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Lettres & messages #81

Agnès Giraudel, Question d’intérêt

C’est en lisant le communiqué de l’AMP publié dans le 67ème Journal des Journées, sous l’intitulé « Le troisième », que j’ai prêté attention pour la première fois au signifiant « nouveaux venus ». Lecture incomplète, désordonnée, des numéros qui se succèdent à une cadence soutenue : peut-être avais-je manqué la première occurence de ce signifiant, son explicitation… Celui-ci m’interrogea. Qui sont précisément ces « nouveaux venus », qui non seulement auront accès à l’ensemble des travaux du Congrès, mais qui pourront également y présenter des exposés ? Lecture rapide du communiqué : les « nouveaux venus » semblaient s’entendre de ne pas être membres de l’AMP. Mais les non-membres de l’AMP entraient-ils tous pour autant dans la catégorie des « nouveaux venus » ? « Troisième événement [d’une] série hors série, en tant que son ‘moment de conclure ‘ », le Congrès de l’AMP voulait ouvrir ses portes à une population qui paraissait déjà exister. Alors, fallait-il avoir accompli quelque chose de particulier pour être qualifié de « venu » ? Depuis quand fallait-il l’être pour bénéficier de l’attribut de nouveauté ? Tous ceux, qui depuis plusieurs années assistent aux Journées d’études de l’ECF, suivent ses enseignements, lisent ses publications… étaient-ils soudainement devenus des « nouveaux venus » ? Avais-je, pour ma part quitté l’état de simple « non-membre » pour un statut m’ouvrant l’accès au Congrès de l’AMP, m’offrant même la possibilité d’y proposer un exposé ?

Réception du lien pour l’inscription, accomplissement des formalités à cet effet, mes interrogations furent levées. C’est alors que le fil de mes lectures me conduisit à l’article d’Éric Laurent « La passe-désir », publié dans le Journal des Journées n°70. J’y découvris une phrase qui, relançant mon questionnement, en décala la portée : « Jacques-Alain Miller propose d’appeler ceux qui nous entrainent dans leur intérêt manifeste et pour qui les portes du Congrès de l’AMP s’ouvrent : les nouveaux venus. » « Intérêt manifeste », effet d’entrainement dans ledit (intérêt). Mon attention fut ravivée. Plus question, cependant, de la porter sur l’être du « nouveau venu  » – banal alter ego du membre –, mais sur sa fonction au service de l’École de psychanalyse dans les sillage et travaux de laquelle il s’inscrit. De quel type d’intérêt s’agit-il ? Comment en saisir la logique ? Quid de l’effet d’entrainement évoqué ? Comment sert-il l’École ? Quelles ouvertures ces questions pourraient-elles offrir sur le débat sur la passe actuellement en cours ? Quelles ouvertures pourraient-elles ménager dans ce débat ?

Si dans le « Discours à l’École freudienne de Paris », Lacan faisait de « l’attribut du non-psychanalyste », le « garant de la psychanalyse »[1], peut-être pourrait-on considérer qu’il pourrait y avoir dans le « non-membre » de l’ECF, de l’AMP… quelque chose de précieux pour ces dernières, en tant précisément qu’il serait propre à favoriser le surgissement et l’accueil du « nouveau venu », puisque tel est le signifiant qui lui est aujourd’hui associé ? Faisant un pas de plus, l’on pourrait proposer qu’une question pour l’ECF porte sur ce qui dans son fonctionnement – en tant qu’elle accueille et met au travail des membres, non-membres, anciens, jeunes, psychanalystes ou non – contribue à dire « oui » au « nouveau venu », à faire en sorte qu’il y en ait. Comment chacun, dans son adresse à l’École, parvient-il à cultiver cette part, seule susceptible de tenir routine et groupe à l’écart ?

Mettre à l’épreuve « leur intérêt », « en élaborer la logique » : voici la voie sur laquelle Lacan engageait en 1965 tous ceux, « psychanalystes ou non », à qui s’ouvrait l’École qu’il fondait. Un seul moteur était alors cité : s’intéresser à la psychanalyse en acte[2]. Á ce point, lu sous la plume de Jacques-Alain Miller le 8 septembre 2009 dans le Journal des Journées n°6, un petit mot me revient, qui, emportant hésitations et inhibitions, avait précipité mon travail d’écriture pour les 38èmes Journées de l’ECF : « On démontre en acte et non en flons-flons ». Dans l’opposition de l’acte aux flons-flons – dans la sollicitation décidée du premier – quelque chose était ce jour-là venu me dire « oui ». En avait surgi, mon premier écrit adressé à l’École… Oui, du « nouveau venu ».

[1] Lacan J. « Discours à l’École freudienne de Paris » in Autres écrits, Seuil, Paris, p.272.

[2] Lacan J. Préambule de l’« Acte de fondation » in Autres écrits, Seuil, Paris, p.240.