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Varia sur la Passe #66

Witz, théâtre, énonciation

par Anne Lysy-Stevens

 

Jean-Daniel Mattet soulignait que “s’engager dans le dispositif de la passe à l’ECF est fort différent que d’intervenir devant le public des Journées”, la grande différence étant “l’existence du filtre des passeurs” dans le dispositif.

Et en effet, la structure du dispositif inventé par Lacan est ternaire ; Lacan renvoie d’ailleurs à la “Dritte Person” du Witz pour caractériser cette forme de transmission très particulière. Sans doute la procédure était-elle calculée en fonction de l’enjeu en 1967 : extraire quelque chose de l’ordre du mathème à propos du passage à l’analyste, au-delà des effets rhétoriques des dits du passant. On reconnaît là la “croyance extrême à la logique” de Lacan à cette époque, comme Jacques-Alain Miller l’a souligné dans sa présentation du thème de l’AMP : “Semblants et sinthome”.

Ces dernières années, J.-A. Miller a évoqué à plusieurs reprises “le théâtre de la passe”, en tirant les conséquences du dernier enseignement de Lacan, notamment du texte de 1976, “l’esp d’un laps”. Ici les effets de séduction rhétoriques ne sont plus évités. Les corps sont en présence. Chaque témoignage de passe, comme “hystorisation”, “assume le mensonge de la vérité” ; et “le spectacle des témoignages” répond aussi au “désir de notre communauté”. Les récentes Journées de l’ECF ont été un tel théâtre, leur style me paraît en résonnance avec le dernier enseignement de Lacan.

Arrivée à ce point, je m’arrête, j’ai le sentiment que quelque chose cloche : que suis-je en train de dire ? Que la procédure est datée, qu’elle ne convient plus ? Pas forcément, pas plus que le dernier enseignement ne rend complètement caduque ce qui précède. Par ailleurs, quand J.-A. Miller parle de théâtre, il le fait à propos d’un temps de la passe, celui où les AE enseignent – un temps P3, dirais-je, pour le distinguer du temps P1 (moment de passe dans l’analyse) et P2 (procédure de la passe). Je compare donc deux choses différentes, je fais une erreur de logique ! Alors, j’efface et j’oublie l’idée qui m’était venue ?

J’en tire une question : comment définir l’énonciation aujourd’hui et comment la faire “passer” ?