par Cynthia Fleury
Dans la religion aztèque, les femmes mortes en couches rejoignent les guerriers morts au combat dans l’empire de l’au-delà. Preuve du sens commun des premières sociétés. Il existe un symétrique de l’initiation masculine, de leur combat et de leur aptitude à faire sacrifice de leur vie : l’initiation féminine ou l’enfantement. L’autel de la maternité forme l’autre antre sacrificielle, celle qui ne perd pas la vie mais la donne. Et pendant que les femmes enfantent, accouchent et post-accouchent (car le temps de la grossesse dure bien plus longtemps que neuf mois), les hommes sont à la cueillette.
Preuve, hélas, d’une absence de sens commun, ou d’une générosité ou humilité mal placées, ce temps-là, ce sacrifice-là, ce combat-là sont sous-valorisées par le silence même des femmes. Celles qui ont enfanté vous diront que c’est magnifique en taisant tout le reste (et le reste est aussi immense que la naissance). Celles qui n’ont pas enfanté vous disent souvent leur perplexité, si ce n’est leur peur. Mais sans doute faudrait-il faire parler les mortes pour entendre enfin le secret de la naissance.
Ce préambule fait sur le silence des femmes et le fait qu’elles devraient apprendre à crier autant que leur nouveau-né, je m’attarderai sur celui qui n’a pas attendu que je lui enseigne le système du cri pour le comprendre. Il aura fallu moins de quarante-huit heures pour que mon fils sache user de son cri, et le moduler selon qu’il se réveille, a envie de voir ma tête ou de manger.
C’est quand même un monde de constater qu’il sait ce que je ne sais plus faire.