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#82 LNA

Agnès Aflalo, L’évaluation, un Etat dans l’Etat

La vraie prise du pouvoir par les TCC a eu lieu en 1978, à l’OMS. C’est à ce moment-là que les adeptes des TCC ont inauguré le règne d’une bureaucratie folle qui a ensuite gangréné les autres administrations d’Europe. En remplaçant l’idée de maladie mentale par celle de santé mentale, les adeptes des TCC ont ouvert l’ère de la psychiatrisation forcée de nos sociétés. Car, depuis lors, ce sont les préjugés des psychiatres qui décident ce que doit être le bonheur conforme à La santé mentale et qui dictent ainsi la politique de santé publique. Chaque citoyen se voit donc appliquer, comme pour les moteurs, la loi du zéro défaut. C’est à peine possible dans le monde inanimé des objets, alors pour les humains, le défaut qu’est la vie doit cesser. Une fois admise l’identité du carnet de santé d’un moteur et d’un humain, la santé mentale est calculée grâce au symptôme biopsychosocial et autres risques psychosociaux. Ils ont été fabriqués pour faire entrer chacun dans des catégories à normaliser au nom de ladite santé mentale. Plus l’évaluation fait croire que le bonheur, c’est plein d’avoir dans les armoires et plus elle impose son diktat aux êtres. Alors, il n’y a plus d’autre choix que de se conformer ou de disparaître. Le rapport du Centre d’analyse stratégique sur La santé mentale montre à quel point l’évaluation est devenue un État dans l’État. Elle veut gouverner sans l’avouer aux politiques qu’elle prétend servir et sans risquer le verdict des urnes. Dans cette folle lutte contre les défauts humains, l’acte et ses effets incalculables sont rejetés. Les suicides de masse démontrent qu’il ne manquera jamais d’Antigone pour le rappeler et refuser la soumission au Créon bureaucrate qui a pris le pouvoir en silence. Seul un acte politique pourra faire cesser le massacre. Ne peut-on, d’ici-là, se souvenir que, même pour les Écritures, boiter n’est pas un péché ?