par Dominique Heiselbec
J’ai émis l’idée que les Journées que nous avons connues en novembre avaient « court-circuité la passe » (JJ 58). Je voudrais développer davantage, et tenter une articulation entre ces Journées et le « débat sur la passe » à partir de mon expérience.
Tout d’abord, une précision : proposer que « ces Journées ont court-circuité la passe » ne signifie pas qu’elles l’auraient « remplacée », mais au contraire, qu’elles l’ont anticipée, en rapprochant le terme, le rendant inéluctable, et ce, logiquement.
Je m’explique. C’est dans la mise au travail suscitée par le thème des « Formations de l’inconscient de l’analyste » proposé par J.-A. Miller, qu’à partir d’un rêve fait plusieurs années auparavant, le parcours analytique est venu s’articuler et a précipité dans un texte qui fut exposé.
Qu’est-ce qui a mis aussi radicalement au travail ce sujet ? D’où cela a-t-il répondu ?
Cette offre, dont M. Miller se faisait le garant, a touché le sujet dans son rapport au réel. Elle fit adresse, invitation à témoigner du réel engagé dans la cure et mis au travail de la tâche analysante. C’est en effet « à la poursuite du réel » et sans relâche que se menait l’analyse pour ce sujet. L’offre fut donc acceptée et comprise comme une opportunité de « mise au clair », d’explicitation, voire d’exposition, de ce qui était en jeu dans le travail analytique, et ce, depuis longtemps… dans l’obscurité cependant. L’intention y était, la volonté aussi sûrement, mais la surprise fut que le sujet soit subverti par ce qui s’est articulé dans son texte, se détachant de l’analyse, à savoir une lettre, qui de surcroît ne s’écrit pas !
Le thème choisi par M. Miller, entendu comme : « Dis-nous ce que trame ton inconscient », si simple, si généreux, s’adressant à chaque analysant en tant qu’analyste en formation à l’École de l’inconscient qui lui échoie, sans distinction de grade ou de notoriété, visait le cœur de l’analyse qui ne s’atteint pas, autour duquel tourne l’analysant pendant sa cure. Dans notre cas, la réponse n’émane pas du sujet – qui n’en revient pas : il est littéralement pris de court ! – mais est « la conséquence » (terme emprunté à M.-H. Roch) d’un forçage de l’inconscient supposé savoir qui se manifeste dans le rêve.
À qui adresser ce produit de l’analyse qui n’émane pas d’un sujet mais d’un vide, sinon à l’ouverture qui l’a suscité via le désir en acte qu’incarne J.-A. Miller ? Qu’en faire d’autre que de le déposer dans une École de psychanalystes, de lui en faire don ? L’enjeu n’étant absolument pas d’« être – ou pas – nommée AE », encore moins « formaté » ou « profilé » !
Si l’on considère que le thème des Journées était centré sur le rapport au réel et que la passe consiste précisément à témoigner de ce rapport lorsqu’il s’est dégagé de la cure, il n’y a qu’un pas de l’un à l’autre. À ceci près que la passe dans ses modalités actuelles est délaissée (cf. le témoignage de Patricia Bosquin-Caroz, JJ 64), alors que ces Journées ont su faire « offre de passe », (re)suscitant… une demande !
L’engagement politique
Le thème éminemment subversif pour l’Institution École choisi par J.-A. Miller, le fait qu’il ait tenu à organiser ces Journées lui-même, « court-circuitant » les états-majors par sa « tyrannie de la transparence », s’adressant directement à chacun, chacun ayant la possibilité de s’adresser à lui en retour, tout cela conférait à l’événement, au-delà de l’ouverture, une dimension d’appel. Appel à répondre à partir de son engagement et de son lien à la cause analytique dans ce qu’il a de plus authentique. Appel à le rejoindre et à rejoindre l’École « rénovée » que d’aucuns ont appelée ECF3. Dans notre cas, si appel il y eut, il fut reçu 5 sur 5, et au plus haut niveau, celui où l’analyste a à se tenir, c’est-à-dire à la lettre… ce qui implique de rejoindre l’École… si ce n’est déjà fait. À charge maintenant de définir la procédure qui convient. Décidément, ces Journées auront bel et bien court-circuité la passe !