Ces quelques mots pour vous dire que je partage le sentiment de Guillaume Roy et le vôtre eu égard à l’événement décisif qu’a été, pour la « génération 2010 » à laquelle je me sens appartenir, la tenue des premiers Forums des psys.
Comme Guillaume, je baigne depuis toujours dans l’univers de la psychanalyse – et en partie, pour les mêmes raisons que lui. J’ai bien l’idée que la Weltanschauung psychanalytique est bien celle qui tient compte du réel.
Le pas que vous avez fait en 2003, en franchissant le Rubicon, a bel et bien fait naître une génération pour cette raison qu’un désir authentique pour la cause analytique s’y est fait sentir là, comme nulle part ailleurs. Tandis que certains groupes de psys se souciaient de l’Amendement comme d’une guigne, que d’autres criaient dans le désert, vous avez mouillé votre chemise – sans l’y laisser – pour que la psychanalyse ait encore de l’avenir. Je me souviens qu’à ce moment-là, elle aurait bel et bien pu disparaître, et son seul destin, si vous n’étiez pas intervenu comme vous le fîtes avec, à vos côtés, certains collègues et amis qui ont eux aussi saisi la gravité du moment, était d’entrer comme « science humaine du XXe siècle » dans les livres d’histoire des Idées…
C’est parce qu’en acte, vous avez su mettre votre désir au service de cette cause sur la scène publique, que vous avez pu susciter celui de ceux qui y venaient, nombreux – j’y étais, j’avais 22 ans.
Après les forums, nous sommes un certain nombre à avoir fait notre psycho, à nous être inscrits au département de psychanalyse de Paris VIII et dans les sections cliniques, à avoir écrit des articles et collaboré aux revues du Champs freudien, à nous être formés dans les services psychiatriques orientés par l’enseignement de Lacan auprès de membres de l’ECF, j’en passe.
Je n’ai pour ma part jamais eu le sentiment de vous suivre, que pour autant que je suivais mon désir propre. Et il faut croire que je ne suis pas seule dans ce cas. Les Forums ont ainsi réussi le pari calculé et pour autant risqué de faire en sorte que la psychanalyse soit aujourd’hui possible en France, d’un point de vue légal. Pariant beaucoup, vous avez aussi su, comme par surcroît, lui assurer les conditions matérielles d’une existence prolongée avec la « génération Forum ». Cette génération n’a jamais suivi aucun mot d’ordre. Oui, il a fallu les Forums pour qu’elle se constitue, mais elle s’est faite à partir de ce fond décisif, spontanément.
La cause que les Forums défendaient, l’intelligence et la rigueur qui s’y démontraient, la force et la joie qui y ont toujours régné, et surtout leurs conséquences concrètes ont agrégé à l’École de la Cause freudienne des dizaines de « jeunes », dont certains se sont autrefois réunis dans le groupe Dix-it. Qu’était au départ Dix-it ? Quelques personnes, nées dans les années 80 et concernées par l’avenir de la psychanalyse. J’y ai rencontré des Rennais décidés qui avaient fondé l’Ah Non ! dont Caroline Pauthe-Leduc, Benoit Delarue, Alice Creff-Delarue. Perrine Guéguen en était la benjamine. Des Bordelais que j’ai rencontrés pour la première fois après le premier Forum, Guillaume Roy et Olivier Ripoll en étaient, et avec eux des Parisiens : Alexandre Matet que je connaissais depuis des années, Damien Guyonnet, Karim Bordeau, Adrian Price, et puis Aurélie Pfauwadel, Deborah Gutermann, Martin Quenehen, Fredérique Bravin, Joachim Lebovits, et bien d’autres.
Je me souviens de l’animation de nos réunions de travail d’alors, la conviction que nous avions qu’il fallait prendre part aux affaires de la Cité sans quoi la Cité prendrait part à nos affaires, sans nous. Cette conviction demeure intacte. Les Forums ont donc eu pour moi – et pour bien d’autres – un rôle fondateur. Au gré des événements, j’ai recroisé tous ceux que je viens de citer. Ils étaient là lors des dernières Journées, et d’autres avec eux. Certains d’entre nous seront présents lors du prochain débat sur la passe…
Ces quelques lignes pour vous dire ma gratitude, parce qu’en effet, si ces Forums n’avaient pas eu lieu, il y a fort à parier que non seulement cette génération de psychanalystes en formation n’aurait pas vu le jour, mais encore que la psychanalyse serait, maintenant, bien mal en point. Et aussi parce que ceux qui s’y sont rencontrés un désir vaillant pour la cause freudienne, vous avez su les accueillir un par un et leur faire une place. Les dernières Journées ont permis à cet élan initié, il y a sept ans, de trouver une suite logique – on peut le dire après coup. Cette suite aura des suites.