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Les Journées de l'ECF #02

Joli pari

 

par Judith Miller

Mettons-nous à l´heure de la surprise, dans ces Journées, tout en sachant que la plupart des décisions sont vécues comme trop tardives. Ce n´est pas une raison pour ne pas les prendre.

Celle-ci me permet de savoir pourquoi le titre de ces Journées me gratouillait sans le chatouiller. Sans doute suis-je trop heideggerienne : le « on » tue la surprise, qui renvoie à un chemin déjà tracé.

Heureusement que Jacques Lacan a retrouvé l´esprit freudien : la notion de chemin obligé, de cursus, est celle de l´analyse dite didactique avec ses appareils de bien nécessaires et autres baudruches infatuées Voir le texte mordant des Écrits. En tirer les conséquences.

Une analyse n´est pas préprogrammée, elle réserve des surprises.

Pas de préjugés, pas d´idéal non plus. La passe n´est est pas un, ne préjuge de rien, pas même de ne pas revenir au travail d´analysant, pour une petite tranche, par ci, par là.

La question serait double, pour le moins. Qui est analysant, qui entre en analyse actuellement, et qu´est-ce qu´il peut s´y produire ? A la première, nombreuses réponses, au cas par cas. J´en décline quelques-uns, que je peux en voir (sans en rien savoir).

  • Il en y en a qui croient faire une analyse, et qui n´en font pas, parce que celui qui prétend le leur permettre ne le leur permet pas. Pas d´analyse sans analyste. La question devient duriuscule : il y aurait à démontrer que l´ »acte » vérifie que quelqu´un a tenu la place de l´analyste. Toujours est-il que tous ceux qui veulent faire une analyse n´ont pas la chance de rencontrer ce quelqu´un.
  • Il y en a qui souffrent et qui ont le courage de ne pas s´y complaire, de se mettre au travail analytique, ils l´apprennent. Ils dégustent assurément, et dégusteront encore mais d´une autre façon, ce travail a des effets, dont je ne vois pas pourquoi les analystes rougiraient de dire qu´ils sont de guérison, étant entendu qu´en médecine qu´à avoir guéri, un malade n´en reste pas moins mortel ; l´amélioration, la satisfaction dont il s´agit, n´équivalent ni à l´ataraxie, ni à quelque « normalité », ni à une santé mentale, … ni… ni.
  • Il y en a qui prennent goût à ce travail, qui leur devient indispensable, ils ont bien fait de s´y décider, parfois par nécessité structurale, parfois par faiblesse (quand ?), parfois par d´autres voies.
  • D´autres considèrent à un moment qu´ils ont fini, ce peut être provisoire ou définitif, ce qui n´implique pas de mettre au travail son inconscient, en enseignant par exemple, mais il y a d´autres façons, à expliciter aussi, dont celle d´analyser les autres aussi bien.
  • Il n´y en a pas qui font une analyse par pure curiosité intellectuelle, ni pour trouver leur voie professionnelle, retour à la case départ.
  • Il y en a qui ne se décident pas à se mettre au travail d´analysant. Ont-ils tort ? Le tort tue, comme chacun sait. Sans doute parmi ceux-là, beaucoup cèdent-ils sur leur désir. Pas tous, certains se débrouillent sans savoir comment. Ils mesurent les contingences qui le leur ont permis, les rencontres, les occasions manquées, et celles saisies.

Si la psychanalyse est précieuse aujourd´hui, c´est d´être intempestive, de préserver des recettes, des programmes, d´apprécier l´inattendu et l´anodin, et de les accueillir sans les abraser, de toucher avec tact au plus secret, tout en en rendant compte avec justesse et par le détail singulier. Rationaliste autrement, elle demeure poétique.

Trouver les surprises, joli pari. Elles ne consolent, ni n´évitent la vanité de ce qui fait le sel de la vie, un petit rien, décisif. En quoi ?