Journées mémorables cet Automne. J’aime beaucoup le papier que Natalie Wulfing a écrit sur NLS-Messager pour en rendre compte. J’en partage tous les termes, et j’en aime le style analogue à celui des Journées, décoiffant et rigoureux comme notre funambule. Sur la corde raide, l’Ecole a montré ce qu’elle pouvait produire. Pour Rennes, du coup, c’est difficile, car il faut reproduire l’effet, mais ne rien faire pareil. L’aphorisme célèbre, »Faites comme moi, ne m’imitez pas », sera notre devise.
Quel était donc le ressort secret de ces journées qui a boosté notre désir? Quels précipices avions-nous frôlé? sur quel filin étroit avons-nous à nous tenir?
Ce qui m’a profondément touché dans ces journées, je l’appellerai « le retour en force de l’énonciation ». Les exposés que j’ai entendus étaient habités. Pas un qui soit comme l’autre, pas un qui soit convenu, chacun comme une perle rare. Nous avons eu la démonstration en acte que les analysants se forment à partir de leur analyse d’abord. Pour moi, l’Ecole idéale serait celle dans laquelle chaque exposé, chaque texte, chaque prise de parole serait un moyen de s’analyser, c’est-à-dire de continuer son analyse par d’autres moyens.
C’est un exercice difficile. L’âge ne fait rien à l’affaire pas plus que l’expérience: Ça s’appelle le désir de l’analyste (articulé, mais non articulable, et pour autant pas ineffable). Lacan en donnait l’exemple disant qu’il était en position d’analysant dans son séminaire. Jacques-Alain Miller le suit sur cette voie, dont ces journées ont montré qu’elle n’était fermée à personne. Il y a bien longtemps, JAM avait trouvé les mots pour dire cela dans son cours intitulé « Le banquet des analystes » : passer du savoir supposé de l’Inconscient au savoir exposé (et payer sa dîme au passage, payer de soi-même). C’était exactement il y a 20 ans. La formule a eu tellement de succès qu’elle s’est usée, mais 20 ans après, comme les trois mousquetaires, on peut la ressortir sans qu’elle soit ritournelle.
Eric Laurent disait à l’Assemblée de l’Ecole qu’il avait lu ou qu’il avait entendu dans les salles qu’ils présidait, des travaux qui – s’ils étaient développés dans la même veine – pourraient être reçus par les Cartels de la passe. Je partage cette appréciation dans le cas de ceux que j’ai entendus ou lus. Ils m’ont touché, non pas par le senti qui ment, même si l’émotion était présente, mais par la justesse du bien dire.
Je disais à Pauline Prost qu’elle était une petite sœur de Joan Rivière, celle même qui a accolé à son nom pour l’éternité le concept de « mascarade » antécédent de notre semblant (mais je reviendrai sur ce que j’ai appris).
Nous étions exposés au risque de devenir ce que l’IPA est devenu: des thérapeutes pris dans le système de santé, des gestionnaires bureaucratiques de l’inconscient, des fabricants de cas nickels mais formatés, bref les psychologues, les médecins ou les thérapeutes que le maître moderne veut faire de nous. On a entendu dans ces journées que nous étions des psychanalystes, tous un par un en devenir. L’armée des psychanalystes s’est levée: un vent de subversion a soufflé.
(A suivre).