par Marie-Hélène Brousse
J’ai été membre des cartels de la passe à quatre reprises : choisie comme plus-un à l’ECF de 1994 à 1996 ; puis en tant que – en fonction du règlement – membre du cartel suivant de 1996 à 1998 : puis, plus tard, élue lors de l’Assemblée générale ; et, d’autre part, désignée comme membre d’un cartel de l’ELP lors de la période de crise qui a vu certains collègues quitter le Champ freudien.
Je considère que cette expérience, distribuée selon quatre modalités choix de l’Autre, automaton, élection et désignation, a été essentielle dans ma trajectoire, infinie, de formation analytique, autant dire que j’en fais une expérience d’enseignement.
C’est du cartel de l’ELP que je souhaite tirer quelques remarques aujourd’hui. A son début il comportait S. Cottet, G. Morel, F. Perena, et moi-même, le plus-un étant L. D’Angelo. Je garde de nos travaux un mauvais souvenir. Mais en même temps, à y avoir longuement réfléchi, poussée justement par les conséquences subjectives douloureuses que ce travail avait sur moi, cette expérience s’avère très riche d’enseignement. De F. Perena, je n’ai pas appris grand chose, car sa participation fut le plus souvent silencieuse, avant de s’interrompre rapidement. G. Morel, par contre, m’a permis de tirer quelques affirmations qui m’orientent encore aujourd’hui.
Premier point : le cartel était composé d’AE, susceptibles d’être intéressés à transmettre à d’autres le oui qui leur avait été adressé. Pour cela, il convient qu’ils n’érigent pas leur propre parcours et/ou témoignage en norme. Que, bien au contraire, ils soient particulièrement intéressés par des témoignages, des problématiques, des styles, des structures, des sintomes, différents du leur. C’est seulement ainsi que leur présence dans un cartel de la passe se justifie.
Deuxième point : G. Morel traitait les témoignages en y cherchant un certain nombre de critères. Ainsi un exemple parmi d’autres : la recherche systématique comme d’une condition nécessaire, de « la névrose infantile » du sujet, sur laquelle le passant n’avait pas nécessairement mis l’accent. Ces critères en venaient à s’imposer comme une véritable procédure réglant l’écoute du cartel.
De même, devant les questions que se posait le cartel, le renvoi des passeurs vers le passant, ou le passant demandant à revoir ses passeurs, lui semblait contraire à la procédure de la passe. Je tiens que la procédure du dispositif, si elle doit, bien entendu, être clairement définie par un règlement, doit aussi pouvoir être adaptable à la singularité des cas qui se présentent.
Quant à une recherche procédurisée d’éléments de la théorie analytique dans les témoignages des passants, je la pense en contradiction complète avec le réel de l’expérience de la passe, d’autant que cette « procédure » n’est la plupart du temps qu’un symptôme érigé en norme universelle, ce qui était clairement démontrable dans ce cas. Il est exclu de prendre les lois du désir et de la jouissance pour l’analogue de celles de l’astronomie ou de la physique. Le témoignage a d’abord à être entendu pour ce qui, en lui, échappe, met en défaut, surprend la doxa analytique. Si ces manifestations anomiques sont traitées sur le versant du déficit de norme, donc de normalité, le cartel en vient à un principe de précaution qui le condamne à s’abstenir de nommer.
Dernier point : Je vois la passe, côté cartel, comme un lieu d’innovation et de pari calculé. On ne doit pas y chercher seulement la confirmation de ce qu’on sait déjà, mais y être à l’affût de ce qui s’invente et se découvre dans les analyses.