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Varia sur la Passe #70

POUR LA PASSE DANS LA NLS

par Nassia Linardou

Il y a dix ans, je pouvais revenir vivre en Grèce après de longues années passées à Paris. Beaucoup de choses avaient changé pour moi entre-temps. Les rencontres que j’avais faites m’avaient donné cette possibilité de retrouver mon pays dans des conditions complètement différentes. J’étais partie médecin, je revenais psychanalyste.

Je savais qu’il y avait un champ à ouvrir dans l’après-coup de Barcelone 1998. Je me sentais engagée sans réserve. Je n’étais pas seule. Mais je savais que j’allais commencer à pratiquer la psychanalyse loin de mon analyste et sans le soutien que pourraient être pour moi l’enseignement hebdomadaire de Jacques-Alain Miller et l’environnement de l’ECF. A ce moment charnière j’ai éprouvé le besoin de prendre appui sur ma cure, sur ce que j’avais fait dans l’analyse et sur ce qui avait changé en moi par l’effet de la psychanalyse pour être en position de la proposer à d’autres. Je savais que mon analyse n’était pas finie car les effets sur le désir n’avaient pas absorbé entièrement l’angoisse, selon la formulation très éclairante de Jean-Daniel Matet. En aucun cas il n’était question pour moi d’arrêter mon analyse. Mais il m’importait de faire cet effort subjectif de me pencher sur my ruins of wrecked past purpose pour repérer ce qui en avait pris la place. J’ai fait à ce moment-là la passe à l’entrée. Pendant les entretiens avec les passeurs un travail de reconnaissance a été possible, reconnaissance de ce qui avait compté pour que je puisse, non sans angoisse, me déplacer suffisamment de l’idéal et pouvoir pratiquer la psychanalyse. Le cartel a alors proposé mon admission à l’EEP. L’année suivante la passe à l’entrée était supprimée.

Dix ans ont passé depuis. Toute la vie a tourné autour de comment transmettre ce lacanisme millérien qui nous enchantait, conquérant, audacieux, clinique, sans concessions et ouvert. Je réalise aujourd’hui que durant cette période j’ai très souvent dit ‘nous’ et non pas ‘je’ dans l’effort d’emporter dans le courant cette communauté de jeunes cliniciens qui y prenaient goût. La construction de cette communauté et ses avatars, véritable expérience subjective, est devenue l’affaire de mon analyse. Mais la passe nous manque !

Aujourd’hui il clair que des demandes d’admission se feront jour parmi les jeunes grecs de la Société hellénique. Des questions nouvelles surgissent d’ores et déjà. Est-il possible de construire une communauté d’École sans qu’elle ait une expérience de passe, sans que la passe soit cause du désir d’École ? Sans que personne de ses membres n’ait été passeur, sans que les aînés ne soient travaillés par cette question ? Comment l’analyse de chaque postulant serait-elle prise en compte dans la procédure de son admission ? Autrement n’est-ce pas le ‘syndicat’, les ‘notables reconnus par ancienneté’, le ‘chacun est chacun’ qui nous guettent à tous les tournants du chemin ?