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UJL #66

UPJL en formation :: Séminaire de recherche

Séminaire de recherche

Alain Grosrichard

le philosophe et son turc

(avatars du prophète au temps des lumières)

Depuis la chute de Constantinople, en 1453, le Turc (et par métonymie le “mahométan”), n’a cessé de hanter l’Europe chrétienne. Au siècle des Lumières, il ne la menace plus militairement. Mais il est devenu l’objet fantasmatique d’une “hainamoration” très singulière, où la littérature trouve matière à faire rêver, même si parfois le rêve vire au cauchemar. Sa religion, ses mœurs, le “despotisme” de sa politique donnent à penser aux philosophes. De Montesquieu à Condorcet, en passant par Diderot, Rousseau et Voltaire, chacun prend position sur la personne et l’enseignement du Prophète. Celui que met en scène Voltaire obtient un succès monstre. Normal : imposteur chargé des pires crimes, “Tartuffe les armes à la main”, ce Mahomet-là est le plus infâme de tous les monstres. Mais à travers lui, c’est le Pape et son Église que Voltaire prend pour tête de Turc. Et Voltaire l’historien réhabilite ce Mahomet défiguré pour la bonne cause par Voltaire le poète. Pour un peu, il en ferait même un “philosophe” avant la lettre. Il n’est d’ailleurs pas le seul à lui prêter cette double figure, sous les traits de laquelle le Turc continue de nous hanter. Mais qui, nous ? De quel sujet, lui-même divisé, ce Turc hérité des Lumières demeure-t-il le révélateur, dans l’Europe d’aujourd’hui ? Pour traiter la question, on évitera le panorama et l’histoire des idées. On procèdera plutôt à une lecture clinique de quelques textes symptomatiques.

C’est sur les rives du Bosphore que Candide, parvenu au terme de son périple, énonçait sa maxime : “il faut cultiver notre jardin”. Pourquoi ne tenterions-nous pas d’y cultiver aussi un lopin de Champ freudien ? Contact : alain.grosrichard@noos.fr