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#74

Un des noms du Diable

 

par Luis Francisco Camargo

 

En août 1994, je rentrais à la Fac de Psychologie, et à la fin de l’année, je commençais mon analyse avec une psychanalyste qui aujourd’hui est membre de l’EBP. J’ai décidé d’arrêter cette analyse en 2008, et d’en recommencer une autre à Paris.

Comme vous devez le savoir, il existe actuellement une section de l’EPB (en formation) à Florianopolis, capitale de l’État de Santa Catarina. Je suis lié à cette section, et y participe activement depuis que la Délégation Générale de l’EBP existe, c’est-à-dire, depuis 2001. Actuellement, je suis correspondant et professeur invité au Cours de Psychanalyse de la Section SC de l’EBP. Je suis à Paris pour réaliser une codirection de thèse (Doctorat Sandwich) grâce au Département de Psychologie de l’Université Fédérale de Santa Catarina. Mon directeur de thèse au Brésil est le Dr. Fernando Aguiar et le codirecteur à Paris est M. Serge Cottet. Je leur dois beaucoup. Je dois aussi remercier le Département de Psychologie au Brésil qui m’a donné une bourse pour étudier à l’Université Paris 8. Pour conclure, le Département de Psychologie de l’UFSC n’a rien ni contre vous personnellement, ni contre l’Orientation lacanienne.

Je ferme la parenthèse. Entrons dans le vif du sujet.

Je me suis passionné pour la psychanalyse à partir de traces : les mathèmes lacaniens. Mon père a été ingénieur. Moi, j’ai fait mes études secondaires au Brésil dans une École Technique Fédérale en Télécommunications. J’avais presque définitivement opté pour suivre mes études supérieures en ingénierie électrique. Au dernier moment, j’ai finalement choisi d’entrer à l’Université en cours de Psychologie.

Au début, la psychologie comportementale m’a attiré à cause de quelques signifiants qui représentaient l’idée d’exactitude, à savoir, les calculs, circuits, formules, alimentation, réalimentation, etc. C’étaient des termes proches de ceux de l’électronique digitale et de l’électromagnétisme, mes disciplines favorites en Télécommunications. Cependant, tout a changé quand j’ai vu la première fois un mathème lacanien. Ça a été le coup de foudre. J’ai eu un frisson, un frémissement. Ce fut le commencement de mon histoire d’amour avec la psychanalyse. Mon chemin vers la psychanalyse commençait, entre 1996 et 1998.

A cette époque (fin des années 90), il y avait deux professeurs de psychanalyse au Département de Psychologie, membres fondateurs de la Maiêutica Florianópolis Instituição Psicanalítica. Actuellement ils sont tous les deux à la retraite du Département de Psychologie. Toutefois, elles exercent aujourd’hui la fonction de professeurs dans d’autres Universités privées dans la région de la ville de Florianópolis.

La Maiêutica Florianópolis est une filiale de Mayéutica Institution Psicoanalítica da l’Argentine, qui a comme fondateur et maître Roberto Harari, décédé depuis quelques semaines. Roberto Harari animait fréquemment des séminaires et des cours dans cette institution ; et ces deux professeurs représentaient sans aucun doute ses idées et suivaient son enseignement.

A cette époque, la majorité des étudiants de psychologie de l’Université Fédérale de Santa Catarina, vraiment intéressés par la psychanalyse, sous l’influence de ces deux professeurs, finissaient toujours par étudier la psychanalyse sous l’angle de la Maieutica. Aujourd’hui tout a changé, depuis que l’EBP a fondé une section (en formation) à Florianópolis, qui diffuse la psychanalyse d’orientation lacanienne du Champ freudien.

En tout cas, à l’époque où n’existait pas encore l’EBP à Floripa, mon cas ne fut pas différent des autres. Je commençai à étudier la psychanalyse dans la Maieutica , en cartel. Ma première interrogation à l’intérieur du cartel fut justement ; « Qu’est-ce que c’est exactement, un cartel ? » Comme personne, ni aucune publication de cette institution, ne me donnait de réponse satisfaisante, je décidai de me procurer des publications extérieures. Je trouvai un peu par hasard un livre intitulé “Le Cartel”, organisé par Stella Jimenez de l’EBP-Rio. À cette époque, ce livre m’avait éclairci quelques questions de base sur le cartel et aussi, il m’a donné les références chez Lacan.

À partir d’un acte naïf de ma part, j’ai pris la décision de faire la publicité du livre de Jimenez à mes collègues de cartel à la Maiêutica, où j’ai été fortement censuré, et averti par un membre de cette institution à propos des périls de la psychanalyse de l’orientation lacanienne du Champ Freudien, surtout sur le grand prestidigitateur Jacques-Alain Miller. Bon, ça a été la première fois que j’ai entendu votre nom.

Ce membre m’a fait quelques admonestations et réprimandes : « Ce livre est une déviation de Lacan, puisqu’il a des orientations de Miller » ; « Miller n’est pas fidèle à Lacan » ; « Attention ! Vous ne devez pas le lire » ; « Ça n’est pas Lacan ». À la fin, comme tout ça n’avait pas eu d’effets sur moi, il m’a dit : « Bon, si vous voulez vraiment le lire, ça va. Mais vous ne le montrez pas à vos collègues ». En fait, toutes ces profanations, admonestations, avertissements et censures m’ont fait arriver à une formule : « C’est le diable ».

J’ai toujours eu de la curiosité et de l’intérêt pour les choses profanes, pour l’effroyable, le sinistre, l’insupportable, et l’inquiétant. Ce n’est pas par hasard que j’ai travaillé pendant quelques années comme technicien en télécommunications avec l’électromagnétisme, la communication par radiofréquence. En fait, c’est la partie infernale de l’ingénierie.

Or, si l’intention des membres de cette institution avait été de m’éloigner du Champ Freudien, tout ça a provoqué un effet contraire sur moi. J’ai résolu de connaître le diable. À cette époque, j’ai commencé à fréquenter la Délégation de l’EBP à Florianópolis, institution de mon analyste. À l’École, Jacques Lacan a commencé à sembler moins difficile. En fait, sans savoir, j’avais commencé ma formation. Toutefois, pendant quelques mois j’ai continué à fréquenter aussi la Maiêutica parce que je faisais encore partie d’un cartel. Autre acte naïf, j’ai commencé à vous défendre dans cette institution : « Vous devez lire Miller avant de le critiquer » ; « Les critiques doivent être sur les écrits et non fondée sur les bruits ». Mes essais d’avocat du diable ont eu comme résultat mon expulsion définitive des réunions de cette institution.

On sait que la haine et l’amour sont des faces opposées d’une même pièce. Je n’avais pas imaginé la dimension de la haine liée à vous dans la Maiêutica. En fin de compte, à la fin du siècle XX, dans une autre institution psychanalytique, ça a été la première fois que j’ai entendu un des noms du Diable.