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Varia sur la Passe #56

LA QUESTION DE LA PASSE DANS L’APRÈS-COUP DE L’ASSEMBLEE GENERALE


par Sophie Gayard


Depuis samedi soir, à la mi-temps des formidables Journées qui viennent de se produire, j’ai à faire avec moi-même à un petit quelque chose qui ne va pas. Depuis samedi soir, c’est-à-dire depuis l’assemblée générale de l’École. Une discussion a commencé à y avoir lieu concernant la passe, après que Gil Caroz fort judicieusement n’a pas laissé passer la remarque de Bernard Seynhaeve sur – le peu serait encore trop dire – l’absence de nomination d’AE depuis plus d’un an. Je n’ai pas pris la parole alors que je n’étais pas tout à fait d’accord avec une partie de ce que j’ai entendu. Voilà ce qui fait mon mécontentement d’avec moi-même.

J’ai fait la passe, il n’y a pas si longtemps, et je n’ai pas été nommé AE. C’est un contexte qui ne rend pas très facile la prise de parole sur ce sujet ! Toute critique pourrait être mise au compte de ce qui serait éventuellement mon dépit. Tout désaccord risquerait d’être entendu comme plainte voire revendication. Et si je m’en défendais un peu trop, dénégation ne manquerait-on sans doute pas de me rétorquer !

Si bien sûr j’ai à tirer pour moi-même, et sans que cela intéresse quiconque, les conséquences de cette aventure dans mon rapport à mon analyse et à la cause analytique en général, en revanche, peut-être puis-je aussi tirer quelques enseignements plus généraux de cette formidable expérience – dont j’estime que nous devrions plus dire quelle chance elle représente pour chacun d’entre nous, que nous nous y engagions ou non, et quel qu’en soit le résultat.

Je suis frappée que quand nous parlons de la passe, nous parlons essentiellement des AE, et plus particulièrement l’autre soir, de leur devenir. Cela a sa logique bien sûr et aussi sa pertinence. Mais, dans le moment actuel, pour reconsidérer la question de la passe dans son ensemble, ne conviendrait-il pas de prendre les choses par un autre bout ? C’est la place de la passe dans l’École qui est en jeu, au-delà des discours convenus sur cette question. J’y vois une homologie avec la bataille concernant la place de la psychanalyse dans le monde. C’est une bataille de chaque instant, toujours sur le bord d’être perdue peut-être, impossible sans doute, sans victoire à la clef, toujours à recommencer. Comment nous occupons-nous de la passe dans l’École ? Nous en occupions-nous vraiment bien ? Comment pouvons-nous mieux nous en occuper ?

Certes, nous pouvons nous désoler que la boîte aux lettres du secrétariat de la passe soit vide (l’est-elle d’ailleurs tant que ça ?), mais disant cela, ne méconnaît-on pas qu’on est en train, je ne sais pas comment le dire mieux, de « mettre la faute du côté de l’autre » ? C’est cela qui a résonné si désagréablement à mes oreilles samedi soir. Car le dispositif implique chacun dans l’École. Que disent les passeurs ? Que disent les analystes qui les nomment ? Que disent les passants qui ne sont pas nommés ? Que disent les analysants qui hésitent à s’y présenter ? Un certain recueil de ces multiples expériences, malgré le un par un qui singularise chacune, ne pourrait-il pas éclairer aussi la réflexion qui s’impose ? Car la passe n’existe pas sans eux tous. La pointe de l’affaire, son enjeu, certes c’est l’AE. C’est de lui que nous attendons des éclaircissements sur le passage du psychanalysant au psychanalyste, sur le mystère du désir de l’analyste, sur ce qui peut s’analyser de l’expérience même de l’École. Mais pour qu’AE il y ait, au moins un de temps en temps, il faut beaucoup de un par un qui, chacun de sa place, contribue à maintenir vivant ce dispositif en s’en sentant concerné. C’est donc le rapport de chacun, un par un, à la passe, qui est en jeu, mais dans la mesure où chacun consent à en tirer des conséquences en acte sur la politique même de l’École qui en abrite la procédure.