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Varia sur la Passe #74

PETIT COURRIER


par Dominique Carpentier

 

Cher Jacques Alain Miller,

Je m’inquiète du tour que prennent les choses en lisant les derniers numéros du JJ. Me voilà « en retard », réagissant après la dead line du jeudi 10/12, 20h00, dans l’inhibition quant à ce que je puis penser de ce qui se passe, quant à la passe, que j’ai faite donc, il y a moins d’un an, sans que j’en puisse dire quelque chose que je jugerai pertinent et digne d’une publication et pourtant dans le souci d’en faire quelque chose…

Vous avez grandement ouvert les Journées, j’ai su répondre à votre appel, paradoxalement heureuse de contribuer aux Journées de Paris, et déçue ensuite du refus de mon texte, interrogative quant à la « liste des mentors » que je n’ai pas eu l’audace de demander, « hors du coup ». Avais-je besoin d’un mentor ? Qui le déciderait ?

Je n’avais pas l’audace de vous demander un avis, et me retrouvais arrêtée dans mon élan.

Vous me direz à juste titre, que l’inhibition, ça se soigne. C’est vrai… Je suis désemparée, dans l’incompréhension de cette dynamique qui m’intéresse, mais qui me fait plutôt me terrer que m’exposer. En effet, c’était l’affaire de ma vie, cette passe, et voilà qu’elle se réduit à une déception… et à un moment de dépression. Dans les remaniements qu’opère cet enthousiasme dont je n’arrive pas à me faire partenaire, il y a le ratage, donc.

Alors, que vous décidiez (c’est politique) que ne seront admis à ces journées sur la passe les seuls auteurs recensés sur le JJ, si je le conçois en terme de programme de la passe dans l’ECF, je me sens très partagée quant à mon « acceptation » de l’affaire. J’aimerai participer à ces journées, l’expérience de la passe est récente pour moi, et encore très vive dans ses effets. Il y a pour moi un trop de textes, trop d’enthousiasme, trop de lectures, trop de pensées qui ne laissent plus de place au manque. Ceci dit, en limitant le nombre de participants à ces journées, vous en créez. Tous n’y seront pas. Le manque, c’est une affaire qui fait vivre le désir.

Je ne perds pas l’idée que j’aurai quelque chose à dire de cette expérience qui s’appelle psychanalyse, et qui m’a conduite à tenter d’en saisir quelque chose dans ma vie, d’en faire une affaire essentielle qui m’a conduit à la passe, et à la reprise d’une troisième tranche d’analyse. J’ai envie d’en témoigner quelque chose aux journées de Rennes.

Une remarque, aussi : où s’entend que l’on devient psychanalyste parce que c’est une solution qui voile l’insupportable de la « condition humaine » ? C’est un symptôme, qui permet de se supporter dans le monde, pas sans la douleur d’exister qui nous habite tous. C’est un symptôme, peut-être pas tant un sinthome. Je ne me reconnais ni d’être dans la plainte, ni dans l’enthousiasme, seulement dans un souci de « bien dire ». Je suis « malheureuse » après cette période d’allègement de l’angoisse à la fin du parcours de la passe, allègement qui a permis que j’use de l’ECF en entrant dans le dispositif, et déçue du peu de répondant du cartel de la passe. Comme d’autres, j’ai demandé à être reçue par le plus-un, je n’en retiens pas grand-chose de ce qui aurait peut-être pu « faire interprétation », ce « non » sans entours m’a saisie et explique cette « déception ». Alors que je vous écrivais le dimanche d’après les Journées mon contentement d’être membre de l’ECF, je suis aujourd’hui désemparée. J’ai une analyste avec qui parler de « tout ça », mais ma colère étrange, imparfaite pour être efficace, me rend « bête ». Je n’ose pas dire que je suis déçue, c’est en effet très névrotique. J’ai un corps, donc, et des affects qui le traversent, la solitude m’assaille plutôt de façon nouvelle. Une espèce d’isolement réel. Vraiment, n’aurais-je donc rien compris… à la psychanalyse et à son enjeu ?

Je vous remercie de votre lecture, je ne sais à quoi m’attendre, puisque tout ce qui se passe, je désire que cela ne se passe pas sans moi… et je ne sais pas comment m’y prendre. Encore un effort, me direz-vous. La psychanalyse, une cure, une vie, c’est impossible à supporter sans d’autres, sans une école. Sans vous aussi. Voilà que j’ose écrire, malgré votre réponse lapidaire à un message où je vous disais que je me languissais de n’avoir pas de réponse à ma proposition pour les journées de Paris. Ce n’est pas une solution pour moi de me taire, ni de me terrer. Vous me direz d’inventer ma solution, une part de celle-ci tient dans ce petit courrier.

Bien à vous. Jeudi 10 décembre 09