Il n’y a pas, il n’y a jamais eu d’Art brut

Ce qui serait de l’Art… (et ce qui n’en serait pas tout à fait !)

Francis Berezné est né en 1946. Il dessine depuis toujours, même dans les moments les plus difficiles d’une vie tourmentée. Adolescent, il voyage, croquant sur nature tout ce qui se présente à lui. Pendant quelques années, il est assistant aux Beaux-Arts. À présent il s’intéresse aux relations du dessin et de l’écriture, et commence à réaliser des films expérimentaux. Après avoir été fou, le voilà qui revient en psychiatrie pour animer des ateliers d’arts plastiques.

Extraits du Dit du brut, de Francis Bérezné, éditions « La chambre d’échos ».

Mon ami Francis Bérezné, peintre et écrivain, est diparu en 2010. Le sous-titre de son livre Le dit du brut est Colère. Colère parce que, si « l’Art des fous et des marginaux » s’est vu reconnaître une place depuis que Dubuffet inventa le terme d’art brut en 1945 et créa une fondation pour l’abriter (devenue la Collection de l’art brut de Lausanne), il continue à être ghettoïsé. Cette colère est née, « un jour de 1967 en voyant les oeuvres de ces artistes [les grands, les reconnus] exposées dans la grande nef du Musée des Arts décoratifs, alors que bien séparée d’eux, dans des salles différentes, était accrochée la donation Dubuffet. » (p. 7).

« J’ai voulu battre en brèche un certain nombre d’idées reçues à ce sujet », continue-t-il. «Certaines dont je crains qu’elles n’aient la vie longue. En particulier que cet art ne peut s’inscrire dans une histoire de l’Art, sinon comme un genre tout à fait à part et bien singulier. Je pense au contraire qu’il fait partie de l’Art du vingtième siècle, au même titre que ses grands créateurs reconnus, et comme eux inspirant fortement la production d’aujourd’hui »

.

Conversation imaginaire entre Francis Bérezné et une amie :

« Je le vois [Dubuffet] dans Son Musée remplissant des cases, des tiroirs, des étages, aménageant Ses Collections, ouvrant des annexes aux Collections, inaugurant des à-côtés des Collections, éliminant les pas tout à fait ci ou pas tout à fait ça, dont Lui seul pouvait juger. Lui et les siens écartant ceux qui n’étaient pas dignes de participer aux grandes festivités de la création.

– Ce ne sont que des affabulations jalouses. Il n’était même pas conservateur du Musée de l’Art brut!

– Mais je me fous de l’Art brut ! Il n’y a pas, il n’y a jamais eu d’Art brut. Ce n’est qu’une de Ses inventions. Et pas des meilleures. Qui, après qu’on eut enfermé les fous, enfermait leurs œuvres dans un concept et un Musée, sinon à double tour et comme sous haute surveillance, du moins à consommer selon un strict mode d’emploi. En vérité, Wölfli créait comme n’importe quel autre artiste. […] Tenez, dites-vous que Wölfli est comme orphelin du reste de la création. » De Miro, en particulier, dont il serait éclairant de le rapprocher. En effet, « Ainsi que Miro et quelques autres il a fabriqué un monde où les signes se combinent comme un langage, se répondent d’un tableau à l’autre, se font écho, et nous tiennent un discours surprenant. » (p. 27-28). Même chose quand il s’agit de rapprocher Francis Palanc, artiste « brut » né en 1928, et Jean-Pierre Raynaud. « Mais avez-vous vu la gymnastique mentale et les détours que j’ai faits pour mettre Palanc et Raynaud en perspective ? les efforts sans compter pour déplacer la barrière que tous après moi se hâteront de remettre en place ? » (p. 29-30).

Or « ne croyez pas que l’asile soit étanche. Il y souffle le vent des grands bouleversements artistiques, sociaux et politiques. » (p. 46). Ledit « art brut » est « une pratique née avec la modernité et avec l’abstraction, avec le renouveau des arts. […] je revendique pour ces artistes le droit d’être regardés avec les mêmes yeux que tout autre […]. Leur spécificité n’est pas de faire l’envers ou le contraire de tout ce qu’ont fait l’art et la culture. Leur spécificité est d’être, comme tout artiste digne de ce nom, un parmi les autres et irréductible aux autres. » (p. 48).

Ah ah ! Qui va dire ce qu’est un « artiste digne de ce nom » ?

Les soulignages sont de moi.

Dominique.

LIENS:

http://www.francis-berezne.net/

http://lesilencequiparle.unblog.fr/2010/10/19/sur-lamitie-dans-la-psychiatrie-francis-berezne/

Peintures de F. Bérezné

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *