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Les Journées de l'ECF Vivre à l'Ecole de la Cause freudienne #57

ANALYSTE MALGRÉ MOI

par Daphné Raynaud

La psychanalyse pour moi, c’est un truc dans lequel je me suis plongée pour une question de survie, comme beaucoup d’écorchés, on en sort comme on peut. J’en suis ressortie analyste. D’où ? comment ? pourquoi ? « l’analyste ne s’autorise que de lui-même », ben voilà, comme ça. Je suis analyste, pour moi-même. Je cherche même pas une preuve, une passe, un truc pour valider la chose. Je suis analyste malgré moi. Je le sais, je le vis un point c’est tout.

J’ai fait une analyse qui a duré 17 ans , avec 3 séances par semaine, aucune manquée. Mon analyste, Agnés Aflalo. Pas facile, pas du tout doux. Technique l’analyse, je vous le confirme. Je peux démonter le moteur d’une F1 et la remonter les yeux fermés. De temps en temps, je fais un contrôle technique.

Une analyse difficile, terriblement dure oui…… Le record de ma vie. Alain Prost a ses performances, moi c’est la mienne. Je ne sais pas si ce que je dis est vrai, je sais que je le vis ainsi, malgré moi. Et je sens que c’est une voie nouvelle pour parler de la psychanalyse d’aujourd’hui.

Mais voilà, à l’Ecole de la Cause Freudienne, l’Ecole de Jacques Lacan, la vôtre, il y a un langage que je ne parle pas. Je l’entends, le vis, mais ne le parle pas. Je n’ai jamais été douée en langue Monsieur Miller, et pour moi, c’est une langue lacanienne. Je n’ai jamais voulu parler ainsi. J’aime m’exprimer comme je suis, c’est-à-dire avec mes maladresses et mes fautes, à être ce que j’écris, ce que je dis. J’ai fait une analyse avec une grande experte lacanienne de votre Ecole, et je ne parle pas la langue. Cette barrière de la langue a fait que je ne me suis jamais sentie faire partie de l’Ecole et pourtant je me sens rattachée à elle. Cette barrière a fait que je n’ai jamais songé un instant à être psychanalyste de l’Ecole, passer la passe.

J’ai arrêté le lycée à 16 ans, trop révoltée. Et pourtant dés l’âge de 8 ans, j’avais avec moi Françoise Dolto, ça me parlait. Plus tard, j’ai passé une équivalence du bac, et j’ai fait mes études de psycho à Paris 7, une des dernières universités où l’on peut prononcer les noms de Freud et Lacan. Je travaille en tant que psychologue titulaire de la fonction publique. Je me bats tous les jours contre la bêtise humaine, contre le DSM, contre toute cette machine de guerre contre l’humain. C’est épuisant, on se sent isolée là bas. Les gens se suicident comme jamais. C’est terrible ce qu’il se passe, à grande échelle. Je sauve des vies comme je peux, c’est le travail que je fais, je sauve des vies avec mon savoir, avec ce qui m’a forgé, avec ce que je suis, avec mon cœur aussi. Il faut savoir aimer pour faire ce métier.

Pour les Journées de l’Ecole, je me suis inscrite comme Ange, parce que je n’avais que ce moyen pour y participer, et je vous remercie d’avoir donné la place aux Anges. J’ai aimé rencontrer l’équipe des Anges et Judith Miller avec qui j’ai parlé un peu d’Art. J’ai aimé la présence des œuvres chez vous étant femme d’artiste, l’Art est pour moi ma meilleure respiration, inspiration.

La journée du Samedi était difficile pour les Anges. Je me disais même que j’étais un Ange-pigeon (ayant payée mes Journées, et n’arrivant pas à suivre mon programme, tant nous étions sollicités ! ) Mais bon, pour la bonne Cause…

Je me suis rappelée mes courses dans Paris pour distribuer Le Nouvel Âne dans les librairies parisiennes…

J’ai été Ange une journée, et vraiment j’ai plané dans la fonction ! Je n’ai jamais autant fait de sourires à des inconnus, aider à ne pas perdre son badge, trouver sa salle, aller chercher de l’eau pour l’accueil, guider les perdus, gérer la folie de certains… bref, j’ai été Ange pour l’Ecole.

Vous allez créer l’Université Jacques Lacan. Je pense que je ne suis pas seule à ne pas savoir comment franchir le seuil. J’aimerais que vous pensiez à tous ces psy comme moi qui tournent autour de l’ECF depuis des années, et qui n’y trouvent pas de place. Et je regrette, car, même si pour vous être analyste demande beaucoup de culture, de richesses intellectuelles etc, je me suis culpabilisée des années durant à ne pas réussir à avoir ce savoir là, je ne m’en sens pas moins psychanalyste, malgré moi.

Je fais la propagande de la psychanalyse à mon niveau, en envoyant beaucoup de personnes chez le psy ! J’ai ce truc là. J’ai toujours pensé que la psychanalyse était une espèce menacée de disparition donc à protéger et à cultiver.

Depuis ces Journées, des personnes comme moi, lèvent la tête et se mettent à parler, à twitter, à s’agiter, à vivre Monsieur Miller, à vivre la psychanalyse ensemble. Parce qu’il ne peut plus être question de querelles des psy dans ce monde là, on en a assez. On veut un grand rassemblement. Beaucoup veulent ce rassemblement. Rassembler comme Mitra Kadivar. Je me suis levée tout de suite pour l’applaudir, car c’est ainsi qu’il faut transmettre la psychanalyse, par la force des choses, et rassembler ces personnes qui ont ce pouvoir d’entendre, car c’est un pouvoir, un don, c’est pour moi la racine même de la psychanalyse. C’est ce truc que j’ai ressenti à l’âge de 8 ans en écoutant Françoise Dolto à la radio, je me suis dit qu’il existait un monde où des personnes entendaient comme j’entends. Ce monde là peut sauver l’humanité.

nom de code Twitter : dafpsy

3 réponses sur « ANALYSTE MALGRÉ MOI »

Excellent témoignage de simplicité et de réalisme quant à la traversée analytique. J’aime beaucoup

Bravo ! je viens de lire votre texte et je ferai le même commentaire que Patrick Pouyaud. Je l’aime aussi beaucoup votre texte. Mais, vous savez, il n’y a pas que l’ECF aujourd’hui, même si votre analyste en est. La mienne en était aussi et aurait fait partie de la dernière dissidence, si elle n’était pas décédée. Je me suis personnellement détournée de la langue ECF, sans quitter ni Lacan, ni Freud. J’ai encore fait récemment un dernier essai dans un groupe de travail, en province, et j’ai fui pour la même raison, une langue dogmatique propre à cette école-là. Quasiment un discours du Maître … Bien à vous,
Micheline

Votre problématique chère Micheline ne regarde que vous. Sous la forme d’un conseil que d’ailleurs Daphné ne vous demande pas, vous en profitez pour discréditer l’ECF et la décourager dans ses tentatives tout à fait personnelles, de se joindre avec qui elle veut, là où elle veut.
A vouloir discréditer le discours du Maître, de fait vous vous y inscrivez.
Mon commentaire était simple, sans prosélytisme, le revoici :
 » Excellent témoignage de simplicité et de réalisme quant à la traversée analytique. J’aime beaucoup « 

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