Atelier de criminologie lacanienne – La honte, la culpabilité, la responsabilité, l’innocence

L’Atelier de criminologie lacanienne, parrainé par L’ACF-IdF et l’Envers de Paris, démarre sa saison juin 2012 -2013 par une première soirée qui aura lieu le mardi 26 juin 2012, 20h30, au 31, rue de Navarin, 75009, M° : Pigalle

Présentation de la soirée : Marie-Claude Sureau / Liliana Salazar
Thème : « L’imposture pathologique » (exposé de Chloé Danguy)
Sera suivi de : « L’escroc confronté à sa faute » (exposé de Dario Morales)
Discutant : José Rambeau

D’autres soirées auront lieu dès la rentrée et se poursuivront jusqu’à juin 2013
Le thème général de la recherche : Honte, culpabilité et responsabilité

Pour l’événement du mardi 26 juin, 20h30 ; entrée libre, gratuite

 

Atelier de criminologie lacanienne

2012

La honte, la culpabilité, la responsabilité, l’innocence

 

Cette année nous nous proposons de baliser, un certain nombre de notions et de concepts qui ont trait à la faute et qui se déclinent sous les noms de honte, culpabilité, responsabilité, innocence. Nous rappelons que l’acte de contrition de la prière chrétienne mettait en avant la répétition de ce premier aveu qu’est le « c’est ma faute » redoublé en se frappant la poitrine par  le « c’est ma très grande faute » dont la portée est épistémique, impliquant une hypothèse de causalité. En effet, si ce n’était pas sa faute, alors de qui serait-ce la faute, sinon de l’Autre ? Au fond, la recherche du coupable est une des formes majeures de la pensée causaliste, les techniques du châtiment corporel, religieux ou moral ont cédé progressivement le pas à la pénitence, puis au droit et à la pénologie. Il a fallu l’avènement de la clinique, en particulier psychanalytique, pour que les déterminations subjectives soient prises en considération. L’acte criminel, tant son champ couvre la totalité des conduites humaines, se trouve, du coup, humanisé par la prise en considération de l’univers de la faute et de sa place symbolique : « si la psychanalyse irréalise le crime, elle ne déshumanise pas le criminel » En ce sens, le crime démasque quelque chose de propre à la nature humaine. De cette voie ainsi ouverte, la clinique interrogera les multiples causalités des actes, plus précisément le conflit entre ces deux versants que sont la Loi et la jouissance.

Reprenant le terme juridique de responsabilité, qui s’appliquait à la « capacité juridique », la clinique qui s’intéresse au passage à l’acte fera une place à « l’assentiment subjectif » requis dans la signification de responsabilité, présente même lorsque  la causalité semble échapper dans son opacité : « il y a  quelque chose d’insondable, d’insensé dans la décision subjective du délinquant et du criminel » ; du coup, rien n’est plus humain qu’un délire passionnel ; la compréhension, puis le déchiffrage de l’acte impliquent la responsabilité et du coup l’irresponsable peut devenir responsable ; car l’implication du sujet, « l’imputation » dans son  acte est un élément essentiel même lorsqu’il y a délire.

Mais, comme nous le disions, prendre la faute sur soi, n’est pas toujours aisé pour le sujet qui peine parfois à dire ; parfois le sujet biaise, dénie la valeur de ses actes ; d’autres voies s’ouvrent : la honte, le sentiment de culpabilité, la persécution, l’innocence du paranoïaque.

Passons-les en revue

L’instant de la honte est d’abord une affaire de regard par opposition au caché ; il faut de l’ombre pour que le sujet puisse enfermer ce qui est du ressort de sa vie. L’intime est le territoire du sujet, la pudeur sa limite. La honte surgit lorsqu’en l’espace d’un instant le sujet perd le droit à l’ombre et s’éprouve mortifié, figé dans cette terrible transparence face au surgissement de l’Autre. La honte est donc un affect, un embarras, en tant que le sujet ne sait plus que faire de lui et s’en éprouve de « trop » sur scène, « il meurt de honte ». Il nous introduit dans une temporalité ontologique, que l’on peut résumer ainsi : à l’instant de la honte, le sujet est embarrassé de son être, nu devant l’Autre, réduit à être l’objet a , face au tribunal de l’Autre, il veut quitter la scène. Au fond, l’aveu qui laisse coi, qui empourpre le visage, et qui blesse son image, est la réduction soudaine et forcée du sujet à ce qu’il est au fond de son image, comme corps parlant, affecté par le langage, instant de vérité, en-deçà de la culpabilité, en deçà d’un savoir. Le pari de la clinique serait de faire un « bon usage de la honte » et de soutenir le déplacement de la vérité au savoir, d’oser savoir, sans rougir.

Le temps de la culpabilité. La culpabilité se présente généralement comme affect, et l’affect est trompeur s’il n’est pas l’angoisse. Nous avons d’un côté la phénoménologie des auto-reproches, des scrupules, du malaise coupable du sujet et de l’autre, quelque chose qui n’est pas une culpabilité « vécue » mais une culpabilité déduite, par exemple, des conduites d’échec. Tout se passe comme si dans certaines conduites délinquantes le sujet cherchait à échouer, d’où la notion d’un « besoin de punition », qui se réfère à un « sentiment inconscient de culpabilité ». Finalement, tout cela atteste du fait que le sujet ne veut pas seulement son bien, mais qu’il a « consenti » à une jouissance qui le captive et qui se répète malgré lui. La culpabilité inconsciente, au fond, n’est pas tant un sentiment qu’une position du sujet qui accepte de se tenir responsable de ce qui lui arrive.

Pour d’autres cas, plus radicalement, le sujet n’est pas moins responsable ; pourtant il ne prend pas la faute sur lui, il va jusqu’à rejeter la culpabilité ; d’où les formules du paranoïaque « c’est l’Autre », « l’Autre est méchant », « Autre veut du mal » ; le paranoïaque se sent victime, il ne se sent pas coupable. Persécuté, il affirme son innocence, et accuse. Ce rejet de la culpabilité, c’est un refus d’admettre dans le symbolique les signifiants qui feraient trace de l’implication du sujet – un refus radical d’en répondre. Mais du coup, la culpabilité forclose lui revient du dehors, ou sous la forme de reproches que les autres sont censés lui adresser. Elle culmine dans l’idée de complot. A l’opposé de cette figure, le mélancolique, s’approprie toute la faute. Tous deux absolutisent l’un des extrêmes de ce qui se dialectise et se mixe dans la névrose : « la revendication de la culpabilité ». La clinique contemporaine des affects l’illustre aisément. Mais la clinique montre également un dégradé de la revendication de la culpabilité par le terme passe partout de « dépression ». Qu’il s’agisse de l’inhibition vitale, de l’anorexie, de l’insomnie, de l’aboulie, de l’indifférence, de la tristesse, de la conviction de perte, etc. bref, ce panel des phénomènes discrets ou envahissants qui se motivent souvent du « ne rien vouloir savoir » de l’inconscient, présents dans les pathologies de l’humeur ; elles montrent bien l’incidence mortifiante du signifiant et la lâcheté du sujet envers lui-même, d’où ces oscillations, ces passages qui vont du rejet à l’excuse ; de la revendication à la lâcheté.

Un moment pour conclure. Mais il arrive que le sujet fasse appel à l’Autre ; le travail consisterait à soutenir le réglage de la jouissance : comment faire de cette jouissance, un symptôme pour le sujet ? C’est sur quoi porte la demande d’analyse : si au début il s’agit de la rejeter sur « c’est la faute au symptôme », pour que la psychanalyse ait un impact sur la culpabilité, elle ne peut arriver à ses fins que si le sujet décide à « faire son devoir », c’est-à-dire à la prendre en charge, à l’assumer.

En somme, en forçant un peu le trait on pourrait articuler une temporalité logique : l’instant de la honte, le temps pour comprendre, temps de la culpabilité ; enfin, le moment de conclure, ou avènement de la responsabilité du sujet.

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