XIV. le point de capiton de Montpellier / tripartition de consistances cliniques – 25 mai

Ce n’était pas ici que mon cours de cette année a atteint, je crois son but, (« On n’entend pas, on n’entend pas, on n’entend rien ») sa cible, son sommet ( – voilà, je vous donne 3 mots comme ça si vous en perdez un, ce n’est pas trop grave). Ce n’était pas ici, mais lors d’une journée d’étude – à laquelle vous n’avez pas été conviés, je m’en excuse – qui réunissait comme chaque année ceux qui ont une charge d’enseignement dans les sections cliniques – celles de France auxquelles s’ajoute la section de Bruxelles. Cette journée regroupe donc un aréopage de quelque 200 enseignants et un petit nombre d’étudiants qui sont aussi conviés [i].

Ce weekend, cela se passait à Montpellier et je ne peux pas le passer sous silence, non pas pour vous désespérer, mais parce que non seulement cette journées, ces 2 demi-journées, ont été l’occasion pour moi de vérifier que j’étais entendu, par beaucoup de monde qui n’est pas ici, que j’étais compris, et que mon cours de cette année avait, si je puis dire, résonné pour les collègues, praticiens en même temps qu’enseignants, qui se dévouent à animer ce qui doit bien faire 25 ou 26 établissements à travers le pays.

Mais aussi, ce fut le moment où pour moi s’est noué le point de capiton de ce cours.

Je dois dire que dans ces journées je ne suis pas du tout le seul à travailler, puisque ces journées se sont déroulées à partir d’un écrit de 15 contributions brèves, 2, maximum 3 pages, de 15 psychanalystes auxquels j’avais proposé à chacun une proposition, une phrase extraite du séminaire XIII de Lacan, Le sinthome, et je m’étais efforcé d’assigner à chacun le travail qu’il me semblait, les connaissant, le plus apte à les stimuler et le résultat est là (désigne sur la table, une grosse quantité de feuilles), et la lecture des textes se fait à l’avance. Il est aujourd’hui aisé d’envoyer cette quantité de signifiants par un message électronique, ce qui fait que sur place on converse. Et on a conversé autour de 3 tables rondes, plus une laissée à l’improvisation. Donc loin d’être tout seul, solitaire à cette tribune comme je suis ici, et comme on même dit austère, eh bien dans ce cadre-là, je m’en donne à corps joie. Faut dire que pour ma part je ne me suis exprimé que dans un style de rigolade qui a été communicatif, ce qui fait que on s’est bien amusés ça m’a fait d’ailleurs regretter le format d’expression auquel je suis ici condamné, c’est le mot qui me vient, et j’aimerais bien que ça change, j’aimerais peut-être même bien que ça change avant la fin de l’année. Il y a dans l’échange dans la conversation pour moi une stimulation, de l’invention ex-tempore, qui évidemment ici me fait défaut, et c’est là que le signifiant et le signifié se sont rejoints dans ce qui m’a paru être le point de capiton de ce cours.

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Lacan, Séminaire IX, 28 février 1962, extrait 2 – le point d’étranglement

En passant

[ Complément de lecture du  cours de jacques-alain miller du 2 février 2011]

Aussi bien, même avec cette affirmation que rien n’est fécond sinon le jugement synthétique, peut-il encore après tout l’effort de logicisation de la mathématique, être considéré comme sujet à raison. La prétendue infécondité du jugement analytique a priori, à savoir de ce que nous appellerons tout simplement l’usage purement combinatoire d’éléments extraits de la position première d’un certain nombre de définitions, que cet usage combinatoire ait en soi une fécondité propre, c’est ce que la critique la plus récente, la plus poussée, des fondements de l’arithmétique, par exemple, peut assurément démontrer. Qu’il y ait au dernier terme, dans le champ de la création mathématique, un résidu obligatoirement indémontrable, c’est ce à quoi sans doute la même exploration logicisante semble nous avoir conduits (le théorème de Gödel) avec une rigueur jusqu’ici irréfutée, mais il n’en reste pas moins que c’est par la voie de la démonstration formelle que cette certitude peut être acquise et, quand je dis formelle, j’entends par les procédés les plus expressément formalistes de la combinatoire logicisante.

Qu’est-ce à dire ? Est-ce pour autant que cette intuition pure, telle que pour Kant aux termes d’un progrès critique concernant les formes exigibles de la science, que cette intuition pure ne nous enseigne rien ? Elle nous enseigne assurément de discerner sa cohérence et aussi sa disjonction possible de l’exercice justement synthétique de la fonction unifiante du terme de l’unité en tant que constituante dans toute formation catégorielle et, les ambiguïtés étant une fois montrées de cette fonction de l’unité, de nous montrer à quel choix, à quel renversement nous sommes conduits sous la sollicitation de diverses expériences.

La nôtre ici évidemment seule nous importe. Mais n’est-il pas plus significatif que d’anecdotes, d’accidents, voire exploits, au point précis où on peut faire remarquer la minceur du point de conjonction entre le fonctionnement catégoriel et l’expérience sensible dans Kant, le point d’étranglement, si je puis dire, où peut être soulevée la question si l’existence d’un corps, bien sûr tout à fait exigible, en fait ne pourrait pas être mise en cause dans la perspective kantienne. Qu’en fait qu’elle soit exigée en droit, est-ce que quelque chose n’est point fait ?