La première chose qui m’a fait sourire en lisant le Journal, c’est l’annonce que votre séminaire aura lieu au centre Rashi. Dans un lieu dédié à celui qui a passé sa vie durant à commenter et déchiffrer des textes, c’est là que vous allez commenter les textes de Freud et Lacan. Ayant eu une éducation israélienne, Rashi était au programme du bac. Vous savez sûrement que Rashi a commenté toute la Bible, les cinq livres de la Torah, les Prophètes et les Ecrits, verset après verset, ainsi que tout le Talmud. Deux points, à mon sens, le rendent particulier en tant que commentateur.
Rashi
Le premier, c’est qu’il a un style très concis, qu’il aime la clarté, et qu’il a une démarche de linguiste dans son interprétation : il s’intéresse au mot. Aussi, chaque verset a deux types d’interprétations, le « pshat » et le « drash ». Le simple, c’est à dire le sens premier du verset, et le sens complexe, figuré.
La seconde particularité, c’est qu’il était français, et sa langue était donc le français. Ceci a comme effet que, dans ses commentaires, on retrouve des mots en français du 11ème siècle. Lorsqu’il ne trouvait pas de mot en hébreu pour expliquer quelque chose, il utilisait le français. Il précisait alors : « comme on dit en laaz» (langues des gentils).
Afin de distinguer son commentaire du texte même, il l’a écrit dans une écriture à caractères petits, que l’on appelle l’écriture Rashi. Cette écriture est enseignée, car elle se différencie tout de même de l’hébreu. Les commentaires de Rashi ont été utilisés par des linguistes qui étudiaient l’étymologie du français au Moyen âge. Ce mouvement de l’hébreu au français pour interpréter des textes écrits en hébreu m’a semblé amusant replacé dans le contexte de votre enseignement au centre Rashi. La structure de la langue hébraïque, comme vous le savez, se prête facilement à l’équivoque à partir de son système de racines. Et Lacan, nous montre sans cesse dans la langue française la possibilité de l’équivoque.
Contre l’unanimité
La deuxième chose dont je voulais vous faire part, et qui est plus personnelle, est liée à votre échange avec YD sur l’unanimité et le « suivisme ». Je suis moi aussi toujours réticente face aux phénomènes d’identifications et de masse inhérents à tout groupe. Je crains l’unanimité, et j’ai d’ailleurs été réticente dans un premier temps face à l’engouement pour les Journées de l’ECF. J’avais l’idée que, malgré la nouveauté, la démocratie, que vous avez permises, une nouvelle vague de masse, d’identifications, allait se produire. Deux moments m’ont fait changer d’avis.
Le premier a eu lieu lors du tirage au sort des salles, au local de l’ECF, en vous écoutant commenter chaque témoignage, et nous transmettre les raisons ayant présidé à la constitution des binômes. J’étais alors témoin du désir qui vous anime, et qui a eu comme effet votre implication et engagement vis-à-vis de chaque analyste qui a témoigné.
Le second a eu lieu lors de la clôture de ces Journées, lorsque vous nous avez rappelé que Freud a dû payer de sa personne pour transmettre, et permettre que la psychanalyse existe, et que, si l’on veut que la psychanalyse survive, il faut également payer de sa personne.
Ces deux points sont pour moi essentiels, car ils me permettent d’accepter le reste. Et en effet, mis à part l’importance dans une association de modifier une politique, une organisation, et d’inventer des choses pour s’adapter à l’air du temps, cela permet aussi de limiter les phénomènes d’identifications et de démocratiser la structure, cela permet un débat, même si c’est a minima.
[Vous vous décomptez. Mais à l’ECF, chez les névrosés, chacun se décompte aussi bien.]