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Vivre à l'Ecole de la Cause freudienne

H. S. : Comment vivre Pas-psy dans la chapelle Psy?

Participer aux Journées? S’inscrire aux Séminaires ? Ces évidences qui font partie des impératifs catégoriques de la grande Communauté Psy me rebutent encore, et me donnent parfois envie de me rendre à mes séances à reculons. Je suis en analyse depuis peu, et je me sens dans une étrangeté et un malaise persistants face à ces appels.

Comment et combien faut-il adhérer au Grand Tout de la Psy? Tous les psy tu aimeras – des Cartels tu feras – chaque année au moins un Séminaire tu liras – les grandes fêtes lacaniennes tu célèbreras – et le Sujet-Supposé-Désirer-La Jouissance tu prieras…

Oui, tout est dit, et ma réticence n’est pas un mystère; je suis tombée dans le milieu religieux et pratiquant quand j’étais petite, et depuis, je n’ai plus droit à la « potion magique » pour en avoir déjà abusé, et souvent été abusée…

Je ne déteste pas autant les psy que les curés et les rabbins, mais je n’ai pas non plus de grande estime pour eux… Leur religion les restreint et les enferme de manière similaire: ils ont un terrible besoin de se prendre au sérieux, parce que (non) officiellement détenteurs de la seule vérité qui vaille la peine d’être cherchée et vécue. Contrairement à ce qu’on pourrait en attendre, car ils sont censés être les spécialistes du second degré, les psy ont peu d’humour; c’est à dire peu d’humour sur eux-mêmes, et surtout très peu d’humour critique sur la part de vacuité inhérente et irréductible de leur activité (quand bien même elle serait pratiquée avec beaucoup de sérieux et de talent – ce qui est déjà assez rare pour être souligné – et qu’elle serait de ce fait source de plus-être, de mieux-être).

Ce manque d’humour est plus que décevant, il est fondamentalement accusateur, voire révélateur de cette incapacité au second degré. La vérité du sujet n’est pas celle du Ciel des Idées; il serait peut-être temps de s’y élever autrement que par le ridicule du dogmatisme, et de quelques jargons fossilisés par le mimétisme ambiant du milieu.

Alors, je me rappelle que j’ai aussi du mal à participer de leurs grandes messes parce qu’ils ont soif de communauté et de gourous pour se sentir exister, et légitimer la validité de leur investissement un peu aveugle (car souvent exclusif) dans la pensée lacanienne, qu’ils sont en définitive le plus souvent incapables de valoriser.

Il semblerait qu’il y ait à l’origine de toutes ces failles une prétention contradictoire, celle de se penser comme des acteurs très singuliers de l’activité mondaine, doublée de l’envie de convertir tout le monde. C’est probablement ce qui explique l’inégalité de la qualité des partisans, et qui donne aux moins intéressants des fidèles l’occasion de se masquer derrière des prétentions injustifiées. Ils imaginent ainsi pallier à leur médiocrité intrinsèque qu’aucune religion ne saurait abolir, bien au contraire.

Ces failles inhérentes à tout système qui se veut à la fois théorique et pratique, mode de pensée et mode de vie, je ne les connais que trop et y suis exagérément allergique… J’ai payé trop cher pour les apprendre et les comprendre.

Il y a des collections entières de psy, et au moins autant de gens en analyse dans mon entourage : ni les uns ni les autres ne sont exemplaires pour la maison lacanienne et ses cousines. J’aurais envie de dire encore beaucoup de choses sur ce parallèle peu glorieux entre les aspects les moins amènes de la communauté religieuse et le Psy-Club. Mon conditionnement à la socialité du peuple des croyants m’aura au moins donné l’occasion d’un regard critique sur le monde dans lequel j’atterris par ma démarche.

Et j’attends au minimum de mon analyse qu’elle puisse un jour me permettre d’exercer cette mise à distance dans un esprit plus serein et plus constructif…