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#85

Ahmed Degachi, Réponses du réel

« Maintenant il va falloir l’user jusqu’à la corde » m’a dit R.P.V, une collègue en novembre à propos de ce que je venais de présenter comme déflation d’une image indélébile accompagnée de la chute de la question qui l’a toujours accompagnée.

Derrière la porte d’une ruine il n’y avait pas rien, pas tout à fait, il’ y avait la présence d’un objet paradoxal : Quelque chose se donnait à voir, des corps palpitants de vie, contre toute vraisemblance. Quelque chose qui ne pouvait pas être là et qui pourtant y était : monstration d’un impossible.

L’image a certes pâli, asséchée, mais c’est surtout le pathos de la question : « comment est ce possible ? » qui s’est amorti ne laissant qu’une réponse, une réponse incarnée.

La question est tombée d’elle-même, il n’a y a pas d’autre à qui l’adresser, reste une pure réponse hors lieu, hors temps, hors contexte, hors adresse : Un impossible en chair qui ne s’adresse à nul autre, c’est comme ça !!

Ceci n’est pas sans rapport avec un événement- le mot est impropre puisqu’il s’agit justement de ce qui ne m’est jamais advenu à proprement parler – la perte d’une sœur avant ma naissance.

Cette perte est in-subjectivable, placée hors de mon temps, hors de ce qui fait la trame d’une histoire la mienne, elle n’en continue pas moins à l’informer, à la marquer au plus intime.

Cet « en moi plus que moi-même » m’a toujours interdit d’user du possessif « Ma » concernant cette sœur, comme si le dire comportait un abus, une faute logique ; comme si cela ne pouvait se dire qu’entre guillemets, pour marquer un certain forçage : Les guillemets venant là écrire un impossible à dire.

La solution satisfait, l’impossible est moins vécu sur le mode de l’impuissance et de la plainte : C’est comme ça, ça ne peut pas se dire, alors l’écrire !!

Cet impossible qui s’écrit est homologue à la survie impossible qui se montre et qui s’impose comme réponse du réel.