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#56

ORGUEUIL ET PUDEUR DES FEMMES

par Yasmine Grasser

Pourquoi certaines femmes font monter sur la scène du monde leur prétention phallique, et d’autres font de leur pudeur un bien qu’elles préservent des regards du monde ? C’est demander pourquoi des femmes dans les démocraties occidentales font un usage de la valeur phallique de leur être, tandis qu’ailleurs des femmes musulmanes font du pas-tout phallique une valeur d’échange. Que répondre ? Les premières rivalisent d’efficacité avec les hommes, les secondes donnent à l’homme une place de choix tout en se tenant à l’écart. L’opinion commune qui tient aux mots leur assigne aussi des espaces distincts : l’espace public sera réservé aux femmes qui se battent comme des hommes pour occuper la première place ; l’espace privé de la maison sera affecté aux femmes qui se gardent du regard des hommes. L’ère culturelle, la religion, l’époque, le rêve d’égalité des unes, la discrétion revendiquée des autres résultent de la manière dont se règlent les rapports entre hommes et femmes dans les civilisations.

Ces rapports concernent les parlants sexués. Lacan a fait savoir au monde que le phallus n’est pas-tout, que s’il y a des femmes phalliques qui se rangent du côté homme, il existe des hommes aussi bien que des femmes qui se rangent du côté femme. Simplement, l’être parlant s’il se range sous la bannière des femmes n’est pas-tout dans la fonction phallique. Ce pas-tout est un bien qui pousse à faire communauté : les mystiques en témoignent dans des écrits qu’elles adressent à leurs sœurs ; à l’opposé, des femmes musulmanes ne répugnent pas à se lier entre elles pour faire changer la face du monde qui les opprime.

Une conséquence surgit : selon le choix, du phallus ou du pas-tout, les corps en portent une trace. L’orgueil phallique soutient plutôt le corps érigé de la femme occidentalisée. Le manque phallique que la pudeur voile et dont la discrétion tient lieu de pas-tout, donne toute sa dignité au corps de la femme musulmane.

Pour le moment, la séduction phallique opère sous les feux de la rampe et fascine les masses, faisant reculer la séduction du pas-tout phallique qui a illuminé l’Histoire ; ne serait-ce pas Joséphine qui aurait pris sa revanche sur Shéhérazade ?