16 juin 2005

lamelle, donc

Chaque fois que se rompent les membranes de l’oeuf d’où va sortir le foetus en passe de devenir un nouveau-né, imaginez un instant que quelque chose s’en envole, qu’on peut faire avec un oeuf aussi qu’un homme, à savoir l’hommelette, ou la lamelle.

La lamelle, c’est quelque chose d’extra-plat, qui se déplace comme l’amibe. Simplement, c’est un peu plus compliqué. Mais ça passe partout. Et comme c’est quelque chose – je vous dirai tout à l’heure pourquoi – qui a à voir avec ce que l’être sexué perd dans la sexualité, c’est, comme est l’amibe par rapport aux êtres sexués, immortel. Puisque ça survit à toute division, puisque ça subsiste à toute intervention scissipare. Et ça court.

Eh bien! ça n’est pas rassurant. Supposez seulement que ça vienne vous envelopper le visage, pendant que vous dormez tranquillement…

Je vois mal comment nous n’entrerions pas en lutte avec un être capable de ces propriétés. Mais ça ne serait pas une lutte bien commode. Cette lamelle, cet organe, qui a pour caractéristique de ne pas exister, mais qui n’en est pas moins un organe – je pourrais vous donner plus de développement sur sa place zoologique – c’est la libido.

C’est la libido, en tant que pur instinct de vie, c’est-à-dire de vie immortelle, de vie irrépressible, de vie qui n’a besoin, elle, d’aucun organe, de vie simplifiée et indestructible. C’est ce qui est justement soustrait à l’être vivant de ce qu’il est soumis au cycle de la reproduction sexuée. Et c’est de cela que sont les représentants, les équivalents, toutes les formes que l’on peut énumérer de l’objet a. Les objets a n’en sont que les représentants, les figures. Le sein – comme équivoque, comme élément caractéristique de l’organisation mammifère, le placenta par exemple – représente bien cette part de lui-même que l’individu perd à la naissance, et qui peut servir à symboliser le plus profond objet perdu. Pour tous les autres objets, je pourrais évoquer la même référence.

(Jacques Lacan, Le séminaire, Livre XI, pp. 179,180) 

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