par Anaëlle Lebovits
« L‘École freudienne ne saurait tomber dans le tough sans humour d’un psychanalyste que je rencontrai à mon dernier voyage aux U.S.A. « Ce pourquoi je n’attaquerai jamais les formes instituées, me dit-il, c’est qu’elles m’assurent sans problème d’une routine qui fait mon confort. » ». Ainsi s’achève la « Proposition » du 9 octobre 1967 de Lacan. Que le confort et l’inconfort aient parties liées, c’est bien ce dont attestent les différents témoignages sur la passe qui ont animé le JJ ces derniers temps. Surtout chez ceux qui disent maintenant leur inconfort d’hier. Et il y en a. Et puisqu’on remarque qu’il faudra une réouverture de la passe en même temps qu’une réouverture de l’École, voici ce que je soutiens : une passe à l’entrée.
- La « passe à l’entrée », dont les modalités seraient à définir, pourrait être occasion pour l’École d’ajouter une corde à l’arc de la sélection de ses membres, triés sur le volet, et quelle corde ! puisqu’il s’agirait d’une flèche. Non sans effet pour le « passant ». Un discret retour pourrait être fait au candidat retoqué.
- Du côté du candidat maintenant. Si, parmi les participants aux Journées qui n’étaient pas membres de l’École, nous sommes nombreux à avoir tant aimé ces Journées, c’est que nous y avons misé quelque chose. Certes, le texte était écrit, très écrit, lu, sélectionné puis rendu public. Il n’empêche. L’expérience subjective a, par la suite, précipité certaines demandes d’entrée à l’École. Faire un singulier effort pour voir où notre analyse nous a mené, l’exercice mise sur l’inconscient, et dit plus et mieux que les « titres et travaux ».
Maintenant, pour ce qui concerne la passe qui doit mener (ou pas) à la nomination d’AE : l’AE idéal n’existe pas, et si bien des AE refont une tranche après leur nomination – une mode dit-on – c’est que la chose est entendue. Et pourtant, l’absence de nomination d’AE ces dernières années ne révèle-t-elle pas que l’AE a été idéalisé ? La procédure de nomination y a peut-être eu sa part. Mais si la boîte aux lettres était vide, n’est-ce pas aussi que les potentiels AE se croyaient indignes du titre rare ? À moins que ça n’ait été justement le contraire. Pas d’idéalisation, ou pas seulement. La boîte aux lettres vide indiquant alors que la confiance en la procédure n’y était plus. C’était peut-être les deux, parfois tour à tour. Mais alors ceux qui ne lui faisaient pas confiance, à cette procédure, que ne l’ont-ils fait entendre ? On peut attendre des cartels de la passe qu’ils nomment des AE, et des candidats à la nomination d’AE qu’ils présentent leur candidature. L’AE au parcours chaotique, troué, surprenant, non-conforme vaut son pesant d’or. Et il faut en effet à chaque AE inventer comment occuper sa place pour aller de l’avant, et en entrainer sur son passage. Pourquoi y aurait-il une façon d’occuper cette fonction, puisque l’AE est par excellence celui qui doit témoigner que de son symptôme, voire de son ravage, il a fait solution et solution singulière.
Longtemps, il y a eu sur la passe, mais sans doute aussi sur d’autres sujets, des réponses « silencieuses » au malaise qui cristallisait avant les Journées. Il faut croire que nous trouvions du confort dans le ronron – et quand je dis « nous », je ne m’exclus pas de ce « nous ». Quand le Loup s’adresse à l’Agneau, je tiens qu’il mi-dit le vrai: « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère, dit-il, ou l’un des tiens ». Les agneaux deviennent des moutons… Quant au loup, on craint d’autant plus sa grosse voix qu’on persiste à ignorer qu’elle est l’autre face de celle, douce, de l’agneau. L’agneau ne craint le loup que pour autant que ce qu’il lui pointe comme sa faute, il la reconnaît déjà comme étant sienne – et en même temps, il s’en défausse. Les nombreuses contributions au débat sur la passe rompent avec le ronron. Ceux qui y participent disent à leur manière : la passe nous regarde, nous en sommes responsables dans l’exacte mesure où ses impasses nous sont douloureuses. Nous ne saurions ronronner sans dommage.