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Varia sur la Passe #67

RENOUVELLEMENT DE L’AE, MODÈLE ECF3

par Jean-Pierre Klotz

 

Le débat sur la passe développé dans le JJ, à la suite de l’Événement de Paris (appellation réjouissante, assonant avec l’événement de corps du symptôme), m’incite à avancer mon grain de sel. Je n’aurais pas imaginé le faire il y a seulement trois mois, ne me considérant plus comme quelqu’un pouvant parler utile sur ce thème. Ce n’est pas faute d’y avoir participé dans le passé, à divers titres, ayant nommé des passeurs, fait le passant (deux fois retoqué), participé à deux cartels, intervenu ça et là. Tout cela il y a plus de dix ans. Les réponses trouvées, incluant une reprise de cure comme quasi carte forcée (même si à l’occasion d’événements personnels), n’avaient pas débouché. Certes, une sorte de coction plus ou moins confuse déboucha parfois sur un certain bonheur de parler autour du symptôme comme cadre, terrain et solution. Mais cela resta discret et périphérique. Ce n’était pas (encore) ça. Il y eut alors la fracture de ces Journées : je me suis présenté comme « sortant de mon trou » (écrit ainsi à JAM en lui proposant le titre d’une intervention), et j’y suis allé. Sans regrets depuis, je dois dire.

Je me souviens de Lacan, dans ses dernières années, je crois que c’était en clôture de Journées de l’EFP, concluant par un appel d’allure ironique à une « petite scission » pour sortir de l’ennui pouvant suinter de ces circonstances publiques. Peu après il y eut la Dissolution.

C’est là-dessus qu’une parole de JAM qui m’a frappé : que cette lancée avec les JJ depuis début septembre, avec l’inattendu produit, c’était comme une scission interne, mais ne scissionnant de personne, plutôt à même de nous traverser chacun en rassemblant au plus large dans une atmosphère de carnaval aimantant diverses générations et divers styles, cassant des scléroses multiples révélées de l’après-coup. Parmi celles-ci, la passe, cette sensationnelle invention de Lacan qui ne cesse de rater et donne occasion à rebondir, pour peu qu’on saisisse le moment opportun. Il y en a un là, j’en suis certain.

Aussi valables que soient les débats sur la procédure, le passeur, le secrétariat ou le travail des cartels, là n’est pas l’essentiel. Il n’y a pas non plus à opposer la passe et la vie publique. La passe, et donc l’AE comme son produit institutionnel, sont faits pour qu’on s’en serve, pour laisser place à du nouveau. Les habitudes devenues scléroses se mettent en travers et finissent par faire obstruction. L’AE n’est pas la fine fleur, parce que la fine fleur en psychanalyse est « made in ordure » (dit par JAM dans son cours jadis), que plus elle est fine, plus elle est toujours en veine de rater. Le réflexe dès lors de la protéger revient à s’en protéger par la révérence ou la culture en serre. L’AE est « jetable » parce que l’analyste l’est, seul moyen de le ramasser. Il n’est pas forcément préposé à enseigner pendant trois ans, mais à être interrogé en toutes occasions sur la psychanalyse et ce qui la concerne plutôt que sur lui-même. Qu’il le fasse à sa manière, singulière. Sa désignation ne le prépose pas à l’accomplissement d’un programme, mais à ce qu’on lui prête l’oreille, quoi qu’il dise ou fasse. À force d’affinage, il y a disparition par inanition et fuite des candidats. Alors que des qui veulent de l’analyste, ça pullule, là où on pouvait croire ne rien voir venir, ils ont déferlé aux Journées. Reste la question du désir de l’analyste. Essayons de faire qu’on n’en finisse pas avec ça : ça ne se fera pas sous serre, mais en le serrant infiniment.

Tout ceci ne sera rien si seulement ça. Il faut profiter de l’occasion. Il faut qu’il y ait des AE nommés, nombreux si possibles, cuits dans un jus renouvelé, au moins a priori générationnel (pour le reste, on verra). Si devenir analyste au XXIème siècle n’est plus comme au XXème, cela n’a pas moins à être le cas pour l’AE, qui devrait être pluriel, « des » AE.

Sur la passe, j’ai aimé les textes (souvenir en vrac) de Sophie Gayard, Anne-Marie Le Mercier, Hélène Bonnaud, Philippe Hellebois avec la réponse de Pierre-Gilles Guéguen, qui m’ont frappé par leur ton et une absence inédite et salutaire de ménagements, une sorte d’effraction. Veine carnavalesque dont JAM nous a bien dit qu’elle ne va pas sans la « simagrée sociale », mais étendons-la encore un peu, et sur la passe aussi ! Beaucoup va dépendre d’abord des cartels nouveaux mis en place, et surtout des nouveaux AE. Qu’il y en ait et qu’ils y aillent, sans qu’on les engonce trop ! L’ECF3 ne sera pas moins « dans le siècle » (le XXIème, cette fois-ci !) que ses précédents moments, mais elle ne doit pas moins être renouvelée, dans son atmosphère et la considération qu’on en a. Alors, peut-être, la suite, encore !…