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Lettres & messages #85

Alice Delarue, Comment j’ai rencontré l’ECF

J’ai 17 ans. Comme beaucoup de camarades de ma génération, je rencontre Freud en classe de philosophie. Taraudée par mes symptômes, mais aussi fort curieuse depuis l’enfance, non sans lien avec le prénom qui m’a été attribué, de mes rêves et formations de l’inconscient, voilà que je trouve enfin un discours qui fait virer mon bavardage à la question. Un transfert à la psychanalyse naît, je décide d’entamer des études de psychologie.

– « Évite Rennes 2, l’université est aux mains de lacaniens de l’École de la Cause freudienne », me dit un proche, en analyse avec un freudien.

– « C’est quoi comme sorte d’École ? »

– « C’est une école de psychanalyse sectaire, qui choisit ses membres avec une instance bizarre, qu’ils appellent la passe, où il faut raconter son analyse à d’autres qui la racontent encore à d’autres… »

Ma curiosité piquée au vif, je m’inscris à Rennes 2. La rencontre avec les dits enseignants lacaniens et avec les écrits de Freud et de Lacan est certes passionnante, mais insuffisante à répondre à ma question et à loger ma souffrance. Un ami me donne le nom d’un analyste de l’ECF qui consulte au Bureau d’aide psychologique universitaire, j’y débute un travail, puis je me débrouille pour trouver un petit boulot et poursuivre dans le cadre d’une analyse.

J’ai 20 ans. J’assiste pour la première fois aux Journées de l’ECF sur « La séance courte ». On est en 2003, les couloirs du Palais des Congrès bruissent de conversations sur l’amendement Accoyer, on se passe Libération de main en main. Jacques-Alain Miller, « divan debout », en appelle à combattre pour l’avenir de la psychanalyse. Là se nouent mon engagement politique, resté jusque là en souffrance, avec ma passion pour la psychanalyse, non dans un quelconque suivisme, mais dans un transfert de travail qui ne va plus cesser. Et cela aussi grâce aux rencontres heureuses avec Caroline Pauthe-Leduc et Anaëlle Lebovits, à mon engagement avec elles et d’autres dans l’Ah non !, dans Dix-it, et maintenant dans Le Diable probablement, lieux d’ébullition intellectuelle et d’enthousiasme, où se vérifie que l’inconscient, c’est la politique.

J’ai 26 ans. On est en 2009 et j’écoute mes amies et d’autres témoigner aux Journées de Paris. Je n’avais pas proposé de texte. Un certain trop tôt : la question n’avait pas encore pris pour moi la tournure d’une réponse transmissible. Je lis avec grand intérêt le débat sur la passe. Le rythme de mon analyse s’accélère, ma formation se poursuit résolument. La passe et l’École sont à l’horizon de mon désir.