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Varia sur la Passe #70

LA PASSE, DE LA HAUTE COUTURE

par Marie-José Asnoun

 

Hier matin, je me réveille avec la phrase suivante : « Je préfère la Haute couture au prêt à porter ».

La passe, pour moi, relève de la Haute couture. Pour autant, ce style n’objecte pas à la simplicité.

Chaque analyse aboutit, lorsqu’elle aboutit, à un sujet singulier qui produit un sinthome « sur mesure ».

Vraiment, pouvons-nous croire qu’il y aurait eu un âge d’or de la passe, pour en vivre maintenant l’âge sombre ?

La Soirée de l’Enseignement des AE : « La Passe III, politique » du mardi 8 décembre 2009, avec Bernard Seynhaeve, en présence d’Éric Laurent et d’Antoni Vicens, n’a pas été sans résonance pour moi.

Bernard Seynhaeve a développé un moment de solitude qu’il a lui-même qualifié d’imaginaire et nous a décrit un temps d’inhibition. Toutefois il a conclu sur la mise en place d’un travail qui marierait des analystes et des analysants.

Antoni Vicens a mis l’accent sur l’interprétation de l’École, comme l’absence d’AE. L’AE qui manque à l’ECF est une interprétation ! Cela m’a été éclairant.

Le constat est là ; il y a très peu de nominations d’AE ; selon Yasmine Grasser, neuf AE sont nommés depuis l’année 2000. Cela dit, il est aussi vrai que peu de passants se sont présentés au dispositif de la passe. Je partage l’hypothèse d’Antoni Vicens, selon laquelle il y a bien un désir de passe qui ne va pas jusqu’au désir d’AE, car si on souhaite que la passe fonctionne, c’est pour que l’AE soit un Autre. C’est une hypothèse que j’ai émise avec divers collègues.

Je n’impute pas cette rareté de nominations aux seuls Cartels de la passe ou aux passeurs. Nous ne pouvons ignorer la rareté du passant depuis quelque temps.

Je n’ai pas été passeur. En revanche, j’ai été passante : je peux témoigner que j’ai rencontré deux excellents passeurs lors de mon entrée dans le dispositif de la passe. Indéniablement le passeur est central quant à la transmission.

Ce fut et reste une bonne rencontre. Deux passeurs attentifs, généreux, posant des questions et de style alerte. L’une était plus questionneuse que l’autre mais d’un juste ton.

Les deux m’ont dit leur satisfaction de l’effort logique dans ma transmission, qui a conduit via la leur à ma nomination d’AE. Si je peux être critique, je peux aussi témoigner de ma gratitude.

Le dispositif de la passe a fonctionné et fonctionne.

Quelque chose s’est figé à l’École. Jacques- Alain Miller l’a interprétée en acte et la conséquence est le nouveau souffle sous la forme d’un magistral mouvement analysant.

Je veux saisir ce souffle pour renforcer mon rapport à la cause analytique, mais aussi bien reconfigurer le lien à la communauté analytique. Nous sommes d’abord une École d’analysants.

Ce souffle semble avoir eu un effet de « déhierachisation » de l’énonciation, dont nous ne pouvons que nous réjouir ! Éric Laurent parlait hier soir de générosité. Si j’ai bien compris, il disait que la générosité au sens de Descartes, était de situer le sujet de la bonne manière par le discours de la méthode. « Mais c ‘est au prix d’un ordre, de règles, d’une méthode que l’on parvient à conduire sa raison et son action, de manière efficace (…). (…) Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu’un homme s’estime au plus haut point qu’il se peut légitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu’il connaît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu’il en use bien ou mal, et partie en ce qu’il sent en soi-même une ferme et constante résolution d’en bien user, c’est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures ; ce qui est suivre parfaitement la vertu. » (Descartes, Passions, art. 153).

Effectivement, la générosité manque à l’ECF.

Nous sommes traversés par le malaise dans la civilisation. Nous sommes entrés dans un monde de l’immédiateté.

Si le Président du réseau d’agences publicitaires TBWA Worlwide (cf. l’article du journal Le Monde du mercredi 9 décembre 2009) souscrit à l’imagination au pouvoir, pourquoi une École de psychanalyse ne consentirait-elle pas à une orientation créative ? Évidemment nous ne mettrons pas l’imagination au pouvoir, mais nous pourrons miser sur le désir du psychanalyste. Ne négligeons pas la dimension de pari que comporte la passe.

Nous devons parier sur l’invention et être prêts à tout envisager !