous offrent de découvrir la particularité de l’Un, la marque particulière de l’Un auquel chacun a affaire. Ce Kern des Wesens, noyau de l’être qui ferait l’Un de l’existence. C’est d’un Un non identifié qu’il s’agit dans ces films (en quoi il serait juste, puisque le Un se situe hors identification signifiante (n’aurait d’issue que d’identification au sinthome?)), identifié uniquement à sa marque universelle : Un. 1, qui est la singularité même, que rien cependant ne distingue de n’importe quel autre 1. Dont la singularité n’a pas trouvé son écriture, le territoire de sa lettre (en quoi consiste cependant le choix de Benno Levin (Cosmopolis) : écrire, des milliards de pages, écrire, dit-il, son symptôme). C’est de l’envisager, ou de vouloir l’envisager dans un discours pour tous, un discours universel, que la tentative d’Eric Packer (Cosmopolis) faillit. L’Un résiste violemment à son inscription dans un discours universel (résistance du discours capitaliste?), il ne peut consister que d’un témoignage au cas par cas, d’un témoignage individuel. Et ne se passe probablement pas de la chair humaine, du corps. C’est probablement d’une lettre écrite sur le corps qu’il s’agit de répercuter. L’Un n’est que d’Un seul, aussi seul que le corps. Répété par et pour un seul et qui peut trouver à s’entendre (par l’Autre) dans l’écriture, par la réduction qu’elle opère. L’écriture au sens large, dont procède la science, aussi bien que l’œuvre de Joyce, que notre addictions aux écrans et aux dits « réseaux sociaux ». Notre monde nous invite perpétuellement à la re-présentation et nous en offre les outils : appareils photos, caméras, autopublication. Posons que ce désir de re-présentation soit toujours fondamentalement humain, toujours fondamentalement éthique, toujours de l’Autre, toujours signifiant.  Un signifiant de l’ère numérique, qui ne manque jamais de se souvenir que sa matière première est une succession de 1 et de 0. Dans l’espace numérique, tout s’écrit. C’est en cette écriture que nous sommes liés (on en jouit), en ce tout que nous sommes damnés (condamnés, puisque l’Un du corps est in-signifiant). 

L’écriture (cybernétique) est un des noms de la maladie de l’Un contemporain. Elle est ce qui le cause, ce qui l’entretient, ce qui le cure. C’est en tout cas, ce que m’enseigne Miller. Et c’est une assez belle chose que de voir ses élèves toujours ramener cet enseignement au désir, qui n’est au fond qu’une prise au sérieux, une mise en série de ce qui insiste dans ce qui nous dépasse (et crée notre ennui). Une tentative d’affabulation, d’apprivoisement.

V. Müller