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Varia sur la Passe L'Ecole Une #75

L’ECOLE UNE EN DEBAT


par Jacques-Alain Miller


Avec ce numéro se termine la première phase du débat sur la passe dans le Journal, et commence sa première scansion suspensive.

Les textes arrivés hors délais ne sont pas publiés. Les délais sont fixés pour donner son tempo à une réflexion interactive dont beaucoup sont partie prenante : ils demandent à être respectés. Les retardataires auront d’autres occasions de s’exprimer.

La Conférence des 16 et 17 janvier réunira les auteurs des contributions sur la passe publiées dans le Journal, de la lettre de Sophie Gayard au présent numéro. Elle se tiendra au local de l’Ecole, rue Huysmans. Accueil le samedi 16 janvier à partir 14h 30 ; début à 15h ; fin : dimanche 17, au plus tard à 17h. Les contributions seront réunies dans une électrobrochure envoyée aux participants.

Avec la lettre d’Estla Paskvan, parue en espagnol dans le numéro 73, un autre débat s’annonce.


1. Le récit d’Estela Paskvan

Ce nouveau débat prend son départ dans un problème propre à l’Ecole espagnole. En effet, l’examen de ce problème amène nécessairement à se poser des questions sur la stratégie, la politique, et la nature même de l’AMP.

Publié avec le titre que je lui avais choisi, « Autonomie », le texte d’Estela s’intitulait initialement « Le dispositif de la passe est loin ».

Il fut un temps, explique Estela, où ce dispositif était « proche des membres », entendre : proche des membres espagnols de l’Ecole européenne. Ce temps était celui de « la Question de Madrid » : j’avais proposé la passe à l’entrée, il s’agissait de former des Cartels qui seraient le jury de cette passe à l’entrée. Récit d’Estela : « J.-A. Miller rappela qu’il y avait dix AE dans l’ECF : pourquoi ne pas constituer deux Cartels avec des personnes si honorables ? Tous approuvèrent avec enthousiasme. Puis, nouvelle question : “Qui sont ceux qui désigneront les premiers passeurs ?” J.-A. Miller sortit alors de sa manche une proposition qui, aujourd’hui, paraîtrait invraisemblable : que ceux qui considèrent qu’un collègue (bilingue) pourrait jouer le rôle de passeur [de la passe de passants espagnols vers les Cartels français] lui communique ce nom. Lui s’engageait à prendre en considération tous les noms proposés, et à consulter le cas échéant leurs analystes. Et comme si ce n’était pas encore assez pour inspirer confiance, il rendit publique cette première liste de passeurs. Oui, voilà comment la passe à l’entrée put fonctionner ; les membres de l’Ecole tenaient la passe entre leurs mains. Je me souviens même de cette anecdote amusante : une collègue me dit : “Je t’ai désignée comme passeur”. Plus tard, on put lire dans les rapports de ces Cartels que les passeurs ainsi désignés furent “exceptionnels” quant à leur transmission ».

Estela retrace ensuite le processus qui vit le dispositif de la passe s’éloigner progressivement des membres espagnols : scission de 1998-1999 ; création de la ELP ; dédoublement des Cartels : un Cartel espagnol pour la passe à l’entrée, les Cartels parisiens pour la passe dite conclusive ; constitution en 2003 du Cartel « hispanophone » ; au Congrès de l’AMP à Rome, en 2006, transformation de l’Ecole européenne en Fédération des Ecoles européennes, ayant autorité sur la procédure de la passe, et mettant hors jeu l’Assemblée de la ELP. Estela rappelle qu’elle demanda alors la rédaction d’un nouveau règlement plaçant la procédure entre les mains de la ELP, qui avait suffisamment prouvé, dit-elle, qu’elle pouvait l’assumer : « On me répondit que c’était en effet pertinent, qu’on le prendrait en compte… finalement, rien ne changea, et on en est toujours là. »

2. Le problème posé

Le problème posé par cette lettre est donc le suivant : un Cartel de la passe siège à Barcelone ; il est composé de membres espagnols, qui viennent d’ailleurs de choisir Estela Paskvan comme plus-un ; mais ce n’est pas un Cartel espagnol : c’est un Cartel hispanophone, régulé par la Fédération européenne ; nombre de collègues hispanoaméricains choisissent de faire la passe à Barcelone, quand ils appartiennent à la NEL, qui n’a pas de Cartel de la passe, ou quand, appartenant à l’EOL, qui, elle, a un Cartel, ils préfèrent néanmoins ne pas faire la passe chez eux. En conséquence, Estela demande que la FEEP cède le contrôle de la procédure à la ELP, qui aurait donné, selon elle, toutes les preuves d’être capable de le faire.

Il s’agit maintenant de savoir :

  • si les raisons qui ont conduit à la création de ce Cartel européen sont toujours valables ;
  • si la ELP est effectivement en mesure de réguler un Cartel espagnol de la passe ;
  • pourquoi il n’existe pas de Cartel italien de la passe ;
  • quelle est la nature des Cartels de la passe dans l’AMP : dans quelle mesure la passe est nationale, dans quelle mesure elle est internationale ;
  • quelle régulation de la passe exercent effectivement les Ecoles ;
  • quelle régulation exerce effectivement l’AMP ;
  • si la situation actuelle de la passe est satisfaisante ou non.

Jusqu’à présent, un seul débat sur la passe est en cours : celui qui se déroule dans le Journal des Journées, et qui concerne l’ECF. Ce débat a mis en évidence que la situation de la passe n’y est pas satisfaisante. Doit-on extrapoler cette constatation, et présumer que, dans les autres Ecoles, la situation n’est pas meilleure ? Ou, au contraire, la passe ECF est-elle « l’homme malade » de la passe ?

Par le passé, tous les membres des cartels et des Secrétariats de la passe de l’AMP se réunissaient pour faire le point et échanger leurs expériences la veille des Congrès ; ces réunions ont cessé d’être convoquées (je ne sais ni quand, ni pourquoi). La parenthèse se referme : cette réunion vient d’être convoquée pour le dimanche 25 avril, rue Huysmans (accueil à 9h 30 ; début à 10h ; fin à 18h). Tous les cartels de la passe existant dans l’AMP (ECF : 2 ; EOL : 1 ; EBP : 1 ; FEEP : 1) ont confirmé leur participation ; quand les cartels permutent en cette fin d’année, sont conviés à la fois les sortants et les entrants. Les Secrétariats, quand ils existent, sont également conviés.

Cette réunion sera d’autant plus féconde qu’elle aura été précédée par des débats sur la passe, ouverts dans les différentes Ecoles, à l’instar de celui de l’ECF.


3. L’ampleur du problème

Ceci n’est pas tout.

Depuis 1980, soit 30 ans, l’orientation du Champ freudien n’a pas varié : assurer à la psychanalyse une présence au monde, lui donner la possibilité de persévérer dans l’être et de développer sa puissance, en adossant la formation des psychanalystes à de vastes institutions nationales ou internationales, autonomes, les Ecoles, reliées entre elles par un maillage plus ou moins serré.. Cette stratégie a donné naissance à sept Ecoles dans le monde, et à l’AMP.

L’AMP repose sur une articulation fine, demandant à être ajustée de moment en moment, entre l’Un et le Multiple. Le Multiple, ce sont les Ecoles ; l’Un, c’est ce que nous avons appelé l’Ecole Une , à laquelle tous les membres de l’AMP sont censés appartenir.

L’Ecole Une est une réalité au niveau de la passe : c’est le Cartel de la FEEP qui vient de nommer AE Gustavo Stiglitz, membre de l’EOL ; c’est un cartel de l’ECF qui vient de nommer AE Angelina Harari, membre de l’EBP ; le Cartel de l’EBP qui vient de nommer un AE brésilien a pour plus-un une Argentine (Graciela Brodsky) ; le Cartel de l’EOL, qui vient de nommer AE Silvia Salman a pour plus-un un Français (Eric Laurent). De plus, avant de procéder à une nomination d’AE, les Cartels de l’EBP, de l’EOL et de la FEEP sont tenus d’ inviter un « extime » appartenant à une autre Ecole.

Du fait de l’incidence de l’Ecole Une, la passe dans l’AMP comporte donc une dimension délocalisée. Cette délocalisation suscite inévitablement des frictions avec les institutions localisées que sont les Ecoles – sauf, sans doute, la NLS et la NEL, qui sont continentales. La lettre d’Estela, qui traduit peut-être un sentiment plus catalan qu’espagnol au sens propre, a le mérite de mettre au jour l’une de ces frictions, et à propos d’un problème précis. Des frictions, il en est d’autres, moins explicites. D’où la question : l’articulation qui prévaut actuellement entre l’Ecole Une et les sept Ecoles (Blanche-neige et les sept Nains…) est-elle optimale ? Doit-elle être révisée ? L’Ecole Une doit-elle étendre ses responsabilités, au risque d’empiéter sur l’autonomie des Ecoles ? certaines Ecoles souffrent-elles d’un déficit d’autonomie ? ou, au contraire, d’un trop d’autonomie, qui les enferment en elles-mêmes, et les font stagner ?

Pour ma part, ces dernières semaines, j’ai à plusieurs reprises canardé l’ELP à partir du Journal des Journées, afin de provoquer ses membres à me répondre : j’ai mis en cause son atonie, son inertie, son repli sur soi, sa passivité devant la régulation de la psychologie par le gouvernement espagnol. Première réaction publiable qui me parvienne : la lettre d’ Estela. Eh bien, parlons-en.

Il y a aussi beaucoup à dire de l’Ecole italienne. Apparemment, aucun de ses membres n’est en mesure de les dire pour l’instant. Voyons s’ils finiront pas se dégeler d’ici au mois d’avril.


4. Vers l’Assemblée générale

Le Conseil de l’AMP, qui se réunira fin janvier à Paris, est l’instance habilitée à traiter ces questions et à mettre en forme les différentes options, afin qu’elles soient débattues de vive voix lors de l’Assemblée générale

Dès avant ce moment conclusif, ce débat crucial, qui porte sur l’Ecole Une et son bon usage, est ouvert à tous dans le Journal des Journées.


PS.
Les textes du débat sur l’Ecole Une me seront envoyés en document attaché, texte justifié et corrigé, avec pour objet, en lettres capitales : UNA.
Adresse : jam@lacanian.net

PS 2.
Il ne me paraît pas inutile de diffuser dans le Journal le compte-rendu des débats et le discours du président. Les instances responsables pourraient-elles me faire parvenir ces documents, pour publication ?

— Le 15 décembre 2009