là : http://lunettesrouges.blog.lemonde.fr/2011/09/21/edvard-munch-en-artiste-du-xxeme-siecle-2/
Auteur : Véronique Müller
Claude cahun corps et nan-na Kun
CAHUN – rien à faire, pour moi la coïncidence est trop belle : claude cahun corps et nan-na Kun ! et quel corps ! alors, oui, alain, le punctum des premiers portraits qui pour moi comportent quelque chose d’horrible… et dont une part de l’horreur fonctionne paradoxalement dans l’exacerbation du semblant – ça n’est pas la chose nue, c’est la chose ultra-policée, polie, peau-lissée, en dehors de tous les poncifs sur la beauté proche bientôt d’une sorte de nudité foetale – interrogeant aussi le moment où la beauté fait ou ferait l’homme ou la femme -, – l’hors-la-loi qui use des moyens même de la police pour venir à se montrer. le voile opaque qui pourtant montre. ah, ce n’est pas cela que j’avais en tête l’autre nuit, mais, je ne me souviens plus de ce que j’avais en tête l’autre nuit.
amicalement à vous,
véronique
——————————————————-
Merci Véronique pour pour tes réflexions à propos de Claude Cahun ! Anne-Marie Landivaux souhaitait pour « Confluents » un retour de nos « Escapades ». Je me demandais si tu serais d’accord pour lui envoyer ces lignes, qui font déjà un petit texte, ou si tu voudrais les étoffer avec celles qui t’étaient venues la veille. Ou encore cela pourrait être l’amorce d’une réflexion à plusieurs voix, comme le suggéraient Vanessa et Alain ?
A bientôt,
D
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Dominique,
Confluents ? oh je ne sais pas, j’ai écrit vite.
je viens de revoir l’image dont parle Alain:
l’effroi, l’envie de détourner les yeux est toujours là: mais la chose est bien plus nue que ce que j’en disais cet après-midi, quand me me revenait à l’esprit plutôt cette image-là (dont la vue ne me dérange pas moins) :
et quand on aura parlé du maquillage, de la sophistication extrême, de « l’étal » – ce côté : « comment c’est », « là », on aura encore rien dit de l’humour (des chatteries, de la provocation) :
et l’incroyable sérieux:
cette femme au crâne rasé, ce regard droit, comment ne pas songer au sort qui sera, quelques années plus tard, celui des… … (ah, je n’arrive même pas à l’écrire).
« Brouiller les cartes. Masculin ? Féminin ? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. S’il existait dans notre langue on n’observerait pas ce flottement de ma pensée. Je serais pour de bon l’abeille ouvrière. »
«I am in training, don’t kiss me.»
«A 7 ans je cherchais déjà sans le savoir, avec la hardiesse stratégique et l’impuissance motrice qui me caractérisent, l’aventure sentimentale.»
«Me voici pure, vierge sans emploi, reine en grève, chômeuse volontaire, en marge et comme on dit au ban de l’humanité. Faites comme moi : Restez à la maison et mangez de la laine.»
quelle lucidité, quel talent,
causons, plutôt,
à vous,
véronique
Il serait dommage
Il serait dommage que nos commentaires de nos escapades s’évanouissent.
Peut-on les conserver? Comment faire? Qu’en penses-tu Véronique ?
Bonne soirée à toutes, et à nos 2 escapadrices new-yorkaises!
Alain
punctum
De Cahun à Munch
DEUXIEME ESCAPADE
De Cahun à Munch
Nous vous invitons à nous rejoindre pour une nouvelle escapade, prévue le 29 octobre à l’occasion de l’exposition EDVARD MUNCH L’OEIL MODERNE, que le musée du centre Pompidou consacre au grand peintre.
[dailymotion id=xkw1eg]
L’artiste norvégien n’est plus à présenter depuis le « retentissant » vol de son œuvre la plus célèbre « Le Cri », ainsi que « La Madone » en 2004, fort heureusement retrouvés en 2007.
Il s’agira au cours de cette rétrospective de la seconde partie de son œuvre, production moins connue qui inspire les artistes actuels, de découvrir les multiples talents d’un homme devenu pionnier de l’expressionnisme, étonnamment en avance sur son époque, précurseur de l’autoportrait photographique bien avant l’ère du Smartphone, explorateur de techniques inédites, toujours poussé à créer pour tenir à distance les angoisses de mort qui l’assaillaient.
Ayant perdu sa mère à l’âge de 5 ans, puis sa sœur Sophie à l’âge de 14 ans (dont il peindra l’agonie « L’Enfant malade» faisant scandale), il a grandi dans l’autorité d’un père médecin-militaire très religieux qui voulait faire de lui un banquier.
« Nous ne peindrons plus longtemps des intérieurs avec des hommes lisant et des femmes tricotant. Nous voulons peindre des êtres vivants qui respirent, ressentent, souffrent et aiment ». Ce manifesto écrit en 1889 par l’artiste norvégien Edvard Munch, âgé de 26 ans, a été mis en pratique par l’artiste dans les années 1890, dans ses oeuvres majeures sur les thèmes universels de l’amour, l’anxiété, la mort, liés dans un « arrangement symphonique » qu’il intitula La frise de la vie.
C’est par la voie de la peinture que Munch s’émancipera, faisant de l’art sa vocation, voulant « peindre sa propre vie » dont il fera plus tard «La Frise de la vie ». Il n’aura dès lors de cesse de créer à partir de ses tourments existentiels, sa peinture ayant pour thème de prédilection la maladie, la mort et la douleur. L’amour et ses relations tumultueuses avec les femmes seront également source d’inspiration.
Dans les années 1940, les nazis jugeront son œuvre « art dégénéré » et retireront ses tableaux des musées allemands. Munch sera profondément affecté par cette situation, lui qui était antifasciste et qui considérait l’Allemagne comme sa seconde patrie. Ce qu’il exprimera lors de l’invasion de la Norvège « Devant cet énorme fantôme, dit-il à Pola, le dernier fils de Gauguin, tous mes vieux fantômes ont déguerpi dans leurs trous de souris. ».
Retiré des mondanités et menant une existence solitaire mais apaisée dans sa maison atelier au bord de la mer à Ekely, Edvard Munch meurt en 1944, un mois après ses 80 ans. Il lègue environ un millier de tableaux, 4 500 dessins et aquarelles et six sculptures à la ville d’Oslo, qui construit en son honneur le Musée Munch à Tøyen.
Rendez-vous donc le 29 octobre au 6ème étage, à l’entrée de l’exposition, à partir de 14h30. Ce groupe est un groupe ouvert et nomade.
le samedi à beaubourg
mUNch au centre Pompidou
Voilà le tableau qui retint mon souffle autant que mon regard : il vous prive de ce qu’il vous montre! Une solitude qui n’est pas solitaire, son nom : Deux êtres humains. Les solitaires. 1933-1935
Le réel affleure toujours dans chaque tableau à la surface de la réalité peinte.
« L’œil moderne », titre de l’expo, fait palpiter le regard, UN regard surpris, étonné, perplexe, incompréhensif devant la dureté de la vie, les passions de l’âme: crime, feu, bagarre, fatigue, maladie, nudité… vieillesse.
Une bizarrerie : je n’ai vu qu’un enfant, peint, au regard effrayé devant « le cheval au galop ». « Le petit Hans » sans doute. Munch & Freud, du réel épié, épieur.
Allez, bandes de moebius escapadeurs, courrez chez mUnch, avec des lunettes, rondes, carrées, ovales, ou toutes autres formes, mais sans verres… Surtout pas des correctifs!
Bises à pas-toutes.
Alain
Bonjour Alain, merci !
J’ai publié ton texte, là.
D’où tiens tu les dates 1933-1935 pour le tableau Deux êtres humains. Les solitaires ? Je n’ai trouvé que la date de 1905…
Saviez-vous que cette peinture est une « copie » d’une version de 1892 perdue dans un naufrage?
Munch a beaucoup pratiqué la copie, aussi parce qu’il était obligé de « vivre de son art », et qu’il déplorait d’avoir à se séparer de ses peintures. Aussi, repeignait-il régulièrement les toiles vendues pour en disposer dans son atelier et y reconstituer sa « Frise de la vie », car, disait-il, il fallait qu’il avance en s’appuyant sur ses précédents tableaux :
« Je suis tout à fait contre ce qu’on appelle une fabrique de tableaux – faire des répliques pour la vente – Mais je dis, il ne faut jurer de ‘rien’ – et j’ai le plus souvent copié mes tableaux – Mais il y a toujours une évolution et jamais la même – je construis un tableau à partir d’un autre. »
Je vous envoie en annexe le dossier de presse du Centre Pompidou, d’où j’ai tiré ces renseignements.
Pour ce qui est des « enfants » Alain, je suis tout de même un peu étonnée par ta remarque, mais c’est le sentiment que tu as eu, faudrait voir d’où ça vient, parce que de mon côté, tout de suite j’ai pensé aux tableaux de l’enfant malade et la puberté dont j’ai trouvé cette jolie photo dans un article de Valérie Duponchelle (là : http://www.lefigaro.fr/culture/2011/09/19/03004-20110919ARTFIG00427-munchsans-cliches.php) :
à bientôt ,
vrm
bigornetteries (l’un pas du réel)
d’@alintes @Bigornette
@alintes La solitude, mUNch & Ferré…
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=BR7E0fbl-As]
@Bigornette bonjour 🙂 dis moi stp y a « le cri » à l’expo Munch ?
@alintes il est omniprésent, par son absence même. Mais on le retrouve, presque dans chaque tableau: point noir dans la bouche ouverte
@alintes Du Cri de Munch à l’Injection faite à Irma de Freud, il n’y a qu’un pas, celui du réel, traqué-traqueur.
de Munch, le cheval de Hans
Munch : The Frieze of Life
The Frieze of Life : Love . Angst . Death // La frise de la vie : Amour . Angoisse . Mort : une (très belle) exposition en ligne sur la Frise de la vie, là : http://www.munch.museum.no/livsfrisen/english/eindex1.htm
Pour une « romance mathématique »…
Chers Escapadiens,
De chez Hortense, face à la Dame du Pyla , j’observerai votre ascension du mont Munch.
D’ici là, histoire de me réveiller, je parcours LQ72 et tombe, séduit, sur la Nouvelle d’azymut de CLM: » À la fondation Cartier: une conversation avec l’univers ». Ça y parle de l’exposition » Mathématiques. Un dépaysement soudain » ( du 21 oct 11 au 18 mars 12 à la fondation Cartier).
J’y suis d’autant plus sensible que mon premier amour ( extra-maternel !!!) furent les mathématiques.
Je nous invite à faire de cette » romance mathématique » notre prochaine escapade.
Bien à vous, Pieds Penseurs et Têtes rieuses !
YAYOI KUSAMA – « Self-Obliteration »
Chers Escapadiens,
Les éclaireurs hyper-actifs, Al, Ley & Nou ont encore frappé sur leur lieu du crime préféré: le centre Pompidou! Ils se « dépayseront soudainement » avec les mathématiques chez Cartier une autre fois. Al, en effet, n’a pas réussi sa romance auprès de Ley & Nou pour les rendre gourmandes des parfums mathématiques. Il a fallu qu’il dise seulement « dé-gentée », femme et japon, pour embarquer Ley & Nou dans une escapade impromptue ce « ça me dit »-là. Escapade à la galerie du musée, et qui a pour nom: YAYOI KUSAMA, jusqu’au 9 janvier 12!
Un choix de 150 œuvres réalisées par cette artiste japonaise, entre 1949 et 2011.
Œuvre démarrée par une hallucination visuelle vécue autour de la table familiale: les fleurs rouges de la nappe se multiplient sur le plafond, les murs, le sol, sur elle-même. L’expo débute par une évocation de cet Un. Ainsi se fonde la légende, vivante, de Kusama: âme sans corps, l’artiste fait de son « Self-Obliteration » le défi et la quête même d’une œuvre singulière, qui lui donne corps et nom!
Le parcours dans l’expo double celui de Yayoi dans sa réalité.
On se balade dans de la répétition qui allège, qui, étrangement, fait surgir de l’infini comme fini.
La promenade s’achève sur un traitement de la réalité ( corps, objets, événements) par le tissu-phallus.
Ce n’est pas sans évocation Louise Bourgeois, son travail avec les tissus et sa » destruction du père », avec cependant, l’ironie en moins.
Ces objets tissés par la multiplicité de phallus ( qui en signe son défaut) – pris pour des nouilles par une mère causant à son fils -, sont d’une blanche beauté qui délivre une image de solidité amusante.
Imaginez-vous recevoir vos patients sur un divan tissé de petits phallus en tout genre! Sourire, mais justement, et bizarrement, ça ne porte pas ici à l’humour, à l’ironie.
Belle Exposition, courrez-y!
Alain
Yayoi Kusama – la belle perplexité
J’ai placé Ley dans la chambre rouge, œuvre de Yayoi, faudrait vérifier qu’elle n’y soit pas toujours!
«Un souvenir d’enfance fonde la légende de Yayoi Kusama et associe le commencement de sa vie d’artiste à une hallucination, une inquiétante étrangeté qui s’est manifestée autour de la table familiale : les fleurs rouges de la nappe se multiplient sur le plafond, les murs, le sol, sur elle-même. Âme sans corps, l’artiste fait de son insupportable auto-anéantissement (Self-Obliteration) le défi et la quête même d’une oeuvre radicale et atypique : inscrire son corps, s’inventer un corps à corps selon des procédures formelles toujours réinventées..
L’exil à New York en 1958 libérera Kusama, peintre, sculpteure, performeuse, écrivaine et chanteuse. En traversant les frontières, elle se défait de tout lien, sauf de la mémoire d’une immense culture.
[…]
« C’était la période de l’engouement pour l’Action painting. J’avais l’idée qu’il était important pour moi d’élaborer un art original, issu uniquement de mon monde intérieur […]. En 1959, j’exposais mes Infinity Nets, blancs sur fond noir. La monotonie engendrée par une répétition due à une action constante, l’absence d’un centre, et l’indifférence témoignée à la composition, plongèrent le public dans la perplexité […] J’avais en moi le désir de mesurer de façon prophétique l’infini de l’univers incommensurable à partir de ma position, en montrant l’accumulation de particules dans mes mailles d’un filet où les pois seraient traités comme autant de négatifs. […] C’est en pressentant cela que je puis me rendre compte de ce qu’est ma vie, qui est un pois. Ma vie, c’est-à-dire un point au milieu de ces millions de particules qui sont les pois. […] »Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s’étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en seront pleins ; moi-même je m’acheminerai vers l’autoanéantissement, vers un retour, vers une réduction, dans l’absolu de l’espace et dans l’infini d’un temps éternel. […] Je fus saisie de stupeur. […] Peindre était la seule façon de me garder en vie, ou à l’inverse était une fièvre qui m’acculait moi-même. […] »
UN POIS, C’EST TOUT, Chantal Béret, Conservatrice au musée national d’art moderne. Texte publié dans le magazine programme Code Couleur
les … 5 prochains rendez vous d’escapades
salut les boulimiques !
donc, si j’ai bien suivi, on en est là pour les RV :
- rattrapage Edward Munch : mercredi 17h30 à Beaubourg
- Yayoi Kusama : le
2620 novembre - Paul Klee : 10 décembre +/- 15 hrs
- 1 date à fixer pour l’expo « Mathématiques. Un dépaysement
soudain. » ( du 21 oct 11 au 18 mars 12 à la fondation Cartier) - + 1 visite surprise
bises à vous tous
véronique
très envie des femmes aux amandiers
——– Message original ——–
Le 12 nov. 2011 à 19:01, Veronique Outrebon a écrit :
Pouvons-nous également nous escamper au théâtre ? Je pense à ces pièces,
DES FEMMES
Les Trachiniennes, Antigone et Electre de Sophocle
mise en scène de Wajdi Mouawad
Du mardi 22 novembre au dimanche 18 décembre 2011
Théâtre Nanterre-Amandiers
http://www.nanterre-amandiers.com/2011-2012/des-femmes
que j’ai très envie d’aller voir.
A vous,
Véronique Outrebon
à la tempête, molière
Bonjour à tous,
Le théâtre me semble en effet un art à escapader !
QUI?
Avec Do, Ley & Nou …
QUAND?
le samedi 3 décembre à 20h30 (durée du spectacle 1h30)
QUOI?
La folie Sganarelle = L’Amour médecin / Le Mariage forcé / La Jalousie du barbouillé
de MOLIERE mis en scène PAR Claude Buchvald
OU?
au Théâtre de la Tempête
à la Cartoucherie,
43, route du champ de Manœuvre,
Paris 12ème.
Vous pouvez bien sûr vous joindre à nous, ainsi que les autres escapadiens!
COMMENT?
On peut réserver en ligne ou au 01 43 28 36 36 !
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Hier soir, sur l’île Seguin, j’ai sombré dans la féerie du Cirque du Soleil.
Corteo, le nom de cette féerie, s’est amusé des corps d’hommes et de femmes
qui se font cerceaux, corde, lustre, échelle ou ange, sous des rocks
d’enfer! On ne savait plus qui était corps, qui était objet! bref, une belle
illusion de l’existence du rapport sexuel!
La légèreté règne par la vitesse des corps qui s’amuse de la relativité
d’Einstein!
La lumière se fait odeur, l’odeur musique et la musique acrobatie, c’est
tout simplement beau et ça s’appelle Cortéo, du Cirque du soleil!
Alain
clair de lune
je me suis interrogée sur ce « i » qui si souvent revenait dans les compositions de Munch, pour découvrir alors qu’il s’agissait d’un clair de lune.
Munch, à propos des « Lonely Ones » (« De ensomme »)
The Lonely Ones
Her gaze is lost in the growing night, his gaze is lost in the whiteness of her figure and the golden brazier of her hair. And his back arches, his neck tenses, his fists clench in dark desire for her white loveliness.
comment traduire?
Les solitaires
Son regard à elle perdu dans la nuit qui vient, le sien dans la blancheur de sa silhouette et le brasier d’or de ses cheveux. Et son dos se courbe, sa nuque se tend, il serre les poings dans le noir désir de sa beauté blanche.
j’ai vérifié que « MUNCH », en norvégien, veut dire « mastiquer »,
que « lune » se dit « MOON »,
« bouche » se dit « MUNN »,
« clair de lune » se dit « MåNESKINN »,
« homme » se dit « MANN »,
et que feu se dit « BRANN »,
la première amie de Munch s’appelait MILLIE Thaulow (née Ihlen), et il s’y réfère dans ses écrits en l’appelant Mme Heiberg, et se désignant lui-même sous le nom de BRANDT,
« LIE » veut dire « mensonge ».
« What a deep impression she has left on my mind – so much so that no other image can completely efface it –
…
Was it because she took my first kiss that she robbed me of the taste of life – Was it that she lied – deceived – that she one day suddenly shook the scales from my eyes so that I saw the medusa’s head – saw life as unmitigated horror – saw that everything which had once had a rosy glow – now looked grey and empty. »
« Hvilket dypt mærke hun har gravet ind i min hjerne – at intet andet billede kan trænge det aldeles væk –
…
Var det fordi hun tog mit første kys at hun tog duften af livet fra mig –
Var det at hun løi – bedrog – at hun en dag pludselig tog skjællene fra
mit øie så jeg så medusahovedet – så livet som en stor rædsel –
At alt det som før havde rosenskjær – nu så tomt og gråt ut »
Ex vivo / In vitro à la Colline
Chers amis,
du 17/11/ au 17/12 au Théâtre de la Colline.
Ex vivo / In vitro
« À Dieu ne plaise !
La procréation telle qu’elle
était de mode,
Nous la déclarons une vaine
plaisanterie. »
(Goethe, Faust )
Qu’est-ce qu’engendrer, être engendré, d’où viennent les enfants ? Les nouvelles méthodes de procréation relancent les questions qui n’ont jamais lâché l’humanité. Après Tournant autour de Galilée et Les Variations Darwin, Jean-François Peyret et Alain Prochiantz continuent de croiser avec ludisme et humour l’imaginaire du théâtre et celui de la science, et reprennent la question “naître ou ne pas naître”, là où ils l’avaient laissée. Cherchant un écho actuel au conflit qui opposa Galilée à l’Église, ce n’est plus sur le terrain de l’astronomie qu’ils le trouvent, mais sur celui des technologies du vivant. Les positions paraissent inconciliables entre un discours religieux qui pose la vie comme un don, et celui d’une pratique scientifique et technique qui considère le vivant comme manipulable. Pour se pencher sur ces nouveaux berceaux: le scientifique, le médecin, le psychanalyste, l’anthropologue, et aussi le juriste, le prêtre, le politique. Sans oublier les “patients” : parents pour qui donner la vie n’est plus un événement plus ou moins heureux, mais un droit, et enfants qui ne savent pas, encore moins qu’avant, d’où ils viennent et revendiquent le droit à leur histoire.
suivie d’une rencontre le 21/11 avec Ansermet, Magistretti, Peyret, Prochiantz.
Rencontre “Un théâtre exposé à la science”
lundi 21 novembre à 20h30
À l’occasion de la création de la pièce Ex vivo / In vitro d’Alain Prochiantz et Jean-François Peyret La Colline organise une rencontre avec François Ansermet, psychanalyste, professeur de pédopsychiatrie à l’Université de Genève, chef du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent aux Hôpitaux universitaires de Genève et directeur du Département universitaire de psychiatrie, Pierre Magistretti, professeur de neurosciences au Brain Mind Institute de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne et professeur de psychiatrie au Centre Hospitalier Universitaire de Vaudois et à l’Université de Lausanne, Jean-François Peyret, metteur en scène et Alain Prochiantz, neurobiologiste, professeur et titulaire de la Chaire des Processus Morphogénétiques au Collège de France.
D’être concerné, de s’exposer à la science (LA science, pour le dire vite), notre théâtre paraît parfois chercher midi à quatorze heures. Il ne serait pas de son ressort de se confronter aux questions parfois vertigineuses que tout un chacun se pose quand il prend connaissance quotidiennement des dernières “avancées” des sciences dont on ne sait pas si elles feront le bonheur de l’humanité ou la fin de l’espèce humaine. Tout un programme (de théâtre).
Je ne pourrai pas assister à la rencontre le lundi car j’ai une réunion forda en revanche je vais prendre des places pour la pièce. Vraisemblablement le samedi 10. Qui cela intéresserait-il ?
Amicales bises
Véro O.
LIENS Yayoi Kusama
retour du i de la lune de munch (par jules)
Chers,
Jules (qui trouve qu’il faudrait une Escapade tous les mercredis) lors de notre escapade à l’exposition Munch a voulu chercher ses « i » .
A trouvé (et photographié) celui-ci, que nous connaissions,
Et plus tard décrété que le i, le point du i, jaune, c’était ça:
(tiens, de quelle peinture il les a extraits, ces troncs?)
Puis, j’ai voulu revoir les i que j’avais publiés sur le blog, et je suis tombée sur celui-ci
avec ce texte de Munch :
The Tree Stump
The stones protruded from the shallow water far far out, they looked like a whole family of sea people, large and small, who moved and stretched and made faces, but silently. You could see a little of the moon, large and yellow.
Stubben
Stenerne raget opad det grunde vand langt langt ud, de så som en hel familie af havmennesker store og små som bevægede sig og stragte sig og skar ansigter, men stille. Der så man lidt af månen gul og stor
Marrant non…
à plus plus !
!eoik
@escapcult écoute la radio
En ce moment, « 3D » émission sur F. Inter sur l’expo » les mathématiques, un dépaysement soudain« , avec Chandès , directeur de Cartier …
Pour réécouter l’émission de France Inter – 3D à la Fondation Cartier : le mystère des mathématiques, et les robots et la curiosité
« 3D » Fondation Cartier, comment un mathématicien élabore une façon d’écrire? » j’ai abusé du zéro ». » les banquiers fatiguent les zéros »
« 3D » Fondation Cartier, Chandès: 2 années de conversation d’artistes avec les mathématiciens, écouter, fréquenter les uns et les autres.
« 3D » Fondation Cartier, Chandès: comment exposer une pensée, écrire l’invisible? Quelles formes donner aux maths dans un lieu d’images?
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Trois Lacanquotidienistes ont écrit sur cet expo:
- dans le LQ72, Catherine Lazarus-Matet ( » Nouvelles d’azimut – A la fondation Cartier: une
conversation avec l’univers« ), - dans la LQ74, Rose-paule Vinciguerra (« L’exposition Mathématiques, un dépaysement soudain ») et
- et dans la LQ77, Luc Miller avec son fils ( « Vu par un enfant et un mathématicien« )
post kusama
Chers amis,
Et voilà! encore une super escapcult ce dimanche à Beaubourg pour l’exposition de cette artiste au prénom imprononçable pour nous, Yayoi Kusama.
En ce qui me concerne exposition intéressante à plusieurs titres. je n’arrive pas encore à élaborer ma question précisément mais elle tourne, d’une part, autour du lien de la psychose et de l’art, de ce que ce lien peut nous dire de la nature de l’art aujourd’hui, et, d’autre part, de ce que l’art nous dit du monde contemporain.
lien psychose – art // disparition du Nom du Père – monde contemporain // psychose généralisée
Au départ de l’expérience de YK que peut-on dire de l’éthique de l’artiste ?
Pour rappel, en guide de prélude à l’exposition, on passe par une pièce qui reproduit ce qu’Alain avait nommé le « phénomène élémentaire » d’enfant de Yayoi Kusama dont elle parle dans les termes suivants ( que je reprends du petit dépliant de l’exposition):
« Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s’étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en seront pleins; moi-même je m’acheminerai vers l’auto-anéantissement, vers un retour, vers une réduction, dans l’absolu de l’espace et dans l’infini d’un temps éternel […] Je fus saisie de stupeur. […] peindre était la seule façon de me garder en vie, ou à l’inverse était une fièvre qui m’acculait moi-même. […]. »
Le terme de « phénomène élémentaire » utilisé par Alain m’avait frappée, retenue : sans doute avais-je envie d’entendre parler de psychose (j e rappelle que je ne suis pas psychanalyste, mais très intéressée par la psychanalyse). Au cours de la discussion post-expo à la cafèt de Beaubourg, je repose la question : de quoi s’agit-il quand on parle de « phénomène élémentaire ». Dominique me répond que s’agissant de l’installation dont il est question plus haut on peut parler d’une expérience de jouissance. Et rappelle dans quels termes Lacan parle du phénomène élémentaire dans le séminaire des psychoses :
« Dès cette époque, j’ai souligné avec fermeté que les phénomènes élémentaires ne sont pas plus élémentaires que ce qui est sous-jacent à l’ensemble de la construction du délire. Ils sont élémentaires comme l’est, par rapport à une plante, la feuille où se verra un certain détail de la façon dont s’imbriquent et s’insèrent les nervures – il y a quelque chose de commun à toute la plante qui se reproduit dans certaines des formes qui composent sa totalité. De même, des structures analogues se retrouvent au niveau de la composition, de la motivation, de la thématisation du délire, et au niveau du phénomène élémentaire. Autrement dit, c’est toujours la même force structurante, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui est à l’œuvre dans le délire, qu’on le considère dans une de ses parties ou dans sa totalité. L’important du phénomène élémentaire n’est donc pas d’être un noyau initial, un point parasitaire, comme s’exprimait Clérambault, à l’intérieur de la personnalité, autour duquel le sujet ferait une réaction fibreuse destinée à l’enkyster en l’enveloppant, et en même temps à l’intégrer, c’est-à-dire à l’expliquer, comme on dit souvent.
Le délire n’est pas déduit, il en reproduit la même force constituante, il est, lui aussi, un phénomène élémentaire. »
J. Lacan, Le Séminaire, Livre III, Les Psychoses (1955-1956), Paris, Le Seuil, 1981, p. 26.
Je me souviens alors que Miller a parlé l’année dernière du symptôme comme d’un objet fractal (objet fractal que m’évoque ici la feuille et ses nervures de Lacan) :
Alors l’ itération du symptôme, l’itération du Un de jouissance, il m’est arrivé durant la semaine de la comparer, quand j’ai eu à parler à Londres, il m’est arrivé en passant, de la comparer au processus qui génère ce qu’on appelle en mathématiques, les objets fractals. Ce sont des objets qui sont exactement auto-similaires, c’est-à-dire où le tout est semblable à chacune des parties. Et bien, c’est sur cette référence que je m’arrête pour dessiner la configuration du symptôme dont la matrice est élémentaire, et dont pourtant les formes sont les plus complexes de celles qui peuvent se rencontrer dans les mathématiques.
cours du 6 avril 2011Le symptôme, ce qui en reste une fois qu’il est interprété, une fois que le fantasme est traversé, une fois que le désêtre est conquis, le symptôme n’est pas dialectique, il représente, il répercute le « une seule fois« , et lorsqu’il est fermé, lorsque dans l’expérience, et dans la parole bien entendu, il est saisi dans sa forme la plus pure, alors il apparaît qu’il est, comme on dit en mathématiques, auto-similaire (n’écrivez pas ça « S -I-M-I- L L – E- R » … ) Il est auto-similaire, c’est-à-dire qu’on s’aperçoit que la totalité est semblable à l’une des parties, et c’est en quoi il est fractal.
cours du 3 mai 2011
Dans l’installation-prélude : passé et présent sont emmêlés : on trouve dans le buffet livres et photos récents de Yayoi, la nappe n’est pas celle de la première expérience – d’ailleurs il n’y en n’a plus – , témoignant de la constante actualité de cette hallucination : cela parle – ou plutôt manque à parler – encore aujourd’hui. A cette première hallucination, peut-être suivie d’autres, je ne le sais pas, YK n’a cessé de chercher à y revenir, d’en rendre, d’en ramener le réel vers la représentation.
Est-ce que c’est ce fait de la représentation qui la « soulage » ? Est-ce que c’est le « ratage » même de la représentation qui la sauve ?
Les Infinity Dots offrent ce même type de réponse : c’est la toile même qui fait arrêt, qui cadre qui limite l’expérience d’infinitisation, d’illimité (la cerne en un objet … d’art). Et en quelque sorte le ratage de la représentation vient ici redoubler le premier ratage, celui du manque rencontré dans le symbolique qui a provoqué l’hallucination, le retour dans le réel du forclos.
Ce qui est intéressant également, c’est que la réponse de YK trouve de l’intérêt auprès du public, qu’il fût artiste ou profane (l’intérêt du public et du marché, d’ailleurs) – dans quelle mesure est-ce que cela ne souligne pas qu’on a tous à faire avec la psychose…
Question à Alain : penses-tu que Munch est plutôt du côté de la psychose quand tu proposes le i de Munch comme son Nom-du-père ?
Autre question à Alain ( !) : lien Bourgeois /Kusama : pourquoi avoir souligné qu’il n’y avait pas d’ironie chez Kusama ?
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Autres points d’intérêt pour moi :
.politique
Au cours de la discussion, Nou a voulu souligner les points de ressemblances entre les 3 expos – Cahun /Munch/Kusama. voulait parler de leur présence dans le monde, de leur façon d’engagement politique.
.keskelart
C’est alors qu’à un moment donné Dominique a, me semble-t-il, posé la question de « Mais est-ce que c’est de l’art ? » « Pourquoi ? Parce que c’était quelque chose qu’elle faisait ‘pour elle-même’ ?» lui a répondu Nou parlant de Claude Cahun, et de son travail photographique…
(Pour moi, intuitivement, oui, c’est de l’art, il me semble que leur démarche à tous les trois s’inscrivait dans une démarche artistique, et il m’arrive de penser à l’art comme à un style de vie – il y a là, quelque chose, une vie qui se mène sinon au nom de l’art, au moins grâce au soutien de ce nom.
Bon, c’est pas très clair. Plus clairement, YK a fait une école d’art, il y a autour de Cahun et de sa compagne la présence de tout un monde artistique foisonnant ; quant à Munch il est clair que sa démarche est volontairement artistique. Puis, est-ce qu’il ne faut et suffit pas qu’il y ait quelqu’un qui dise : c’est de l’art, pour que ça en soit ? )
.l’acte et le processus
Enfin, il a une fois de plus été question du cartel proposé par Alain. De l’acte et du processus… (je m’étais permise de rapporter que Vanessa était éventuellement intéressée à travailler la question du processus de création – tandis qu’Alain était intéressé par la dimension de l’acte)
Qu’est-ce que l’acte ? On s’y oublie, dit quelqu’un (Dominique ?)
« Devenez un avec l’éternité. Oblitérez votre personnalité. Devenez une partie de votre environnement. Oubliez-vous. L’auto-destruction est la seule issue. » YK
Dominique souligne qu’on ne peut parler de l’acte sans se référer à l’acte analytique.
Je fais un rapprochement entre les Infinity Dots de Y. Kusama quand elle arrive à New York et le travail de Pollock. Frédéric en profite pour signaler qu’il n’aimait pas du tous les Infinity Dots. Qu’il les trouvait fastidieux, là où on contraire chez Pollock, on sent l’acte, le geste, le mouvement.
Les Infinity Dots rappellent à Dominique Louise Bourgeois qui, quand elle n’arrivait pas à dormir la nuit, dessinait des petits carrés.
J’ai encore été trop longue, hein.
biiiiise !!!
vrm
nb : hii, à ceux dont les propos sont rapportés ici, n’hésitez pas à corriger, compléter vos positions…
post kusama – tu n’as rien vu à Hiroshima
Bonsoir chers amis,
Merci Véronique et Dominique pour vos commentaires passionnants sur l’exposition Yayoi Kusama!
Beaucoup de pistes intéressantes en effet pour une réflexion plus psychanalytique qui s’inscrirait dans un travail en cartel à davantage préciser… Merci Alain pour cette formidable proposition!
Cette citation de Yves-Claude Stavy, relevée dans un récent numéro de Confluents, me parait également apporter quelques lumières :
« Ce à quoi convoque chaque expérience psychanalytique, c’est la rencontre toujours singulière …(d’)une jouissance opaque, qu’emporte le symptôme avec lui. C’est sur ce point précis que l’artiste devance le psychanalyste: il y a ce qui relève de l’interprétation; et il y a ce qui relève du témoignage d’un incurable. L’objet de la clinique sitôt qu’on s’oriente de Freud et de Lacan, c’est l’objet a…L’artiste devance le psychanalyste, en cette exigence de témoignage d’une jouissance pas toute réductible au noyau élaborable qu’est l’objet a. »
J’ai aussi beaucoup apprécié cette exposition, avec une préférence pour la première période japonaise, (1949-1957), regroupant ses premières peintures très marquées par « l’après Hiroshima », mêlant les thèmes de la mort, de l’anéantissement, du corps, de la séparation, de l’énigme de la féminité, avec dés 1950 » l’élément fondateur de sa pratique artistique, le motif du Dot (pois ou point) comme substitut de son Auto-portrait, annonçant déjà la dissolution de sa propre image et de son individualité dans l’infini d’un paysage cosmique. » (brochure de l’exposition).
Je joins en aparté le chapitre 1 du film Hiroshima mon amour trouvé sur Youtube, film que j’avais en tête en découvrant l’exposition Yayoi Kusama.
« Tu n’as rien vu à Hiroshima… » http://www.youtube.com/watch?v=2UpPd-2wWlc&feature=share
A bien vite.
Amitiés.
Géraldine.
post kusama – présentation de l’objet, retour du punctum
Chères amies,
Chère Eoik,
Nos bavardages ont fière allure. Il est l’heure de dormir, mais je suis trop tenté de répondre, de répondre à la fougue d’eoik qui aiguise le désir de l’échange.
Je vais donc, comme d’habitude, maltraiter mon corps, sans atteindre toutefois le niveau d’expérience de Yayoi dans la contingence de son hallucination inaugurale ( que je pose comme phénomène élémentaire). D’avoir élevé à la nécessité d’art cette contingence lui permet de la faire fonctionner comme Nom-du-père qui capitonne son existence dans ce que tu rappelles si bien : » devenez Un avec l’éternité… l’autodestruction est la seule issue ». Ce qui soulage, sauve peut-être pour un temps Yayoi, c’est de faire de cette hallucination un trait qui par sa réitération ou sa répétition ( je ne saurais dire ce qui conviendrait le mieux) est une tentative d’inscrire dans l’Autre de l’art cette expérience inaugurale inouïe, bref, c’est d’en faire un destin et un nom, non par la représentation, mais par, dirais-je, la présentation: l’objet, pois, point, phallus, par sa réédition fait le père.
Bien qu’il soit difficile de repérer l’acte en dehors d’une référence à la psychanalyse, il n’en reste pas moins qu’il existe hors d’elle. La politique, l’histoire en recèlent d’exemples.
Si chez Kusama, l’hallucination fait fonction de cadre pour venir border son existence, chez Munch, c’est plutôt le i jaune, trait extime de ses toiles, punctum selon Barthes. Le sens du i jaune est sans intérêt, ne compte, me semble-t-il, que sa présence.
Il y a d’autre point en suspens, j’ y répondrai plus tard, me laissant séduire par le sommeil rieur. Juste un mot pour dire que l’idée de cartel tient toujours pour moi, il y en a déjà un certain écho. Un +1 non analyste serait le bienvenu, mais N’EST PAS NON ANALYSTE QUI VEUT!!!!
Bye bye
Alain
l’art non plus que la femme, que le rapport dit sexuel
Chers tous,
L’appel du réveil a sonné. Mon iPhone, tel un enfant, me supplie de le prendre dans ses bras. Je n’y résiste point. Il me suffit d’une raison menteuse – nos échanges escapatoires ( échappatoires?) – pour dire oui, sans malaise, mais jubilation.
Qu’est-ce donc qui prime? Manipuler l’objet pour donner du plaisir au doigt?
Parler au mur de l’autre? Un alliage instable des deux, d’eux?
Qu’importe après tout, pourvu que ça ait lieu!
Alors y a- t-il de l’acte dans l’art? Probablement, à condition de poser que l’art n’existe pas plus que la femme, que le rapport dit sexuel? Il n’y a que des artistes! Mais qu’est-ce qu’un artiste? Je propose: est artiste d’aujourd’hui celui ou celle qui montre l’objet, non sous du beau, mais par la pudeur de l’énigme. Le regard est toujours impliqué, qu’en pensez-vous?
Mes pieds en ont marre de penser, ils demandent à aller se dégourdir les jambes, je leur obéis !
Bye bye,
Alain
n’importe quoi et de la représentation à la présentation
Cher,
Chers,
Peut-être en réponse à Alain du matin, ce texte, long et vieux, que j’ai récemment retravaillé,
amicalement,
véronique
2 février 2006, 9:10 [8 novembre 2011]
« Fais n’importe quoi. Point. Sans conditions. Fais absolument n’importe quoi. »*
* Et le « fais n’importe quoi » n’est jamais inconditionné mais il faut qu’il le soit. A l’universalité de l’échange, la loi de la réalité, il faut opposer, muette et incompréhensible, la loi de la nécessité qui est aussi nécessité de la loi. L’impératif « fais n’importe quoi » est un impératif catégorique.
Thierry de Duve, Au nom de l’art, “Fais n’importe quoi”, p. 129.« Si, comme je le soutiens, “fais n’importe quoi” est bien un impératif catégorique, alors il faut aller plus loin et dire que l’universel est impossible, ou que l’impossible est aujourd’hui la modalité de l’universel. La phrase “fais n’importe quoi” ne donne pas le contenu de la loi, seulement le contenu de la maxime. Et encore ce contenu est-il quelconque et ne devient-il déterminé que par l’action qui met la maxime en pratique. Cela ne prescrit qu’une forme conforme à l’universel dans les conditions radicales et finales de la finitude. Et cela signifie : conforme à l’impossible. »
Ibid. pp. 133-134.
Des années que je me coltine ce « n’importe quoi » de Thierry de Duve et que je ne m’en dépatouille pas.
« Fais n’importe quoi » est pour lui l’impératif catégorique de l’art moderne. C’est au départ de cette maxime qu’il analyse l’art moderne qu’il date, si ma mémoire est bonne, à Courbet et à ses « Casseurs de pierre » et qu’il appuie sur une analyse fouillée de l’œuvre de Marcel Duchamp.
« Fais n’importe quoi », impératif catégorique, absolument sans condition : conforme à l’impossible. L’impossible, c’est, ce serait, l’impossible de l’universel. Expression-là probablement pour une part de ce qui m’aimante dans la proposition de Thierry de Duve. Le « n’importe quoi » seul permet de rendre compte de l’impossibilité de l’universel.
Quand le fond de l’enjeu de mon attachement à cet enseignement se situe probablement dans le fait qu’il s’agissait pour moi, qu’il s’agit pour moi, de trouver ce qui fait la valeur dans l’art, ce qui fait la valeur de l’art. Mon père étant artiste et n’ayant jamais moi-même eu l’impression d’avoir jamais rien compris à l’art, cet enjeu est certainement très capital. Qu’est-ce qui pourrait faire que l’art ça ne soit justement pas n’importe quoi.
Comment juger ? Juger de l’art ?
Continuer la lecture de n’importe quoi et de la représentation à la présentation
Une soirée sur la Chine le 7 décembre à 21h 15
Une soirée sur la Chine le 7 décembre à 21h 15, au local de l’ECF, organisée par l’équipe de la bibliothèque (dont je fais partie). Il y sera question entre autres de l’écriture chinoise. Cette affaire de la calligraphie chinoise rejoint nos interrogations sur l’art et l’acte, si j’en crois les quelques lectures que j’ai faites. Cf. « L’unique trait de pinceau » du moine Citrouille-amère, dont parle Lacan. Bon, j’avoue que nous ne savons pas exactement ce que diront nos quatre invités, nous ne leur avons pas demandé leurs textes. Ce sera une surprise ! Mais je peux vous dire que ce sont des gens passionnants. Quelques précisions dans Babel n° 11, qui se trouve en pièce jointe et sur ECF-Alexandrie.
Dominique
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Babel n°11 – novembre 2011
Bulletin Apériodique de la Bibliothèque de l’École de Lacan-ecf
Sommaire :
– Soirée de la bibliothèque du 7 décembre 2011 : « Lire Lacan en Chine »
– Une offre de la bibliothèque aux responsables des Enseignements à l’ECF
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Vous trouverez le Babel n° 11 en attaché
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Soirée de la Bibliothèque
Mercredi 7 décembre 2011 à 21h15
1, rue Huysmans 75006 Paris
Le symbolique au XXIe siècle
Le signifiant vivant : « Lire Lacan en Chine »
Nathalie Charraud présentera un exemple chinois de pas-tout, tiré d’un commentaire de l’Art de la guerre de Sun-tsu.
Alain Cochard se propose de montrer que les références de Lacan à la culture chinoise et en particulier à Mencius répondent à des problèmes cliniques. Il prendra la courte référence à Mencius à la fin du Séminaire VII pour montrer qu’elle s’inscrit dans la question de Lacan concernant ce qu’on est en droit d’attendre d’une analyse menée à son terme.
Jean-Louis Gault fera le point sur les caractéristiques de l’écriture chinoise, en ce qui la distingue d’une écriture alphabétique et ce pour quoi elle a pu intéresser Lacan, qui était à la recherche d’une théorie de l’écriture, qu’exigeait la nature du symptôme chez le parlêtre.
Catherine Orsot-Cochard traitera des « pouvoirs de la cursive », en référence à la phrase de Lacan dans « Lituraterre », Séminaire XVIII, p. 120 : « Ça me fascine, ces choses qui pendent, kakemono, c’est comme ça que ça se jaspine, les choses qui pendent au mur de tout musée là-bas, portant inscrits des caractères, chinois de formation, que je sais un peu, très peu, mais qui, si peu que je les sache, me permettent de mesurer ce qui s’en élide dans la cursive, où le singulier de la main écrase l’universel, soit ce que je vous apprends ne valoir que du signifiant. »
On trouvera des échos des récents voyages de nos collègues en Chine dans Lacan quotidien n° 10, 27, 40, 42, 59, 73, 84, 90, 91, et dans Babel n°11 une brève bibliographie sur le thème de la soirée, disponibles sur le site : http://ecf.base-alexandrie.fr/
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« fais n’importe quoi! »
Eoik, Do, chères,
Admirable, ton texte Vero, je m’y retrouve un peu dans ce que dit Thierry de Duve « au nom de l’art ».
Je brûle d’envie de répondre de suite sur 2 ou 3 choses.
Devant le feu de cheminée, que je viens de réveiller, une fois de plus, c’est mon p’tit plaisir d’hiver, de taquiner la mort: vais-je pouvoir raviver le feu au petit matin à partir des cendres mourantes. Résultat, un nom possible de l’impossible pour moi : la mort ne meurt jamais. Tiens donc?
L’art, une pratique symbolique particulière du réel? En quoi? Et pourquoi pas singulière?
Je ne peux m’empêcher de faire entrer en résonance le « fais n’importe quoi » de l’artiste avec le « dis n’importe quoi » de l’association libre. Dis, fais n’importe quoi, et il n’en sortira pas n’importe quoi!
Donc, la différence n’est pas tant au niveau de la visée que du moyen: le « Bien-faire » pour l’artiste, le « Bien-dire » pour l’analysant. Peut-il y avoir rencontre entre les deux? Oui, comme entre un homme et une femme: ratée.
Je pose: l’art est une pratique du « Bien-faire ». Mais qu’est-ce que le faire? Là, je passe à une navigation à vue, sans GPS, hasardeuse. Je me risque: le faire est une pratique pulsionnelle malgré le fantasme, au-delà de lui! Que devient la pulsion au-delà du fantasme, se demandait Lacan? Provocateur, je réponds: une œuvre d’art!
Ça pourrait bien être une pratique de la pulsion, avec un objet particulier, mentionné une fois par Lacan, 2 ou 3 fois par Miller: la musculature, le mouvement corporel. ( je pense au « penser avec les pieds » de Lacan)
Autre point: pas d’art sans regard! Et
Pas d’œuvre d’art, si elle est « toute seule ». La réitération fait la série, ce qui fait sérieux et crée deux choses énigmatiques: ce qui ne se dit pas dans ce qui se trace; et la naissance du « traceur » dirais-je !
L’art, n’est-il pas une pratique du trait?
Il fait encore nuit, le jour se lève timidement , le feu est à point, et je vais laisser s’endormir mes pensées.
Bises
Alain
Tao : le faire sans nom n’ayant désir et le nom ayant désir
Cher Alain, en début de réponse à ta proposition sur le « faire » de l’artiste, ce merveilleux texte d’Eric Laurent sur le vide-médian où sont confrontés, en Chine, par Cheng et Lacan, « le faire » et « le parler ».
A ce texte, et un peu paradoxalement, j’ajouterais : y aurait-il un lien à établir entre
.d’une part, l’opposition que découvre Lacan dans le Tao du dire et du faire – le faire sans nom n’ayant désir et le nom ayant désir -, « dilemme » avec lequel il se demande « comment vivre? », à quoi Cheng répond spontanément : « par le vide médian »
.et, d’autre part, le Witz que préconise Duchamp quand il veut tirer le conséquences de ce que « le faire » n’est plus possible en peinture du fait que ce sont maintenant les machines qui font et que la peinture arrive « ready-made » ? Ce Witz lui ouvre-t-il la voie du Vide médian dont Lacan et Cheng s’attachent à « élucider la réalité »?
Et puis, tu vois, Dominique, moi aussi, on dirait, que je vais vers la Chine….
Bon dimanche à tous,
Véronique
le vide-médian
La Voie qui peut s’énoncer
N’est pas la Voie pour toujours
Le nom qui peut se nommer
N’est pas le nom pour toujours
Sans nom : Ciel-et-Terre en procède
Le nom : Mère-de-toutes-choses
La Voie/voix, en tant qu’elle est avant tout nomination puis l’effet de nomination, qui fait venir quelque chose, mais quoi ?, car c’est là où ça n’est pas grec : il ne s’agit plus de faire venir à l’être, mais à un certain usage. Le chinois n’est pas une langue indo-européenne, il ne connaît pas le verbe être, à la place de la copule il y a cette invention propre au chinois qui est que le mot Tao veut dire tout à la fois faire et dire, énoncer.
Et c’est une des histoires les plus extraordinaires de la pensée que révèle l’histoire de la pensée en Chine, où la pensée chinoise a réussi à accueillir l’être transmis par le bouddhisme sous le mode du vide, parce qu’il parlait le sanskrit, une langue indo-européenne, donc, impliquant l’être et le non-être, et que les Chinois ont mis quand même huit cents ans pour faire se rejoindre le Tao et le vide bouddhique. Ça a pris beaucoup de temps, et causé beaucoup de frictions dans les différentes écoles chinoises, pour ajuster deux notions qui n’avaient rien à voir, et pour en faire une création de discours, qui, elle, sera transmise au Japon, avec le bouddhisme que l’on appelle zen. La secte Chan a mis au point, précisément, une version un peu sophistiquée de cette combinaison entre le vide hindou et le Tao chinois.
Là nous avons la Voie/voix en tant qu’elle est d’avant la nomination, et Cheng dit qu’en lisant ce texte, Lacan dit : c’est merveilleux !, s’arrête, arrête Cheng et lui fait le petit schéma suivant :
Il lui dit : voilà, il y a le Tao, alors faisons deux registres, le faire – le parler, ce qui est sans nom, ici – et le nom, ce qui est n’ayant désir, et ce qui est ayant désir. Lacan lui fait donc ce petit schéma, mais il dit tout de suite qu’« il s’agit maintenant de savoir comment tenir les deux bouts, ou plutôt ce que Lao-Tseu propose pour vivre avec ce dilemme. »
Et là, ce qui intéressait Lacan parlant avec Cheng, c’était la solution proposée, et, dans le témoignage de Cheng nous lisons ceci : « Sans trop réfléchir, je réponds : « Par le Vide-médian ». Ce terme de Vide-médian une fois prononcé, nous n’avons eu de cesse que nous n’ayons élucidé la réalité de cette notion fondamentale entre toutes ». Après avoir fouillé les sources, vérifié les interprétations, ils ont donc pu établir que le trois, chez Lao-Tseu, n’était autre que le Vide-médian. Or, à suivre Cheng, qui est ici le spécialiste, alors que, jusque-là, le trois n’avait pas beaucoup retenu les spécialistes de la pensée chinoise, qui s’arrêtaient au deux, à l’opposition du Yin et du Yang, cette interprétation est désormais adoptée par tous les sinologues ainsi que par les savants chinois eux-mêmes. (Cf : L’Âne, p. 53). Ils se sont appliqués à observer les multiples usages du Vide-médian dans le domaine concret à l’intérieur d’une personne – c’est très précieux, le Vide-médian à l’intérieur d’une personne – dans un couple, entre deux tribus, (en se référant à Lévi-Strauss), entre acteur et spectateur au théâtre etc.
Voilà donc, dans le concret, où se situe le vide. Comment articuler le vide, c’est ce qui intéressait Lacan. L’usage correct du vide, de ce Vide-médian qui est une sorte de version du littoral, soit ce qui sépare deux choses qui n’ont entre elles aucun moyen de tenir ensemble, ni aucun moyen de passer de l’une à l’autre.
« Shih-t’ao n’a-t-il pas parlé d’Universelle Circulation ?, poursuivait-il. Cela explique peut-être que les Chinois aient privilégié la notion de sujet/sujet, au détriment de celle de sujet/objet, puisque tout métaphorisé que soit le sujet, ce qui importe à leurs yeux, c’est ce qui se passe entre les sujets, plutôt que le sujet lui même, en tant qu’entité séparée ou isolée. Là intervient encore, sans doute, le Vide-médian » conclut Lacan.
Eric Laurent, « La lettre volée et le vol sur la lettre ». Conférence prononcée au Cours de Jacques-Alain Miller : « L’expérience du réel dans la cure analytique » 1998-1999 (inédit). Publiée dans La Cause freudienne n° 43, « Les paradigmes de la jouissance », p. 22.
l’impossibilité du fer
et à votre sagacité, dans le fil de la proposition d’alain de l’art comme « faire » je propose encore ce court extrait de Duve (et j’en aurai fini pour aujourd’hui!) :
Ainsi, le readymade est de l’art à propos de la peinture avant d’être de l’art à propos de l’art. L’art de peindre, c’est l’art du faire, dit Duchamp, qui répète là une très vieille définition de l’art comme artisanat et habilité manuelle. Mais si l’industrialisation a rendu objectivement inutile l’artisanat, alors l’habilité manuelle est aussi ce que l’artiste sensible à l’époque doit ressentir comme impossible. Ce sentiment est, dans la peinture, même normale, sa « nécessité intérieure », la nécessité qui poussa Kandinsky et les autres pionniers de l’abstraction à abandonner presque toutes les conventions traditionnelle de la peinture, et qui poussa Duchamp à l’abandon du métier lui-même.
Fini le faire, reste le nom. Fini le tour de main, l’habilité, le talent, reste le génie, le Witz. A Denis de Rougemont qui lui demande « Qu’est-ce que le génie? », Duchamp répondit par un calembour : « L’impossibilité du fer ».
Puisque faire signifie choisir, le syllogisme de tout à l’heure conduit à la conclusion, cette fois, que le génie tient à l’impossibilité de choisir. Et puisque l’exemple exemplaire d’un tel choix impossible est un tube de bleu, un tube de rouge, il faudrait imaginer que le génie tient à l’impossibilité de choisir ses couleurs, d’ouvrir un tube, de commencer son tableau, de peindre. Génie de l’impuissance en lieu et place de l’impuissance du talent !
Thierry de Duve, Résonnances du readymade, « Le readymade et le tube de couleur » (1984-1989), Éditions Jacqueline Chambon, 1989, p. 127, 128, 129, 130
vies d’escapades :: nouveaux membres et prochains rendez-vous
Bonjour, Chers Véronique, Dominique, Alain, Catherine, chères et chers amis,
Je profite d’un petit répit dominical pour vous dire combien je trouve stimulants ces échanges autour de l’art, du processus de création, je vous lis avec beaucoup d’attention, me laisse entraîner par vos références, textes, auteurs, à partir de ce que j’en comprends et chemine de mon côté pour serrer davantage quelle serait ma question au sein de notre futur cartel. Une première date à proposer pour nous rencontrer? Qui voudrait en être ? Qui serait notre plus-un? J’aime beaucoup l’idée que ce pourrait être un ‘non-analyste’. Je peux accueillir le cartel chez Auguste! Un cartel, deux cartels, …Décidément ces escapades nous emmènent loin!
Je voulais vous présenter Laurent Guerlou, un ami de Toulouse qui vient de rejoindre notre groupe et qui serait intéressé par une escapade ‘les Femmes’, je sais que Dominique et Véronique O ont prévu d’y aller le 18 décembre pour la dernière et l’intégrale. D’autres propositions?
Je vous présente également Malik Berkati, que certains connaissent peut-être sur Twitter et qui m’a fait l’amitié de rejoindre également notre groupe. Bienvenue à tous ceux qui viennent de s’inscrire!
Donc, prochaines escapades:
samedi prochain, le 3 décembre ‘la folie Sganarelle‘
le 10 décembre, exposition Paul Klee à la cité de la musique dans l’après-midi et ‘Ex vivo In vitro‘ en soirée,
et enfin le dimanche 18, à 14h30 l’intégrale les Femmes aux Amandiers.
D’autres dates? Serait-il possible de créer une rubrique agenda pour mieux nous repérer? Sans oublier nos imprévus et impromptus! Je crois qu’Isabelle avait un projet de passage sur Paris un mercredi ?
Qui veut m’aider pour une présentation escapades décembre pour le courrier ACF? Klee (Vanessa?)? Wajdi Mouawad (Laurent? Véronique O?)? Ex vivo (Dominique?)
Merci beaucoup Dominique pour le partage de tes notes formidables! Merci à tous qui rendent ce groupe si vivant!
A bien vite,
Géraldine.
Envoyé de mon iPad
un monde défait en 6 jours
Le 30/11/2011 18:09, nouage a écrit :
> Bonsoir, Je viens de trouver ce lien.
> Géraldine.
> Envoyé de mon iPad
Le 01/12/2011 04:31, Dominique Chauvin a écrit :
> Je m’y suis tout de suite précipitée ! Il est vrai qu’on peut concevoir que Béla Tarr n’ait plus rien à dire après ce film. Il est vrai qu’il est superbe mais tout à fait désespéré.
> « Le film illustre la mortalité à laquelle nous sommes condamnés, avec cette profonde douleur que nous ressentons tous » (B. Tarr).
> Ma première impression était que « Le cheval de Turin » raconte comment le monde se défait en six jours, jusqu’à ce que la lumière elle-même ne soit plus… Ce qui n’est pas incompatible ! Et puis, il y a le cheval, ah, le cheval, que l’on voit marcher interminablement, au début, et puis qui s’arrête, qui ne veut plus ni bouger ni manger…
Le 01/12/2011 09:44, Malik Berkati a écrit :
> C’est exact, alors que Dieu fait le monde en 6 jours, Béla Tarr le défait dans le même laps de temps. Mais quand je suis sorti du film, je n’ai pas senti de désespoir au contraire, car cette litanie du vent, cette immensité désolée, cette obscurité qui laisse saillir quelques ombres n’appelle à mon avis qu’une chose: un renouveau au 7ème jour…
> La dernière image est un tableau, une nature morte fait d’être humain: ils sont figés et leur monde avec. Mais comme la nature a horreur du vide…
> Bon à ma décharge de cette vision optimiste: je l’ai vu à la fin de la Berlinale avec déjà plus de 60 films dans les yeux, à la fin d’une journée avec 5 films derrière moi: j’étais à la fois épuisé et désespéré des 3/4 des films déjà vus et ce film m’a redonné une énergie et un coup d’adrénaline improbable dans l’état ou j’étais…cela a peut-être influé! Faudrait que le revois avec cette idée de désespoir pour confronté mon impression à celle qui semble se dégager si j’en crois également l’article envoyé par Géraldine.
> Malik
Dans quelques jours, ce spectacle n’existe plus…
théâtre/performance
YVES-NOËL GENOD
– je peux avec Sigrid Bouaziz, Bram Droulers, Nicolas Maury, Jean-Paul Muel,
Marlène Saldana, Marcus Vigneron-Coudray
– ouijeu, mise en scène, scénographie Yves-Noël Genod
– je peux samedi 3 et dimanche 4 décembre à 14h30
– oui samedi 10 et dimanche 11 décembre à 14h30
//
Théâtre de la Cité internationale
17 Bd. Jourdan
75014 Paris
//
tarif plein 21 € • tarif réduit 14 €
vendredi tarif réduit pour tous 14 €
moins de 30 ans 10 €
renseignements, location :
www.theatredelacite.com • 01 43 13 50 50 (14/19h) ou chez les revendeurs FNAC, Théâtre on line, Crous, Kiosque-jeune, Kiosque Théâtre
//
Extraits du blog d’Yves-Noël Genod :
– je peux / – oui
Je peux, Photo Marc Domage. Marlène Saldana, Jean-Paul Muel.
posted by Yves-Noël Genod, le dispariteur at 12:23 PM 0 comments
Ça s’est bien passé ! Le beau monde des aficionados était là, merveilleux surgissement de printemps (que l’on nourrit au champagne). Ça continue demain, jeudi et après-demain, vendredi en avant-première ouverte sans réservation – venez aider les acteurs à vous aider ! – Officiellement, c’est ensuite ce week-end, dans tous les cas, à 14h30 (nécessité de la lumière du jour). Puis un autre spectacle dans le même lieu, la semaine prochaine, plus théorique (je serai dedans) avec un seul jour d’avant-première, le vendredi 9 et le week-end en réservation.
C’est au théâtre de la Cité internationale (01 43 13 50 50) et ça s’appelle – je peux / – oui
posted by Yves-Noël Genod, le dispariteur at 10:59 AM 0 comments
Nouveau communiqué
Moi, mes amis, je ne sais pas
comment les contacter. J’ai demandé à la Cité combien de
détaxes on pouvait avoir. Illimité. Illimité ? Oui,
illimité car ça s’adresse aux amis… Les amis ? Les amis,
c’est illimité ou c’est limité ? La Cité, ils ont dû faire
beaucoup, beaucoup de réunions pour finalement décider
que, non, les amis, ça ne se contactait pas sur Facebook.
Donc je rajoute : place à dix euros en donnant mon nom,
mais dans la limite des places disponibles. Quand la Cité
estimera qu’il y aura trop de places à dix euros, ils
arrêteront. De toute manière, je suis intéressé car je
suis à la recette. Moi, ce qui m’intéresse, c’est que le
plus de monde voit mon spectacle, que je n’ai pas bossé
pour rien – et les acteurs, voilà !
posted by Yves-Noël Genod, le dispariteur at 12:29 PM
// // //
Sous l’influence – excusez du peu – de Jorge Luis Borges,
Yves-Noël Genod propose des performances qui ne parlent de rien.
En général, les titres choisis rajoutent à l’ambiguïté. Elles ne
parlent de rien parce que – premièrement – la beauté est une
sensation physique (ou ne sera pas) et parce que – deuxièmement –
elles sont adressées. Ainsi « c’est vous qui remplirez les cases
et vous ne rendrez pas le formulaire ». C’est une administration
du bonheur.
Yves-Noël Genod déploie, dans un décor d’après-midi d’hiver, une
pièce de groupe et un solo désolé autour de la figure de la
chanteuse Barbara. Il s’agit des deux faces d’une même monnaie,il
est conseillé de voir les deux !
L’invraisemblance, c’est la naissance. L’état de l’apparition. Are
you a question or an answer ?
//
Surtout ne rien faire
Malmö, le 7 octobre 2011
Je voudrais que tout soit réglé avant le premier jour des répétitions, le 4 novembre.
C’est une question de méthode, j’en parle et reparle très souvent, ce n’est pas une
méthode absolue, mais elle a produit tant de chefs d’oeuvre jusqu’à Haschich à
Marseille, la semaine dernière… La méthode, en deux mots, c’est surtout NE RIEN
FAIRE. C’est ce que j’exige (de manière dictatoriale) des acteurs et des artistes avec
lesquels je travaille. C’est bien sûr ce que j’exige de moi-même. Et j’appelle ça le
VRAI travail, en plus. Bon, pour que cette méthode soit réalisable, il faut donc que
tout soit réglé avant le début du « travail ».
Yves-Noël Genod
(extrait d’un mail adressé à Pascale Henrot)
……………………………………………………………………………………….
__._,_.___
__,_._,___
Volk Ding Zero
Esc femmes, Esc hommes,
Paris. Ses rues hivernales parfois le soir offrent, dans de lointaines fenêtres, d’étranges personnages bleus – que nous aimons bien:
BASELITZ SCULPTEUR
MAM
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris
Standard : 01 53 67 40 00
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h (fermeture des caisses à 17h15)
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h (fermeture des caisses à 21h15).
Fermeture les jours fériés.
Métro Alma-Marceau ou Iéna
RER C Pont de l’Alma
Bus 32, 42, 63, 72, 80, 92
Station Vélib’ 2 rue Marceau
lui, porte ce nom étrange : «Volk Ding Zero», si tant est qu’il ne le sont pas tous, étranges, les noms : «Peuple Chose Zéro».
C’était avenue du Président Wilson, où nous avions opté d’aller hier, pluvieux mardi, avec Géraldine.
(nous escapdons, nous optons) (et toi, veux-tu escapader avec nous) (nous artscapadâmes)(artscapadâteras-tu)
puis, nous étions dans une très grande salle blanche atteinte après avoir traversé nombre de vastes salles dont le blanc n’était pas pur, finalement, et sur le front de « Volk Chose Zéro« , nous avons pu lire l’inscription : «ZERO»
son visage bleu, ses yeux de larmes blanches.
un panneau dit :
Les sculptures les plus récentes de Baselitz sont des autoportraits monumentaux, Volk Ding Zero et Dunklung Nachtung Amung Ding. Bien qu’elles puissent évoquer (à tort) Le Penseur de Rodin, leur modèle avoué est celui des Christ aux Outrages de l’art populaire. Un personnage assis, la tête dans les mains, des yeux constitués de coulures d’une teinte blanche caractéristique des dernières peintures, constitue ce que Baselitz appelle un de ces « signes ».
sur un banc de pierre g, miss g, mamzelle g, nous sommes dans la fiction, n’est-ce pas, a consulté oracle google, j’étais assise à ses côtés, google, google, dis-moi, veux-tu, ce qu’est « Christs aux outrages « . de mon côté, j’en avais bien quelque idée, mais je ne lui trouvais pas les bons mots. je me suis demandé si mon père lui aussi n’avait pas peint l’un ou l’autre christ aux outrages, ça a aurait bien été son style. j’ai dit, eh bien, ils lui ont mis une couronne à jésus, en épines, ont planté un bâton en guise de sceptre dans la main, et ils lui ont dit, ha ha, roi des juifs, tu rigoles moins, maintenant. la réponse de google n’était pas beaucoup plus claire. mais on a vu de belles images : ce grünewald :
Matthias Grünewald (1480-1528)
Le Christ aux outrages, 1503/1505
- La première séance reprend les injures. … Luc, 22, 63-65 « Les hommes qui le gardaient le bafouaient et le battaient ; ils lui voilaient le visage et l’interrogeaient en disant : “Fais le prophète! Qui est-ce qui t’a frappé ?” Et ils proféraient contre lui beaucoup d’autres injures. »
- La seconde séance est beaucoup plus cruelle.
Jean 19, 1-2 « Pilate prit alors Jésus et le fit flageller. Les soldats, tressant une couronne avec des épines, la lui posèrent sur la tête, et ils le revêtirent d’un manteau de pourpre ; et ils s’avançaient vers lui et disaient : “Salut, roi des Juifs !” Et ils lui donnaient des coups. »
« Paroles de Jésus-Christ à son épouse, traitant de la manière qu’il se donna librement à ses ennemis qui le crucifiaient, et comment il faut vivre avec continence, se privant de tout ce qui est illicite, à l’exemple de sa douce passion. — Le Fils de Dieu parlait à son épouse, disant : Je suis le Créateur du ciel et de la terre, et le corps qui est consacré sur l’autel est mon vrai corps. Aimez-moi de tout votre cœur, car je vous ai aimée. Je me suis librement donné à mes ennemis, et mes amis et ma Mère ont été assaillis d’une douleur trop amère, et ils ont fondu en larmes.
Quand je voyais la lance, les clous, les fouets et autres instruments préparés pour ma passion, je m’en approchais néanmoins avec joie. Et quand, sous la couronne d’épines, ma tête fut toute sanglante, et que mon sang ruisselait partout, et bien que mes ennemis touchassent mon cœur, j’eusse mieux aimé qu’il eût été déchiré en deux que de ne pas vous posséder et ne pas vous aimer. Parant, vous seriez trop ingrate, si vous ne m’aimiez, en reconnaissance du grand amour que je vous ai témoigné. Si ma tête a été percée par les épines et s’est inclinée sur la croix, votre tête doit bien s’incliner à l’humilité ; et parce que mes yeux étaient remplis de sang et de larmes, vous devez vous abstenir de ce qui délecte vos yeux ; et parce que mes oreilles ont été remplies de sang et ont ouï qu’on me détractait, partant, vos oreilles ne doivent pas écouter les paroles moqueuses, niaises et légères ; et parce qu’aussi on a abreuvé ma bouche d’une boisson amère, vous devez aussi fermer la bouche aux paroles mauvaises et l’ouvrir aux bonnes ; et comme mes mains ont été étendues sur le gibet, vos œuvres, figurées par les mains, doivent être tendues aux pauvres et à mes commandements ; vos pieds, c’est-à-dire vos affections, par lesquelles vous devez venir à moi, doivent être crucifiées à toutes les voluptés ; et comme j’ai souffert en tous mes membres, de même tous vos membres doivent être prêts et disposés à m’obéir, car j’exige plus de service de vous que des autres, parce que je vous ai douée et enrichie d’une grâce plus grande et plus excellente. »
à bientôt chers escapadeurs,
véronique m.
Herr, was ist da zu sagen? // Bazelitz Georg, la salle des Freud Sig. // indices
accrochées par des titres :
Peintures de la série des «Herfreud Grüßgott» (2011)
Sept peintures réalisées par Baselitz au printemps 2011 viennent s’insérer dans le parcours.
Leurs titres-tiroirs intraduisibles renforcent l’énigme d’une peinture soucieuse de ne rien
dévoiler sinon elle-même et de faire «voir sans comprendre».
Les figures, renversées, frontales et côte à côte, sont des pseudo-portraits, où il est
question de Sigmund Freud, de facteur, de quartier-maître et de contrôleur. Leur
iconographie se renouvelle par l’utilisation de têtes d’expression photographiées du XIXè
siècle.
Lorsqu’elle est seule, la figure intègre des attributs féminins; quand les visages sont
dédoublés ou présentés en paire, une tache noire les sépare et les unit à la fois et, à la
manière d’un test de Rorschach, renvoie à l’inconscient, à la sexualité, aux réminiscences
enfantines.
[présentation du musée]
//
Grüssgott :
Grüssgott: Salut bavarois indique un texte explicatif dans la salle. Grüssen, saluer, Gott, Dieu
I asked, « What do you mean, a Grüss Gott shop? »
She explained that in Bavaria, shopkeepers greet customers by saying « Grüss Gott » (which means roughly « praise God »). During the Third Reich it was safer to change the greeting to « Sieg Heil. » It was a hard choice. Each shopkeeper had to make it. Everyone in Dachau knew which shops were Grüss Gott shops and which were Sieg Heil shops.
Pausing, as if mustering the energy for one last sentence, she stood up and said, « My father’s shop was a Grüss Gott shop, » then stepped off the bus.
//
se rappeler l’oubli :
HERR, was ist da zu sagen? / Freud, l’oubli, Signorelli (Signor – [Herr] – Eli)
//
consulter le dictionnaire allemand-français : HER (adv.):
chez, ici, là, là-bas, par ici, par là-bas, voici
//
Georg Baselitz : Herfreud Grüssgott Herbriefträger, 2011
Briefträger : facteur, « porteur de lettre »
//
Georg Baselitz : Herdoktorfreud Grüssgott Herbootsmann, 2011
Bootsmann, maître d’équipage, « homme de bateau »
//
Georg Baselitz : Herfreud Grüssgot, 2011
//
Un autre titre encore : Hersigmund anklopfen
an
à, à/au…, à même qqch., au bord de, chez, contre, dans, de, de la prendre drogue, en, en marche , être régime, sous, sur, vers
an (adj.)
allumé
an (adv.)
allumé, en marche
an (v.)
allumer, éteindre
an-
essayer (V+comp)
an- (v.)
accepter, prendre
Anklopfen (n.)
appel en attente
anklopfen (v.)
frapper (V+à+comp)
Klopfen
claque, coup
Klopfen (n.)
battage, battement, cognement, coups, coup sec, frappement, martèlement, martellement
klopfen
heurter
klopfen (v.)
attendrir, battre, battre rapidement, cogner, frapper, palpiter, tailler (V+comp), taper, taper sur les doigts
sigmund, je frappe à ta porte…
herdoktorkunstfreud, grüssgott; voici le docteur de l’art freud, salut dieu.
déclin des religions, avènement de la psychanalyse, avènement de la modernité en peinture
Je ne peux m’empêcher de m’attarder aux titres-valises des peintures de Baselitz, dont je vous parlais hier.
Si le HER m’évoque le HERR perdu de Freud, celui tombé dans les limbes, HER, en allemand veut également dire, je l’apprenais hier, « VOICI ». « Voici » qui est justement le titre de l’exposition dont je vous ai parlé de Thierry de Duve.
A cause de ça[1], cet éventuel indice à trois lettres, je suis tentée d’y retourner, et vous livre ici quelques extraits des premières pages du catalogue de l’exposition. Je ne suis pas sans craindre de vous envahir, mais… c’est plus fort que moi…
« Et si nous allions tout droit à Manet, là où l’aventure de l’art moderne a commencé? Et si nous choisissions de faire démarrer d’aventure, non d’Olympia ou du Déjeuner sur l’herbe, mais d’un tableau moins connu du grand public et pourtant tout à fait extraordinaire, Le Christ aux anges de 1864? »
Continuer la lecture de herdoktorkunstfreud, grüssgott; voici le docteur de l’art freud, salut dieu.
Aux Arts, Lacaniens !!!!!!
Ah! super, tu seras là. Mais comment fais-tu pour être toutes les semaines à Paris? remarque, moi aussi, j’y étais même mardi pour la soirée des AE, mais je suis vannée, et surtout, je ne sais plus où j’habite?… mais contente! A demain. Bise
Catherine
Le 9 déc. 2011 à 21:34, Alain Gentes a écrit :
> À demain pour Klee Ex vivo In vitro !
>
> Envoyé de mon iPhone
Ex vivo / In vitro, après-coup, Ô solitude (1,2,3)
//
#1
Sujet: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Sun, 11 Dec 2011 19:21:18 +0100
De : Caudron Géraldine
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Bonsoir,
Dans l’après-coup de la pièce « Ex vivo / In vitro », à propos de la procréation médicalement assistée, pièce que j’ai beaucoup aimée, j’ai eu envie de relire quelques pages de Ô solitude de Catherine Millot. J’ai été mise sur la voie du retour à ce texte par la conversation que nous avons eue, hier soir, avec Catherine, Vanessa et Alain, avant la représentation, conversation qui tentait de reprendre ce qui avait été formulé et entendu lors de la dernière soirée des AE, en quête de ce qui constitue l‘incarnation, le propre même de l’existence et de son « insondable décision de l’être« .
Un chapitre m’a semblé faire lien, et résonner avec la question de l’origine de la vie humaine, en voici quelques extraits librement choisis:
p. 143, « Au commencement, il y a l’Autre et rien d’autre. Il est sans limites, il est l’air qu’on respire, qui force les poumons à s’ouvrir au temps du cri premier. Et nous commençons par nous tenir dans son aire. »
p. 144 « La capacité d’être seul s’édifie selon des strates successives » …
« la plus ancienne de ces strates, que j’appellerais celle de « l’avant-monde » ou de « l’avant-moi« , est l’assise de toutes les autres. C’est la plus mystérieuse, car elle appartient, comme disait Chateaubriand, « à l’âge où la vie n’a pas de souvenir et apparaît de loin comme un songe ». Son fond d’inconnaissable en fait le réceptacle de nos fantasmes… »p. 145 « …un état primitif de la subjectivité? C’était l’avis de Freud: « tout est conservé d’une manière ou d’une autre et peut reparaître dans des circonstances favorables » …
« l’infini, disait Michaux, à tout homme dit quelque chose de fondamental, parce qu’il en vient. »
Enfin, p. 154, est le passage qui m’avait beaucoup interpelée quand j’ai lu le livre et dont je voulais vous reparler ici:
« pour ma part, j’avais un jour rapporté à Lacan un souvenir bizarre. Je me rappelais, lui disais-je, avoir eu dans l’enfance le souvenir du temps où j’étais dans le ventre de ma mère. C’était un souvenir au second degré: le souvenir d’un souvenir oublié. Lacan m’avait dire alors qu’il était physiologiquement impossible que le cerveau, dans son état d’inachèvement, garde une trace des impressions de la vie fœtale. Mon souvenir de souvenir était un fantasme, affirmait-il, par lequel s’exprimait « ma structure », ce qui me laissa perplexe. »
A y revenir plus loin,
Bien à vous.
Géraldine.
//
19:25
J’ai trouvé la vidéo Philosophie sur http://videos.arte.tv/fr/videos/philosophie-4298158.html très à propos!
Géraldine.
// //
#2
From:véronique müller
To: escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Sent:Monday, December 12, 2011 4:16 PM
Subject: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
géraldine,
est-ce que tu penses que l’opposition marquée par Lacan au souvenir ramené par catherine millet est inappropriée,
dans la mesure où une forme de souvenir aurait pu exister,
de la même façon que dans son témoignage d’AE,
Hélène Bonnaud, de par l’intervention de l’analyste s’est rendu compte, a réalisé
à quel point une phrase dite par son père avant sa naissance,
« si c’est un garçon, on la jette par la fenêtre »,
avait marqué toute son existence,
induit dans son comportement ses tentatives d’échapper à un certain appel du vide, que le hasard seulement, la contingence a pu ramener sur le tapis de l’analyse. qu’il y avait là un point qui a marqué sa la vie entière et qui n’aurait pu cependant être atteint par l’analyse, autrement que par hasard.
// // //
#3
Sujet: [escapadesculturelles] Re: Ô Solitude
Date : Tue, 13 Dec 2011 05:36:04 +0100
De : Dominique Chauvin
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Géraldine, Véronique,
Il me semble que les deux souvenirs dont tu parles, Véronique, ont des statuts différents.
- Celui de Catherine Millot, dont elle dit que c’est « le souvenir d’un souvenir », n’a aucun contenu précis. Ce type de « souvenirs » n’est pas si rare et, si j’en crois ma petite expérience, ils se présentent généralement sur ce mode. Pas de signifiants, donc, pour faire « écho dans le corps ».
- Dans le cas d’Hélène Bonnaud, la phrase du père (« Si c’est une fille, on la jette par la fenêtre ») s’adressait à sa sœur aînée, qui la lui a rapportée quand elle a été en âge d’être « percutée » par les signifiants (terme de Miller). C’était très clair lors de la soirée du 15 novembre. Moins la dernière fois. Cette phrase est restée hors-sens, « tombée dans le corps« , dit-elle. Elle peut en fait se réduire à trois signifiants : jeter – fenêtre – fille.
D’autre part, elle souffrait de vertiges, c’étaient des « événements de corps » auxquels elle ne pouvait attribuer aucune cause. Mais la nécessité de s’arracher à ce vertige, à cette chute, avait constitué le symptôme.
Cela l’a conduite à beaucoup méditer la page 25 du séminaire XI [Je cite un peu plus longuement] :
« Voyez d’où [Freud] part – de l’Étiologie des névroses – et qu’est-ce qu’il trouve dans le trou, dans la fente, dans la béance caractéristique de la cause ? Quelque chose de l’ordre du non-réalisé. […] L’inconscient, d’abord, se manifeste comme quelque chose qui se tient en attente dans l’aire, dirai-je, du non-né. […] Cette dimension est assurément à évoquer dans un registre qui n’est rien d’irréel, ni de dé-réel, mais de non-réalisé . […] ce que Freud appelle le nombril – nombril des rêves, écrit-il pour en désigner, au dernier terme, le centre d’inconnu – qui n’est point autre chose, comme le nombril anatomique, que cette béance dont nous parlons. »
Je trouve aussi, p. 31 : « La béance de l’inconscient, nous pourrions la dire pré-ontologique. […] ce n’est ni être, ni non-être, c’est du non-réalisé. »
Merci beaucoup pour Grünewald. C’est très très intéressant.
Ex vivo / In vitro // Pas naître
De l’amitié se crée sans souci à travers nos jeunes escapades.
Un fil se tisse entre nous, sans tisseur: ou bien alors, bande de moebius oblige, c’est l’art et la psychanalyse qui nous tissent.
Que dire d’EX VIVO/ IN VITRO?
Un voile de cordes, en guise de rideau,
Des JE ( 3 hommes et 1 femme ) devant ce voile, derrière et à travers ,
Incessantes traversées de paroles de la poésie à l’information scientifique, de Freud à la politique, du meeting au débat intérieur!
C’est un pas tout à fait cela, et en même cela, servi par des acteurs admirables, tenant dans leurs mains l’objet de leur délire.
Les cordes, à la fin, chutent ! D’elles, sera dégagé un homme, par les autres, de leurs mains.
Morale de ce conte: pas naître est une maladie dont on ne guérit jamais!
Quant à savoir d’où viennent les enfants, mystère et boule de gomme !
Faites encore quelques tours sur la bande de moebius, sinon, coupez au travers!
Bonne soirée, de chez moi!
Alain
Envoyé de mon iPhone
Ex vivo / In vitro, après-coup, Ô solitude (4,5)
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#4
Re: Ex vivo / In vitro, après-coup, Ô solitude
Le 11 déc. 2011 à 20:26, Alain Gentes a écrit :
Chère Géraldine,
Solitude, Existence d’avant l’Essence, Infini, peut-être Jouissance féminine,
autant de signifiants pour dire ce qui se vit, ce qui se jouit, avant le sujet du signifiant.
Pourtant, à lire Litturaterre, j’ai le sentiment que Lacan fait surgir la lettre après le signifiant.
Avec le YADL’UN, comme origine, comme zéro, l’infini se limite, pour chacun!
Quelle phrase de Michaux!!! En connais-tu la référence?
Bises
Alain Envoyé de mon iPhone
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#5
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, Michaux, Freud, ô solitude…
Date : Mon, 12 Dec 2011 01:17:18 +0100
De : Caudron Géraldine
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Chère Véronique, chère Catherine, Cher Alain, chers amis,
Alain, à propos de Henri Michaux, cité par Catherine Millot, j’ai trouvé ceci :
« L’homme est un enfant qui a mis une vie à se restreindre, à se limiter, à se voir limiter, à s’accepter limité. Adulte, il y est parvenu, presque parvenu. L’infini, à tout homme, quoi qu’il veuille ou fasse, l’Infini ça lui dit quelque chose, quelque chose de fondamental. Ça lui rappelle quelque chose. Il en vient. » « Les Grandes épreuves de l’esprit – Et les innombrables petites » (1966)
(Henri Michaux, dont nous avons vu récemment l’émouvant portrait photographique par Claude Cahun, a également écrit un recueil de textes qui s’appelle « la nuit remue », je vais aller y voir! )
Le lien avec Ex-vivo, In vitro, me demande Véronique?
Il y a ce qu’Alain a très joliment repris de « ne pas naître… » et toutes les questions sur le vertige de l’origine, le mystère de la vie humaine, avec la particularité de comment fait-on les bébés aujourd’hui, qui traversent la pièce, et qui faisaient écho pour moi aux questions des AE.
(Avis: nous cherchons à nous procurer le texte de la pièce, il est vraiment riche en références…)
Associations libres et recherches improvisées de lectures…
p. 151 de Ô Solitude, Catherine Millot toujours, citant Freud :
« Pour lui, dont le pessimisme s’accompagnait toujours de compassion, le désir premier et dernier, le désir fondamental, le désir le plus puissant est celui de n’être pas né, et, à défaut, de retourner d’où l’on vient, dans la chaleur et l’obscurité, recroquevillé en un étroit paquet. Même les adultes, disait-il, ne sont jamais entièrement venus au monde: Pour un tiers, nous ne sommes tout bonnement pas encore nés. »
Oui, merci Catherine de resserrer la problématique de la pièce en la situant en rapport avec nos sujets du moment, et ce que tu précises des mutations dans l’ordre symbolique au XXIème s.: Quel que soit le mode de conception, nous restons des êtres parlants, il y a le langage, le désir énigmatique de l’Autre, la marque du signifiant sur le corps, la chair signifiante… ce qui fait l’insondable ou « l’indécidable » décision de l’être? …
Promis, je démêle un peu les fils Véronique et je préciserai davantage ma pensée..avec vos commentaires.
Belle nuit.
A bientôt.
Géraldine.
Envoyé de mon iPad
Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (1)
Le 12/12/2011 12:29, Veronique Outrebon a écrit :
Bonjour les amis,
J’ai quelques mails de retard. J’ai lu avec intérêt vos commentaires sur Ex vivo in vitro pièce que j’ai beaucoup appréciée moi aussi. Que pensez-vous de la dernière corde demeurée sur la scène après que les autres soient tombées? Elle relie l’homme à un cordon? vers le ciel ? Mystère des origines ?
J’ai trouvé cette petite poésie que dit Peter Handke co-auteur du film « Les ailes du désir » avec Wenders. Je ne sais pas si vous avez vu le film, à moi il laisse un souvenir impérissable.
Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.………
Lorsque l’enfant était enfant, ce fut le temps des questions suivantes :
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi … pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est elle pas qu’un rêve ?
Ce que je vois, entends et sens, n’est-ce pas…simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe t-il vraiment avec des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi, avant de le devenir je ne l’étais pas, et qu’un jour moi… qui suis moi, je ne serais plus ce moi que je suis ?
D’où l’on vient, qu’est ce qu’on fait là et où l’on va. Qu’est ce que le monde ? Une illusion, moi-même ne suis-je qu’une illusion etc.
Bises à tous V.O
——– Message original ——– Origine, Zéro, Yadl’un
——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Mon, 12 Dec 2011 16:27:14 +0100
De : véronique müller
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
al’ain,
faut-il croire au yadl’un comme à un zéro, je ne le dirais pas,
et yadl’un rend-il possible la limite, est-ce sûr?
je ne peux m’empêche de songer au UN – ah mais c’est un DEMI, c’est vrai – de la tortue, à coup duquel elle avance, pour aller de zéro à un,
traverser cet espace de la jouissance féminine
v
Le 11/12/2011 20:26, Alain Gentes a écrit :
> Avec le YADL’UN, comme origine, comme zéro, l’infini se limite, pour chacun!
——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Mon, 12 Dec 2011 17:06:02 +0100
De : Alain Gentes
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Vé,
Je rentre d’une séance, et avant de recevoir, je tombe sur ton mail. Et comme j’ai » l’être et l’un » à portée de main, je réponds: oui, c’est ma lecture du cours de Miller du 16 mars 2011. Il y a deux zéros en Un!!!
Je t’envole la photo de la page. Mes patients m’attendent.
Al’un !
Envoyé de mon iPhone
——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Origine, Zéro, Yadl’un
Date : Mon, 12 Dec 2011 17:07:46 +0100
De : Alain Gentes
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : Escapades Culturelles
À Vé et aux autres .
——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Origine, Zéro, Yadl’un
Date : Tue, 13 Dec 2011 00:50:14 +0100
De : Catherine Decaudin
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
C’est super Alain, d’avoir retrouvé ça pour nous! Je comprends mieux pourquoi on parle d’inexistence, au sens d’un effacement et non pas d’un préalable néant: Si il y a, alors, il peut ne pas y avoir, ce qui formalise un zéro, et après on peut compter…cela peut aussi éclairer la question du « Penisneid « pour la femme: Il y a, « elle a vu cela etc. dit Freud », donc pour elle il n’y a pas…D’où le « vertige féminin » du Un au Zéro. Ce zéro, inscrit comme manque, qui compte pour Un tout de même permet la suite phallique. Géant!!!
Catherine
——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Tue, 13 Dec 2011 19:48:26 +0100
De : véronique müller
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
oui, alain,
pourtant, des souvenirs de lectures de miller qui se sont imposées à moi, qui ont été très importantes, me disent ceci:
pour passer du cardinal (du 1 1 1 1 ou du +1 +1 +1 … de l’identification, de la répétition du même)
à l’ordinal, à la suite des nombres (à la possibilité de l’histoire, du temps),
il faut avoir posé le zéro (ça se trouve dans le texte intitulé je crois la suture que j’avais posté en son temps sur le blog empreintes digitales)
(et poser ce zéro ne va pas de soi) (ça a été une découverte mathématique postérieure à celle du 1 ai-je répondu hier à jules qui me demandait en devinette « quel était le plus ancien des chiffres? »
quand je lui avais répondu : « 1 »
il m’a dit « faux ! c’est zéro ! »
je lui ai dit que même si le zéro était antérieur dans la suite des nombres,
il était postérieur dans l’histoire des nombres. avant le zéro il y a le manque, et dans la faille du manque s’engouffre l’un primordial (j’invente))
donc pour poser le zéro, il faut penser l’effacement, et il faut qu’il y ait cet acte de nomination (enfin là je me risque un peu) du zéro.
et, dit miller dans suture du sujet, la place du zéro, c’est le sujet.
il n’y a pas le sujet tant que dans une analyse, le sujet n’accepte pas ou n’aperçoit pas qu’il a à se séparer d’une identification fondamentale ( je pense ici à un autre texte, de r. warshwski, où elle parle d’une analysante identifiée à la shoah. et c’est à partir du moment où elle pose la question : si je suis de la génération 2, mes parents de la génération 1, qu’en est-il de la génération zéro? c’est, du moment où elle pose le zéro qu’elle peut concevoir le concept de la génération, de la succession plutôt que de l’identification. et que son histoire à elle, comme sujet, peut commencer. parce qu’elle a entendu que c’était ce qui comptait dans ce qu’elle venait raconter à un analyste qui pourtant n’avait même pas connu ça (la shoah))
à tout hasard je vous livre ici un rêve récent, au sortir duquel, en pleine nuit, dans l’effroi, je me suis dit : « Muller et Muller! S1, S2! l’holophrase! mais comment séparer le même?! » muller et muller, son nom à mon père et le mien. c’est ça, qui est à décoller. pour ça, il faut se compter comme zéro et concevoir que le sujet n’est qu’une place dans la chaîne signifiante.
je te relis et relis miller, et relis warshawski, et relis catherine, plus sérieusement plus tard.
v
nb: dit probablement trop rapidement: je dirais même qu’il y a dl’un qui ne s’efface pas, du trop pl1. qui ne rentrera pas dans le compte. extime à la suite des nombres. et donc destiné à la répétition.
——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Origine, Zéro, Yadl’un
Date : Tue, 13 Dec 2011 19:59:46 +0100
De : véronique müller
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
les textes auxquels je faisais allusion :
Du zéro au septième million : Israël et l’Holocauste de Rivka Warshawsky http://empreintesdigitales.wordpress.com/2011/03/22/du-zero-au-septieme-million/
Sa question était celle d’un traitement du réel par le symbolique, une opération de Frege. « Du zéro manque au zéro nombre, se conceptualise le non-conceptualisable.» Le silence tenu jusque-là par cette analysante signait l’échec de la symbolisation du réel de son histoire familiale – travail de symbolisation qui, avec l’apparition du nombre, pouvait commencer.
La suture (ÉLÉMENTS DE LA LOGIQUE DU SIGNIFIANT)
là http://empreintesdigitales.wordpress.com/2011/03/23/jacques-alain-miller-la-suture-elements-de-logique-du-signifiant/
——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Tue, 13 Dec 2011 22:40:14 +0100
De : Catherine Decaudin
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Chère Véronique,
Je suis d’accord avec la pertinence de cette phrase de JAM que tu as retrouvée, « la place du zéro, c’est le sujet ». C’est la place aussi de celui qui parle, S barré, qui a établi un rapport au grand Autre, et pourquoi pas, qui parvient en fin d’analyse à se nommer, ou « nominer ». Mais la question reste: Est ce que le passage du Un au zéro, assumé comme manque est à proprement parler , par excellence, « l’effort féminin »? Le « vertige féminin » dont ‘Hélène Bonnaud a si bien témoigné va dans ce sens: Vertige éprouvé dans son corps entier, depuis toute jeune, avec plein de symptômes (mal de ventre, de tête, etc…), vertige qu’elle élucide finalement d’avoir en permanence à s’arracher au « décrochage », produit par cette phrase paternelle restituée par sa soeur, « si c’est encore une fille, je la jette par la fenêtre ». Il me semble que l’on peut rapporter cela au « Penisneid » freudien, Roc de la castration, et aller plus loin, comme le fait Lacan, en saluant l’effort féminin, l’effort du manque éprouvé comme « Autre jouissance », abîme, mais non comme nullité.
Pour rejoindre notre débat sur « Ex vivo, In vitro », cela permet tout de même qu’il y ai deux sexes, et pas plus, pas moins, même si par ailleurs, tout se mélange aujourd’hui…
Bien à vous tous
Catherine
——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Zéro, mon héros Un!
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:20:30 +0100
De : Alain Gentes
Pour : Escapades Culturelles
Chères Veronique, Catherine, Nou & Do,
Que de plaisir à vous lire, à voir la transformation de nos escapades en joutes verbales.
Je sors d’une soirée ACF à Bergerac, où j’ai eu plaisir de découvrir dans Freud ( Moi et Ça, p261, in essais de psychanalyse) l’existence d’un 3ème Ics, qui ne soit ni le Pcs, ni l’ics refoulé.
Il ne dit pas réel, mais c’est tout comme!
Revenons à nos moutons.
Ok: le mouton zéro, c’est le sujet!
Mais avant lui, il y a le mouton Un, qui, par son effacement, produit le mouton Zéro, à partir duquel on se met à compter, à conter les moutons: ce qui endort, bien évidemment!
Le réveil, père-cutant, n’est, s’il est, qu’à retrouver le mouton Un, père du.
bye, bye
À l’un.
Envoyé de mon iPhone
——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Qui est premier: O ou 1 ?
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:29:59 +0100
De : Alain Gentes
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : Escapades Culturelles
Joli débat avec Jules, Vé!
J’ajouterai qu’au commencement est le Un, rencontre matérielle et sonore d’ un mot avec le corps. Son effacement produit le zéro, comme origine et comme MANQUE!
allez, voy a bailar en la cama!
Besitos !
Alain
Envoyé de mon iPhone
——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Zéro, mon héros Un!
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:34:00 +0100
De : Catherine Decaudin
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
> En attendant le printemps..
http://www.youtube.com/watch?v=PxMjenL4k-g&feature=related
>
——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Nom et Nom !
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:36:22 +0100
De : Alain Gentes
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : Escapades Culturelles
Démonstration percutante à partir de ton rêve!
Véronique, il serait dommage de perdre nos échanges, peut-on les conserver?
Bye, bye
Je sombre!
Alain
Envoyé de mon iPhone
[ Illustration: Georg Baselitz, Volk Ding Zero Ξ à voir jusqu’au 29 janvier au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (MAM) ]
Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (2) // la corde des noeuds freudiens
la dernière corde, je me demande si le metteur en scène n’en parle pas dans l’une des vidéos de répétitions – faut que je retrouve laquelle. il en parle, je crois, comme du fil rouge, de cela dont ils sont partis et qu’ils n’auraient pas dû quitter, sur quoi donc ils terminent. c’est la corde des nœuds freudiens.
ah voilà la vidéo à laquelle je pensais, elle s’intitule « nœud »:
Bouts de rushes.
n°58
Répétitions du spectacle ex Vivo / In Vitro de Jean-François Peyret et Alain Prochiantz, Petit Théâtre, Théâtre National de la Colline, novembre 2011.
Jean-François Peyret, metteur en scène.
Filmé par Stéphanie Cléau.
– Nous v’là face à la scène primitive…
– Oui, c’est la fin et on n’aurait dû parler que d’ça au fond…
[…]
– On a perdu ça aussi: la naissance et la mort… Alors, c’est peut-être pour la fin… (c’est le metteur en scène qui parle)
[…]
– Au fond t’as plus de père quoi. T’en as deux, ou trois, ou des trucs comme ça, mais….
corde, ligne, lignage
l’ensemble des vidéos http://vimeo.com/user8603405/videos/page:1/sort:newest
à bientôt,
véronique
« Des femmes » de Wajdi Mouawad
Bonsoir à tous,
Un petit résumé (qui n’engage que moi) des trois pièces « Des femmes » vues en intégrale dimanche, qui méritent analyse mais que je vous livre tel quel pour le moment.
Wajdi Mouawad est auteur, comédien, metteur en scène d’origine libanaise. C’est la lecture, dans sa jeunesse, des auteurs tragiques grecs dit-il, qui l’ont conduit à l’écriture. Son appétit pour le théâtre épique s’enracine là à travers ces textes et donnera lieu à un intense voyage à travers «Littoral, Incendies et Forêts» présentés à Avignon en 2009.
Autre moment fleuve : «Le projet Sophocle» et quel projet ! Mettre en scène sept tragédies dans leur intégralité : Ajax, Antigone, Œdipe Roi, Electre, les Trachiniennes, Philoctète, Oedipe à Colonne. Le point de départ de l’aventure est une trilogie. «Des femmes » ce sont Les trachiniennes avec Déjanire trahie par Héraclès, amoureuse éplorée, Antigone victime de la loi, résistante au pouvoir, celle qui ne cède pas sur son désir (Lacan l’Éthique) et Electre, la vengeresse, privée de son père Agamemnon par Clytemnestre sa mère et son amant Egisthe.
Trois femmes, simples mortelles, bafouées et conduites à poser un acte transgressif, criminel qui leur coutera la vie pour les unes, la plongera dans le chaos pour l’autre. On entend la vulnérabilité, le courage, la force d’opposition à l’ordre établi. Femmes en lutte contre le pouvoir des hommes, aveugles et belliqueux.
La qualité de la traduction des textes que Wajdi Mouawad a eu la bonne idée de confier à Robert Davreu, libre, vivante offre une lecture limpide entre le respect de la langue originelle et la familiarité du « quotidien ». Les puristes pourront s’en trouver quelque peu chagrinés….
Un extrait d’une interview de Robert Davreu que je découvre d’ailleurs….
« parler ici du traduire, du traduire dans sa relation essentielle à la poésie, c’est assurément avec davantage de questions que d’affirmations. Et ce ne sera en aucune manière pour avancer une thèse argumentée comme pourrait le faire un enseignant, un critique littéraire ou un véritable penseur de la traduction. Ce sera plutôt sous la forme d’un témoignage, le témoignage quelque peu balbutiant sur son propre parcours d’un poète-traducteur, ou d’un poète-et-traducteur, qui, malgré son manque de propension et d’aptitude au raisonnement suivi, essaie tout de même de transformer son expérience en conscience, dans la seule intention du partage et de l’échange.(…) »
Les tableaux sont d’une grande beauté. La continuité entre les trois pièces est entretenue par un espace unique autour duquel court un rail, un gros cube qui servira tour à tour de tombeau, de tribune. Au centre du plateau un bric à brac d’objets, une atmosphère humide de fin du monde. Le décor et l’ambiance d’Electre rappelle les bidonvilles voire les bas-fonds victoriens. L’eau est omniprésente, trop peut-être, si je peux me permettre cette critique cependant ne vient-elle pas dire symboliquement une impossible purification ? L’eau, la terre devenue boue aspergent et maculent les corps, les vêtements des comédiens que W.M. met à rude épreuve….. Saluons la performance des acteurs intense, physique souvent dénudés. Le style de jeu et la déclamation quasi-robotique parfois de certains personnages peuvent dérouter. De même Déjanire poétique par son style évanescent ne (me) convainc guère lorsque pointe le drame.
Mais des images belles et fortes, la pose gracieuse et lascive de Déjanire purifiée par sa servante, le délire d’Antigone, les retrouvailles entre Oreste et Electre, sensuelles, sauvages.
D’autres moins convaincantes : Le « come back » somme toute risible d’Heraklès entouré de bandelettes, momifié par exemple, ou les fiançailles d’Antigone et Hémon…….
Mais, mais surtout l’autre bonne idée de W.M. Est d’avoir confié la partition musicale du chœur à Bertrand Cantat métamorphosant cette tragédie en un brûlant et sauvage opéra rock. Deux guitaristes, un batteur et B. Cantat au chant. Qui connait feu-Noir Désir peut imaginer un instant…. Le premier titre démarre a capella (dithyrambe au soleil) explose en déflagration rock a de quoi surprendre et filer le frisson. Et la voix justement, déchirée, cassée, écorchée, hurlant à la mort nous étreint. Tout l’hybris tragique est là dans cette voix.
Vous aurez compris que j’ai été conquise par ce spectacle. !
Ceux qui n’ont pu assister aux représentations pourront se consoler en se procurant les 3 textes traduits par Robert Davreu et le CD de la partition musicale intitulé « Chœur »* accompagné d’un album photo du spectacle parus à Actes sud en librairie.
Bises à bientôt
Véro O
*L’album « Choeurs » est disponible intégralement à l’écoute sur Deezer.
Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (4) // la lacorde (et sa théorie)
J’aime cette lecture de la pièce, Géraldine, notamment des cordes.
La dernière qui reste, après la chute de toutes les autres (cordes des identifications) ne pourrait-on pas l’appeler la lacorde, au sens où elle évoque la lalangue, la première corde, très résistante, qui vient en dernier, dans le démontage.
Aujourd’hui un jeune père me dit en consultation qu’il n’a connu son père qu’à l’âge de 14 ans, et que le jour où il le vit pour la première fois, il eût cette expression: “ Ça y est, j’ai un père!” Il ajouta aussitôt: “ Je fus déçu.”
Le rêve d’Einstein~Les ingrédients fondamentaux de la nature sont des cordes d’énergie minuscules, dont les vibrations sont à la base de tout ce qui se passe dans l’univers… L’ une des particularités de cette théorie est qu’elle implique au moins six dimensions de plus que celles que nous connaissons… La théorie des cordes change radicalement notre conception de l’espace et permet d’entrevoir des passerelles entre des univers parallèles. En fait, il n’y a pas une mais cinq théories, qui sont autant de façons de voir la réalité qui nous entoure.
Association amusante: la corde, en physique ( cf. la théorie des cordes) est ce qui permet de faire tenir ensemble les quatre interactions élémentaires responsables de tous les phénomènes physiques observés dans l’univers: l’interaction nucléaire forte, l’interaction électromagnétique, l’interaction nucléaire faible et la gravitation. Bref, une sorte de plus-Un du cartel des interactions.
Allez, je prends la corde et la plume pour B.A !
Belles fêtes à tous!
Et n’oubliez pas le 7: je vous embarque chez Cartier dans le pays des mathématiques, mon premier amour post-maternel!
Alain
Derniers jours de l’exposition Pictoplasma à la Gaîté Lyrique à Paris
Festival Pictoplasma, Post Digital Monsters – Gaîté lyrique, 2011
à la Gaîté Lyrique (Paris)
du 7 au 31 décembre 2011
Continuer la lecture de Derniers jours de l’exposition Pictoplasma à la Gaîté Lyrique à Paris
nouvel an
Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (6) // ce qu’einstein ne savait pas encore
Tiens, Tenez, j’ai trouvé ce film sur la théorie des cordes : Théorie des Cordes : Ce qu’Einstein ne savait pas encore (FR) – Version longue
http://www.youtube.com/watch?v=sKVuY-TC1YQ&feature=related
c’est très intéressant,
à vous,
v m
Café Psychanalyse « Qu’en est-il aujourd’hui du rapport masculin/féminin ? »
Café psychanalyse
20h30 « Lignes de Cordes » interprété par la compagnie Retouramont
21h30 Débat
Invitée Marie Hélène Brousse, membre de l’ECF
« Qu’en est-il aujourd’hui du rapport masculin/féminin »
3 rue Sadi Carnot
92320 Châtillon
Chers amies et amis,
Je vous adresse en pièce jointe l’affiche confectionnée par Jean-Claude Fritiau du Café Psychanalyse du samedi 11 février 2012 qui se tiendra au Théâtre de Châtillon avec pour invitée Marie-Hélène Brousse.
Vous pouvez déjà la diffuser autour de vous.
Bien à vous.
José Rambeau
Maths et Sax
Chers amis,
Encore une fois: belle année étoilée d’escapades!
Sam, chez Cartier, à 15h, on prend l’apéro avec les maths… Et à 20h directement le dessert, pour ceux qui le souhaitent, avec Ley & Al, au Duc des lombards: Baptiste Herbin Sextet, un jeune saxo très prometteur!
Dites-moi vite ce qui viennent saxer, que je réserve au plus vite( 25€)
Bises à tous
Alain
Envoyé de mon iPhone
Gerhard Richter et Escapades de janvier.
Richter m’enchante déjà , oui pour une Scapad en juin !
Quel plaisir de se retrouver samedi pour bosser nos Maths et vibrer au Sax de Baptiste Herbin !
Pour le 14/01, je propose une virée au jeu de Paume pour y découvrir Diane Arbus.
Je retiens la proposition de José au mois de février : le 11 au soir, café psychanalyse, avec MHB !
Vivement Sam!
Al
Gerhard Richter à la Tate modern
Tiens tiens, que dit donc Pierre Naveau de cette exposition (voir Lacan Quotidien n°120) ?
NB : Richter doit être l’un des mes peintres préférés, sinon, mon peintre préféré. Et, et, et, l’exposition sera à paris en juin !!!
v
▪ Lecture d’une Oeuvre ▪
Londres, Tate Modern, Gerhard Richter : Panorama – Pierre Naveau
GERHARD RICHTER EST UN PEINTRE POUR QUI, ÉTANT NÉ EN 1932, LA GUERRE A ÉTÉ UN MOMENT-CLÉ. LA QUESTION, EN EFFET, SE POSE : QUE PEUT LA PEINTURE PAR RAPPORT À L’HISTOIRE ?
Pendant un temps, Richter a peint à partir de photographies, s’appuyant sur elles en tant que supports de son inspiration. L’exposition de Londres montre une série de tableaux dans lesquels apparaît une variété de gris. Le gris, a pu dire Richter, c’est «l’indifférence, le non-engagement, l’absence d’opinion ». Quatre termes définissent, selon lui, cette tendance à donner au gris le pas sur les autres couleurs : la perte, le chagrin, la frustration et le dégoût. Richter a peint, par exemple, le bombardement de Cologne pendant la guerre, des faits d’armes des membres de la bande Baader-Meinhof ou la catastrophe du 11 septembre 2001. La dominante de ses tableaux est une sorte de brume qui irréalise la réalité, qui donne au réel une valeur de « semblant ». C’est le mot que lui-même utilise : Painting concerns itself exclusively with semblance. Puis, il y eut le passage à la couleur. Richter a peint ainsi des paysages, des montagnes, des mers, des ciels, des villes. Des couples – joyeux – s’ébattent. Les corps sont nus, mais – à l’opposé de Francis Bacon ou de Lucian Freud – sans que le trait de la nudité soit pour autant appuyé. Une « étudiante » impudique perd quelque chose de son attitude provocatrice à cause du gris de la brume qui efface les reliefs. C’est comme s’il cherchait à rendre invisible le visible. Le paradoxe de cet étrange voile jeté sur le réel peut être ainsi formulé : « Vous ne verrez pas ce que vous voulez voir ». L’âme de la peinture de Gerhard Richter est la rencontre avec l’incompréhensible. Cela donne l’impression qu’à la fin des fins, les visiteurs de l’exposition ne peuvent rien y comprendre. Il y a une telle diversité ! Des tableaux figuratifs et des tableaux abstraits. Certains représentent quelque chose et d’autres, rien du tout. Mais, que ses tableaux soient figuratifs ou abstraits, la manière de peindre de Richter tend vers l’abstraction, c’est-à-dire, comme il le dit lui-même, vers quelque chose de mystérieux qui échappe à la description et à la prise du concept. La brume crée une atmosphère qui serait celle d’un songe et donne un sentiment d’illusion. Son désir est d’aller au-delà de ce qui est, d’aller vers ce qui n’existe pas et d’atteindre ainsi le hors sens et le hors temps. Le néant est au bout du chemin. Sur son auto-portrait lui-même, on ne distingue pas les traits du visage du peintre. Il se montre et il se cache. L’être du peintre devient insaisissable. Richter insiste sur le fait qu’il en passe fréquemment par l’échec qui fait ainsi partie de sa pratique. Il lui faut alors laisser ce qu’il a commencé et recommencer. Le ratage est, pour lui, inévitable. La rencontre avec Marcel Duchamp a marqué Gerhard Richter. Ainsi a-t-il repris le thème de la femme qui descend un escalier – nue. J’aime beaucoup « La liseuse » qui fait penser, comme il l’indique lui-même, à un Vermeer.
Le mot de Richter est : la qualité. C’est ce qu’il cherche. Il n’est satisfait que s’il la trouve. Gerhard Richter a traversé deux systèmes totalitaires, le nazisme et le stalinisme. Sa mère était libraire et son père instituteur. Mais, affirme-t-il, il n’a pas eu de père, un père qui dit non, précise-t-il. C’est pourquoi, il aime les commandements : Thou shalt and Thou shalt not. Il a essayé de peindre la Shoah. Il n’y est pas arrivé. Il reconnaît qu’il ne peut y en avoir aucune représentation. Ce thème, dit-il bizarrement, it’s like a cudgel – « c’est comme une trique ». En 1995, il a reçu, à Jérusalem, le Wolf Prize des Arts. Richter refuse ce qu’il y a de spectaculaire dans l’image. Il évide le spectacle que l’image pourrait offrir au regard. Il ne croit pas au père, mais il croit au hasard. Quand il peint, dit-il, il se saisit de ce que le hasard fait surgir. C’est pour cette raison qu’il aime la musique de John Cage, qui restitue au hasard sa fonction. Il partage avec John Cage une certaine réticence à parler. Il a fait sienne cette phrase de John Cage : Je n’ai rien à dire et je le dis.
L’exposition Gerhard Richter se tient à Londres du 6 octobre 2011 au 8 janvier 2012. Elle sera au Centre Pompidou du 6 juin au 24 septembre 2012
Lien :
Gerhard Richter : Panorama http://www.tate.org.uk/modern/exhibitions/gerhardrichter/default.shtm
http://www.gerhard-richter.com/
Tétralogie d’Euripide au théâtre de Châtillon
Chers amis escapadeurs,
Je vous propose une sortie au Théâtre de Châtillon où va être jouée la Tétralogie d’Euripide (qui a trait à la guerre de Troie) par la Compagnie Les Géotrupes (4 pièces seront jouées soit séparément soit les quatre à la suite : Hécube ; Hélène ; Oreste et Le Cyclope).
Je propose pour ceux que ça intéresse de nous retrouver le samedi 28 janvier 2012 à 15 heures au Théâtre de Châtillon pour assister à l’intégrale des quatre pièces d’Euripide qui seront jouées à la suite les unes des autres (avec une pause repas entre 19h et 20h ce qui nous donnera l’occasion de discuter convivialement des deux premières pièces). La représentation débutera à 15h30.
Il est recommandé de réserver vos places au Théâtre au 01 55 48 06 90 et vous pouvez visiter le site du Théâtre www.theatreachatillon.com pour plus d’informations.
J’espère que certains d’entre vous se joindront à moi.
Bien escapadement votre !
José Rambeau
Re: Au bonheur des maths
Je regrette vraiment de ne pas avoir été avec vous hier, merci pour le partage de vos réflexions ici et sur twitter
Une chose me vient en te lisant Dominique : la pensée est créative oui mais elle a besoin de l’écriture pour se dire. Il semblerait que Lacan a surtout utilisé les maths comme écriture du réel. On n’est pas dans l’imaginaire puisque les formules ne permettent pas de se représenter quelque chose sous forme d’image
A vous lire
bises
Isabelle
Une histoire intéressante par Pierre Stréliski (Lacan Quotidien n° 122)
« Une patiente que j’ai tirée autrefois d’une très grave névrose avec un immense dévouement a déçu mon amitié et ma confiance de la manière la plus blessante que l’on puisse imaginer parce que je lui ai refusé le plaisir de concevoir un enfant avec elle » écrit Jung à Freud en ce printemps 1909. Deux jours plus tard il ajoute dans une autre lettre : « Je n’ai vraiment jamais eu de maitresse, je suis vraiment le mari le plus inoffensif que l’on puisse imaginer ». Freud rassure de son amitié son jeune confrère en qui il voit, lui écrit-il, en se comparant lui-même à Moïse, « le Josué destiné à explorer la terre promise ». Il est vrai que Jung est un jeune poulain — en fait un grand gaillard d’1 m 85 — trentenaire, qui bénéficie du prestige pour Freud d’être psychiatre dans la plus célèbre clinique de soins mentaux de l’époque, la clinique Burghölzli de Zürich, médecin adjoint du grand Bleuler, qui n’aime pas la psychanalyse naissante, mais dont les travaux sur la schizophrénie font autorité, et en plus, de n’être pas juif, comme la plupart des « gueux » passionnés qui entourent alors Freud.
Leur passion à eux deux remonte à 1907, et Freud rêve d’aryaniser sa nouvelle science et de déplacer son centre de Vienne à Zürich. Dès 1908, Jung est en place au premier congrès de psychanalyse à Salzbourg. À l’été 1909 il fait partie de la petite troupe qui part à la conquête du Nouveau monde faire une série de conférences à la Clarke University. Un premier nuage apparaît entre eux pendant le voyage après que Jung un peu éméché, s’étant mis à disserter sans fin sur des corps momifiés retrouvés dans une tourbière en Allemagne du Nord, se soit fait couper par Freud par un sec « Pourquoi vous préoccupez–vous tant de cadavres ? », et une seconde fois quand Freud refusa, pour « ne pas risquer son autorité » d’en dire trop sur un rêve qu’il avait fait où il était question de sa belle-soeur.
Malgré cela, Jung sera le premier président de l’IPA. Il en démissionnera le 20 avril 1914. Entre temps leur idylle aura tourné au vinaigre. Jung sera responsable de deux évanouissements de Freud aux instants où celui-ci s’aperçoit que ce fils rêvé est un Brutus, et le ton de leur correspondance aura considérablement changé : « Vous voulez aider, ce qui empiète sur la volonté des autres. Votre attitude devrait être plutôt celle de celui qui offre une occasion que l’on peut saisir ou rejeter ». Et à un autre collègue, il écrit : « Jung est un personnage incapable de supporter l’autorité d’un autre, encore plus incapable d’imposer son autorité et dont l’énergie consiste en une poursuite sans scrupules de ses intérêts personnels ». Dont acte !
Mais revenons au printemps 1909. Le 30 mai, la jeune femme incriminée écrit à Freud. Elle veut le rencontrer. Elle s’appelle Sabina Spielrein, c’est une jeune juive russe de 23 ans, elle est étudiante en médecine et a été soignée depuis 1904 par Jung, d’abord au Burghölzli puis ensuite en consultations, pour une « psychose hystérique » — diagnostic reprenant l’ancienne « folie hystérique », délicieux oxymore en somme sur la fonction paternelle, entre Bejahung et Verwerfung, diagnostic différentiel de la schizophrénie joliment épinglé ainsi dans les années soixante par Chazaud et Follin : « Le schizophrène vit le drame de l’existence de sa personne ; le psychotique hystérique vit le drame de son personnage ». Oui mais si le plus vrai de la personne c’est le personnage ? Quoiqu’il en soit, notre jeune russe fit l’objet de la part de Jung de sa première expérience d’application du « traitement psycho-analytique » de Freud, avant même qu’il l’ait rencontré, sur sa seule lecture enthousiaste de L’interprétation des rêves.
Cette talking cure, comme l’appelait une autre pionnière analysante, eut un succès thérapeutique indéniable, les violents symptômes liés à un refoulement vis-à-vis d’une motion incestueuse et présentant des caractéristiques sexuelles sadiques-anales cédèrent et se transférèrent comme il se doit sur la personne du thérapeute. Et l’on se découvre bientôt les mêmes goûts — la musique, Wagner —, les mêmes intuitions ; l’analyste fait part à l’analysante de toutes ses qualités — d’intelligence bien sûr — qu’il lui trouve : « Des esprits comme le vôtre font avancer la science. Vous devriez absolument devenir psychiatre ». Finalement on passe du divan au lit, mais ce n’est pas de cela dont Sabina veut s’entretenir avec Freud mais de la déconfiture de son amant qui, se sentant repoussé dans ses retranchements de mari et d’amant, a écrit à la mère de sa maîtresse… pour qu’elle l’en débarrasse ! Il se défend de sa propre faiblesse avec une belle goujaterie (« Une muflerie », écrira-t-il) arguant que la différence entre un médecin et un amant tourne autour de la question du paiement (Avec quoi est-ce qu’on paie ?) et réclamant donc in fine le montant de ses honoraires non perçus à la mère de Sabina ! Le paiement — mérité — qu’il recevra de la donzelle en retour, furieuse quand elle apprend cette lettre, ce sera une gifle et l’esquisse d’un coup de couteau signant in vivo le coup de canif dans le contrat.
Finalement l’amour entre eux deux, contrairement à celui entre Freud et Jung, survivra à cette scène violente. Ils redeviendront amants, Jung dirigera même le Mémoire de psychiatrie de Sabina. Elle l’aime, il l’aime. On n’est vraiment pas dans la cartographie d’une érotomanie. Mais bien dans celle du doute qui sied aux amants : « Il est pourtant certain qu’il m’aime. Mais il y a un ‘Mais’, c’est que mon ami est déjà marié », écrit Sabina dans son Journal.
Entre-temps elle aura effectivement rencontré Freud. En 1911, elle lui fournira même un article sur « La destruction comme cause de devenir » qui sera une des matrices, celle-ci inconsciente ou cachée, de la future pulsion de mort que Freud développera après la guerre de 14/18. En 1913, il lui écrit : «Mon rapport à votre héros germanique est définitivement rompu. Son comportement a été trop détestable. Mon jugement sur lui s’est beaucoup transformé depuis votre première lettre ».
En 1912, elle se marie avec un Russe et part en Russie — devenue l’URSS — en 1923, où vient de se créer une association psychanalytique. En 1936, cette association sera dissoute et Sabina, après la disparition de ses frères dans les purges staliniennes, meurt assassinée au début de la guerre là où elle est née, à l’entrée des nazis – les SS – dans sa ville. Seule trace qui reste d’elle, une note en bas de page dans «Au-delà du principe du plaisir », avant la découverte en 1977 à Genève, dans les caves de l’ancien Institut de Psychologie, d’une correspondance copieuse et oubliée entre Jung, Freud et Sabina Spielrein, et de son Journal.
Ce retour du refoulé fit évidemment du bruit dans le landerneau psychanalytique et même au delà. D.-M. Thomas dans L’hôtel blanc s’est-il inspiré de cette histoire ? L’effacement d’un nom propre fait aussi écho à notre actualité lacanienne la plus brûlante.
Et cette vérité éternelle que l’amour ne se laisse pas aisément gouverner par la raison, que la jouissance et la pulsion dominent les idéaux, que dans la psychanalyse « le transfert est à la fois le moteur le plus puissant de la cure et le principal facteur de résistance », que les hommes sont des lâches — ou des malheureux — partagés par l’aphorisme de Freud : « Là où ils aiment ils ne désirent pas, là où ils désirent ils n’aiment pas », que les femmes sont folles, même si Lacan ajoute « pas folles du tout », mais plutôt au-delà des limites dont l’angoisse de castration guinde les messieurs, que l’histoire du mouvement psychanalytique est plein de rumeurs et de chuchotements, de rivalités rassies et de haines intangibles, à l’époque au moins où elle croyait qu’elle allait dominer le monde, que nos histoires sont subsumées quand elles croisent l’Histoire avec un grand H, devaient évidemment attirer un cinéaste comme David Cronenberg.
C’est chose faite avec A Dangerous Method, chronique fidèle de cet épisode de l’histoire de la psychanalyse, présenté cet automne à la Mostra de Venise. Adaptation de la pièce A talking cure de Christopher Hampton — qui est aussi le scénariste du film —, l’accueil du film fut mitigé. « Un film passionnant » pour A. Romanazzi, « Un film à la limite de l’ennui » pour tel autre critique ; Lorenzo Bianchi réclame « la statuette d’un Oscar » pour Keira Knightley (qui joue Sabina Spielrein dans le film), tandis que d’autres au contraire trouvent son jeu « poussif » ; « Un dialogue brillant », « Un film académique », etc. C’est encore Libération lors de la sortie du film en France qui trouvera le titre le plus drôle : « Méninges à trois ».
En tout cas, à Venise, pas de Lion d’or pour Cronenberg. Il est vrai qu’avec Aronofski (Requiem for a dream, Black swan) comme président du jury, ce film à l’esthétique froide avait peu de chances d’être primé. Finalement, tout le monde s’accordait pour dire que, avec A Dangerous method, Cronenberg n’était plus Cronenberg. Le cinéaste sombre voire underground de ses premiers films propose ici une image claire et ambigüe comme la surface de l’eau sur le lac de Zürich que contemple Jung à la fin du film et qu’un rêve qu’il pense prémonitoire lui fait voir transformée en une étendue sanglante.
Mais non, c’est toujours la même question des rapports de la pulsion et de la parole (de l’histoire) qu’explore le cinéaste canadien. Seulement là où il montrait la densité des chairs, il montre ici la réalité de la lettre. Il faut saisir ici l’importance du générique qui s’attarde sur un gros plan d’une écriture, d’une lettre, de qui à qui ? On ne sait.
Et le formidable Fassbender qui joue ici Jung en protestant guindé n’est pas différent du Fassbender qui joue le héros hypermoderne de Shame. (Mais Fassbender aura le prix d’interprétation à Venise pour Shame). Ils sont aux antipodes mais c’est le même personnage aux prises avec la jouissance. Ici elle est encore liée aux idéaux, là elle est déliée de tout, pur « morceau de réel ».
Et Sabina est la soeur de toutes les femmes qui proposent, avec Marie-Hélène Brousse, un « éloge de l’hystérie ». Elle est le double réel d’une autre analysante, l’héroïne de D.-M. Thomas, Lisa Erdmann, qui dit : « Si je ne pense pas au sexe, je pense à la mort. Parfois les deux ensembles ». Thomas ajoute qu’elle dit cela « d’un ton amer ». Sabina Spielrein est conforme à ce que Lacan dit des femmes analystes, quelquefois plus à l’aise que leurs homologues masculins avec le réel. Analysant un de ses rêves, elle écrit (en 1913) : « L’expérience nous a prouvé que le transfert, portant aussi bien sur les sentiments de haine que d’amour, constitue toujours une arme à double tranchant ». Et Freud lui rend hommage, lui écrivant : « Vous avez en tant que femme ce privilège sur les autres d’observer avec plus de finesse, et de ressentir avec plus d’intensité les affects dont vous prenez la mesure ».
Viggo Mortensen enfin, l’acteur fétiche de Cronenberg, est un Freud convaincant à l’ironie un peu distante. C’est sans doute un visage de Cronenberg lui-même qui se joue là, ce pourquoi nous préférions le Freud de Benoist Jacquot qui était plus vivant parce qu’il croyait, lui, à quelque chose, à la psychanalyse peut-être.
Après avoir vu le film, une spectatrice me dit, mine pincée : « Ce n’est pas très intéressant. Ce sont de petites histoires ». En effet, mais ces petites histoires sont aussi le cœur de nos vies et aussi le cœur de notre chère psychanalyse. Lacan enseignait que le style c’est l’objet, remercions Cronenberg de nous montrer que les facettes d’un même objet peuvent réfracter les variations inversées d’un même sujet. Finalement avançons que A Dangerous Method sera à Cronenberg ce que Barry Lindon fut à Kubrick : une œuvre dont la violence s’exprime dans un ciel d’un bleu glacé
Augustine
Coucou,
Super la bande annonce Augustine sur Twitter, Mariana, merci. J’ai vu ce moyen métrage avec Dom et c’est très complémentaire avec l’éclairage historique de A dangerous method.
C’est une vraie plongée dans les origines de la psychanalyse en ce moment, et du traitement des hystériques…
Augustine Bande-annonce par toutlecine
bises.
Ah la TL des escapadeurs nocturnes…
Géraldine.
Envoyé de mon iPad
Rattrapage Mathématiques
Attention attention, rattrapage Mathématiques, un dépaysement soudain, je répète rattrapage Mathématiques, un dépaysement soudain, le vendredi 27 février à 17 heures.
L’exposition sur le site de la Fondation Cartier, là : http://fondation.cartier.com/fr/art-contemporain/26/expositions/27/mathematiques-un-depaysement-soudain/89/presentation/
l’objet nu du mathématicien prolétaire
Chère Catherine,
A propos de la beauté, de la bonne forme : Lacan s’en est toujours méfiée, me semble-t-il. Alors, comment préciser cela ?
Par ailleurs, il me semble que vous avez vu des choses qui rendait compte de la subjectivité à l’œuvre encore dans la démarche scientifique. Or, cette subjectivité – qui transparaît dans le style, la signature, dont tu parles – , est également ce que la science en premier chef tente à forclore : de sujet, point. Ce dont pâtit le monde contemporain et qui nous vaut le triste règne de l’évaluation. Où, comment se situe la distinction?
À propos de l’objet du mathématicien, j’ai retrouvé cet extrait du cours de Miller du 9 mars 2011 (là : https://disparates.org/lun/2011/03/jam-9-mars-2011-de-l-ontologie-a-lontique/ ), au départ d’un texte d’Alain (https://disparates.org/lun/2011/03/le-mathematicien/ )
Tu verras que dans son cours Miller oppose l’objet de l’analyste et celui du mathématicien. L’objet de l’analyste a affaire avec les passions, « l’objet du mathématicien lui ne se laisse pas émouvoir. Il est rebelle, rétif à toutes les afféteries, les blandices de la parole. »
Qu’en penses-tu ? Qu’en pensez-vous ?
Bien sûr, je n’ai pas vu l’expo en raison de mon incroyable erreur qui a fait que je me suis retrouvée, avec Frédéric, à Maison Rouge, pour une autre exposition, plutôt qu’à la Fondation Cartier.
Bises à toi, Bises aux autres,
Véronique
Ci-dessous, l’extrait concerné du cours (ma transcription) :
[…] je vais vous lire quelques lignes, non sans accents poétiques, d’un texte sur les affinités des mathématiques et du réel, d’un professeur pour lequel Lacan n’a eu que des sarcasmes, sans doute trace d’une dilection de jeunesse. Comme ça avait d’ailleurs été le cas pour Paul Valéry [ dont on sait par… (ex femme?) qu’il n’avait pour lui que des louanges dans sa jeunesse].
Jam lit:
“Le mathématicien ne pense jamais sans objet. Je dis bien plus ; je dis que c’est le seul homme qui pense un objet tout nu. Défini, construit, que ce soit figure tracée ou expression algébrique. Il n’en est pas moins vrai qu’une fois cet objet proposé, il n’y a aucune espérance de le vaincre, j’entends le fondre, le dissoudre, le changer, s’en rendre maître enfin, par un autre moyen que la droite et exacte connaissance et le maniement correct qui en résulte. Le désir, la prière, la folle espérance y peuvent encore moins que dans le travail sur les choses mêmes, où il se rencontre bien plus qu’on ne sait, et enfin une heureuse chance qui peut faire succès de colère. Un coup désespéré peut rompre la pierre. L’objet du mathématicien offre un autre genre de résistance, inflexible, mais par consentement et je dirais même par serment. C’est alors que se montre la nécessité extérieure, qui offre prise. Le mathématicien est de tous les hommes celui qui sait le mieux ce qu’il fait.“
Alain, Esquisse de l’homme, 1927, “Le mathématicien”, 24 juin 1924.
L’auteur, c’est ce personnage éminent de la III° République, qui fut le penseur de référence du parti radical alors à son apogée, enseignant de khâgne à Henri IV et qui se choisit comme pseudonyme tout simplement Alain.
[ …]
« Le mathématicien est prolétaire par un côté. Qu’est-ce qu’un prolétaire ? C’est un homme qui ne peut même point essayer de la politesse, ni de la flatterie, ni du mensonge dans le genre de travail qu’il fait. Les choses n’ont point égard et ne veulent point égard. D’où cet œil qui cherche passage pour l’outil. Toutefois il n’existe point de prolétaire parfait; autant que le prolétaire doit persuader, il est bourgeois ; que cet autre esprit et cette autre ruse se développent dans les chefs, et par tous les genres de politique, cela est inévitable et il ne faut point s’en étonner. Un chirurgien est prolétaire par l’action, et bourgeois par la parole. Il se trouve entre deux, et le médecin est à sa droite. Le plus bourgeois des bourgeois est le prêtre, parce que son travail est de persuader, sans considérer jamais aucune chose. L’avocat n’est pas loin du prêtre, parce que ce sont les passions, et non point les choses, qui nourrissent les procès.»
Il invente de définir le mathématicien comme un “prolétaire”. Dans le travail du mathématicien, il n’y a en effet pas de place pour la politesse, la flatterie, les mensonges, on a affaires aux choses et non aux passions, on n’a pas à plaider. C’est une philosophie qui oppose parole et action.
[…]
Quand on a affaire à ce qu’il appelle les passions, on les dirige par la rhétorique, on s’y rapporte par l’art du bien dire. Et d’ailleurs quand on cherche à recomposer la théorie des passions d’Aristote, on va d’abord voir dans sa rhétorique, c’est-à-dire l’art d’émouvoir. L’objet du mathématicien lui ne se laisse pas émouvoir. Il est rebelle, rétif à toutes les afféteries, les blandices de la parole.
– Opposition entre le rhéteur et le mathématicien. –
Le désir, la prière, la folle espérance ne peuvent rien sur l’objet.
Et quand Lacan dit “Je suis un rhéteur”, il ne s’agit non pas là d’une déclaration de son goût, sinon que le psychanalyste à affaire à une chose qui se meut et se meut par la parole.
La chose du psychanalyste est à l’opposé de l’objet du mathématicien.
L’inconscient est mû par la parole. La formation du psychanalyste – quand il y a formation, apprentissage, c’est avant tout une forme rhétorique. Quoi dire, et ne pas dire? On apprend comment agir par la parole sur les passions. c’est-à-dire sur le désir qui les résume toutes.
Symbolique animale et phobie chez un petit garçon (Sabina Spielrein)
Symbolique animale et phobie chez un petit garçon, là : http://www.lacan-universite.fr/wp-content/uploads/2011/12/Spielrein-Symbolique_animale_et_phobie_chez_un_petit_garcon-ie.pdf
Vidéo : Raymond Depardon et Claudine Nougaret à propos du film Au bonheur des Maths
Interview de Raymond Depardon et Claudine Nougaret, dans la cadre de l’exposition « Mathématiques, un dépaysement soudain ».
Vidéo : Don Zagier à propos de la beauté des mathématiques
Vidéo : Michel Cassé, astrophysicien et écrivain
« Pour nous, l’enjeu est émotionnel, il faut avoir les larmes aux yeux pour comprendre, pour chercher à comprendre quoi que ce soit. »
Baselitz ne parle que l’allemand mais en jouant avec les mots, presque de matière sculpturale.
Dans sa conversation le langage est un objet dont il éprouve la plasticité à tous moments. Il se considère comme un provincial mais souligne que c’est là une force puisque la province nourrit la capitale. Son imagination es t vive et il précède facilement les pensée de ses interlocuteurs. Il parle par métaphore et cherche souvent les paradoxes et les provocations. Il prend un réel plaisir à parler. De toute évidence il aime sa langue et s’évertue à la déformer comme il le fait avec la couleur quand il peint. Il cherche les idées et s’étonne de formulations comme il le fait sans doute devant les figures qu’il dessine, s’étonne que ce soit bon, et comme un enfant, un paysan ou un animal, emporte cette idée au fond de lui-même pour en faire, plus tard, un meilleur usage.
Baselitz, p. 10
walser et lacadée à bourg la reine
Café Psychanalyse
Les Débats d’actualité en ACF-IdF
L’écriture et la santé mentale
Invité : Philippe Lacadée, psychanalyste à Bordeaux
auteur de l’ouvrage Robert Walser, Le promeneur ironique paru aux Editions Cécile Defaut en 2010
(Prix OEdipe des libraires en 2011)
Textes de Robert Walser lus par Alain Gintzburger comédien et metteur en scène… ainsi que par d’autres voix.
Participation aux frais d’organisation = 5€
Espace Françoise Dolto,
116, avenue du Général Leclerc, 92340 Bourg la Reine
Moyen de transport : par le RER B (station Bourg la Reine) La salle Dolto est à 5 minutes à pieds de la gare
28-12-2011
Bonjour à tous,
Je vous propose une escapade chez l’écrivain Robert Walser en participant au Café Psychanalyse du 13 janvier 2012 à 20h30 à Bourg la Reine avec pour invité Philippe Lacadée auteur du livre Robert Walser, Le promeneur ironique paru aux Editions Cécile Defaut en 2010.
Meilleurs vœux à tous.
José Rambeau
scapade lacadée
Chers escapadeurs et deuses,
Je vous invite en effet à venir débattre avec Philippe Lacadée ce vendredi soir pour une soirée psychanalytico-littéraire agrémentée de lectures qui vous surprendront.
Pour l’intégrale du retour de la Guerre de Troie au Théâtre de Châtillon, j’ai déjà réservé ma place (avec mon épouse).
A vendredi pour certains d’entre vous.
José Rambeau
l’effet de beauté est effet d’aveuglement
Le 13/01/12 21:52, « Catherine Decaudin » a écrit :
Tu as bien raison, de rappeler aussi, en contrepoint de la beauté, l’horreur pour les Maths. Rappelle-toi de ce que Lacan disait sur la beauté, dans le séminaire « L’éthique »:
Nous remettons ici en question la fonction du beau, par rapport à la visée du désir (p299).
Et,
l’effet de beauté est en effet un aveuglement (P.327).
Le côté touchant de la beauté fait vaciller tout jugement critique, arrête l’analyse, et plonge les différentes formes en jeu dans une certaine confusion, ou plutôt un aveuglement essentiel.
Il en parlait à propos d’Antigone, qui était allée pour défendre son frère, au-delà des biens de la cité, défendus par Créon, dans cet « Ex-nihilo », dans ce domaine de l’Até, où règne l’attrait pour le beau, mais aussi la pulsion de mort. Elle a tout sacrifié à cet attrait de la création d’un signifiant nouveau, « ex-nihilo », le signifiant « frère », la Fraternité, et s’est retrouvée entre deux morts…
bises à toi
Cath
//
Le 13 janv. 2012 à 22:27, Gentes a écrit :
Chère Cath,
Notre cart-ailes du désir prend son envol! c’est ça!
Tu prolonges ma pensée de si belle façon avec ces références à Lacan. C’ets la réaction si vive de ce lycéen, mobilisant son corps pour tenter de dire ce qui n¹est pas possible à dire avec des mots, que m’est apparu l’oublié de cet expo: la beauté n’est qu’en son fond voile de l’horreur, du réel.
Bises à toi, et peut-être à demain si tu viens pour Diane Arbus.
Al.
Théâtre : « Les bonnes » sur le divan
et encore, et encore !!! C’est à ne plus travailler et ne faire que de l’art, la culture et la psychanalyse !! Et puis gagner au loto !!
Mariana
To: ecf-messager@yahoogroupes.fr; Date: Thu, 12 Jan 2012 17:25:50 +0100 Subject: [ecf-messager] « Les Bonnes » et le divan, Théâtre de l’Athénée
Théâtre de l’Athénée le 4 février 2012 « Les Bonnes » et le divan
Dans le cadre du séminaire « les enfants de la science » de l’Envers de Paris sera organisée, en 2012 et 2013, une programmation théâtrale exceptionnelle, en partenariat avec plusieurs théâtres Parisiens ainsi qu’en province et en Suisse.
La représentation des « Bonnes » de Jean Genet inaugurera cette série, le 4 février 2012 au Théâtre de l’Athénée à 15h, et sera suivie d’un débat à partir de 17h, avec le metteur en scène, Jacques VINCEY, et François ANSERMET. Le spectacle « Les Bonnes » sera l’occasion de revisiter le texte de Lacan « Le Crime des sœurs Papin » à partir de ce qu’enseigne la façon dont Jean Genet a traité ce même fait divers qui reste autant inexplicable que terrifiant. La discussion portera aussi sur les sources de la destructivité qui reste une question centrale pour la psychanalyse, lorsqu’elle ne rejette pas la thèse freudienne de la pulsion de mort, question dont l’actualité ne cesse de nous être évidente.
Un tarif préférentiel est réservé aux membres de l’ECF, des ACF et de l’Envers de Paris.
http://www.athenee-theatre.com pour les réservations impératives.
quand les murs rient
je reçois cette invitation et je m’empresse de la transmettre aux escapadeurs même si je ne pourrais y aller, d’autres peut être …
bises
Isabelle
newsletter_mileneguermont_janvier_2012.pdf
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M.D.R. à Sainte-Marie de Neuilly
Visites les 21, 23 janvier et 11 février
M.D.R., intégrée à l’architecture de la nouvelle extension du Lycée Sainte-Marie de Neuilly sera exceptionnellement accessible au public les 21 et 23 janvier et 11 février prochains.
Véritable exemple de la prise en considération de l’environnement par la matière, M.D.R. est une œuvre pérenne qui propose aux élèves une expérience sensorielle au cœur de la cour de récréation.
M.D.R. ne se repère pas au premier coup d’œil, il nécessite un temps d’adaptation, de l’attention, de l’écoute…
Sur les parois des murs extérieurs du gymnase créé par l’Agence Anthony Béchu & Associés sont disséminées des plaques étonnantes. Elles sont toutes formées de Béton Cratères® ou de Béton Polysensoriel®, mais chacune est unique avec ses nuances de couleurs, ses aspérités de surface singulières qui attirent le regard et la main.
Lorsque vous vous approchez et que vous touchez l’une d’entre elles, un son en émane : un rire de jeune fille, déclenché par votre champ magnétique …
Depuis l’inauguration du gymnase fin mai 2011, M.D.R. est devenue l’ »attraction star » du lycée. Les élèves ne se lassent pas de venir toucher cette « pierre qui rit ».
Cet engouement démontre que l’approche artistique développée par Milène en concertation avec les architectes et la Direction du lycée, pour sensibiliser les élèves à leur environnement par le toucher contribue pleinement à l’ambition de Sainte-Marie de s’affirmer comme lieu d’éveil à la conscience environnementale.
Les 21,23 janvier et 11 février mai 2011 de 9h à 11h30.
24 boulevard Victor Hugo, 92200 Neuilly sur Seine, France.
Nombre de places limité. Pour s’inscrire, écrire à contact@mileneguermont.com en indiquant l’heure de votre venue. Une confirmation avec les détails pratiques sera envoyée aux participants.
Bonjour Chacune, Chacun,
Vous semblez tous aimer Woody Allen, ce qui en soi n’est pas étonnant, donc je ne m’étale pas sur ce fait, mais par contre, ce qui m’intéresserait vraiment beaucoup, c’est de savoir ce qu’il vous plaît dans son cinéma.
Je ne veux pas prendre trop de votre temps, et je ne fais pas une enquête scientifique, c’est juste par curiosité, donc juste quelques qualificatifs me suffiraient.
Bonne journée
Malik
Merci pour vos impressions… en trois exemplaires: un hommage aux trois "ça" dont parlent Géraldine et Catherine (je ne sais pas à quoi cela se rapporte, je n’ai pas vu le film)?
Et sinon, vous aimez Woody Allen?
Malik
— Dans escapadesculturelles@yahoogroupes.fr, "gleuzasalomon" <gleuzasalomon@…> a écrit :
>
> Chers collègues d escapades,
> quelques impressions du filme de Woody Allen
> mes compliments et bonnes vacances a vous
> Gleuza Salomon
>
> Woody qui est a "Rome" ou il se fait le maître de la contingence s`y fusse possible!!! Ni parmi les dieux de l Olimpe Ils ont pu y être. Mais, lui fait l` Art de la contingence comme une invention de Kairos . L Amour et ses ailes s en volent parmi les beaux quartiers de la ville eternele, la Fontana de Trevi, ça m a frappé comme c etait un Frederico Felini mais plein de joie et de couleurs, les dialogues sont très perspicaces avec des drôles ponctuations psychanalytiques . C est fait pour rir. Ça m a beacoup amusée!!! et, encore les midias, les celebrités des choses nules, l homme ordinaire comme l’ héros hipermoderne,. Le jeunes de la campagne et le grand ville a la rencontre de l inattendue comme une riviére qui les pousse a des petites aventures. Le double de le l architecte, au dedans et au dehors de la scene, un autre, et aussi, un alterego, les pensées obsessionelles au vif et encore le type qui ne pensait qu a la mort et l autre qu y là- bas travaillait, le Directeur, agent culturel, producteur qui trouve le grand star en jouant avec l imaginaire/ reél de la retraite qui lui remets a la mort et a l art et encore a la débauche de tout le grand monde et de l espectacle.
>
Clients, au théâtre Paris-Villette
bonne année à tous et à toutes, bonnes jambes et bon œil !je vous envoie ce mail, au sujet d’un spectacle qui m’a intéressé dans la mesure où il aborde et nous interpelle sur la jouissance masculine à partir de l’expérience d’une prostituée, qui s’est fait militante et poète, Grisélidis Real. Si vous n’arrivez pas à voir le spectacle allez voir ses interview sur la toile, tout à fait passionnant.Amicalement, Laure
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« la prostitution est un art, une science, un humanisme »
Bonjour,
Membres du « club CLIENTS », nous avons besoin de vous!
Tout d’abord, merci à ceux qui sont venus revoir CLIENTS dernièrement.
Comme vous le savez, nous sommes maintenant au cœur des représentations du spectacle qui se dérouleront jusqu’au 21 janvier. Pour soutenir Clotilde Ramondou et son spectacle, c’est le moment de relancer vos contacts.
« Alex. Sourd, petit, visage un peu dur – ne bande pas – à manipuler avec tendresse et une extrême douceur. 80Frs. Ne pas sucer – baise tant bien que mal… »
Pour cela, de très beaux articles viennent de paraître :
—>Un fauteuil pour l’orchestre » Clients d’après Grisélidis Réal par Clotilde Ramondou au Théâtre Paris-Villette »
—>Rhinoceros « Complainte d’une fille de joie »
—>Not for tourists « Clients – Clotilde Ramondou au Théâtre Paris-Villette »
—>Le souffleur « Où sont tous mes amants? »
N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations:
Lila Destelle 01 40 03 72 41 ldestelle@theatre-paris-villette.com
Caroline Dietler 01 40 03 72 38 cdietler@theatre-paris-villette.com
Joséphine Hazard jhazard@theatre-paris-villette.com
Merci à vous !
L’équipe des relations avec le public
==
« Chacun des hommes qui vient ici est unique, et je les aime de plus en plus même si c’est dur, insupportable, terrible, et qu’ils viennent déverser en moi non seulement leur sperme, mais aussi leurs fureurs, leurs douleurs, l’amertume, la douceur, le désespoir des pauvres et des blessés. Je suis une urne secrète, remplie à se briser, folle et sourde, impuissante… Et lucide. Eclatée.»
Bonjour à tous,
Vous avez aimé un peu, beaucoup ou passionnément le spectacle Clients présenté en Avril 2011 lors du festival ‘Hautes Tensions’. Nous vous proposons donc de faire partie du « Club Clients » pour la reprise du spectacle au Théâtre Paris-Villette du 3 au 21 janvier 2012.
Soyez nos relais privilégiés et aidez-nous à vite relancer le bouche à oreille pour Clients (par mails, amis Facebook…)
Pour cela, le Théâtre Paris-Villette vous propose:
• Pour vous même : un tarif à 6€ (préciser au téléphone « Club Clients » lors de la réservation)
• Pour vos amis : un tarif coup de coeur à 10€ (préciser au téléphone « Coup de coeur » lors de la réservation)
• Pour les groupes à partir de 5 personnes : Le carnet Paris-Villette composé de 5 billets non nominatifs à 6€ soit 30€ le carnet.
Voici les informations pratiques sur Clients que vous pouvez transférer à vos contacts, ainsi qu’un dossier de présentation en pièce jointe.
Nous comptons sur vous, et n’hésitez pas à réserver dès maintenant !
À très bientôt
CLIENTS
CLOTILDE RAMONDOU / GRISELIDIS REAL
3 > 21 JANVIER 2012
lun, mer, sam 19h30 – mar, jeu, ven 21h
Pas de littérature (le sujet – la prostitution – en a pourtant suscité beaucoup, et pas de la meilleure encre), mais la simple énumération, sans romance ni pathos, des caractéristiques sexuelles des clients de Grisélidis Réal, qu’elle avait soigneusement notées dans un petit carnet noir de 1977 à 1995, le tout suivi du tarif pratiqué. C’est cela Clients. Les notes du carnet demeurent des notes et l’on ne pensait pas que Clotilde Ramondou oserait nous les restituer dans leur sèche nudité. Et pourtant… elle ose. Et transforme son pari – c’en était un assurément – en un spectacle d’une force inouïe et, paradoxalement, non dénué d’une certaine douceur. À ses côtés circulent onze hommes se regroupant pour former un choeur sous la direction de Jean-Christophe Marti et interpréter trois lieder de Franz Schubert. Alors qu’elle égrène l’énumération des 220 hommes saisis sur le vif et par ordre alphabétique, dans leur intimité la plus secrète : c’est toute l’humanité qui défile ainsi. Elle les appelle un à un : on se croirait chez Sade recensant toutes les perversions dans Les 120 journées de Sodome… On est plus près, en fait, de la beauté et du cérémonial d’un texte de Jean Genet.
Jean-Pierre Han
Frictions – la revue en ligne
Spectacle pour adultes
d’après Carnet de Bal d’une Courtisane de Grisélidis Réal, mise en scène et interprétation Clotilde Ramondou, direction musicale Jean-Christophe Marti, hommes de choeur Florent Baffi, Florent Cheippe, Antoine David, Patrick Gufflet, Christophe Gutton, Emilien Hamel, Mehdi Idir, Lionel Mendousse, Victor de Oliveira, Pascal Omhovère, Michel Ouimet, collaboration artistique Hervé Falloux, costumes des hommes Laure Deratte, lumière Marc Delamézière, régie générale Julien Barbazin.
RESERVATION 01 40 03 72 23
resa@theatre-paris-villette.com
www.theatre-paris-villette.com
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Chère Joséphine !
Merci pour cette info. Cela fait longtemps que j’ai envie de découvrir Grisélidis Real et que ça ne se fait pas.
Une date pour une mini-escapade au théâtre Paris-Villette ? Hm… avant le 21 janvier, dur dur. Le vendredi 20, peut-être. Seule possibilité pour moi. Y a-t-il des amateurs ?
Dominique.
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Dommage que mon carnet d’escapades soit archi-plein pour ce we-là. Si vous le pouvez allez-y je n’ai lu que d’excellentes critiques. A vous, Véronique O
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Zut ! j’aurais trop aimé aller voir ça !!! Mais le 20 je ne peux pas. Mariana
Soirée Walser café-psychanalyse du vendredi 13 janvier 2012
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De la part de Alain Gentes Envoyé : samedi 14 janvier 2012 07:26
Bonjour chers Es Capadiens,
Cher José, Avez-vous bien Walser avec Lacadée autour d’un café sous le rythme endiablé de la psychanalyse?
Venez donc voir ce que voit Diane Arbus dans ses photographies cet aprem au jeu de paume, à 15h ! SANS SE POMMER !!!!!
Al
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From: josé rambeau Date: Sat, 14 Jan 2012 13:55:33 +0100
Cher Alain et autres escapad’heures,
La soirée Robert Walser avec Philippe Lacadée a été un moment de culture à la fois littéraire et clinique fort agréable avec des intermèdes de lectures interprétées entre autres par un comédien Alain Gintzburger qui a su transmettre ce qui faisait vivre cet écrivain psychotique. Des photos ont été prises me semble-t-il de cet événement.
Je vous invite à venir au prochain Café Psychanalyse du samedi 11 février avec Marie-Hélène Brousse au Théâtre de Châtillon et de déjà noter dans vos agendas le café Psychanalyse suivant qui aura lieu le vendredi 13 avril 2012 à 20h30 toujours au Théâtre de Châtillon sur le thème « Jean Genet et la prison » avec pour invités Alain Merlet et Hervé Castanet deux psychanalystes grands connaisseurs de l’œuvre et de la vie de Genet. Cette soirée sera à nouveau agrémentée de lectures de textes de Jean Genet.
A bientôt le plaisir d’escapader à nouveau ensemble.
José
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Le 14 janv. 2012 à 14:18, Mariana Alba de Luna a écrit :
Cher José,
Très belle soirée et toujours si intéressant d’écouter l’intarissable Philipe Lacadée au sujet de Walser.
Cette ultime réduction des voix à un petit bruissement du crayon, moins incisif qu’une pointe de couteau (la mère) ou d’une plume, ondulant là sur la feuille, est mon hypothèse de travail et que je poursuis en suivant le travail de Philippe, cela pour Walser comme tentative pour défendre son dernier battement du vivant et son territoire du crayon – la sonorité du signifiant réduite à une lettre.
En cela il rejoint d’une certaine façon l’autiste sonore.
A poursuivre…
Les lectures du comédien Alain Gintzburger, de notre collègue Michèl Simon et de toi-même, sur les écrits de Walser, étaient une très belle surprise.
J’ai accompagné Philippe et les autres sur Paris, nous avons poursuivi la conversation tout en faisant encore les chemins de travers vers Paris. Malheureusement il n’y a pas eu d’enregistrement! J’ai oublié d’activer le micro… Les voix sont restées muettes cette fois, peut-être le esprit ricaneur de Walser était par là à nous jouer des tours…
Mariana
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De la part de nouage Envoyé : dimanche 15 janvier 2012 15:35
Chers Mariana, José, Alain, et amis escapadeurs,
Oui, très belle soirée Café-psychanalyse, avec un remarquable invité, Philippe Lacadée, homme de lettres et psychanalyste, tout à fait fascinant en orateur intarissable et passionné par son sujet, en passeur attentif et amoureux de l’oeuvre de Robert Walser.
Après avoir d’abord questionné Philippe Lacadée sur les circonstances de sa rencontre avec Walser, José a souhaité en apprendre plus sur le lien très particulier de Walser avec les femmes, en référence aux nombreux personnages féminins de ses écrits et c’est une anecdote incroyable qui nous a été racontée: Walser n’a jamais embrassé une femme…
La poésie particulière qui se dégage des textes de Walser, rendue par des lectures formidables, vivantes, incarnées, à plusieurs voix, une belle surprise, comme tu le soulignes Mariana, a donné je crois à chaque un des participants de cette soirée l’envie de vouloir s’y intéresser davantage… la salle était subjuguée!
J’ai rencontré sur place avec joie notre amie Brigitte Lehmann, IRL, qui nous suggérera bientôt quelques propositions d’escapades. Je vous envoie un petit film, court extrait de la lecture du comédien Alain Gintzburger, d’un passage du brigand je crois, à vérifier, il y en a eu plusieurs…
Cher José, je voulais ici rendre hommage à ce que tu as créé avec ces soirées café-psychanalyse, enseignantes et donnant le goût du savoir par la médiation de l’art et te dire que c’est aussi ce qui a inspiré en quelque sorte l’idée d’Escapades culturelles.
Bien à toi.
Amicalement, bon dimanche à vous!
Géraldine.
expo photo mandala
Si les mandalas peuvent être regardés comme des œuvres d’art, pour le bouddhiste, ce sont avant tout des représentations symboliques ayant une valeur sacrée extrêmement puissante.
Dix moines tibétains de l’Université tantrique de Gyütö ont réalisé un mandala de sables colorés à Saint-Merry du 14 au 16 juin 2011.
Cette expérience à la fois spirituelle et artistique s’est terminée par une cérémonie de prière spécifique, puisque les moines ont chanté selon un mode diphonique, mêlant à nouveau culture et spiritualité.
Le photoreporter Xavier de Torres a été invité et a réalisé une œuvre photographique.
Pour poursuivre dans l’esprit de Jung dont on sait la passion pour les mandalas et à partir desquels il a construit une théorie pour le moins farfelue. En revanche le travail photographique de Xavier ne l’est pas.
J’envisage de m’y rendre le 28 dans l’après midi juste avant le cartel, http://www.voir-et-dire.net/?Xavier-de-Torres-Mandala
Expo photo sur la création d’un mandala par des moines bouddhistes : Du 14 au 29 janvier 2012 Claustra saint-Merry 76 rue de la verrerie 75004 PARIS
J’ai eu l’occasion d’assister à la création de plusieurs mandalas au Népal c’est magnifique. Ils sont faits de sable et symbolisent ainsi l’éphémère.
V.O
du maniage du désir et de la jouissance
Cher Alain,
Concernant le film A Dangerous Method, tu écrivais : « Il est saisissant de constater que dès les débuts de la psychanalyse, il y a un partage des eaux entre les tenants du corps ( la jouissance) et les servants du dire ( le désir ), entre Jung et Freud ici. »
Jung, tenant du corps, jouissance, et Freud, servant du dire, le désir. Cette opposition, au moins dite de cette façon, tient-elle ? Est-ce vraiment ce dont il s’agit ? Je pose la question. On a vu, l’année dernière encore, à son cours sur Yad’lun, Jacques-Alain Miller soutenir que le désir, l’ontologie, c’étaient du vent, que seul ce qui tenait, c’était ce qui existait, le un, le corps, la jouissance. Par ailleurs, il est vrai que le dire (à l’autre) ira à mettre au jour, à cerner le réel en jeu dans la souffrance du sujet. (je ne dis évidemment pas que Jung aurait été en avance sur son temps, aurait tout compris, et que c’est sa voie qu’il s’agit de reprendre !!!!), je questionne ta formule.
Ce que j’essaie d’interroger, c’est qu’il y a un endroit où Miller semble indiquer qu’il y a à détrôner quelque peu le désir, dans la mesure où il ne s’agit d’un semblant, et que le semblant seul ne peut que mentir, contourner la jouissance. Il me semble qu’il indiquait qu’il y avait presque de nouvelles manières de faire, de nouvelles écoutes à inventer pour le psychanalyste, et surtout pour le psychanalyste du XXIème siècle.
« Lacan enseignait le primat de l’Autre dans l’ordre de la vérité et celui du désir. Il enseigne ici le primat de l’Un dans la dimension du réel. Il récuse le Deux du rapport sexuel comme celui de l’articulation signifiante. Il récuse le grand Autre, pivot de la dialectique du sujet, il lui dénie l’existence, et le renvoie à la fiction. Il dévalorise le désir, et promeut la jouissance. Il récuse l’Être, qui n’est que semblant. L’hénologie, doctrine de l’Un, surclasse ici l’ontologie, théorie de l’Être. L’ordre symbolique ? Ce n’est rien d’autre dans le réel que l’itération du Un. Doù l’abandon des graphes et des surfaces topologiques au profit des nœuds, faits de ronds de ficelle qui sont des Uns enchaînés.
Souvenez-vous : le Séminaire XVIII soupirait après un discours qui ne serait pas du semblant. Eh bien, avec le Séminaire XIX, voici l’essai d’un discours qui prendrait son départ du réel.
Pensée radicale d’l’Un-dividualisme moderne. »Jacques-Alain Miller, Quatrième de couverture du Séminaire …ou pire
« Alain Merlet, écris-tu, indique que le réalisateur prend le parti de Freud parce que celui-ci a préféré le corps au psychique, comme lui, au cinéma: c’est la bouche qui doit déterminer le jeu de l’acteur, aussi ne faut-il pas visser les acteurs à la story. Il laisse d’abord parler les acteurs pour que puisse se dessiner dans leur jeu quelque chose de l’invention. »
Donc, Merlet, ici, indique bien, de façon très intéressante, le corps comme « cela dont ‘ça’ part » – aussi bien pour Freud que pour Croenenberg. C’est à faire jouer la bouche, la jouissance orale, que la jouissance pulsionnelle se voit tirée, halée dans le dire, au moins pour partie. Et la pulsion, silencieuse, trouvant ses mots verra « advenir un nouveau sujet » pour reprendre les mots de Freud. Un nouveau sujet vient à naître, ce qui procure au parlêtre un apaisement. Il n’est plus seulement jouet de l’étrange. Il peut s’inventer un histoire, construire son fantasme. Le problème, plus tard, c’est qu’une fois ce fantasme traversé, quand cela va jusque là, ainsi qu’en parlait Miller l’année dernière, il y a du reste, les fameux « restes inalysables ». Et l’on assiste, chez ces sujets, à une déflation du désir. Il y a alors un quelque chose de nouveau à inventer. S’agit-il d’un savoir-faire, comme tu l’as quelquefois laissé entendre. Savoir manier désir et jouissance, réajuster toujours la répression de l’un par l’autre. Consentir au semblant, en connaissance de cause, consentir, agir son désir en « sinthome », sans faire la passe sur son mode de jouissance, et ce qu’il comporte d’inanalysable. Bien sûr, ce n’est pas cela dont il est question dans le film. Le film, comme tu le disais récemment, c’est le temps de la découverte, de la découverte du transfert.
« On a l’impression, ajoutes-tu, que Jung s’intéresse au corps autrement.«
Mais comment ?
« A. Merlet nous dit que ce qui compte pour Freud ne sont pas tant les aveux que le cheminement, forcément signifiant, par lequel on les obtient. »
Oui, les aveux, le pire. Mais nous montre-t-on un Jung qui pousse aux aveux? Il ne me semble pas. Il me paraît honnêtement tenter d’appliquer ce qu’il a lu dans Freud, avant même de l’avoir rencontré, et sans savoir s’il n’est pas le premier à le faire.
« Ce que Freud critique c’est la photographie du corps, donc ce qui est. »
« La photographie du corps ? » Que veux-tu dire ? L’expression me paraît heureuse, mais je ne vois pas ce que le film nous en dirait. Entends-tu le corps dans sa représentation, et donc signifiant, et donc de l’être ». Au revers du corps pulsionnel ? Qui lui ne passe pas, jamais, à la représentation, au signifiant ? En quoi Jung a-t-il fait « photographie du corps » ?
« Ce qui compte, c’est le dit. Jung obtient des éléments par la pire des psychanalyses appliquées. Il va droit au but en court-circuitant la défense du sujet. La catharsis néglige le symptôme. Qu’est-ce qui reste alors, sinon le passage à l’acte. »
Donc, pour toi, ce dont il s’agit c’est de catharsis? Mais les névrosé(e)s n’étaient autrefois pas les mêmes qu’aujourd’hui. Je me demande d’ailleurs ce qui les a fait tant changer. Les hystériques. Elles arrivaient à l’analyste avec un corps autrement plus parlant qu’aujourd’hui, se démenant comme un beau diable.
Il me semble, quant à moi, que le premier travail de Jung avec Spielrein est psychanalytique (le travail sur la chaise), et obtient d’ailleurs des résultats remarquables, du moins est-ce ce que le film laisse entendre. Ce n’est que dans un deuxième temps, effectivement, comme le souligne Géraldine, dans la méconnaissance, dans l’ignorance des effets de transfert etc., sous l’influence de la rencontre avec Gross, qu’il y a passage à l’acte.
« Pour Freud, nous rappelle Alain Merlet, c’est la chaîne des signifiants qui mène à la remémoration, plus que la scène elle-même, qui compte.«
Oui, c’est très juste, il s’agit d’extraire de la scène le signifiant, et c’est le moment de l’invention, et de l’apaisement, et c’est la voie qui ouvre au désir, qui est d’abord désir de dire, encore. A l’autre, dire encore, et c’est le transfert, l’amour. Et ça, il va falloir l’épuiser, jusqu’à aller à ce qui ne passe pas, ne passe pas dans le transfert, n’appelle plus l’amour (vers une nouvelle solitude, « la différence absolue »).
« Céder sur le bien-dire vous destine inévitablement au mal faire. C’est ce qui arrive à Jung et Gross, à l’envers de Freud et, osons le dire, de Sabina Spielrein. Son activité d’analyste, brillante, fut trop courte, fauchée par la barbarie nazie.«
Oui, tu as raison, de cela au moins, bien-dire, nous pouvons être responsables.
v
Ruy Blas de Victor Hugo joué au Théâtre des Gémeaux à Sceaux
Chers escapadeurs,
Je viens de rentrer d’une représentation de Ruy Blas de Victor Hugo joué au Théâtre des Gémeaux à Sceaux (C’est une Scène nationale). Je suis emballé. C’est une première en Ile de France.
La mise en scène est de Christian Schiaretti. Fantastique ! Et le jeu des acteurs est génial avec beaucoup d’humour malgré le sérieux du thème. La pièce dure trois heures avec un entracte au milieu.
Je vous conseille vivement d’y aller car c’est un événement théâtral. Il y a longtemps que je ne m’étais réjoui à ce point d’une pièce classique. La pièce se joue jusqu’au 29 janvier. Réservation au 01 46 60 05 64
Bien à vous dans l’attente de vos commentaires si vous y allez.
José Rambeau
La destruction comme cause du devenir
On trouvera à cette adresse des extraits de l’article de Sabina Spielrein « La destruction comme cause du devenir» (Revue française de psychanalyse 4/2002 (Vol. 66), p. 1295-1317) :
URL : http://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2002-4-page-1295.htm www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2002-4-page-1295.htm.
Spielrein, Jung, Freud et le Néophyte
ou de l’intérêt d’une méthode dangereuse…
Tout le monde s’accorde, et je m’accorde avec le monde, pour dire que ce Cronenberg n’est pas du Cronenberg. Il n’y aurait aucun problème à cela, après tout qui en veut à Kubrick de n’avoir jamais fait du Kubrick, si cet entre biopic sur fond historique (mais biopic de qui? Jung, Spielrein, Freud) et historique (mais lequel? la tragédie austro-helvétique entre un père et un fils spirituel, la naissance d’une méthode de psychanalyse, la relation défendue et très originale depuis Adam et Eve entre un homme et une femme) sur fond de biopic, n’était poli, léché, presque récuré de tout ce qui fait le grain d’un cinéma qui n’a pas besoin d’être auteur pour donner un point de vue, une perspective. Entre le « Festin nu » et « CRash », il y aurait eu de la place pour faire un film avec un peu d’aspérité, quelques angles saillants, rentrants, aigus, pourquoi pas obtus ou nuls au lieu de ces angles plats et droits… pellicule immaculée remplie de libido.
Pour le néophyte, et nous étions plusieurs dans la salle, les premières scènes de Keira Knightley sont pénibles à regarder. Freud et Jung sont sans expressions ni émotions. Contraste encore plus frappant et marqué au regard du jeu de Keira Knightley. Le seul qui ait du corps, de l’esprit et une âme, c’est Otto Gross, avec un Vincent Cassel magnifiant l’état non pas seulement d’un être mais d’une époque, celle de la Mitteleuropa du début du siècle passé.
Jung a-t-il vraiment fait ce rêve à la fin du film? Quoi qu’il en soit, si oui, il aurait été préférable de ne pas le mettre et de ne pas mêler une intuition historique (déjà assez présente, mais ici avec un objectif de raison, par les multiples répétitions de Freud sur le danger d’être juif) à la chute du film, et si ce rêve fait partie de la licence artistique, Cronenberg devrait demander un renouvellement de son permis d’être considéré comme un réalisateur majeur de notre époque… Et je passe sur la musique qui accompagne par l’oreille le spectateur un peu endormi sans doute par cette soupe sans saveur pour lui faire remarquer que Frau Sabina Spielrein est en crise. Et je repasse, sur cet improbable plan d’une longueur exceptionnelle pour ce qu’il a dire, qui avait déjà été abondamment annoncé dans un plan viennois sur la virginité supposée de Frau Spielrein… et si nous n’avions pas compris, le doute n’étant pas tout à fait levé, nous avons pu contempler à loisir avec la dame toute à son émoi la preuve de cette rupture d’hymen… Alléluia, on est vraiment heureux pour eux! Peut-être que d’autres choses à passer m’ont échappée…il faut dire que je me suis assoupi plusieurs fois… Ce ménage à trois, quatre je suppose avec Cronenberg, doit certainement être un des meilleurs succès commerciaux du réalisateur canadien… au moins tout ceci n’aura pas servi à rien.
Le néophyte, qui cherche quand même à comprendre quelque chose à cette naissance de la talking cure en regardant le film se demande à la fin qui cure qui? Le générique passé, le néophyte se dit, et je le cite: « heureusement que Frau Spielrein lui a fait effectuer une ‘body cure‘… Dr. Jung semble s’être enfin découvert à travers elle… »
Malik Berkati, le Néophyte
[source de l’illustration : http://anarchietotale.free.fr/neophytenouvellesperspectives.html ]
Bruegel, le Moulin, la Croix et l’image
– ou du passage du fixé à l’animé –
L’exercice était périlleux. Le résultat remarquable. Encore un film à ne pas mettre sous tous les yeux, car exigeant. Du cinéma qui offre un espace d’expression au spectateur et lui laisse la latitude d’aller au-delà de l’image montrée. Du grand art généreux, d’autant plus noble que le travail, l’énergie, la réflexion et la créativité mis dans ce film de Lech Majewski crèvent l’écran.
Invité dans le tableau de Pieter Bruegel l’Ancien, Le Portement de Croix, le spectateur suit la journée de quelques personnages du tableau choisis parmis les 500 figurants qui entourent le protagoniste principal: le Christ portant sa croix. Les petites histoires des hommes, dans leur quotidien se mêlent à la grande histoire de l’humanité, à travers les travers de ceux qui la compose, les petites et grandes lâchetés, les petites et grandes joies, les petites et grandes misères, les petites et grandes cruautés sur fond de grande histoire, l’invasion de la Flandre par les Espagnols au XVIème siècle, l’Inquisition vs. le Protestantisme.
Le plus impressionnant sans doute est la posture de l’artiste, Bruegel lui-même, qui tantôt explique son dessein, tantôt semble être le dessin, position d’acteur et de figure… fascinant.
Les trois acteurs principaux, Rutger Hauer, Bruegel, Michaël York son ami banquier et Charlotte Rampling, Marie shakespearienne, loin de la Vierge éplorée sont merveilleux. Petit bémol: on peut regretter que la plupart des autres acteurs soient polonais et les trois protagonistes ayant une voix dans le tableau soient les acteurs internationalement reconnus. Certes, ils sont excellents, mais un acteur de cet envergure doit bien se trouver en Pologne.
L’image fixée inspire souvent l’animation, comme l’image animée d’ailleurs (parmi d’autres La Rose pourpre du Caire), rêve d’enfant et de cinéaste qui s’allient merveilleusement bien, par exemple mon préféré non intellectualisant a contrario de ce film, Mary Poppins, même si je la soupçonne d’être un peu raciste… mais là je m’égare.
Le réalisateur brosse un tableau du tableau et en fait un film d’images animées, fixées dans un intemporel qui n’est pas figé. La passion du Christ inscrite dans le temps des hommes qui se répète à l’infini du temps du monde.
La difficulté pour le spectateur réside dans le fait qu’il ne suit pas une histoire, ni même des histoires, mais des séquences, sans logique apparante. Cependant, c’est ce qui fait aussi sa force, cette liberté laissée au spectateur, comme lorsqu’il regarde un tableau, de comprendre ou pas, d’imaginer ou pas une suite à la scène représentée.
La lumière (Majewski a été jusqu’à tourner les images du ciel et des paysages en Nouvelle-Zélande) est sublime, chaque plan un chef-d’oeuvre de composition.
Le making off du film
Malik Berkati
[illustration : Bruegel l’Ancien – Portement de croix – 1564 – détail du moulin / clic sur l’image pour une vue plus grande]
RE: Bruegel, le Moulin, la Croix et l’image
Cher Malik,
Merci beaucoup pour ce texte ! J’ai vu le film hier, avec Mariana, j’en ai été assez heureuse. Je ne suis pas cinéphile, mais j’aime que ce film m’ait donné envie de revoir cette peinture, m’ait donné une nouvelle porte d’entrée dans cette œuvre. Je me suis trouvée un peu honteuse de ne même pas me souvenir du Musée où se trouve cette toile, est-elle à Bruxelles ? Il m’a semblé reconnaître les murs du Musée d’Art Ancien, mais je n’en suis pas sûre. (( Mais non, elle se trouve au musée de Vienne, et je ne l’ai jamais vue. )) Je n’ai pas pu résister à l’envie de mettre, en illustration de ton texte, une très grande, très belle image du moulin, si impressionnant dans le film, que nous pénétrons, où nous nous réveillons au petit matin avec le meunier, sa femme, et leur commis… immense ! Ces interminables escaliers dans la roche !! ((je ne sais ce qu’il m’évoquent, mais j’ai eu une impression de déjà-vu, et toi ? une référence cinématographique t’est-elle venue à l’esprit?)) Très touchante également cette explication que donne Bruegel à son ami, le collectionneur Nicolas Jonghelinck (Michael York !) : là haut, si haut, dans les nuages, le moulin mis la à la place où l’on trouve Dieu normalement, avec son meunier qui de haut tristement assiste aux …. égarements des hommes. J’ai été très sensible à cette explication, ce pointage, peut-être aussi parce que je m’appelle Muller, qui veut dire meunier. « Meunier, meunier, tu dors ton moulin va trop vite… » La roue du temps (ranimée le temps du film, figée dans le cadre de la peinture et le temps d’un instant figée dans le film même), la roue du supplice (juste avant que n’arrivent les mercenaires espagnols, Mariana me glissait qq chose comme « C’est le paradis » alors que ce si joli couple petit-déjeunait sur l’herbe, avec leur jeune veau)…
J’ai réfléchi courtement à la logique du film, apparemment sans logique, dont tu parles. Je crois qu’elle est nécessaire, cette lente présentation des faits… inouïs d’horreur, d’horreur et de beauté, puis, venant s’y loger, la Passion du Christ.
Et les dernières images, de la sarabande, cette danse, ces corps dans un poids, un rythme si différent du nôtre aujourd’hui…
Quant au silence des protagonistes, du jeune couple, des meuniers, de la famille de Bruegel (si je ne me trompe pas) (et ce silence, en dehors des cris des enfants) (mais, son épouse, si silencieuse au point que je me suis demandée si elle était muette) (et les pensées entendues de la mère du Christ, dans une langue et un texte anglais superbes) (puis, quelques mots, cependant, entendus en vieux flamand, et l’espagnol des mercenaires), c’est vrai, comme le rappelait Mariana ce matin, que je me suis interrogée à son sujet, me demandant d’abord s’il s’agissait du silence d’un peuple paysan (mythique ou réel, je ne sais, appartenant à cette époque ou vraie encore aujourd’hui ?), n’accordant pas encore à la parole la haute importance que nous lui accordons aujourd’hui, pour m’accorder ensuite à penser qu’il s’agissait du silence de la toile.
Enfin voilà. J’ai très envie de publier sur le blog quelques grandes images de la toile,
Très amicalement,
Véronique
(je suis d’accord avec toi concernant le choix des acteurs, des stars, comme aurait dit Godard, et je n’aurais pas détesté les entendre parler polonais…)
Vidéo : Extraits de Finnegans Wake lus par Joyce soi-même!
Re: et Re: Spielrein, Jung, Freud et le Néophyte
Malik,
Impossible de ne pas te répondre, je m’y risque.
« biopic de qui ? » Jung, Spielrein (« joue purement ») et Freud à la fois, pourquoi pas, ça gêne qui ?
« biopic historique ? » Mais oui, de tout ce que tu dis, si bien, oui : la tragédie austro-helvétique entre un père et un fils spirituel, la naissance d’une méthode de psychanalyse, la relation défendue et très originale depuis Adam et Eve entre un homme et une femme
« poli, léché, récuré… » Comme la Suisse ?
« pellicule immaculée remplie de libido » : si elle est remplie de libido, elle n’est certainement pas immaculée, ou son immaculation est-elle rendue nécessaire du fait même de l’insupportable (pour le coup) en quoi aurait consisté sa présentation de façon « maculée » (drôle de mot)
« angles saillants, rentrants, aigus, pourquoi pas obtus ou nuls au lieu de ces angles plats et droits…» bien, ça c’est ton œil de cinéphile qui voit, et peut-être aurons-nous un jour l’occasion de revoir ce film ensemble, en vidéo, et que nous pourrons-nous arrêter, de sorte que tu me montres, car, pour ma part, ces choses-là je ne les vois pas.
« néophyte, Keira Knigtley, premières scènes… » : elles m’ont frappées également, et je les ai plutôt trouvées bien faites, je me suis demandée, et j’ai posé la question ici, sur quoi le jeu de l’actrice était basé, et comment, la folie, l’hystérie, ont pu à ce point changer de « comportement ». Je crois que ce qui est montré correspond à une réalité d’époque. Et j’étais frappée de la confrontation de ces corps : la folle, le médecin (tout droit, tout poli, tout léché, d’un machisme palpable). Qu’est-ce qui a changé les symptômes des hystériques ?
Bon, je dois filer,
V
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Véronique,
merci du retour.
Comme bien précisé dans le titre et tout au long de mon commentaire, je n’y connais rien en psychanalyse. Je vais donc voir un film qui entend me raconter une histoire, au contraire de Bruegel comme nous l’avons tous les deux remarqué dont l’idée n’est justement pas de raconter une histoire. Le problème donc avec ce film est qu’il n’est pas fait par un-e cinéaste sortant d’une école ou faisant son premier film. Si cela était le cas, j’aurais écrit, « comme trop souvent avec un premier film, le réalisateur veut tout raconter, veut tout mettre, et noie son sujet. » Mais Cronenberg n’est pas un néophyte lui. Et cela (me) dérange, non pas en tant que cinéphile (je n’ai jamais particulièrement aimé Cronenberg et ne suis donc pas déçu) mais en tant que simple spectateur. Il a voulu faire un film sous une forme classique, et bien il s’est retrouvé à faire un film qui raconte tout et rien, comme un gamin qui sort de l’école.
Comme je n’ai aucune idée de ce qu’est la talking cure, ni des débuts de la psychanalyse et de ses différentes écoles, comme je ne connaissais pas Spielrein, et ne connaissais que de nom Freud et Jung, je suis bien obligé de prendre ce film sous le seul angle qui fasse que je ne m’endorme pas jusqu’au générique: l’histoire entre un homme et une femme et éventuellement le clash entre un père et un fils spirituel. Soit. Les sujets les plus banals ne font pas de mauvais films, au contraire, mais il faut dans ces cas-là traiter cette chose traiter un million de fois de manière personnelle ou en prenant un angle particulier. De ce point de vue, le film n’est pas mauvais, il est nul. Zéro. Il n’y a rien. Aucune aspérité à laquelle s’accrocher ou réagir (en bien ou en mal peu importe). Rien de rien qu’une pensée pour les gens qui paient leur place pour voir ça.
Pour la « pellicule immaculée remplie de libido » c’est une antithèse oxymorique puisqu’une pellicule pour être visible doit être teintée d’images et (pour moi toujours), je n’y ai vu qu’un débordement de libido. Mais je me trompe certainement, je ne suis que spectateur, alors que toi tu es spécialiste du sujet (? s’il y en a un) du film.
Quant à « la Suisse », elle n’a jamais été polie, léchée et récurée, ceci est un fantasme populaire. La Suisse c’est le pays où les femmes venaient avorter quand cela était interdit dans le reste de l’Europe, c’est le pays où les gens ont le droit de mourir dans la dignité, là où c’est interdit ailleurs, c’est l’endroit qui a débuté en premier en Europe les traitements alternatifs pour les dépendants à la drogue, c’est le pays des montagnes sombres et menaçante de Ramuz, des mondes intérieurs tourmentés de Chessex, des empêcheurs de ronronner en semi-démocratie de Max Frisch et Dürenmatt, des manifestes politiques de Ziegler…et j’en passe.
Les scènes de Keira Knigtley: ta question est intéressante, j’aimerais bien savoir aussi sur quoi elle a basé son jeu. Et ton autre question « Qu’est-ce qui a changé les symptômes des hystériques ?« : en voilà un vrai sujet!
Bon début de semaine
malik
L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée
par Walter Benjamin
I
Il est du principe de l’œuvre d’art d’avoir toujours été reproductible. Ce que des hommes avaient fait, d’autres pouvaient toujours le refaire. Ainsi, la réplique fut pratiquée par les maîtres pour la diffusion de leurs œuvres, la copie par les élèves dans l’exercice du métier, enfin le faux par des tiers avides de gain. Par rapport à ces procédés, la reproduction mécanisée de l’œuvre d’art représente quelque chose de nouveau ; technique qui s’élabore de manière intermittente à travers l’histoire, par poussées à de longs intervalles, mais avec une intensité croissante. Avec la gravure sur bois, le dessin fut pour la première fois mécaniquement reproductible il le fut longtemps avant que l’écriture ne le devînt par l’imprimerie. Les formidables changements que l’imprimerie, reproduction mécanisée de l’écriture, a provoqué dans la littérature, sont suffisamment connus. Mais ces procédés ne représentent qu’une étape particulière, d’une portée sans doute considérable, du processus que nous analysons ici sur le plan de l’histoire universelle. La gravure sur bois du Moyen-Age, est suivie de l’estampe et de l’eau-forte, puis, au début du XIXe siècle, de la lithographie.
Avec la lithographie, la technique de reproduction atteint un plan essentiellement nouveau. Ce procédé beaucoup plus immédiat, qui distingue la réplique d’un dessin sur une pierre de son incision sur un bloc de bois ou sur une planche de cuivre, permit à l’art graphique d’écouler sur le marché ses productions, non seulement d’une manière massive comme jusques alors, mais aussi sous forme de créations toujours nouvelles. Grâce à la lithographie, le dessin fut à même d’accompagner illustrativement la vie quotidienne. Il se mit à aller de pair avec l’imprimé. Mais la lithographie en était encore à ses débuts, quand elle se vit dépassée, quelques dizaines d’années après son invention, par celle de la photographie. Pour la première fois dans les procédés reproductifs de l’image, la main se trouvait libérée des obligations artistiques les plus importantes, qui désormais incombaient à l’œil seul. Et comme l’œil perçoit plus rapidement que ne peut dessiner la main, le procédé de la reproduction de l’image se trouva accéléré à tel point qu’il put aller de pair avec la parole. De même que la lithographie contenait virtuellement le journal illustré ainsi la photographie, le film sonore. La reproduction mécanisée du son fut amorcée à la fin du siècle dernier.
Vers 1900, la reproduction mécanisée avait atteint un standard où non seulement elle commençait à faire des œuvres d’art du passé son objet et à transformer par là même leur action, mais encore atteignait à une situation autonome les procédés artistiques. Pour l’étude de ce standard, rien n’est plus révélateur que la manière dont ses deux manifestations différentes reproduction de l’œuvre d’art et art cinématographique se répercutèrent sur l’art dans sa forme traditionnelle.
II
A la reproduction même la plus perfectionnée d’une œuvre d’art, un facteur fait toujours défaut : son hic et nunc, son existence unique au lieu où elle se trouve. Sur cette existence unique, exclusivement, s’exerçait son histoire. Nous entendons par là autant les altérations qu’elle peut subir dans sa structure physique, que les conditions toujours changeantes de propriété par lesquelles elle a pu passer. La trace des premières ne saurait être relevée que par des analyses chimiques qu’il est impossible d’opérer sur la reproduction; les secondes sont l’objet d’une tradition dont la reconstitution doit prendre son point de départ au lieu même où se trouve l’original.
Le hic et nunc de l’original forme le contenu de la notion de l’authenticité, et sur cette dernière repose la représentation d’une tradition qui a transmis jusqu’à nos jours cet objet comme étant resté identique à lui-même. Les composantes de l’authenticité se refusent à toute reproduction, non pas seulement à la reproduction mécanisée. L’original, en regard de la reproduction manuelle, dont il faisait aisément apparaître le produit comme faux, conservait toute son autorité; or, cette situation privilégiée change en regard de la reproduction mécanisée.
Le motif en est double. Tout d’abord, la reproduction mécanisée s’affirme avec plus d’indépendance par rapport à l’original que la reproduction manuelle. Elle peut, par exemple en photographie, révéler des aspects de l’original accessibles non à l’œil nu, mais seulement à l’objectif réglable et libre de choisir son champ et qui, à l’aide de certains procédés tels que l’agrandissement, capte des images qui échappent à l’optique naturelle. En second lieu, la reproduction mécanisée assure à l’original l’ubiquité dont il est naturellement privé. Avant tout, elle lui permet de venir s’offrir à la perception soit sous forme de photographie, soit sous forme de disque. La cathédrale quitte son emplacement pour entrer dans le studio d’un amateur ; le chœur exécuté en plein air ou dans une salle d’audition, retentit dans une chambre.
Ces circonstances nouvelles peuvent laisser intact le contenu d’une œuvre d’art – toujours est-il qu’elles déprécient son hic et nunc. S’il est vrai que cela ne vaut pas exclusivement pour l’œuvre d’art, mais aussi pour un paysage qu’un film déroule devant le spectateur, ce processus atteint l’objet d’art – en cela bien plus vulnérable que l’objet de la nature – en son centre même : son authenticité. L’authenticité d’une chose intègre tout ce qu’elle comporte de transmissible de par son origine, sa durée matérielle comme son témoignage historique. Ce témoignage, reposant sur la matérialité, se voit remis en question par la reproduction, d’où toute matérialité s’est retirée. Sans doute seul ce témoignage est-il atteint, mais en lui l’autorité de la chose et son poids traditionnel.
On pourrait réunir tous ces indices dans la notion d’aura et dire : ce qui, dans l’œuvre d’art, à l’époque de la reproduction mécanisée, dépérit, c’est son aura. Processus symptomatique dont la signification dépasse de beaucoup le domaine de l’art.
La technique de reproduction – telle pourrait être la formule générale – détache la chose reproduite du domaine de la tradition. En multipliant sa reproduction, elle met à la place de son unique existence son existence en série et, en permettant à la reproduction de s’offrir en n’importe quelle situation au spectateur ou à l’auditeur, elle actualise la chose reproduite. Ces deux procès mènent à un puissant bouleversement de la chose transmise, bouleversement de la tradition qui n’est que le revers de la crise et du renouvellement actuel de l’humanité. Ces deux procès sont en étroit rapport avec les mouvements de masse contemporains. Leur agent le plus puissant est le film. Sa signification sociale, même considérée dans sa fonction la plus positive, ne se conçoit pas sans cette fonction destructive, cathartique : la liquidation de ia valeur traditionnelle de l’héritage culturel. Ce phénomène est particulièrement tangible dans les grands films historiques. Il intègre à son domaine des régions toujours nouvelles. Et si Abel Gance, en 1927, s’écrie avec enthousiasme : Shakespeare, Rembrandt, Beethoven feront du cinéma… Toutes les légendes, toute la mythologie et tous les mythes, tous les fondateurs de religions et toutes les religions elles-mêmes… attendent leur résurrection lumineuse, et les héros se bousculent a nos portes pour entrer [1], il convie sans s’en douter à une vaste liquidation.
III
À de grands intervalles dans l’histoire, se transforme en même temps que leur mode d’existence le mode de perception des sociétés humaines. La façon dont le mode de perception s’élabore (le médium dans lequel elle s’accomplit) n’est pas seulement déterminée par la nature humaine, mais par les circonstances historiques. L’époque de l’invasion des Barbares, durant laquelle naquirent l’industrie artistique du Bas-Empire et la Genèse de Vienne, ne connaissait pas seulement un art autre que celui de l’Antiquité, mais aussi une perception autre. Les savants de l’École viennoise, Riegl et Wickhoff, qui réhabilitèrent cet art longtemps déconsidéré sous l’influence des théories classicistes, ont les premiers eu l’idée d’en tirer des conclusions quant au mode de perception particulier à l’époque où cet art était en honneur. Quelle qu’ait été la portée de leur pénétration, elle se trouvait limitée par le fait que ces savants se contentaient de relever les caractéristiques formelles de ce mode de perception. Ils n’ont pas essayé – et peut-être ne pouvaient espérer – de montrer les bouleversements sociaux que révélaient les métamorphoses de la perception.
De nos jours, les conditions d’une recherche correspondante sont plus favorables et, si les transformations dans le médium de la perception contemporaine peuvent se comprendre comme la déchéance de l’aura, il est possible d’en indiquer les causes sociales.
Qu’est-ce en somme que l’aura ? Une singulière trame de temps et d’espace : apparition unique d’un lointain, si proche soit-il. L’homme qui, un après-midi d’été, s’abandonne à suivre du regard le profil d’un horizon de montagnes ou la ligne d’une branche qui jette sur lui son ombre – cet homme respire l’aura de ces montagnes, de cette branche. Cette expérience nous permettra de comprendre la détermination sociale de l’actuelle déchéance de l’aura. Cette déchéance est due à deux circonstances, en rapport toutes deux avec la prise de conscience accentuée des masses et l’intensité croissante de leurs mouvements. Car : la masse revendique que le monde lui soit rendu plus accessible avec autant de passion qu’elle prétend à déprécier l’unicité de tout phénomène en accueillant sa reproduction multiple. De jour en jour, le besoin s’affirme plus irrésistible de prendre possession immédiate de l’objet dans l’image, bien plus, dans sa reproduction. Aussi, telle que les journaux illustrés et les actualités filmées la tiennent à disposition se distingue-t-elle immanquablement de l’image d’art. Dans cette dernière, l’unicité et la durée sont aussi étroitement confondues que la fugacité et la reproductibilité dans le cliché.
Sortir de son halo l’objet en détruisant son aura, c’est la marque d’une perception dont le sens du semblable dans le monde se voit intensifié à tel point que, moyennant la reproduction, elle parvient à standardiser l’unique. Ainsi se manifeste dans le domaine de la réceptivité ce qui déjà, dans le domaine de la théorie, fait l’importance toujours croissante de la statistique. L’action des masses sur la réalité et de la réalité sur les masses représente un processus d’une portée illimitée, tant pour la pensée que pour la réceptivité.
IV
L’unicité de l’oeuvre d’art ne fait qu’un avec son intégration dans la tradition. Par ailleurs, cette tradition elle-même est sans doute quelque chose de fort vivant, d’extraordinairement changeant en soi. Une antique statue de Vénus était autrement située, par rapport à la tradition, chez les Grecs qui en faisaient l’objet d’un culte, que chez les clercs du Moyen-âge qui voyaient en elle une idole malfaisante. Mais aux premiers comme aux seconds elle apparaissait dans tout son caractère d’unicité, en un mot dans son aura. La forme originelle d’intégration de l’œuvre d’art dans la tradition se réalisait dans le culte. Nous savons que les oeuvres d’art les plus anciennes s’élaborèrent au service d’un rituel d’abord magique, puis religieux. Or, il est de la plus haute signification que le mode d’existence de l’oeuvre d’art déterminé par l’aura ne se sépare jamais absolument de sa fonction rituelle. En d’autres termes : la valeur unique de l’oeuvre d’art authentique a sa base dans le rituel. Ce fond rituel, si reculé soit-il, transparaît encore dans les formes les plus profanes du culte de la beauté. Ce culte, qui se développe au cours de la Renaissance, reste en honneur pendant trois siècles – au bout desquels le premier ébranlement sérieux qu’il subit décèle ce fond. Lorsqu’à l’avènement du premier mode de reproduction vraiment révolutionnaire, la photographie (simultanément avec la montée du socialisme), l’art éprouve l’approche de la crise, devenue évidente un siècle plus tard, il réagit par la doctrine de l’art pour l’art, qui n’est qu’une théologie de l’art. C’est d’elle qu’est ultérieurement issue une théologie négative sous forme de l’idée de l’art pur, qui refuse non seulement toute fonction sociale, mais encore toute détermination par n’importe quel sujet concret. (En poésie, Mallarmé fut le premier à atteindre cette position.)
Il est indispensable de tenir compte de ces circonstances historiques dans une analyse ayant pour objet l’oeuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée. Car elles annoncent cette vérité décisive : la reproduction mécanisée, pour la première fois dans l’histoire universelle, émancipe l’oeuvre d’art de son existence parasitaire dans le rituel. Dans une mesure toujours accrue, l’oeuvre d’art reproduite devient reproduction d’une oeuvre d’art destinée à la reproductibilité [2]. Un cliché photographique, par exemple, permet le tirage de quantité d’épreuves : en demander l’épreuve authentique serait absurde. Mais dès l’instant où le critère d’authenticité cesse d’être applicable à la production artistique, l’ensemble de la fonction sociale de l’art se trouve renversé. À son fond ritueldoit se substituer un fond constitué par une pratique autre : la politique.
V
Il serait possible de représenter l’histoire de l’art comme l’opposition de deux pôles de l’oeuvre d’art même, et de retracer la courbe de son évolution en suivant les déplacements du centre de gravité d’un pôle à l’autre. Ces deux pôles sont sa valeur rituelle et sa valeur d’exposition. La production artistique commence par des images au service de la magie. Leur importance tient au fait même d’exister, non au fait d’être vues. L’élan que l’homme de l’âge de la pierre dessine sur les murs de sa grotte est un instrument de magie, qu’il n’expose que par hasard à la vue d’autrui ; l’important serait tout au plus que les esprits voient cette image. La valeur rituelle exige presque que l’oeuvre d’art demeure cachée : certaines statues de dieux ne sont accessibles qu’au prêtre, certaines images de la Vierge restent voilées durant presque toute l’année, certaines sculptures des cathédrales gothiques sont invisibles au spectateur au niveau du sol. Avec l’émancipation des différents procédés d’art au sein du rituel se multiplient pour l’oeuvre d’art les occasions de s’exposer. Un buste, que l’on peut envoyer à tel ou tel endroit, est plus susceptible d’être exposé qu’une statue de dieu qui a sa place fixée dans l’enceinte du temple. Le tableau surpasse à cet égard la mosaïque ou la fresque qui le précédèrent.
Avec les différentes méthodes de reproduction de l’oeuvre d’art, son caractère d’exposabilités’est accru dans de telles proportions que le déplacement quantitatif entre les deux pôles se renverse, comme aux âges préhistoriques, en transformation qualitative de son essence. De même qu’aux âges préhistoriques, l’oeuvre d’art, par le poids absolu de sa valeur rituelle, fut en premier lieu un instrument de magie dont on n’admit que plus tard le caractère artistique, de même de nos jours, par le poids absolu de sa valeur d’exposition, elle devient une création à fonctions entièrement nouvelles – parmi lesquelles la fonction pour nous la plus familière, la fonction artistique, se distingue en ce qu’elle sera sans doute reconnue plus tard accessoire. Du moins est-il patent que le film fournit les éléments les plus probants à pareil pronostic. Il est en outre certain que la portée historique de cette transformation des fonctions de l’art, manifestement déjà fort avancée dans le film, permet la confrontation avec la préhistoire de manière non seulement méthodologique mais matérielle.
VI
L’art de la préhistoire met ses notations plastiques au service de certaines pratiques, les pratiques magiques – qu’il s’agisse de tailler la figure d’un ancêtre (cet acte étant en soi-même magique) ; d’indiquer le mode d’exécution de ces pratiques (la statue étant dans une attitude rituelle) ; ou enfin, de fournir un objet de contemplation magique (la contemplation de la statue s’effectuait selon les exigences d’une société à technique encore confondue avec le rituel). Technique naturellement arriérée en comparaison de la technique mécanique. Mais ce qui importe à la considération dialectique, ce n’est pas l’infériorité mécanique de cette technique, mais sa différence de tendance d’avec la nôtre – la première engageant l’homme autant que possible, la seconde le moins possible. L’exploit de la première, si l’on ose dire, est le sacrifice humain, celui de la seconde s’annoncerait dans l’avion sans pilote dirigé à distance par ondes hertziennes. Une fois pour toutes – ce fut la devise de la première technique (soit la faute irréparable, soit le sacrifice de la vie éternellement exemplaire). Une fois n’est rien- c’est la devise de la seconde technique (dont l’objet est de reprendre, en les variant inlassablement, ses expériences). L’origine de la seconde technique doit être cherchée dans le moment où, guidé par une ruse inconsciente, l’homme s’apprêta pour la première fois à se distancer de la nature. En d’autres termes : la seconde technique naquit dans le jeu.
Le sérieux et le jeu, la rigueur et la désinvolture se mêlent intimement dans l’oeuvre d’art, encore qu’à différents degrés. Ceci implique que l’art est solidaire de la première comme de la seconde technique. Sans doute les termes : domination des forces naturelles n’expriment-ils le but de la technique moderne que de façon fort discutable ; ils appartiennent encore au langage de la première technique. Celle-ci visait réellement à un asservissement de la nature – la seconde bien plus à une harmonie de la nature et de l’humanité. La fonction sociale décisive de l’art actuel consiste en l’initiation de l’humanité à ce jeu harmonien. Cela vaut surtout pour le film. Le film sert à exercer l’homme à la perception et à la réaction déterminées par la pratique d’un équipement technique dont le rôle dans sa vie ne cesse de croître en importance. Ce rôle lui enseignera que son asservissement momentané à cet outillage ne fera place à l’affranchissement par ce même outillage que lorsque la structure économique de l’humanité se sera adaptée aux nouvelles forces productives mises en mouvement par la seconde technique [3].
VII
Dans la photographie, la valeur d’exposition commence à refouler sur toute la ligne la valeur rituelle. Mais celle-ci ne cède pas le terrain sans résister. Elle se retire dans un ultime retranchement : la face humaine. Ce n’est point par hasard que le portrait se trouve être l’objet principal de la première photographie. Le culte du souvenir des êtres aimés, absents ou défunts, offre au sens rituel de l’oeuvre d’art un dernier refuge. Dans l’expression fugitive d’un visage humain, sur d’anciennes photographies, l’aura semble jeter un dernier éclat. C’est ce qui fait leur incomparable beauté, toute chargée de mélancolie. Mais sitôt que la figure humaine tend à disparaître de la photographie, la valeur d’exposition s’y affirme comme supérieure à la valeur rituelle. Le fait d’avoir situé ce processus dans les rues de Paris 1900, en les photographiant désertes, constitue toute l’importance des clichés d’Atget. Avec raison, on a dit qu’il les photographiait comme le lieu d’un crime. Le lieu du crime est désert. On le photographie pour y relever des indices. Dans le procès de l’histoire, les photographies d’Atget prennent la valeur de pièces à conviction. C’est ce qui leur donne une signification politique cachée. Les premières, elles exigent une compréhension dans un sens déterminé. Elles ne se prêtent plus à un regard détaché. Elles inquiètent celui qui les contemple : il sent que pour les pénétrer, il lui faut certains chemins; il a déjà suivi pareils chemins dans les journaux illustrés. De vrais ou de faux – n’importe. Ce n’est que dans ces illustrés que les légendes sont devenues obligatoires. Et il est clair qu’elles ont un tout autre caractère que les titres de tableaux. Les directives que donnent à l’amateur d’images les légendes bientôt se feront plus précises et plus impératives dans le film, où l’interprétation de chaque image est déterminée par la succession de toutes les précédentes.
VIII
Les Grecs ne connaissaient que deux procédés de reproduction mécanisée de l’oeuvre d’art : le moulage et la frappe. Les bronzes, les terracottes et les médailles étaient les seules oeuvres d’art qu’ils pussent produire en série. Tout le reste restait unique et techniquement irreproductible. Aussi ces oeuvres devaient-elles être faites pour l’éternité. Les Grecs se voyaient contraints, de par la situation même de leur technique, de créer un art de valeurs éternelles. C’est à cette circonstance qu’est due leur position exclusive dans l’histoire de l’art, qui devait servir aux générations suivantes de point de repère. Nul doute que la nôtre ne soit aux antipodes des Grecs. Jamais auparavant les oeuvres d’art ne furent à un tel degré mécaniquement reproductibles. Le film offre l’exemple d’une forme d’art dont le caractère est pour la première fois intégralement déterminé par sa reproductibilité. Il serait oiseux de comparer les particularités de cette forme à celles de l’art grec. Sur un point cependant, cette comparaison est instructive. Par le film est devenue décisive une qualité que les Grecs n’eussent sans doute admise qu’en dernier lieu ou comme la plus négligeable de l’art : la perfectibilité de l’oeuvre d’art. Un film achevé n’est rien moins qu’une création d’un seul jet ; il se compose d’une succession d’images parmi lesquelles le monteur fait son choix – images qui de la première à la dernière prise de vue avaient été à volonté retouchables. Pour monter son Opinion publique, film de 3 000 mètres, Chaplin en tourne 125 000. Le film est donc l’oeuvre d’art la plus perfectible, et cette perfectibilité procède directement de son renoncement radical à toute valeur d’éternité. Ce qui ressort de la contre-épreuve : les Grecs, dont l’art était astreint à la production de valeurs éternelles, avaient placé au sommet de la hiérarchie des arts la forme d’art la moins susceptible de perfectibilité, la sculpture, dont les productions sont littéralement tout d’une pièce. La décadence de la sculpture à l’époque des oeuvres d’art montables apparaît comme inévitable.
IX
La dispute qui s’ouvrit, au cours du XIXe siècle, entre la peinture et la photographie, quant à la valeur artistique de leurs productions respectives, apparaît de nos jours confuse et dépassée. Cela n’en diminue du reste nullement la portée, et pourrait au contraire la souligner. En fait, cette querelle était le symptôme d’un bouleversement historique de portée universelle dont ni l’une ni l’autre des deux rivales ne jugeaient toute la portée. L’ère de la reproductibilité mécanisée séparant l’art de son fondement rituel, l’apparence de son autonomie s’évanouit à jamais. Cependant le changement des fonctions de l’art qui en résultait dépassait les limites des perspectives du siècle. Et même, la signification en échappait encore au XXe siècle – qui vit la naissance du film.
Si l’on s’était auparavant dépensé en vaines subtilités pour résoudre ce problème : la photographie est-elle ou n’est-elle pas un art ? – sans s’être préalablement demandé si l’invention même de la photographie n’avait pas, du tout au tout, renversé le caractère fondamental de l’art – les théoriciens du cinéma à leur tour s’attaquèrent à cette question prématurée. Or, les difficultés que la photographie avait suscitées à l’esthétique traditionnelle n’étaient que jeux d’enfant au regard de celles que lui préparait le film. D’où l’aveuglement obstiné qui caractérise les premières théories cinématographiques. C’est ainsi qu’Abel Gance, par exemple, prétend : Nous voilà, par un prodigieux retour en arrière, revenus sur le plan d’expression des Egyptiens… Le langage des images n’est pas encore au point parce que nos yeux ne sont pas encore faits pour elles. Il n’y a pas encore assez de respect, de culte pour ce qu’elles expriment. [4]Séverin-Mars écrit : Quel art eut un rêve plus hautain, plus poétique à la fois et plus réel. Considéré ainsi, le cinématographe deviendrait un moyen d’expression tout à fait exceptionnel, et dans son atmosphère ne devraient se mouvoir que des personnages de la pensée la plus supérieure aux moments les plus parfaits et les plus mystérieux de leur course. [5]Alexandre Arnoux de son côté achevant une fantaisie sur le film muet, va même jusqu’à demander : En somme, tous les termes hasardeux que nous venons d’employer ne définissent-ils pas la prière ? [6]Il est significatif de constater combien leur désir de classer le cinéma parmi les arts, pousse ces théoriciens à faire entrer brutalement dans le film des éléments rituels. Et pourtant, à l’époque de ces spéculations, des oeuvres telles que L’Opinion publique et La Ruée vers l’or se projetaient sur tous les écrans. Ce qui n’empêche pas Gance de se servir de la comparaison des hiéroglyphes, ni Séverin-Mars de parler du film comme des peintures de Fra Angelico. Il est caractéristique qu’aujourd’hui encore des auteurs conservateurs cherchent l’importance du film, sinon dans le sacral, du moins dans le surnaturel. Commentant la réalisation du Songe d’une nuit d’été, par Reinhardt, Werfel constate que c’est sans aucun doute la stérile copie du monde extérieur avec ses rues, ses intérieurs, ses gares, ses restaurants, ses autos et ses plages qui a jusqu’à présent entravé l’essor du film vers le domaine de l’art. Le film n’a pas encore saisi son vrai sens, ses véritables possibilités… Celles-ci consistent dans sa faculté spécifique d’exprimer par des moyens naturels et avec une incomparable force de persuasion tout ce qui est féerique, merveilleux et surnaturel. [7]
X
Photographier un tableau est un mode de reproduction ; photographier un événement fictif dans un studio en est un autre. Dans le premier cas, la chose reproduite est une oeuvre d’art, sa reproduction ne l’est point. Car l’acte du photographe réglant l’objectif ne crée pas davantage une oeuvre d’art que celui du chef d’orchestre dirigeant une symphonie. Ces actes représentent tout au plus des performances artistiques. Il en va autrement de la prise de vue au studio. Ici la chose reproduite n’est déjà plus oeuvre d’art, et la reproduction l’est tout aussi peu que dans le premier cas. L’oeuvre d’art proprement dite ne s’élabore qu’au fur et à mesure que s’effectue le découpage. Découpagedont chaque partie intégrante est la reproduction d’une scène qui n’est oeuvre d’art ni par elle-même ni par la photographie. Que sont donc ces événements reproduits dans le film, s’il est clair que ce ne sont point des oeuvres d’art ?
La réponse devra tenir compte du travail particulier de l’interprète de film. Il se distingue de l’acteur de théâtre en ceci que son jeu qui sert de base à la reproduction, s’effectue, non devant un public fortuit, mais devant un comité de spécialistes qui, en qualité de directeur de production, metteur en scène, opérateur, ingénieur du son ou de l’éclairage, etc., peuvent à tout instant intervenir personnellement dans son jeu. II s’agit ici d’un indice social de grande importance. L’intervention d’un comité de spécialistes dans une performance donnée est caractéristique du travail sportif et, en général, de l’exécution d’un test. Pareille intervention détermine en fait tout le processus de la production du film. On sait que pour de nombreux passages de la bande, on tourne des variantes. Par exemple, un cri peut donner lieu à divers enregistrements. Le monteur procède alors à une sélection établissant ainsi une sorte de record. Un événement fictif tourné dans un studio se distingue donc de l’événement réel correspondant comme se distinguerait la projection d’un disque sur une piste, dans un concours sportif, de la projection du même disque au même endroit, sur la même trajectoire, si cela avait lieu pour tuer un homme. Le premier acte serait l’exécution d’un test, mais non le second.
Il est vrai que l’épreuve de test soutenue par un interprète de l’écran est d’un ordre tout à fait unique. En quoi consiste-t-elle ? À dépasser certaine limite qui restreint étroitement la valeur sociale d’épreuves de test. Nous rappellerons qu’il ne s’agit point ici d’épreuve sportive, mais uniquement d’épreuves de tests mécanisés. Le sportsman ne connaît pour ainsi dire que les tests naturels. Il se mesure aux épreuves que la nature lui fixe, non à celles d’un appareil quelconque – à quelques exceptions prés, tel Nurmi qui, dit-on, courait contre la montre. Entre-temps, le processus du travail, surtout depuis sa normalisation par le système de la chaîne, soumet tous les jours d’innombrables ouvriers à d’innombrables épreuves de tests mécanisés. Ces épreuves s’établissent automatiquement : est éliminé qui ne peut les soutenir. Par ailleurs, ces épreuves sont ouvertement pratiquées par les instituts d’orientation professionnelle.
Or, ces épreuves présentent un inconvénient considérable : à la différence des épreuves sportives, elles ne se prêtent pas à l’exposition dans la mesure désirable. C’est là, justement qu’intervient le film. Le film rend l’exécution d’un test susceptible d’être exposée en faisant de cette exposabilité même un test. Car interprète de l’écran ne joue pas devant un public, mais devant un appareil enregistreur. Le directeur de prise de vue, pourrait-on dire, occupe exactement la même place que le contrôleur du test lors de l’examen d’aptitude professionnelle. Jouer sous les feux des sunlights tout en satisfaisant aux exigences du microphone, c’est là une performance de premier ordre. S’en acquitter, c’est pour l’acteur garder toute son humanité devant les appareils enregistreurs. Pareille performance présente un immense intérêt. Car c’est sous le contrôle d’appareils que le plus grand nombre des habitants des villes, dans les comptoirs comme dans les fabriques, doivent durant la journée de travail abdiquer leur humanité. Le soir venu, ces mêmes masses remplissent les salles de cinéma pour assister à la revanche que prend pour elles l’interprète de l’écran, non seulement en affirmant son humanité (ou ce qui en tient lieu) face à l’appareil, mais en mettant ce dernier au service de son propre triomphe.
XI
Pour le film, il importe bien moins que l’interprète représente quelqu’un d’autre aux yeux du public que lui-même devant l’appareil. L’un des premiers à sentir cette métamorphose que l’épreuve de test fait subir à l’interprète fut Pirandello. Les remarques qu’il fait à ce sujet dans son roman On tourne, encore qu’elles fassent uniquement ressortir l’aspect négatif de la question, et que Pirandello ne parle que du film muet, gardent toute leur valeur. Car le film sonore n’y a rien changé d’essentiel. La chose décisive est qu’il s’agit de jouer devant un appareil dans le premier cas, devant deux dans le second. Les acteurs de cinéma, écrit Pirandello, se sentent comme en exil. En exil non seulement de la scène, mais encore d’eux-mêmes. Ils remarquent confusément, avec une sensation de dépit, d’indéfinissable vide et même de faillite, que leur corps est presque subtilisé, supprimé, privé de sa réalité, de sa vie, de sa voix, du bruit qu’il produit en se remuant, pour devenir une image muette qui tremble un instant sur l’écran et disparaît en silence… La petite machine jouera devant le public avec leurs ombres, et eux, ils doivent se contenter de jouer devant elle. [8]
Le fait pourrait aussi se caractériser comme suit : pour la première fois – et c’est là l’oeuvre du film – l’homme se trouve mis en demeure de vivre et d’agir totalement de sa propre personne, tout en renonçant du même coup à son aura. Car l’aura dépend de son hic et nunc. Il n’en existe nulle reproduction, nulle réplique. L’aura qui, sur la scène, émane de Macbeth, le public l’éprouve nécessairement comme celui de l’acteur jouant ce rôle. La singularité de la prise de vues au studio tient à ce que l’appareil se substitue au public. Avec le public disparaît l’aura qui environne l’interprète et avec celui de l’interprète l’aura de son personnage.
Rien d’étonnant à ce qu’un dramaturge tel que Pirandello, en caractérisant l’interprète de l’écran, touche involontairement au fond même de la crise dont nous voyons le théâtre atteint. À l’oeuvre exclusivement conçue pour la technique de reproduction telle que le film ne saurait en effet s’opposer rien de plus décisif que l’oeuvre scénique. Toute considération plus approfondie le confirme. Les observateurs spécialisés ont depuis longtemps reconnu que c’est presque toujours en jouant le moins possible que l’on obtient les plus puissants effets cinématographiques… . Dès 1932, Arnheim considère comme dernier progrès du film de n’y tenir l’acteur que pour un accessoire choisi en raison de ses caractéristiques… et que l’on intercale au bon endroit [9]. À cela se rattache étroitement autre chose. L ‘acteur de scène s’identifie au caractère de son rôle. L’interprète d’écran n ‘en a pas toujours la possibilité. Sa création n’est nullement tout d’une pièce ; elle se compose de nombreuses créations distinctes. A part certaines circonstances fortuites telles que la location du studio, le choix et la mobilisation des partenaires, la confection des décors et autres accessoires, ce sont d’élémentaires nécessités de machinerie qui décomposent le jeu de l’acteur en une série de créations montables. II s’agit avant tout de l’éclairage dont l’installation oblige à filmer un événement qui, sur l’écran, se déroulera en une scène rapide et unique, en une suite de prises de vues distinctes qui peuvent parfois se prolonger des heures durant au studio. Sans même parler de truquages plus frappants. Si un saut, du haut d’une fenêtre à l’écran, peut fort bien s’effectuer au studio du haut d’un échafaudage, la scène de la fuite qui succède au saut ne se tournera, au besoin, que plusieurs semaines plus tard au cours des prises d’extérieurs. Au reste, l’on reconstitue aisément des cas encore plus paradoxaux. Admettons que l’interprète doive sursauter après des coups frappés à une porte. Ce sursaut n’est-il pas réalisé à souhait, le metteur en scène peut recourir à quelque expédient : profiter d’une présence occasionnelle de l’interprète au studio pour faire éclater un coup de feu. L’effroi vécu, spontané de l’interprète, enregistré à son insu, pourra s’intercaler dans la bande. Rien ne montre avec tant de plasticité que l’art s’est échappé du domaine de la belle apparence, qui longtemps passa pour le seul où il pût prospérer.
XII
Dans la représentation de l’image de l’homme par l’appareil, l’aliénation de l’homme par lui-même trouve une utilisation hautement productive. On en mesurera toute l’étendue au fait que le sentiment d’étrangeté de l’interprète devant l’objectif, décrit par Pirandello, est de même origine que le sentiment d’étrangeté de l’homme devant son image dans le miroir – sentiment que les romantiques aimaient à pénétrer. Or, désormais cette image réfléchie de l’homme devient séparable de lui, transportable et où ? Devant la masse. Évidemment, l’interprète de l’écran ne cesse pas un instant d’en avoir conscience. Durant qu’il se tient devant l’objectif, il sait qu’il aura à faire en dernière instance à la masse des spectateurs. Ce marché que constitue la masse, où il viendra offrir non seulement sa puissance de travail, mais encore son physique, il lui est aussi impossible de se le représenter que pour un article d’usine. Cette circonstance ne contribuerait-elle pas, comme l’a remarqué Pirandello, à cette oppression, à cette angoisse nouvelle qui l’étreint devant l’objectif ? À cette nouvelle angoisse correspond, comme de juste, un triomphe nouveau : celui de la star. Favorisé par le capital du film, le culte de la vedette conserve ce charme de la personnalité qui depuis longtemps n’est que le faux rayonnement de son essence mercantile. Ce culte trouve son complément dans le culte du public, culte qui favorise la mentalité corrompue de masse que les régimes autoritaires cherchent à substituer à sa conscience de classe. Si tout se conformait au capital cinématographique, le processus s’arrêterait à l’aliénation de soi-même, chez l’artiste de l’écran comme chez les spectateurs. Mais la technique du film prévient cet arrêt : elle prépare le renversement dialectique.
XIII
Il appartient à la technique du film comme à celle du sport que tout homme assiste plus ou moins en connaisseur à leurs exhibitions. Pour s’en rendre compte, il suffit d’entendre un groupe de jeunes porteurs de journaux appuyés sur leurs bicyclettes, commenter les résultats de quelque course cycliste ; en ce qui concerne le film, les actualités prouvent assez nettement qu’un chacun peut se trouver filmé. Mais la question n’est pas la. Chaque homme aujourd’hui a le droit d’être filmé. Ce droit, la situation historique de la vie littéraire actuelle permettrait de le comprendre.
Durant des siècles, les conditions déterminantes de la vie littéraire affrontaient un petit nombre d’écrivains à des milliers de lecteurs. La fin du siècle dernier vit se produire un changement. Avec l’extension croissante de la presse, qui ne cessait de mettre de nouveaux organes politiques, religieux, scientifiques, professionnels et locaux à la disposition des lecteurs, un nombre toujours plus grand de ceux-ci se trouvèrent engagés occasionnellement dans la littérature. Cela débuta avec les boîtes aux lettresque la presse quotidienne ouvrit à ses lecteurs – si bien que, de nos jours, il n’y a guère de travailleur européen qui ne se trouve à même de publier quelque part ses observations personnelles sur le travail sous forme de reportage ou n’importe quoi de cet ordre. La différence entre auteur et public tend ainsi à perdre son caractère fondamental. Elle n’est plus que fonctionnelle, elle peut varier d’un cas à l’autre. Le lecteur est à tout moment prêt à passer écrivain. En qualité de spécialiste qu’il a dû tant bien que mal devenir dans un processus de travail différencié à l’extrême – et le fût-il d’un infime emploi – il peut à tout moment acquérir la qualité d’auteur. Le travail lui-même prend la parole. Et sa représentation par le mot fait partie intégrante du pouvoir nécessaire à son exécution. Les compétences littéraires ne se fondent plus sur une formation spécialisée, mais sur une polytechnique et deviennent par là bien commun.
Tout cela vaut également pour le film, où les décalages qui avaient mis des siècles à se produire dans la vie littéraire se sont effectués au cours d’une dizaine d’années. Car dans la pratique cinématographique – et surtout dans la pratique russe – ce décalage s’est en partie déjà réalisé. Un certain nombre d’interprètes des films soviétiques ne sont point des acteurs au sens occidental du mot, mais des hommes jouant leur propre rôle – tout premièrement leur rôle dans le processus du travail. En Europe occidentale, l’exploitation du film par le capital cinématographique interdit à l’homme de faire valoir son droit à se montrer dans ce rôle. Au reste, le chômage l’interdit également, qui exclut de grandes masses de la production dans le processus de laquelle elles trouveraient surtout un droit à se voir reproduites. Dans ces conditions, l’industrie cinématographique a tout intérêt à stimuler la masse par des représentations illusoires et des spéculations équivoques. À cette fin, elle a mis en branle un puissant appareil publicitaire : elle a tiré parti de la carrière et de la vie amoureuse des stars, elle a organisé des plébiscites et des concours de beauté. Elle exploite ainsi un élément dialectique de formation de la masse. L’aspiration de l’individu isolé à se mettre à la place de la star, c’est-à-dire à se dégager de la masse, est précisément ce qui agglomère les masses spectatrices des projections. C’est de cet intérêt tout privé que joue l’industrie cinématographique pour corrompre l’intérêt originel justifié des masses pour le film.
XIV
La prise de vues et surtout l’enregistrement d’un film offrent une sorte de spectacle telle qu’on n’en avait jamais vue auparavant. Spectacle qu’on ne saurait regarder d’un point quelconque sans que tous les auxiliaires étrangers à la mise en scène même – appareils d’enregistrement, d’éclairage, état-major d’assistants – ne tombent dans le champ visuel (à moins que la pupille du spectateur fortuit ne coïncide avec l’objectif). Ce simple fait suffit seul à rendre superficielle et vaine toute comparaison entre enregistrement au studio et répétition théâtrale. De par son principe, le théâtre connaît le point d’où l’illusion de l’action ne peut être détruite. Ce point n’existe pas vis-à-vis de la scène de film qu’on enregistre. La nature illusionniste du film est une nature au second degré – résultat du découpage. Ce qui veut dire : au studio l’équipement technique a si profondément pénétré la réalité que celle-ci n’apparaît dans le film dépouillée de l’outillage que grâce à une procédure particulière – à savoir l’angle de prise de vues par la caméra et le montage de cette prise avec d’autres de même ordre.
Dans le monde du film la réalité n’apparaît dépouillée des appareils que par le plus grand des artifices et la réalité immédiates’y présente comme la fleur bleue au pays de la Technique.
Ces données, ainsi bien distinctes de celles du théâtre, peuvent être confrontées de manière encore plus révélatrice avec celles de la peinture. II nous faut ici poser cette question : quelle est la situation de l’opérateur par rapport au peintre ? Pour y répondre, nous nous permettrons de tirer parti de la notion d’opérateur, usuelle en chirurgie. Or, le chirurgien se tient à l’un des pôles d’un univers dont l’autre est occupé par le magicien. Le comportement du magicien qui guérit un malade par imposition des mains diffère de celui du chirurgien qui procède à une intervention dans le corps du malade. Le magicien maintient la distance naturelle entre le patient et lui ou, plus exactement, s’il ne la diminue – par l’imposition des mains – que très peu, il l’augmente – par son autorité – de beaucoup. Le chirurgien fait exactement l’inverse : il diminue de beaucoup la distance entre lui et le patient – en pénétrant à l’intérieur du corps de celui-ci – et ne l’augmente que de peu – par la circonspection avec laquelle se meut sa main parmi les organes. Bref, à la différence du mage (dont le caractère est encore inhérent au praticien), le chirurgien s’abstient au moment décisif d’adopter le comportement d’homme à homme vis-à-vis du malade : c’est opératoirement qu’il le pénètre plutôt.
Le peintre est à l’opérateur ce qu’est le mage au chirurgien. Le peintre conserve dans son travail une distance normale vis-à-vis de la réalité de son sujet – par contre le cameraman pénètre profondément les tissus de la réalité donnée. Les images obtenues par l’un et par l’autre résultent de procès absolument différents. L’image du peintre est totale, celle du cameraman faite de fragments multiples coordonnés selon une loi nouvelle.
C’est ainsi que, de ces deux modes de représentation de la réalité – la peinture et le film – le dernier est pour l’homme actuel incomparablement le plus significatif, parce qu’il obtient de la réalité un aspect dépouillé de tout appareil – aspect que l’homme est en droit d’attendre de l’oeuvre d’art précisément grâce à une pénétration intensive du réelpar les appareils.
XV
La reproduction mécanisée de l’oeuvre d’art modifie la façon de réagir de la masse vis-à-vis de l’art. De rétrograde qu’elle se montre devant un Picasso par exemple, elle se fait le public le plus progressiste en face d’un Chaplin. Ajoutons que, dans tout comportement progressiste, le plaisir émotionnel et spectaculaire se confond immédiatement et intimement avec l’attitude de l’expert. C’est là un indice social important. Car plus l’importance sociale d’un art diminue, plus s’affirme dans le public le divorce entre l’attitude critique et le plaisir pur et simple. On goûte sans critiquer le conventionnel – on critique avec dégoût le véritablement nouveau. Il n’en est pas de même au cinéma. La circonstance décisive y est en effet celle-ci : les réactions des individus isolés, dont la somme constitue la réaction massive du public, ne se montrent nulle part ailleurs plus qu’au cinéma déterminées par leur multiplication imminente. Tout en se manifestant, ces réactions se contrôlent. Ici, la comparaison à la peinture s’impose une fois de plus. Jadis, le tableau n’avait pu s’offrir qu’à la contemplation d’un seul ou de quelques-uns. La contemplation simultanée de tableaux par un grand public, telle qu’elle s’annonce au XIXe siècle, est un symptôme précoce de la crise de la peinture, qui ne fut point exclusivement provoquée par la photographie mais, d’une manière relativement indépendante de celle-ci, par la tendance de l’oeuvre d’art à rallier les masses.
En fait, le tableau n’a jamais pu devenir l’objet d’une réception collective,ainsi que ce fut le cas de tout temps pour l’architecture, jadis pour le poème épique, aujourd’hui pour le film. Et, si peu que cette circonstance puisse se prêter à des conclusions quant au rôle social de la peinture, elle n’en représente pas moins une lourde entrave à un moment où le tableau, dans les conditions en quelque sorte contraires à sa nature, se voit directement confronté avec les masses. Dans les églises et les monastères du Moyen-Age, ainsi que dans les cours des princes jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la réception collective des oeuvres picturales ne s’effectuait pas simultanément sur une échelle égale, mais par une entremise infiniment graduée et hiérarchisée. Le changement qui s’est produit depuis n’exprime que le conflit particulier dans lequel la peinture s’est vue impliquée par la reproduction mécanisée du tableau. Encore qu’on entreprît de l’exposer dans les galeries et les salons, la masse ne pouvait guère s’y contrôler et s’organiser comme le fait, à la faveur de ses réactions, le public du cinéma. Aussi le même public qui réagit dans un esprit progressiste devant un film burlesque, doit-il nécessairement réagir dans un esprit rétrograde en face de n’importe quelle production du surréalisme.
XVI
Parmi les fonctions sociales du film, la plus importante consiste à établir l’équilibre entre l’homme et l’équipement technique. Cette tâche, le film ne l’accomplit pas seulement par la manière dont l’homme peut s’offrir aux appareils, mais aussi par la manière dont il peut à l’aide de ses appareils se représenter le monde environnant. Si le film, en relevant par ses gros plans dans l’inventaire du monde extérieur des détails généralement cachés d’accessoires familiers, en explorant des milieux banals sous la direction géniale de l’objectif, étend d’une part notre compréhension aux mille déterminations dont dépend notre existence, il parvient d’autre part à nous ouvrir un champ d’action immense et insoupçonné.
Nos bistros et nos avenues de métropoles, nos bureaux et chambres meublées, nos gares et nos usines paraissaient devoir nous enfermer sans espoir d’y échapper jamais. Vint le film, qui fit sauter ce monde-prison par la dynamite des dixièmes de seconde, si bien que désormais, au milieu de ses ruines et débris au loin projetés, nous faisons insoucieusement d’aventureux voyages.Sous la prise de vues à gros plan s’étend l’espace, sous le temps de pose se développe le mouvement. De même que dans l’agrandissement il s’agit bien moins de rendre simplement précis ce qui sans cela garderait un aspect vague que de mettre en évidence des formations structurelles entièrement nouvelles de la matière, il s’agit moins de rendre par le temps de pose des motifs de mouvement que de déceler plutôt dans ces mouvements connus, au moyen du ralenti, des mouvements inconnus qui, loin de représenter des ralentissements de mouvements rapides, font l’effet de mouvements singulièrement glissants, aériens, surnaturels. [10]
Il devient ainsi tangible que la nature qui parle à la caméra, est autre que celle qui parle aux yeux. Autre surtout en ce sens qu’à un espace consciemment exploré par l’homme se substitue un espace qu’il a inconsciemment pénétré. S’il n’y a rien que d’ordinaire au fait de se rendre compte, d’une manière plus ou moins sommaire, de la démarche d’un homme, on ne sait encore rien de son maintien dans la fraction de seconde d’une enjambée. Le geste de saisir le briquet ou la cuiller nous est-il aussi conscient que familier, nous ne savons néanmoins rien de ce qui se passe alors entre la main et le métal, sans parler même des fluctuations dont ce processus inconnu peut être susceptible en raison de nos diverses dispositions psychiques. C’est ici qu’intervient la caméra avec tous ses moyens auxiliaires, ses chutes et ses ascensions, ses interruptions et ses isolements, ses extensions et ses accélérations, ses agrandissements et ses rapetissements. C’est elle qui nous initie à l’inconscient optique comme la psychanalyse à l’inconscient pulsionnel.
Au reste, les rapports les plus étroits existent entre ces deux formes de l’inconscient, car les multiples aspects que l’appareil enregistreur peut dérober à la réalité se trouvent pour une grande part exclusivement en dehors du spectre normal de la perception sensorielle. Nombre des altérations et stéréotypes, des transformations et des catastrophes que le monde visible peut subir dans le film l’affectent réellement dans les psychoses, les hallucinations et les rêves. Les déformations de la caméra sont autant de procédés grâce auxquels la perception collectives’approprie les modes de perception du psychopathe et du rêveur. Ainsi, dans l’antique vérité hératiclienne – les hommes à l’état de veille ont un seul monde commun à tous, mais pendant le sommeil chacun retourne à son propre monde – le film a fait une brèche, et notamment moins par des représentations du monde onirique que par la création de figures puisées dans le rêve collectif, telles que Mickey Mouse, faisant vertigineusement le tour du globe.
Si l’on se rend compte des dangereuses tensions que la technique rationnelle a engendrées au sein de l’économie capitaliste devenue depuis longtemps irrationnelle, on reconnaîtra par ailleurs que cette même technique a créé, contre certaines psychoses collectives, des moyens d’immunisation, à savoir certains films. Ceux-ci, parce qu’ils présentent des fantasmes sadiques et des images délirantes masochistes de manière artificiellement forcée, préviennent la maturation naturelle de ces troubles dans les masses, particulièrement exposées en raison des formes actuelles de l’économie. L’hilarité collective représente l’explosion prématurée et salutaire de pareilles psychoses collectives. Les énormes quantités d’incidents grotesques qui sont consommées dans le film sont un indice frappant des dangers qui menacent l’humanité du fond des pulsions refoulées par la civilisation actuelle. Les films burlesques américains et les bandes de Disney déclenchent un dynamitage de l’inconscient. [11]Leur précurseur avait été l’excentrique. Dans les nouveaux champs ouverts par le film, il avait été le premier à s’installer. C’est ici que se situe la figure historique de Chaplin.
XVII
L’une des tâches les plus importantes de l’art a été de tout temps d’engendrer une demande dont l’entière satisfaction devait se produire à plus ou moins longue échéance. L’histoire de toute forme d’art connaît des époques critiques où cette forme aspire à des effets qui ne peuvent s’obtenir sans contrainte qu’à base d’un standard technique transformé, c’est-à-dire dans une forme d’art nouvelle. Les extravagances et les crudités de l’art, qui se produisent ainsi particulièrement dans les soi-disant époques décadentes, surgissent en réalité de son foyer créateur le plus riche. De pareils barbarismes ont en de pareilles heures fait la joie du dadaïsme. Ce n’est qu’à présent que son impulsion devient déterminable : le dadaïsme essaya d’engendrer, par des moyens picturaux et littéraires, les effets que le public cherche aujourd’hui dans le film.
Toute création de demande foncièrement nouvelle, grosse de conséquences, portera au-delà de son but. C’est ce qui se produisait pour les dadaistes, au point qu’ils sacrifiaient les valeurs négociables, exploitées avec tant de succès par le cinéma, en obéissant à des instances dont, bien entendu, ils ne se rendaient pas compte. Les dadaïstes s’appuyèrent beaucoup moins sur l’utilité mercantile de leurs oeuvres que sur l’impropriété de celles-ci au recueillement contemplatif. Pour atteindre a cette impropriété, la dégradation préméditée de leur matériel ne fut pas leur moindre moyen. Leurs poèmes sont, comme disent les psychiatres allemands, des salades de mots, faites de tournures obscènes et de tous les déchets imaginables du langage. II en est de même de leurs tableaux, sur lesquels ils ajustaient des boutons et des tickets. Ce qu’ils obtinrent par de pareils moyens, fut une impitoyable destruction de l’aura même de leurs créations, auxquelles ils appliquaient, avec les moyens de la production, la marque infamante de la reproduction. Il est impossible, devant un tableau d’Arp ou un poème d’August Stramm, de prendre le temps de se recueillir et d’apprécier comme en face d’une toile de Derain ou d’un poème de Rilke. Au recueillement qui, dans la déchéance de la bourgeoisie, devint un exercice de comportement asocial [12], s’oppose la distraction en tant qu’initiation à de nouveaux modes d’attitude sociale. Aussi, les manifestations dadaïstes assurèrent-elles une distraction fort véhémente en faisant de l’oeuvre d’art le centre d’un scandale. Il s’agissait avant tout de satisfaire à cette exigence : provoquer un outrage public.
De tentation pour l’oeil ou de séduction pour l’oreille que l’oeuvre était auparavant, elle devint projectile chez les dadaïstes. Spectateur ou lecteur, on en était atteint. L’oeuvre d’art acquit une qualité traumatique. Elle a ainsi favorisé la demande de films, dont l’élément distrayant est également en première ligne traumatisant, basé qu’il est sur les changements de lieu et de plan qui assaillent le spectateur par à-coups. Que l’on compare la toile sur laquelle se déroule le film à la toile du tableau ; l’image sur la première se transforme, mais non l’image sur la seconde. Cette dernière invite le spectateur à la contemplation. Devant elle, il peut s’abandonner à ses associations. I1 ne le peut devant une prise de vue. À peine son oeil l’a-t-elle saisi que déjà elle s’est métamorphosée. Elle ne saurait être fixée. Duhamel, qui déteste le film, mais non sans avoir saisi quelques éléments de sa structure, commente ainsi cette circonstance : Je ne peux déjà plus penser ce que je veux. Les images mouvantes se substituent à mes propres pensées. [13]
En fait, le processus d’association de celui qui contemple ces images est aussitôt interrompu par leurs transformations. C’est ce qui constitue le choc traumatisant du film qui, comme tout traumatisme, demande à être amorti par une attention soutenue. [14]Par son mécanisme même, le film a rendu leur caractère physique aux traumatismes moraux pratiqués par le dadaïsme.
XVIII
La masse est la matrice où, à l’heure actuelle, s’engendre l’attitude nouvelle vis-à-vis de l’oeuvre d’art. La quantité se transmue en qualité : les masses beaucoup plus grandes de participants ont produit un mode transformé de participation.Le fait que ce mode se présente d’abord sous une forme décriée ne doit pas induire en erreur et, cependant, il n’en a pas manqué pour s’en prendre avec passion à cet aspect superficiel du problème. Parmi ceux-ci, Duhamel s’est exprimé de la manière la plus radicale. Le principal grief qu’il fait au film est le mode de participation qu’il suscite chez les masses. Duhamel voit dans le film un divertissement d’îlotes, un passe-temps d’illettrés, de créatures misérables, ahuris par leur besogne et leurs soucis…, un spectacle qui ne demande aucun effort, qui ne suppose aucune suite dans les idées…, n’éveille au fond des coeurs aucune lumière, n’excite aucune espérance, sinon celle, ridicule d’être un jour « star » à Los-Angeles. [15]
On le voit, c’est au fond toujours la vieille plainte que les masses ne cherchent qu’à se distraire, alors que l’art exige le recueillement. C’est là un lieu commun. Reste à savoir s’il est apte à résoudre le problème. Celui qui se recueille devant l’oeuvre d’art s’y plonge : il y pénètre comme ce peintre chinois qui disparut dans le pavillon peint sur le fond de son paysage. Par contre, la masse, de par sa distraction même, recueille l’oeuvre d’art dans son sein, elle lui transmet son rythme de vie, elle l’embrasse de ses flots. L’architecture en est un exemple des plus saisissants. De tout temps elle offrit le prototype d’un art dont la réception réservée à la collectivité s’effectuait dans la distraction. Les lois de cette réception sont des plus révélatrices.
Les architectures ont accompagné l’humanité depuis ses origines. Nombre de genres d’art se sont élaborés pour s’évanouir. La tragédie naît avec les Grecs pour s’éteindre avec eux ; seules les règles en ressuscitèrent, des siècles plus tard. Le poème épique, dont l’origine remonte à l’enfance des peuples, s’évanouit en Europe au sortir de la Renaissance. Le tableau est une création du Moyen Âge, et rien ne semble garantir à ce mode de peinture une durée illimitée. Par contre, le besoin humain de se loger demeure constant. L’architecture n’a jamais chômé. Son histoire est plus ancienne que celle de n’importe quel art, et il est utile de tenir compte toujours de son genre d’influence quand on veut comprendre le rapport des masses avec l’art. Les constructions architecturales sont l’objet d’un double mode de réception : l’usage et la perception, ou mieux encore : le toucher et la vue. On ne saurait juger exactement la réception de l’architecture en songeant au recueillement des voyageurs devant les édifices célèbres. Car il n’existe rien dans la perception tactile qui corresponde à ce qu’est la contemplation dans la perception optique. La réception tactile s’effectue moins par la voie de l’attention que par celle de l’habitude. En ce qui concerne l’architecture, l’habitude détermine dans une large mesure même la réception optique. Elle aussi, de par son essence, se produit bien moins dans une attention soutenue que dans une impression fortuite. Or, ce mode de réception, élaboré au contact de l’architecture, a dans certaines circonstances acquis une valeur canonique. Car : les tâches qui, aux tournants de l’histoire, ont été imposées à la perception humaine ne sauraient guère être résolues par la simple optique, c’est-à-dire la contemplation. Elles ne sont que progressivement surmontées par l’habitude d’une optique approximativement tactile.
S’habituer, le distrait le peut aussi. Bien plus : ce n’est que lorsque nous surmontons certaines tâches dans la distraction que nous sommes sûrs de les résoudre par l’habitude. Au moyen de la distraction qu’il est à même de nous offrir, l’art établit à notre insu jusqu’à quel point de nouvelles taches de la perception sont devenues solubles. Et comme, pour l’individu isolé, la tentation subsiste toujours de se soustraire à de pareilles tâches, l’art saura s’attaquer aux plus difficiles et aux plus importantes toutes les fois qu’il pourra mobiliser des masses. Il le fait actuellement par le film. La réception dans la distraction, qui s’affirme avec une croissante intensité dans tous les domaines de l’art et représente le symptôme de profondes transformations de la perception, a trouvé dans le film son propre champ d’expérience. Le film s’avère ainsi l’objet actuellement le plus important de cette science de la perception que les Grecs avaient nommée l’esthétique.
XIX
La prolétarisation croissante de l’homme d’aujourd’hui, ainsi que la formation croissante de masses, ne sont que les deux aspects du même phénomène. L’État totalitaire essaye d’organiser les masses prolétarisées nouvellement constituées, sans toucher aux conditions de propriété, à l’abolition desquelles tendent ces masses. Il voit son salut dans le fait de permettre à ces masses l’expression de leur nature, non pas certes celle de leurs droits. [16]Les masses tendent à la transformation des conditions de propriété. L’État totalitaire cherche à donner une expression à cette tendance tout en maintenant les conditions de propriété. En d’autres termes : l’État totalitaire aboutit nécessairement à une esthétisation de la vie politique. Tous les efforts d’esthétisation politique culminent en un point. Ce point, c’est la guerre moderne. La guerre, et rien que la guerre permet de fixer un but aux mouvements de masses les plus vastes, en conservant les conditions de propriété. Voilà comment se présente l’état de choses du point de vue politique. Du point de vue technique, il se présenterait ainsi : seule la guerre permet de mobiliser la totalité des moyens techniques de l’époque actuelle en maintenant les conditions de propriété. Il est évident que l’apothéose de la guerre par l’état totalitaire ne se sert pas de pareils arguments, et cependant il sera profitable d’y jeter un coup d’oeil. Dans le manifeste de Marinetti sur la guerre italo-éthiopienne, il est dit : Depuis vingt-sept ans, nous autres futuristes nous nous élevons contre l’affirmation que la guerre n’est pas esthétique… Aussi sommes-nous amenés à constater… La guerre est belle, parce que grâce aux masques à gaz, aux terrifiants mégaphones, aux lance-flammes et aux petits tanks, elle fonde la suprématie de L’homme sur la machine subjuguée. La guerre est belle, parce qu’elle inaugure la métallisation rêvée du corps humain. La guerre est belle, parce qu’elle enrichit un pré fleuri des flamboyantes orchidées des mitrailleuses. La guerre est belle, parce qu’elle unit les coups de fusils, les canonnades, les pauses du feu, les parfums et les odeurs de la décomposition dans une symphonie. La guerre est belle, parce qu’elle crée de nouvelles architectures telle celle des grands tanks, des escadres géométriques d’avions, des spirales de fumée s’élevant des villages en flammes, et beaucoup d’autres choses encore… Poètes et artistes du Futurisme… souvenez-vous de ces principes d’une esthétique de la guerre, afin que votre lutte pour une poésie et une plastique nouvelle… en soit éclairée !
Ce manifeste a l’avantage de la netteté. Sa façon de poser la question mérite d’être adoptée par le dialecticien. À ses yeux, l’esthétique de la guerre contemporaine se présente de la manière suivante. Lorsque l’utilisation naturelle des forces de production est retardée et refoulée par l’ordre de la propriété, l’intensification de la technique, des rythmes de la vie, des générateurs d’énergie tend à une utilisation contre-nature. Elle la trouve dans la guerre, qui par ses destructions vient prouver que la société n’était pas mûre pour faire de la technique son organe, que la technique n’était pas assez développée pour juguler les forces sociales élémentaires. La guerre moderne, dans ses traits les plus immondes, est déterminée par le décalage entre les puissants moyens de production et leur utilisation insuffisante dans le processus de la production (en d’autres termes, par le chômage et le manque de débouchés).
Dans cette guerre, la technique insurgée pour avoir été frustrée par la société de son matériel naturel extorque des dommages-intérets au matériel humain. Au lieu de canaliser des cours d’eau, elle remplit ses tranchées de flots humains. Au lieu d’ensemencer la terre du haut de ses avions, elle y sème l’incendie. Et dans ses laboratoires chimiques elle a trouvé un procédé nouveau et immédiat pour supprimer l’aura.
Fiat ars, pereat mundus, dit la théorie totalitaire de l’état qui, de l’aveu de Marinetti, attend de la guerre la saturation artistique de la perception transformée par la technique. C’est apparemment là le parachèvement de l’art pour l’art. L’humanité, qui jadis avec Homère avait été objet de contemplation pour les dieux olympiens, l’est maintenant devenue pour elle-même. Son aliénation d’elle-même par elle-même a atteint ce degré qui lui fait vivre sa propre destruction comme une sensation esthétique de tout premier ordre. Voilà où en est l’esthétisation de la politique perpétrée par les doctrines totalitaires. Les forces constructives de l’humanité y répondent par la politisation de l’art.
Notes
[1]Abel GANCE : Le Temps de l’image est venu: L’art cinématographique, II, Paris, 1927. pp. 94-96).
[2]Pour les films, la reproductibilité ne dépend pas, comme pour les créations littéraires et picturales, d’une condition extérieure à leur diffusion massive. La reproductibilité mécanisée des films est inhérente à la technique même de leur production. Cette technique, non seulement permet la diffusion massive de la manière la plus immédiate, mais la détermine bien plutôt. Elle la détermine du fait même que la production d’un film exige de tels frais que l’individu, s’il peut encore se payer un tableau, ne pourra jamais s’offrir un film. En 1927, on a pu établir que, pour couvrir tous ses frais, un grand film devait disposer d’un public de neuf millions de spectateurs. Il est vrai que la création du film sonore a d’abord amené un recul de la diffusion internationale – son public s’arrêtant à la frontière des langues. Cela coïncida avec la revendication d’intérêts nationaux par les régimes autoritaires. Aussi est-il plus important d’insister sur ce rapport évident avec les pratiques des régimes autoritaires, que sur les restrictions résultant de la langue mais bientôt levées par la synchronisation. La simultanéité des deux phénomènes procède de la crise économique. Les mêmes troubles qui, sur le plan général, ont abouti à la tentative de maintenir par la force les conditions de propriété, ont déterminé les capitaux des producteurs à hâter l’élaboration du film sonore. L’avénement de ce dernier amena une détente passagère, non seulement parce que le film sonore se créa un nouveau public, mais parce qu’il rendit de nouveaux capitaux de l’industrie électrique solidaires des capitaux de production cinématographique. Ainsi, considéré de l’extérieur, le film sonore a favorisé les intérêts nationaux, mais, vu de l’intérieur, il a contribué à internationaliser la production du film encore davantage que ses conditions antérieures de production.
[3]Le but même des révolutions est d’accélérer cette adaptation. Les révolutions sont les innervations de l’élément collectif ou, plus exactement, les tentatives d’innervation de la collectivité qui pour la première fois trouve ses organes dans la seconde technique. Cette technique constitue un système qui exige que les forces sociales élémentaires soient subjuguées pour que puisse s’établir un jeu harmonien entre les forces naturelles et l’homme. Et de même qu’un enfant qui apprend à saisir tend la main vers la lune comme vers une balle à sa portée l’humanité, dans ses tentatives d’innervation, envisage, à côté des buts accessibles, d’autres qui ne sont d’abord qu’utopiques. Car ce n’est pas seulement la seconde technique qui, dans les révolutions, annonce les revendications qu’elle adressera à la société. C’est précisément parce que cette technique ne vise qu’à libérer davantage l’homme de ses corvées que l’individu voit tout d’un coup son champ d’action s’étendre, incommensurable. Dans ce champ, il ne sait encore s’orienter. Mais il y affirme déjà ses revendications. Car plus l’élément collectif s’approprie sa seconde technique, plus l’individu éprouve combien limité, sous l’emprise de la première technique, avait été le domaine de ses possibilités. Bref, c’est l’individu particulier, émancipé par la liquidation de la première technique, qui revendique ses droits. Or, la seconde technique est à peine assurée de ses premières acquisitions révolutionnaires, que déjà les instances vitales de l’individu, réprimées du fait de la première technique l’amour et la mort aspirent à s’imposer avec une nouvelle vigueur. L’oeuvre de Fourier constitue l’un des plus importants documents historiques de cette revendication.
[4]Abel GANCE, Op. Cit., pp. 100-101.
[5]Séverin-Mars, cité par Abel GANCE, Op. Cit., p. 100.
[6]Alexandre ARNOUX, Cinéma, Paris, 1929, p. 28.
[7]Franz WERFEL, Ein Sommernachtstraum. Ein Film von Shakespeare und Reinhardt, Neues Wiener Journal, cité par Lu, 15 novembre 1935.
[8]Luigi PIRANDELLO : On tourne, cité par Léon PIERRE-QUINT, Signification du cinéma(L’Art cinématographique, II, Paris, 1927, pp. 14-15).
[9]Rudolf ARNHEIM, Der Film als Kunst, Berlin, 1932, pp. 176-177.
[10]Rudolf ARNHEIM, Op. Cit., p. 138.
[11]Il est vrai qu’une analyse intégrale de ces films ne devrait pas taire leur sens antithétique. Elle devrait partir du sens antithétique de ces éléments qui donnent une sensation de comique et d’horreur à la fois. Le comique et l’horreur, ainsi que le prouvent les réactions des enfants, voisinent étroitement. Et pourquoi n’aurait on pas le droit de se demander, en face de certains faits, laquelle de ces deux réactions, dans un cas donné, est la plus humaine ? Quelques-unes des plus récentes bandes de Mickey Mouse justifient pareille question. Ce qui, à la lumière de nouvelles bandes de Disney, apparaît nettement, se trouvait déjà annoncé dans maintes bandes plus anciennes : faire accepter de gaieté de coeur la brutalité et la violence comme des caprices du sort.
[12]L’archétype théologique de ce recueillement est la conscience d’être seul à seul avec son Dieu. Par cette conscience, à l’époque de splendeur de la bourgeoisie, s’est fortifiée la liberté de secouer la tutelle cléricale. À l’époque de sa déchéance, ce comportement pouvait favoriser la tendance latente à soustraire aux affaires de la communauté les forces puissantes que l’individu isolé mobilise dans sa fréquentation de Dieu.
[13]Georges DUHAMEL, Scènes de la vie future, Paris, 1930, p. 52.
[14]Le film représente la forme d’art correspondant au danger de mort accentué dans lequel vivent les hommes d’aujourd’hui. Il correspond à des transformations profondes dans les modes de perception transformations telles qu’éprouve, sur le plan de l’existence privée, tout piéton des grandes villes et, sur le plan historique universel, tout homme résolu à lutter pour un ordre vraiment humain.
[15]Georges DUHAMEL, op. cit., p. 58.
[16]Il s’agit ici de souligner une circonstance technique significative, surtout en ce qui concerne les actualités cinématographiques. A une reproduction massive répond particulièrement une reproduction des masses. Dans les grands cortèges de fête, les assemblées monstres, les organisations de masse du sport et de la guerre, qui tous sont aujourd’hui offerts aux appareils enregistreurs, la masse se regarde elle-même dans ses propres yeux. Ce processus, dont l’importance ne saurait être surestimée, dépend étroitement du développement de la technique de reproduction, et particulièrement d’enregistrement. Les mouvements de masse se présentent plus nettement aux appareils enregistreurs qu’à l’oeil nu. Des rassemblements de centaines de mille hommes se laissent le mieux embrasser à vol d’oiseau et, encore que cette perspective soit aussi accessible à l’oeil nu qu’à l’appareil enregistreur, l’image qu’en retient l’oeil n’est pas susceptible de l’agrandissement que peut subir la prise de vue. Ce qui veut dire que des mouvements de masse, et en premier lieu la guerre moderne, représentent une forme de comportement humain particulièrement accessible aux appareils enregistreurs.
Re: Help! (Message personnel)
El 25 janv. 2012, a las 16:01, « Guy M. » escribió:
Bonjour je suis en réunion mais n’oublie pas d’acheter mes biscottes
Heudebert de préférence
Merci
Ton,
Guy.
—————————————
De la part de mariana alba de luna
Envoyé :mercredi 25 janvier 2012 20:56
Véro, pourrait tu m’acheter aussi mes tortillas? De préférence maiz et pas farine.
Muchas gracias
Mariana Luna
—————————————
De la part de Guy
Envoyé :mercredi 25 janvier 2012 23:06
Back on topic
sorry, it’s in English again
Votre,
Guy.
—————————————
De la part de Véronique
Envoyé :jeudi 26 janvier 2012 00:26
really nice GUY ! thanks !
good night to to you ALL
véronique
Nota bene, pour ce qui est de l’english:
Escapade, en anglais:
1 a wild or exciting adventure, esp. one that is mischievous or unlawful; scrape
2 any lighthearted or carefree episode; prank; romp
(C17: from French, from Old Italian scappata, from Vulgar Latin ex-cappare (unattested) to escape)
adventure, antic, caper, fling, lark (informal) mischief, prank, romp, scrape (informal) spree, stunt, trick
et aussi :
Étymologie d’Escapade
Du vieil espagnol escapada, dérivé de escapar (« échapper »), du latin vulgaire excappāre («échapper»).
Définition d’Escapade
escapade
Nom commun
escapade /ɛs.ka.pad/ féminin
- (Équitation) (Vieilli) Action du cheval qui s’emporte.
- (Par extension)Action de se dérober, de manquer à son devoir pour aller se divertir.
- On avait beau le corriger quand les voisins le ramenait en carriole, l’habitude de ces fugues était prise. […]. Si une semaine s’écoulait sans escapade, on le voyait s’ennuyer, dépérir et fureter dans le logis pour trouver une issue. — (Francis Carco, L’Homme de Minuit, 1938)
« MÊME PAS MORTE » Cie Mabel Octobre
Bonsoir à tous,
Mabel octobre est une compagnie de théâtre.
« Même pas morte » est une pièce mise en scène par Judith Depaule qui est, hélas pour les Parisiens, jouée en banlieue. Elle a fait l’objet d’un café psychanalyse auxquels José et moi et quelques autres ont eu le plaisir d’assister.
Vesna (« le printemps ») a entre 8 et 10 ans. C’est une enfant de la guerre. On peut imaginer qu’elle est orpheline. Après avoir fui un pays en conflit, elle se retrouve dans une famille d’accueil d’un pays occidental. Mais pour Vesna les choses « normales » de la vie quotidienne ne veulent pas dire grand chose. Vesna, dotée d’un tempérament vif et impulsif, a contracté pendant la guerre de drôles d’habitudes et une vision du monde dont il lui est difficile de se défaire, elle a développé des facultés que les autres enfants n’ont pas comme de disparaître dans ses rêves, diurnes comme nocturnes. Les adultes qui l’entourent essaient de lui réapprendre à vivre et à oublier la guerre…
C’ est un spectacle basé sur la rencontre des arts de la scène et des technologies numériques (vidéo, animation 2D assistée par ordinateur, animation 3D, effets spéciaux, programmation, jeu vidéo). Il met en scène une marionnette virtuelle nommée Vesna (la fillette), un personnage animé en 3D, projeté en vidéo et manipulé en direct. Ce personnage dialogue avec le public et de vrais acteurs, dans des décors virtuels.
J. Depaule a créé le langage que parle Vesna, pour cela elle s’est adressée à un laboratoire qui a mixé différentes langues (le roumain, l’arabe, l’hébreu etc…), le résultat est très réussi. De loin, petit clin d’oeil à Joyce ?…………
vous informe de la représentation de
|
à L’Apostrophe – Théâtre des Arts – scène nationale (Cergy – 95)
le 04 février 2012 à 17h le 06 février 2012 à 10h00 et 14h30 le 07 février 2012 à 20h30 et le 08 février 2012 à 14h30 réservations 01 34 20 14 14 / Pour venir à la Salle Jacques Brel (Gonesse – 95)
le 10 février 2012 à 14h30 et 21h00 réservations 01 64 73 49 00 / Pour venir au théâtre Jean-Vilar (Vitry-sur-Seine – 94)
le 02 mars 2012 à 14h30 le 05 mars 2012 à 10h00 et 14h30 le 06 mars 2012 à 14h30 et 19h00 et le 08 mars 2012 à 21h réservations 01 55 53 10 60 / Pour venir |
Créé par Judith Depaule, directrice artistique de la compagnie MABEL OCTOBRE,
|
|
N’hésitez pas à nous contacter
01 41 50 38 10
20 rue Rouget de Lisle
93500 PANTIN www.mabeloctobre.net camille@mabeloctobre.net virginie@mabeloctobre.net Rejoignez-nous sur Facebook : facebook.com/MabelOctobre |
_______________________________________________
Mabel Octobre
tel. / fax +33 (0) 1 48 05 01 68
Si une semaine s’écoulait sans escapade, on le voyait s’ennuyer, dépérir et fureter dans le logis pour trouver une issue
De la part de Mariana
J’adore cette partie : « Si une semaine s’écoulait sans escapade, on le voyait s’ennuyer, dépérir et fureter dans le logis pour trouver une issue”. — (Francis Carco, L’Homme de Minuit, 1938)
C’est à faire figurer sur le haut du Blog !! Caramba !!!
olé !
~
De la part de Alain
Je suis d’accord avec Mariana, mettons cette phrase comme emblème de notre Blog !
le désir qui sauve de l’hémorragie de libido!
~
De la part de Catherine Decaudin
Oui, « échapper », c’est une façon d’être « Pas-tout », et « Pas-toute » dans la jouissance de l’Autre, en bref, un peu moins bête .
~
De la part de géraldine
Oui!!!! Tout à fait d’accord avec vous, sublime cette phrase!
Le blog Escapade a trouvé sa formule d’invitation! Je vais voir de plus près de quoi parle ce livre (1938?).
~
De la part de véronique m
j’aime assez aussi l’action du cheval qui s’emporte
~
De la part de mariana
Géniale !!! Arre, arre caballo !!!
~
De la part de véronique m
« le désir qui sauve de l’hémorragie de libido! »mais… comment tu définiras la libido, toi ? alain ? que je comprenne bien…
~
De la part de Catherine Decaudin
C’est plutôt la libido qui va au galop!
Elle emmène son cavalier où elle veut aller, comme l’image freudienne du ça et du moi (P 237 Essais);
mais, à ce train là, galoper vers des escapades, je veux bien, d’autant que, c’est vrai, il s’agit de s’échapper , d’échapper à toute forme de Tout…
Alors à bientôt, pour nos « escapades pas-toutes » .
Cath
~
De la part de véronique m.
… et aussi à “pas-toutes nos escapades pas-toutes”
~
De la part de Gentes
[Le 26 janv. 2012 à 19:30, Véronique a écrit : mais… comment tu définiras la libido, toi ? alain ? que je comprenne bien…]
Ah ! Ah! Je veux faire le malin avec mes formules Un, plus rapides que mon ombre, tel un Lucky Luke sans cheval, eh bien, bien fait pour moi, encore une femme qui ne me laisse pas roupiller !
Libido? Libido? J’ai dit libido, moi? Est-ce que j’ai une tête de libido? Bon, alors, c’est quoi ce machin truc qui s’empare de notre tas de carne pour ne plus le quitter, sauf dans la mort ou la mélancolie? C’est une chose à Freud, présente dès sa correspondance à Fliess, chose sexuelle que s’empressera de désexualiser Jung. Voilà ce que j’ai trouvé en furetant mes livres, au lieu de dormir, ce qui serait évidemment plus raisonnable que de répondre à la fée du logis: » manifestation dynamique dans la vie psychique de la pulsion sexuelle. »
Inutile de me demander où j’ai trouvé cela chez Freud, je vais vous le dire: » Pschoanalyse und Libidotheorie », 1922, G.W, XIII, 220: SE, XVIII,244.
Dans le film » A Dangerous Method » on voit Freud s’intéresser à l’intuition de Sabina Spielrein sur une possible connexion entre amour et mort, à partir de sa propre expérience. Ce qui annonce la pulsion de mort, pas sans lien avec la libido chez Freud ( cf Au-delà du principe de plaisir , Malaise dans la civilisation ), lien que n’hésitera pas d’établir Lacan:
jouissance = libido + pulsion de mort,
donc
libido = Jouissance – pulsion de mort ! Et vogue le navire.
Je me frotte les yeux de sommeil.
Et là, Chaire Vé, tucon pr’en bi ain? Jes père queue non.
À l’un.
~
De : véronique m
En tous cas, je me suis bien amusée à te lire… merci!
Heu, et “libido = jouissance – pulsion de mort” , c’est dans lacan ça aussi?
Enfin, à vous lire, maintenant, chers Catherine et Alain, je me dis qu’éventuellement s’K’Al1 veut dire avec son « hémorragie de libido », c’est que “si libido (p)fuit, transfusion de désir sauve?”
Bonjour!
Illu: Edward Munch, Cheval au galop, 1910-1912, Huile sur toile, 148 x 120 cm (photo @alintes)
les tomates au soleil OU ça …K’HommUnique
publication
Date: Thu, 19 Jan 2012 09:24:54 +0000
Subject: [[escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme
Correspondance d’escapades a publié un nouvel article intitulé :
“cultivons ensemble notre autisme”
Vous pouvez lire la suite de cet article à l’adresse suivante:
https://disparates.org/escapades/cultivons-ensemble-notre-autisme/
Vous recevez cet email parce que vous avez demandé à être notifié des
nouvelles parutions sur le blog.
Cordialement,
Correspondance d’escapades
—————————————————————————————————————————–alarmation
De la part de Mariana Alba de Luna
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 12:01
Objet : RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme
Chers escapadeurs,
Je ne comprends pas le sens de ce titre, il est trompeur. Comment pouvons nous « cultiver notre autisme ensemble » ?
Invitez-vous à un « autisme à plusieurs » ?
Danger et dérive, me semble-t-il…
Paradoxe…
Il me semble que Catherine a voulu faire référence à la fin de l’analyse, mais cela n’est pas clair de tout pour moi.
Un tel titre m’interpelle.
Mariana
—————————————————————————————————————————–rigolation
De la part de Catherine Decaudin
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 12:13
Objet :Re: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme
Effectivement, je n’ai jamais dit « ensemble »… C’est rigolo
Catherine
—————————————————————————————————————————–changeation
De la part de Véronique Müller
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 13:12
Objet : RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme
d’accord, d’accord, mariana, je change le titre, il est de moi, c’était un joke…
quelque chose à proposer en échange ?
—————————————————————————————————————————– 😉
Le 19 janv. 2012 à 13:42, Véronique Müller a écrit :
mariana,
bien sûr que catherine parlait de la fin de l’analyse, et d’un très jolie façon d’ailleurs…
mais, je dirais pour ma défense,
culture, se cultiver, cultivons, c’est le travail du désir, c’est un travail qui a du mal à s’accorder avec la jouissance, parce que le culturel, le culturé, cela qui demande culture, demande d’en passer par l’Autre, et donc de prendre quelques distances, quelque liberté par rapport à la jouissance (autiste toujours) (catherine dit « l’Un pas sans l’Autre », ça résonne avec « se passer du père à la condition de savoir sans servir ») (se passer de l’Autre, à la condition d’en connaître un bout sur son Un)
n’y a pas à se leurrer sur le rapport sexuel qu’il n’y a pas. le désir le fait être, et c’est tant mieux, et il faut trouver le moyen de le conjuguer aux contemporaines formes de jouissances qui se passent de l’Autre à tout mieux mieux. c’est un pari, qui ne se passe certainement pas de la culture, que je souhaite perçante. ce qui je crois peut se faire par un rappel du corps, un rappel à la vie du corps (un corps qui ne soit pas « photographié », comme disait Alain) et qui soit désarrimé, désappareillé de ses nouveaux gadgets. enfin, je blablate et tu sais tout ça.
mais j’ai ajouté un 😉 à la fin du titre : cultivons ensemble notre autisme 😉
alors, deal ? j’en change, de titre, mais vous m’en trouvez un autre, à cet article : https://disparates.org/escapades/cultivons-ensemble-notre-autisme/
—————————————————————————————————————————–adoucissant
De la part de Alain Gentes
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 15:25
Objet :Re: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme
Véro,
J’aime bien pourtant ton titre, son style provocateur.
Peut-être l’adoucir en mettant autisme entre guillemets ( pour dire qu’on y touche en fin d’analyse, avec le Yadl’Un, pas sans lien à l’Autre), peut-être aussi remplacer ensemble par » à plusieurs » pour éviter l’ambiance groupe de » ensemble ». Mais c’est moins beau que ta formule!
Peut-être seulement les guillemets!
Al
Envoyé de mon iPhone
—————————————————————————————————————————–vérité
De la part de Mariana Alba de Luna
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 15:29
À : Escapades Culturelles
Objet :RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme
Véronique,
Les Uns de la fin de l’analyse sont pour moi justement des Uns qui sont sans Autre, qui résonnent avec la destitution de l’Autre comme idéal, adresse et causalité de tout.
Des Uns qui surgissent après avoir passé par un « L’Autre n’existe pas », qui est si difficile d’accepter, lâchant la jouissance que cela implique de toujours être en prise à son ravage.
Ces Uns, ne renvoient plus à L’Autre mais à notre propre responsabilité d’exister.
Donc je ne partage pas ce : « L’Un pas sans l’Autre » qui n’est pas de tout la même chose que « se passer du père à la condition de s’en servir ».
Mais ton expression « se passer de l’Autre à la condition d’en connaître un bout de son Un » racine de son être et choix subjectif, mais paraît intéressante.
Les Uns, le père, autisme, on mélange tout là.
On ne se désappareille pas des bouts de la langue auxquels le corps a été attaché, on desserre le lien, on le subvertit, on lui fait faire une torsion, voilà pour moi l’opération de la fin, ces Uns qui on entend autrement et que nous choisissons d’extraire, encore autrement.
C’est une question complexe, en effet. J’avance sur ce chemin, les Uns qui sont des restes, des lettres asséchées à presque rien et qui ne renvoyant plus à autre chose, ni à l’Autre mais à ma propre existence, jouissance et désir face à l’impossible. Chemin assez solitaire, difficile mais certainement pas autistique et pas d’ensemble face à ça.
Je ne souhaite pas cultiver mon autisme, mais plutôt mes tomates au soleil.
Mariana
—————————————————————————————————————————–anorganisme
De la part de Guy M.
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 16:38
Objet :RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme
je trouve que l’expression « cultivons ensemble notre autisme » décrit
parfaitement bien l’expérience internet
on n’y est jamais « ensemble » et on multiplie les outils pour ne pas l’être
mais surtout pour se donner l’illusion d’un rapprochement, une pseudo
présence forcée techniquement,
vaine, puisqu’il n’y a pas de corps
ou le corps sans organes comme disaient les duettistes D&G, mais à propos
de la radio je crois
là on n’a même pas la voix, c’est muet
ça communique mais il n’y a personne
je ne suis pas avec vous sur twitter
je ne suis pas avec vous sur facebook
je ne suis avec vous sur le blog
je ne suis pas avec vous sur cette liste de discussion
quand j’écris je suis avant vous, les uns après les autres et jamais
ensemble non plus ce pseudo vous
quand je lis je suis après vous
mais jamais « là »
Votre,
Guy.
—————————————————————————————————————————–privation
El 19 janv. 2012, a las 17:18, Véronique Müller escribió:
catherine me propose d’enlever « ensemble » 😉
mais je crois que je vais plutôt laisser tomber, c’était juste un clin d’œil, prenons comme une private joke escapCult. c’est bien que mariana ait réagi.
enfin, je peux pas le faire maintenant parce que j’ai plus d’accès à mon internet sur mon pc.
—————————————————————————————————————————–moi&moi
De la part de Véronique Müller
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 17:19
Objet : RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme
Véronique,
- Mariana,
Les Uns de la fin de l’analyse sont pour moi justement des Uns qui sont sans Autre, qui résonnent avec la destitution de l’Autre comme idéal, adresse et causalité de tout.
Des Uns qui surgissent après avoir passé par un « L’Autre n’existe pas », qui est si difficile d’accepter, lâchant la jouissance que cela implique de toujours être en prise à son ravage.
Ces Uns, ne renvoient plus à L’Autre mais à notre propre responsabilité d’exister.
- OUI. j’essayais de dire aussi quelque chose du désir. mais ça n’est pas clair encore.
Donc je ne partage pas ce : « L’Un pas sans l’Autre » qui n’est pas de tout la même chose que « se passer du père à la condition de s’en servir ».
Mais ton expression « se passer de l’Autre à la condition d’en connaître un bout de son Un » racine de son être et choix subjectif, mais parâit intéressante.
- mon expression est insuffisante.
Les Uns, le père, autisme, on mélange tout là.
- non, je ne pense pas. moi-même j’ai parlé d’autisme, à cause de l’autisme de la jouissance, du réel. L’un, c’est ce qu’il y a, c’est l’impossible du père. L’un est sans Autre, sans le père. L’un est holophrastique. Il est répétition du même. Ses reflets, ses doubles dans le signifiant sont repérables, et multiples. Mais l’un est sans double. Il ne s’agit ici que de quelque chose que j’essaie de dire. Je pense que ce qui est à traquer, ce sont les faux-doubles du Un.
(je dis ceci en pensant à mon « muller et muller », dont j’avais parlé ici autrefois, ce rêve, dont je me réveille en sursaut, horrifiée « muller et muller ! mon nom, celui de mon père ! mais c’est le même ! c’est l’holophrase ! comment séparer le même du même ? » ce que j’essaie de formuler ici, c’est un dit de ma mère, épelant notre nom « M – U – double L – E – R ». Comment j’ai été marquée par ce « double L ». Ce double est une invention de l’Autre. Qui m’a portée à manger les choses en double, à craindre de doubler, à craindre d’être en double, à me percevoir, me jouer comme étant l’enjeu de deux hommes – et si ces deux n’étaient pas ? qu’étais-je moi ? que restait-il ? rien, rien, rien, comme si j’étais hors du compte… plus tard, à poursuivre Miller de mes assiduités : lui : M . I . double L . E . R. Moi : M . ü (double points) . double L . E .R.) (mais la séparation de l’un et de l’autre éclaire l’existence. )
On ne se désappareille pas des bouts de la langue auxquels le corps a été attaché, on desserre le lien, on le subvertit, on lui fait faire une torsion, voilà pour moi l’opération de la fin, ces Uns qui on entend autrement et que nous choisissons d’extraire, encore autrement.
C’est une question complexe, en effet. J’avance sur ce chemin, les Uns qui sont des restes, des lettres asséchées à presque rien et qui ne renvoyant plus à autre chose, ni à l’Autre mais à ma propre existence, jouissance et désir face à l’impossible. Chemin assez solitaire, difficile mais certainement pas autistique et pas d’ensemble face à ça.
- Oui, c’est ça que je voulais dire. Il s’agit d’extraction, de séparation. Et alors, l’existence.
Je ne souhaite pas cultiver mon autisme, mais plutôt mes tomates au soleil.
- essentiel 😉
Mariana
- oui
(j’ai oublié d’aller chercher mon fils à l’école !!)
—————————————————————————————————————————–LoL
De la part de mariana alba de luna
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 19:53
Objet :Re: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme
Magnifico ! Je te dirais plus tard ce q cela m’évoque.
Dans ce redoublement que tu choisit pour fixer ta jouissance dans la nomination, dans ces LL , il y a aussi peut être à entendre une recherche pour cerner ton : ELLE.
Zut, faut pas q n’oublie de faire diner mes vampiritos !
Mariana
Enviado desde mi iPhone
[affaire à suivre…]
pourquoi PLATONOV mais et remarque sur les tarifs
skalpaldeurs, skalpadées, skalpaldatrices,
PLATONOV MAIS…
23 mars > 15 avril 2012
d’après Platonov d’Anton Tchekhov
adaptation et mise en scène Alexis Armengol (Théâtre à cru)
avec Stéphane Gasc, Céline Langlois, Alexandre Le Nours, Édith Mérieau, Christophe Rodomisto, Laurent Seron-Keller, Camille Trophème
Aviez-vous remarqué, saviez-vous que c’est 10€ sur la 1ère semaine des représentations et 14€ pour « À deux c’est mieux ! « (soit 28€ au lieu de 40€ pour 2 personnes)
Et pourriez-vous me dire ce qui a motivé votre choix de cette pièce, l’auteur ? le sujet ? le metteur en scène ? les acteurs ?
Je n’ai jamais pensé vous poser cette question auparavant,
à plus,
amour simple et éternel,
moi
Être Autre à elle-même… par Carolina Koretzky
Psychanalyse et Cinéma
Vendredi 27 janvier 2012
Séance de 20 h 30
ECF 1, rue Huysmans, Paris 6e
Mon commentaire va être bref. Il va se centrer autour d’un signifiant que ce film m’a tout de suite évoqué : l’altérité. Ce film pose au spectateur la question suivante : quelles sont les voies pour atteindre (ou pas) une altérité dans le rapport entre les sexes ? Quel type de partenaire est le personnage féminin dans ce film ?
Une réponse inédite
Le film commence par le ratage du couple, aussi nous ne savons pas grand chose sur les deux ans qu’ils ont passés ensemble. Plus précisément, le réalisateur place notre regard au moment de vacillement du couple : où il commence à regarder d’autres femmes, où ce regard toujours là devient, à un moment donné, un insupportable pour elle. En tout cas, See-Hee produit, au sein du couple qu’elle forme avec Ji-Woo, une réponse jusqu’alors inédite.
See-Hee construit une réponse face au désir qu’elle devine chez son partenaire : « Il veut du nouveau. » Elle va donc décider d’incarner, dans le réel, cet objet « corps nouveau » qui comblerait, à ses yeux, le désir de cet homme. Dès la première scène d’intimité entre eux, nous assistons aux prolégomènes de ce qui sera son passage à l’acte chirurgical. Face à la détumescence de l’organe masculin chez son partenaire, elle lui demande de penser qu’il couche avec une autre femme. Ça le fait jouir. Ainsi : il regarde des femmes, elle les met au lit.
L’homme relais, la femme Autre
See-Hee voudra désormais être une Autre pour lui. Devenir une Autre nous rapproche de la problématique de l’être dans la position féminine et évoque cette célèbre citation de Lacan : « L’altérité du sexe se dénature de cette aliénation. [Aliénation à l’Autre, explique Lacan quelques lignes auparavant.] L’homme sert ici de relais pour que la femme devienne cet Autre pour elle-même, comme elle l’est pour lui. » (( Lacan J., « Propos directifs pour un Congrès sur la sexualité féminine », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 732. )) Phrase assez curieuse où l’homme est qualifié de relais et la femme d’Autre pour lui et pour elle-même. Par le biais de l’homme, la femme retrouve une duplicité en elle-même : d’une part, une jouissance phallique, et d’autre part, elle rencontre une jouissance qui relève d’une autre dimension. À partir de là, quelle est la variante que le sujet hystérique introduit ? Au lieu d’interroger l’Autre, l’altérité comme telle, en prenant l’homme comme relais, elle va convoquer, dans ce point, une Autre femme.
Une économie de la parole
Arrivée à ce stade de la réflexion, je ne suis pas sûre que le personnage féminin du film mette en place une solution hystérique. Certes, elle va interroger l’altérité en sacrifiant ce qui lui est le plus cher : son compagnon. Elle va tout risquer, elle est prête à tout, elle disparaît pendant six mois afin d’être tout pour lui. Mais être une Autre femme passera par une transformation, dans le réel, de son visage. See-Hee le paie très cher par la suite : elle se sent trahie par l’Autre qu’elle est devenue. Elle devient son propre piège dans une course à l’infini, course qui est évoquée par cet escalier qui accueille les amants mais qui monte au ciel vers l’infini.
La réponse de See-Hee est d’une modernité absolue, car nous voyons bien que, dans son cas, le recours à la science fait une totale économie de la parole. Elle pense qu’elle n’aura plus à se demander : Que veut-il ? Qu’est-ce qu’il veut quand il regarde une Autre ? Où est son désir ? Que suis-je pour lui ? Qu’est-ce que l’Autre aurait de si agalmatique ? C’est une solution qui vise l’altérité, mais qui court-circuite les avatars propres au questionnement sur le désir de l’Autre.
Est-ce peut-être celui-ci le trait absolument contemporain du film ? Je le pense. Il est présent à plus d’un titre. À cette incapacité de communiquer s’ajoute l’immersion du spectateur dans un monde impersonnel : appartements ultra-minimalistes, où la seule trace singulière ce sont les quelques photos exposées, des personnages sans métier, sans histoire, sans passé et sans famille. Définitivement, dans ce film le spectateur est immergé dans un monde où le symbolique fait défaut : les lieux et les liens y sont touchés.
Vers l’infini et au-delà… par Charles-Henri Crochet
Psychanalyse et Cinéma
Vendredi 27 janvier 2012
Séance de 20 h 30
ECF 1, rue Huysmans, Paris 6e
Avec le temps, See-Hee considère que Ji-Woo montre des signes de désamour. Deux ans après leur première rencontre, tout dans le comportement de Ji-Woo lui indique qu’il se lasse. Le temps donne le la à l’amour. Il s’agit moins de la routine du quotidien, ils ne partagent d’ailleurs pas le même appartement, que de la mise à l’épreuve du désir par le temps qui passe. Le temps sonne le glas du désir. Pour See-Hee l’objet qu’elle incarne, se doit d’être renouvelé pour combler le désir de l’Autre. « Désolée d’avoir toujours la même tête. » s’excuse-t-elle en se voilant la face d’un drap. Érodé par le temps, l’objet perd de sa brillance phallique. Ceci est partagé par les amis de Ji-Woo. Du corps d’une femme, avoue l’un d’entre eux, « On en a marre. Ça n’veut pas dire qu’il n’y a plus d’amour. Ça veut dire qu’on a envie d’autre chose. »
Le temps ne fait plus symptôme
Les photographies et les sculptures, omniprésentes dans la vie des personnages, rappellent le temps qui s’écoule tout en suspendant son vol. Les oeuvres figent ce que l’inéluctable de la course du temps affecte. Elles sont là pour répéter à l’infini les scènes d’un amour immobile que le temps ne saurait que corrompre.
Le temps est aussi bien comptable de la perte de l’aimé, qu’un test pour éprouver l’amant au cours de la disparition de See-Hee. Le reconquérir constamment au risque de le perdre signifie pour See-Hee se faire Autre en devenant Say-Hee. Transmutation de celle qui voit [see] en celle qui dit [say].
Quant à Ji-Woo, c’est le temps du lent travail de deuil qui le plonge dans une grande solitude intérieure faite de nostalgie, de désolation et de désespoir. Il rencontre ensuite un réel inassimilable, l’insoutenable transformation de See-Hee. Et enfin, après sa propre opération, le temps de l’impossible retour s’enkyste. La présence dans l’absence, sa (( Miller J.-A., « Une fantaisie », Mental, 2005, Paris, NLS, n° 15, p. 19. )) présence impossible, le précipite vers la mort.
Le temps responsable de l’usure d’un couple, le temps qui émousse l’amour, c’est là une thématique on ne peut plus classique. Mais ici, le temps prend un autre rythme. Il est entraîné par la cadence effrénée de notre société contemporaine scandée par le discours du maître moderne. Le discours capitaliste instaure un rapport à l’objet qui ne peut que se consumer afin d’être sans cesse renouvelé. Seul l’attrait de la nouveauté marque cette série d’objets métonymiques. Ce renouvellement infini permet de tenir en éveil le désir.
L’idéal féminin de See-Hee est du côté de la nouveauté, collant ainsi au discours capitalise qui enjoint le consommateur à la répétition. Elle se fait elle-même objet de consommation.
Modelant son corps dans une course folle contre le temps, elle devient pur produit de consommation. On voit ici combien les modes du lien social et la régulation des jouissances sont subvertis. Il ne s’agit plus de faire consister le non-rapport entre les sexes par les voies de l’insatisfaction mais par le labyrinthe de l’impossible. Le temps ne fait plus symptôme.
Le temps est un réel
Le temps est un réel auquel See-Hee se cogne. Un impossible. Le désir n’est mesurable qu’à l’aune du temps 1 de la première rencontre. See-Hee se fait objet du désir d’un homme mais l’Autre ne lui répond plus, plus comme avant. Angoisse proustienne, s’il en est, où le sens de leur rapport est prisonnier de la première fois. Ça a marché mais ça ne tourne plus rond. La voilà confrontée à une bascule, un ratage particulier qui n’est autre que le ratage généralisé, propre à tous les êtres parlants et c’est pour elle insupportable. Il lui suffit alors de réinventer cette première rencontre pour devenir Autre, pour ranimer le désir de l’Autre afin qu’il soit tout à elle. Cette Autre elle-même est accessible par la chirurgie. Elle s’y emploie comme un coréen sur dix. Véritable «psychothérapie chirurgicale» (( www.chirurgien-esthetique-plastique-paris.fr )) prônée par le corps médical.
Dans un premier temps, See-Hee confectionne elle-même son image à l’aide d’éléments hétéroclites à la Frankenstein découpés dans les magazines. Le choix du nouveau visage qu’elle veut incarner colle aux canons contemporains de la beauté. Et c’est, presque sans mot, qu’elle accède au billard de la salle d’opération. Le chirurgien sans mot dire, lui aussi, projette sur écran le réel insoutenable de l’opération, mais See-Hee ne cèdera pas. « Pour avoir un nouveau visage, je suis prête à tout ! » lance-t-elle.
Ce que femme veut, le maître contemporain le veut. Le chirurgien esthétique lui offre sur un plateau d’argent le rêve d’une beauté artificielle modelable à merci. Véritable deus ex machina, il ira avec elle jusqu’au bout. Aucune limite ne les arrête. Le client est roi. Il lui demande in fine : « Vous voulez que personne ne vous reconnaisse ? » Qu’à cela ne tienne, à chaque problème, nous dit le maître moderne, il y a une solution. C’est le miracle du bistouri ! Au frontispice de la clinique on peut d’ailleurs lire : « Vivez une autre vie. » Ici, la chirurgie est le moyen de changer d’identité, voire de disparaître. La marque du discours capitaliste rend anonyme.
Le temps du scalpel
See-Hee s’évertue à répondre au plus près à l’injonction du monde contemporain. Si Ji-Woo est en quête d’un nouvel objet de désir, alors, elle sera cette nouvelle femme. « La dictature du plus-de-jouir dévaste la nature, elle […] remanie le corps [ouvrant les portes à] une posthumanité. » constate Jacques-Alain Miller. (( Miller J.-A., Une fantaisie, Mental, 2005, Paris, NLS, n° 15, p. 19. )) Say-Hee offre à Ji-Woo un fauxsemblant de nouveauté. Elle se fait objet métonymique. Elle incarne la nouveauté renouvelable à l’envi. Et ça marche, puisque Ji-Woo peut en jouir. Mieux, ce qu’il éprouve lors de leur première relation sexuelle après la chirurgie est de l’ordre de la nouveauté. Il confie naïvement à Say-Hee : « C’était très différent, je n’avais jamais ressenti ça avant. »
Ce qui fait exister le rapport sexuel, c’est donc le bistouri. Ici, le symptôme ne pallie pas au rapport qu’il n’y a pas entre un homme et une femme. Le symptôme comme évènement de corps dans ce qu’il a de plus radical, ce que Lacan nomme sinthome (( Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005. )), scelle de manière indélébile la rencontre du langage sur le corps. Il supplée à l’impossible de formaliser dans un discours le rapport entre les sexes. Impossible écriture. Ce n’est qu’au titre du signifiant que l’être parlant se dit homme ou femme. Il n’y a donc ni harmonie, ni recette, ni même complémentarité. Le symptôme est la réponse signifiante dans le corps à la castration symbolique. Il est un mode de jouir du parlêtre avec son inconscient (( Lacan J., Le Séminaire, livre XXII, « RSI », leçon du 18 février 1975, inédit. )).
Ici, l’incidence indélébile sur le corps passe par le bistouri. On y traite le corps réel afin de suppléer au non rapport. La chirurgie plastique suture toute marque de castration. Elle la forclot à l’instar du discours capitaliste. Dans la modernité, le versant réel du corps occupe les devants de la scène. Le corps est traité comme un « meuble », (( Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, op. cit., p. 154. )) sans âme et sans limite.
L’imaginaire va alors coller à ce réel.
Peut-on dire que le visage est élevé au rang de mascarade ? See-Hee fait-elle usage de semblants ? Elle est le semblant, pourrait-on dire. Il n’y a rien à chercher derrière le masque. Elle fait de son visage un objet fétiche. Elle s’identifie à la cause du désir d’un homme jusqu’à se faire marchandise malléable. L’objet en soi ne compte pas, c’est sa qualité qui importe, nommée ici nouveauté. See-Hee se transforme en consommable.
Évidement, elle reste insatiable, jalouse de sa rivale qui n’est autre qu’elle-même. Elle entre en compétition avec son double. Elle joue double jeu en faisant revivre sa version antérieure. Joue-t-elle avec les semblants ? Non, les suites post-opératoires lui échappent.
Elle est confrontée à un impossible. Elle vacille au chevet de son amant endormi. Dans un moment de division subjective, elle s’avoue à elle-même : « Ça c’est déroulé comme je l’avais prévu. Et pourtant, est-ce que je suis heureuse ? La tristesse envahit mon coeur. J’ai l’impression qu’il va exploser. » Le temps poursuit sa course et, de fait, elle se trouve prise dans un engrenage sans fin.
Elle… Et lui ?
« Nous entrons dans la grande époque de la féminisation du monde » (( Miller J.-A., L’orientation lacanienne, «les us du laps» (1999-2000), enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de Paris VIII, leçon du 26 janvier 2000, inédit. )) note J.-A. Miller.
Elle est ici à l’oeuvre, entraînant avec elle sa part de ravage. Le passage à l’Autre jouissance libéré de la prégnance du signifiant phallique fait vaciller Ji-Hoo. D’un côté, l’incommensurable de la jouissance féminine pousse See-Hee vers le ravage. Elle l’emporte dans une volonté de jouissance débridée, sans fard, pour enfin faire sombrer Say-Hee dans l’anonymat. De l’autre, elle entraîne Ji-Hoo vers l’au-delà de ses limites.
L’homme ne peut pas suivre. Il s’y essaie, mais il en meurt, incapable de se représenter à elle. Il est allé trop loin.
Est-ce capadecapable ?
quel nom pour quel visage
Hé oui, « l’habitude de ces fugues était prise… Si une semaine s’écoulait sans escapade, on le voyait s’ennuyer, dépérir et fureter dans le logis pour trouver une issue ».
Ce week-end, ce fut une escapade autour des visages : Le film coréen présenté à la soirée « Cinéma et psychanalyse » ciblait une femme qui s’est « dévisagée » pour renouveler le désir de son homme. Voyant qu’il regardait d’autres femmes et que sa libido était un peu fatiguée (tu en as marre de moi? disait-t’elle), elle s’est « fait l’objet du désir de l’homme », non dans le semblant, mais dans le réel, en passant par la chirurgie esthétique. Pourtant, disait le chirurgien, vous ne pourrez pas être plus belle, vous l’êtes déjà. Elle croit réussir, en le séduisant incognito avec son nouveau visage, après six mois d’absence, mais ce succès s’avère un échec et elle est « triste à exploser »; il aime encore celle qu’il croit avoir perdue, ce qui ranime en elle une jalousie absurde. Devant l’impossible à supporter de ce réel qu’il finit par découvrir, il tente de la suivre dans cet au-delà, cet illimité féminin, et va voir le chirurgien, lui aussi. Cela se termine très mal, puisqu’il ne pourra jamais plus se présenter à elle et préférera mourir: Il ne peut être « Autre à lui-même ». Il devient méconnaissable, elle aussi d’ailleurs. « On ne pourra plus jamais vous reconnaître », dit le chirurgien qu’elle retourne voir une seconde fois, comme si cela pouvait effacer l’horreur de son premier acte. Voila un peu ce que j’en ai retenu.
Le lendemain, ce fut grâce l’exposition photo de Gisèle Freund, qu’il devenait possible de mettre des visages sous des noms, et reconnaître Gide, Malraux, Cocteau, Sartre, Marie Bonaparte, Zweig et…. Joyce. La démarche m’a parue inverse de la veille: retour au symbolique, reconnaissance qui s’opposait bien à la méconnaissance.
Notre discussion après, autour d’un verre, fut magique.
Enfin, aujourd’hui, petit « rattrapage » Baselitz, en solo, avec, du coup une émotion face aux visages jaunes et en creux des « femmes de Dresde », et la monumentale « femme outremer ».
Je te passe la plume pour l’escapade des deux semaines prochaines où je ne pourrais venir, Alain?
Bises à tous,
Catherine
Illus:
- Une image de la fin du film de Kim Ki-Duc
- André Gide sous le masque de Leopardi, Gisele Freund, Paris 1939
- Georg Baselitz, Le labyrinthe des plaintes des femmes de Dresde
La Tétralogie d’Euripide
Chers compagnes et compagnons d’escapades,
J’ai essayé pour vous l’intégrale de la Tétralogie d’Euripide au Théâtre de Châtillon mise en scène par Christian Esnay.
La Tétralogie se compose de quatre pièces (Hécube ; Hélène ; Oreste et Le Cyclope) qui traitent des retours de la guerre de Troie.
Nous y retrouvons les principaux acteurs mythiques de la guerre de Troie qui ont conduit la ville à sa perte.
Les quatre pièces sont de facture différente, cela va de la tragédie pure (Hécube) à la comédie (Le Cyclope) en passant par la tragicomédie (Hélène et Oreste).
Ce qui m’a le plus enthousiasmé dans cette mise en scène de Christian Esnay c’est d’avoir su tirer du texte des plus antique qui soit (selon les canons du théâtre grec avec la place des chœurs) une interprétation revisitée par un jeu d’acteur moderne qui intègre la fonction du chœur an cœur même de l’action scénique ce qui m’a donné l’impression de mieux saisir ce que pouvait vivre un spectateur du temps d’Euripide à l’écoute du chœur. La fonction du chœur a été très actualisée en faisant usage de séquences musicales (accordéon) et de chants aux rythmes d’aujourd’hui (rapp ou hiphop).
On ne s’ennuie pas du tout même après plus de six heures de spectacle en tout.
Vous pouvez encore vous y rendre puisqu’il y a des représentations jusqu’au 5 février. Vous serez vraiment impressionnés par cette mise en scène et ces chœurs revisités avec les outils scéniques d’aujourd’hui.
Bien à vous.
José Rambeau
A dangerous method, débat au cinéma du Panthéon, réponses à quelques questions
DISCUSSION AUTOUR DU FILM : A DANGEROUS METHOD, David Cronenberg (2011)
Mercredi 1er février à 20h, Cinéma du Panthéon, 13 rue Victor Cousin, Paris V
Projection suivie d’un débat animé par Geneviève Morel (psychanalyste). En partenariat avec l’ALEPH (Association pour l’Etude de la Psychanalyse et de son Histoire).
Débat intéressant, très sérieusement préparé. L’intervenante avait lu tout ce qu’on pouvait lire sur la question, ou presque. Je crois avoir obtenu quelques éclaircissements sur des points qui nous étaient restés obscurs.
1- Réponse à ta question, Véronique, sur le jeu de la comédienne :
Il y a là un certain anachronisme. Son interprétation est fondée, en effet, sur les documents que l’on a sur les leçons de Charcot – lesquelles avaient eu lieu quelques vingt ans avant. Déjà, à l’époque, les hystériques avaient évolué et ne faisaient plus de « grandes crises » comme celle qui nous est montrée. En revoyant le film, j’ai trouvé moi-même que cette scène passait moins bien. Réalisateur et comédienne en font un peu trop…
2- Quant à la scène finale qui, pour Malik, ne passe vraiment pas :
La pièce originale de Christopher Hampton, dont la construction est assez différente, est coupée en deux par la scène extrêmement violente de la mort de Sabina, fusillée par les nazis. Le scénariste aurait choisi de reporter cette violence à la fin et lui aurait cherché un équivalent dans le rêve de Jung, ce qui produit une sorte de télescopage temporel. Rêve authentique mais pas vraiment prémonitoire, puisqu’il l’a fait pendant la première guerre mondiale et qu’il semble ici se rapporter aux événements de la deuxième.
3- Géraldine, à propos de cette phrase qui t’a tellement frappée (nous resterons toujours des juifs, gardons-nous des aryens) : elle se trouve dans une lettre de Freud à Sabina, dont les termes seraient encore plus violents. Pour G. Morel, et ça ma paraît assez convainquant, ce ne serait pas la position personnelle de Freud mais une interprétation analytique qu’il lui fait : il serait temps qu’elle arrête de délirer sur son blond Siegfried et qu’elle s’aperçoive que cette histoire est vouée à l’échec. Siegfried, c’était aussi le thème de son mémoire, dont on la voit discuter avec Jung, et qui est bien sûr très intriqué avec ce qu’elle vit alors : Wagner, « L’or du Rhin », le génie qui ne pourrait naître que d’une transgression, la pulsion de destruction annonçant la pulsion de mort (ce dont Freud lui rend hommage).
4- Les scènes sado-masochistes ne sont attestées par aucun document. Elles peuvent être liées à la problématique de Cronenberg lui-même. Mais n’en sont pas moins vraies, car elles montrent par un procédé fictionnel comment Jung entre dans le fantasme de Sabina (« Un enfant est battu »), comme il était entré dans celui d’Otto Gross, personnage en effet très réussi. En somme, il se laisse toujours faire par ses patients.
5- Je persiste à trouver Freud un peu caricaturé, même si, comme vous l’avez tous souligné, le film rend parfaitement justice à sa position éthique. Il est très pontifiant, où est passé son humour ? Michael Fassbender me paraît bien meilleur, surtout si on a présente à l’esprit sa prestation récente et si différente dans « Shame ». Alors j’avoue que, surtout la première fois, je me suis laissée emporter par le personnage de Jung, si bien rendu, si conforme à l’archétype du jeune psychiatre aryen – même si on sait à quel point l’homme était fou (cf. son autobiographie, « Ma vie ».) Les subtilités de ses conversations avec Freud, qui synthétisent leurs divergences, m’apparaissent mieux maintenant.
6- Quant à tes autres remarques, Malik, sur le côté trop lisse du film, etc., je suis hélas bien incompétente. Quelqu’un dans la salle a remarqué qu’il fumait beaucoup de cigares mais qu’il n’y avait pas trace de fumée ! Est-ce que ça rejoint ta critique ? C’est compliqué, le cinéma. Beaucoup plus que le théâtre, je trouve. Pour une fois que je me montrais bon public… Les critiques exigeants nous font avancer. Merci à toi.
PS. Je suis affreusement déçue par le film de Chantal Akerman, « La folie Almayer« . Tu as quelque chose à en dire ?
Dominique.
ennuyeux, mike kelley has died
De la part de Guy M.
Objet : [escapadesculturelles] ennuyeux
http://www.galleristny.com/2012/02/mike-kelley-has-died/
__._,_.___
De la part de véronique müller
Objet :[escapadesculturelles] ennuyeux, mike kelley has died
tu te souviens, en 2004, de cette exposition que nous avions vue, de lui, MIKE KELLEY
et nous avions même ramené une des photocopies qui parsemaient le sol, et je l’avais ensuite donnée à annick, en lui disant tiens j’ai un mike kelley à te donner, et quand même elle avait été un peu déçue…
De la part de Guy M.
Objet : [escapadesculturelles] ennuyeux, mike kelley has died
Oui bien sûr
j’avais vu aussi son expo au whitney museum en ’93, ‘catholic tastes’ le
catalogue est très bien
et surtout j’ai le t-shirt!
http://books.google.com/books?id=_NXdfW9kpokC&pg=PA77&lpg=PA77&dq=Hi+my+name+is+if+I+am+lost+take+me+to+the+clock+tower&source=bl&ots=rqe-5GiX7c&sig=iabiKiX2IFhgl9s70MP7RCl3yhw&hl=en&sa=X&ei=XpsqT_-rOI-G-wbw-cSuDg&ved=0CB8Q6AEwAA
qui est en haut de la page 77 (si vous arrivez à accéder à la page…)
Hi my name is
_____________
if I am lost
take me to
the clock tower
je suppose que j’ai écris quelque chose là dessus à l’époque
à l’époque j’écrivais des trucs
et je m’intéressais à l’art
c’est aussi pour ça, là:
http://punkmusic.about.com/od/punkinthenews/a/Rip-Mike-Kelley-1954-2012.htm
que c’est triste
Votre,
Guy.
PS/ je crois qu’on a vu aussi une expo à bruxelles il y a un an, il
fallait se mettre à quatre pattes dans des tuyaux de plus en plus petits,
hein
De la part de Guy M.
Objet : [escapadesculturelles] ennuyeux
Un homme de culture
c’est trop triste
Votre,
Guy.
__._,_.___
De la part de véronique müller
Objet :[escapadesculturelles] ennuyeux, mike kelley has died
ah, oui, “Educational Complex Onwards” au Wiels, en 2008, avec Jules, c’est vrai, je me souviens aussi.
je dois avoir une sorte d’affiche quelque part,
De la part de Guy M.
Objet : [escapadesculturelles] ennuyeux
l’article dans liberation aujourd’hui est completement stupide avec ces
histoires de « trash » qui ne veulent rien dire
néanmoins ça m’a fait revenir ce à quoi je pensais en 93 au sortir de
catholic tastes, je résume:
mike kelley (ici un exemple parmi d’autres)
http://www.initialaccess.co.uk/exh/42/8/unholy-truths/mike-kelley
annette messager
http://www.shift.jp.org/en/archives/2008/09/annette_messager_exhibition.html
(c’est aussi un exemple)
utilisation des peluches
ce serait à discuter
si je n’avais pas
http://homme-moderne.org/musique/carnet2/?p=3836
un ami mort
Votre,
Guy.
l’anti-dépresseur du gai-savoir…
Bonjour à tous,
Comme Mariana, en solo j’ai rattrapé mon retard de l’escapade « Mathématiques, un dépaysement soudain » à la fondation Cartier.
Quelle surprise et quel bonheur de rencontrer ces mathématiciens pétillants et joyeux de nous transmettre leur gai-savoir.
Je retrouvais mes yeux d’enfants à observer ces formes géométriques de toutes les couleurs qui se déroulent dans un écran en creux, et j’ai eu un échange très drôle avec une des femmes présentes pour nous guider qui nous expliquait ces sortes de robots « implantés » dans un espace pour étudier la naissance du langage. Ce sont des tiges informatisées que David Lynch a « habillées » avec les têtes d’un de ses films, faites de 3 creux, 2 yeux et une bouche en forme de 0 pourrait-on dire. En aparté, la présentatrice me disait son trouble qu’on leur ait mis des visages et son étonnement quand, pour parler de « ça », on dise « elles » – ce serait devenu des femmes ??? On a bien ri !
Et le soir j’allais écouter, entre autres, Cinzia Crozali sur la dépression, qui mettait l’accent sur l’anti-dépresseur trouvé par Lacan du côté du « gai-savoir », la boucle était bouclée !
Je reviens le 22 février à Paris pour une réunion de bureau des PF, une escapade vers 16h30/17h vous tenterait ? sinon j’ai plein de retard à rattraper lol
Bises,
Isabelle
~
des robots implantés dans un espace pour « étudier la naissance du langage » dis-tu !!!!
et tu pourrais nous en dire plus ????
vrm
~
Ce sont des tiges qui sont implantées dans un espace, des tiges informatisées et leur logiciel est d’entrer en interaction l’une avec l’autre et avec le public qui bouge devant « elles ». Je n’ai pas tout compris mais quand elles sont d’accord sur un terme elles lèvent la tête et quand elles ne sont pas d’accord elles la baissent, elles se cherchent et elles fabriquent des sons, des sonorités, parfois il y a des mots et derrière sur un écran, une arborescence se dessine petit à petit. J’ai trouvé ça très poétique, et très drôle aussi d’imaginer des êtres féminins en train de palabrer… mais s’il y a quelqu’un qui a une explication plus scientifique, elle sera la bienvenue
Bon week end d’escapade.. ou pas
Isabelle
walter benjamin meurt à port-bou
Anselm Kiefer, Dein aschenes Haar, Sülamith.
PORT-BOU – ALLEMAND ?
Déjouque la cagoule magique,
le casque d’acier.
Nibelungs
de gauche, Nibelungs
de droite:
nettoyé, rhincé, purifié,
déchet.
Benjamin
vous non-dit, à jamais,
il oui-dit.
Ce genre d’éternité, aussi
sous les espèces du B~ Bauhaus :
non.
Pas de Trop tard,
un secret
Ouvert.
Paul Celan
Les « Nibelungs de gauche» désignent un collectif: les étudiants « antifascistes» de 1968 qui élurent Benjamin comme leader spirituel tout en se présentant eux-mêmes en victimes de leurs pères. Comme Benjamin, Celan «dit non» pour « dire oui» : non à « ce genre d’éternité », non à toute éternité héroïco-transhistorique, non aussi à sa purification moderniste, non au fonctionnalisme ésotérique du Bauhaus. Celan met en parallèle l’isolement croissant de Benjamin et le sien, son propre sentiment de marginalisation parmi des gauchistes qu’il soupçonne, à tort ou à raison, d’être restés fidèles à l’appel des Nibelungs sous la cagoule magique d’un philo sémitisme ressentimental. Il les met dans le même sac que les « Nibelungs de droite », les nationalistes de « l’Allemagne secrète» critiqués par Benjamin, s’approprie l’adjectif « secret» et pose un « secret Ouvert» utopique, en lieu et place de la topique nationaliste. Quant à l’adjectif qualificatif « allemand », il est éjecté vers le titre, séparé par un trait de Port-Bou, la localité dans les Pyrénées espagnoles où Benjamin, poursuivi par la Gestapo, ne voyant plus d’issue, s’est donné la mort en 1940. L’évocation de Port-Bou place l’ensemble du poème sous l’angle du suicide et de la tombe de Benjamin en terre espagnole, sous l’angle du rétrécissement ultime de sa biographie dans l’impasse de l’histoire. Port-Bou serait-il allemand? La question du titre débouche sur un « secret Ouvert». Ouvert serait-il la « petite porte étroite» par laquelle, selon Benjamin, le monde en ruines pouvait encore trouver une issue? On ne le saura pas. À 1′instar du philosophe, Celan conserve le missing link qui ouvre le dialogue avec le lecteur.
Andrea Lauterwein, Anselm Kiefer et la poésie de Paul Celan, Editions du regard, pp. 63, 64
RE: « Je ne commente pas l’histoire, je suis une partie de l’histoire. »
Merci Géraldine!
Coup sur coup, ta rencontre singulière et aventureuse avec ce peintre sculpteur, ses formes et ses couleurs si incisives et ton commentaire historicisé de Baselitz. J’ai surtout relevé cette référence au « Dieu obscur », qui pourrait dangereusement prendre la place de l’objet cause du désir et devenir insidieusement « Désir de l’Autre », menant à tous les sacrifices et à toutes les destructions sous l’égide de la pulsion de mort … sauf pour celui qui soutient décidément le Désir de l’analyste, serrant un objet qui ne serait plus un objet de sacrifice, mais un objet vivant, au-delà du bien, des biens, et du discours commun.
Merci et bise à toi
catherine
Baselitz à propos de Modèle pour une sculpture
Chers tous, Nou en particulier,
Je tombe, en faisant un peu de rangement, sur ce vieux numéro d’Art Press datant du moment de l’ouverture de l’exposition Baselitz. Dans son interview Baselitz revient sur Modèle pour une sculpture et s’en explique de la façon suivante :
« Le point de départ a été la Biennale de Venise [de 1980], où Anselm Kiefer et moi avions été sélectionnés pour occuper le pavillon allemand. Ce pavillon a toujours été critiqué car il s’agit d’un bâtiment fasciste, construit pendant la période fasciste et déjà utilisé en tant que pavillon par les fascistes. Celui-ci a accueilli avant moi de nombreuses expositions de sculpteurs. Le pavillon ne se prête pas à la peinture. Je n’avais pas encore réalisé de sculptures. Aussi trouvais-je les sculptures conçues par mes collègues sans intérêt. Je me suis dit qu’il fallait faire autre chose. « À cette époque, il y a avait une sorte de compétition entre les peintres, quelque peu déconsidérés, et les conceptuels, ces « gauchistes » qui projettent des programmes artistiques sans jamais les exécuter. Et puis il y avait la sculpture. J’ai bien entendu été témoin de la « réduction » sculpturale. Flavin, Andre et Judd et toutes ces choses m’étaient familières ( … ) On part du principe que les sculpteurs sont plus idiots que les peintres. C’est un préjugé. C’est aussi lié à la proximité et à la question de l’objet. Il est très difficile d’extraire une sculpture de sa condition d’objet. Qu’on le veuille ou non, Judd réalise des boîtes et Carl Andre du carrelage. Tandis que la peinture a une capacité d’abstraction. Elle peut être beaucoup moins précise, plus inventive dans ce qu’elle représente. On peut finalement tout représenter ou ne rien représenter. On peut peindre une toile blanche.
« Quand je me suis dit que j’allais réaliser une sculpture, j’ai été confronté à une difficulté dans la mesure où je peins tout à l’envers. Mon programme consiste à s’éloigner de toute forme de « figuration », de tout « environnement ». Je ne crois pas à la représentation de contenus. ( … ) J’ai commencé par travailler de la terre glaise et du plâtre. J’ai tout jeté. Puis j’ai sculpté du bois. Au début, c’était bâclé et j’ai fait en sorte que cela s’améliore. Puis la sculpture de Venise est née. Je l’ai appelée Modèle pour une sculpture. Un modèle est quelque chose d’inachevé. C’est une tentative. Le mot sous-entend la possibilité d’un renouvellement et d’une exécution ( … ) [Le résultat] a été vilipendé. Encore une fois pour des questions de contenu. Il y a eu un scandale. On a évoqué le salut hitlérien. Alors que je me référais à la sculpture africaine, à la sculpture Lobi [Burkina Faso], où l’on retrouve des gestes similaires. J’étais totalement innocent. Auparavant, de nombreuses personnes avaient vu la sculpture. Et aucune d’entre elles n’avait réagi de la sorte. ( … ) Dans la presse, on avait pour habitude de me représenter comme quelqu’un de contradictoire et d’agressif. Et cette image collait parfaitement avec Venise. Puis le fait d’avoir co-exposé avec Kiefer n’a pas arrangé les choses. Le tout était un peu prévisible. C’est toujours la même rengaine allemande. Quand on se fait insulter en Allemagne, on ne vous traite pas de salopard, mais de salopard nazi.
« Il y a des influences que l’on suit et d’autres que l’on écarte, auxquelles on s’oppose ( … ). Je me suis toujours confronté à l’art, en particulier à l’art allemand. J’ai toujours essayé de me comparer à d’autres. Le tout est lié aux informations dont on dispose. Après la guerre, en RDA, l’information était mince, mauvaise et univoque. Beaucoup de choses n’étaient pas visibles. Les bibliothèques avaient été vidées des livres déjà censurés par les nazis. Il n’y avait aucun livre sur Die Brücke, Paul Klee ou Kandinsky.
« À 16 ans, je suis tombé sur une brochure italienne sur le futurisme qui contenait des illustrations en noir et blanc. Une source incroyable d’information. Du jour au lendemain, vous tombez sur le futurisme. Comme un Africain j’étais confronté à quelque chose qui m’était totalement étranger. Les ponts entre l’art promu par les nazis et Picasso, l’abstraction et le futurisme étaient inexistants. Il fallait, à partir de cette information très mince, développer, quelque chose, et ce dans une méconnaissance presque totale de ce qui avait été conçu par les deux générations précédentes. Une fois étudiant à Berlin-Est, j’ai pu accéder à un peu plus d’information. Il y avait des revues tchèques et polonaises. La Pologne avait des liens avec la France. Les Polonais avaient le droit de voyager. L’art français était commenté dans les revues polonaises, à commencer par l’École de Paris. Puis j’ai pu avec un ami entreprendre un voyage à Berlin-Ouest. Nous sommes allés dans des librairies et avons volé des cartes postales de peintures qui nous intéressaient. Il ne faut pas oublier que le matériau en matière de publications était beaucoup plus réduit à l’époque. Il était maigre et en noir et blanc.
« Je me suis toujours intéressé à ce que font les autres. J’ai fait mes choix et tracé mon chemin. De manière intuitive. J’étais très réceptif à l’école. J’étais curieux. Je le suis aujourd’hui encore, même si c’est mon propre passé qui m’interpelle en premier lieu. ( … ) Quand j’ai commencé à concevoir mes sculptures [en 1979], je savais ce qui existait. J’avais vu de Kooning et Giacometti. Picasso et Matisse. Kirchner et Schmidt-Rottluff ( … ). Il y a constamment cette obligation de commencer à zéro. De mettre de côté ce qui est à votre disposition. Cela a toujours été mon problème principal. [À l’Ouest] mon professeur était «dépendant» de Hans Hartung. Il était abstrait, car l’abstraction représentait pour cette génération une libération incroyable, compte tenu de la merde qui existait auparavant. Par la suite, cette génération a voulu nous entraîner dans cette libération. J’ai tenté ainsi pendant un an et en bon étudiant de faire ce que Kandinsky ou Malevitch nous ont appris. Mais je ne suis pas un bon étudiant. L’art en Allemagne a toujours été lié à cette manie de vouloir tout savoir mieux que les autres (Besserwisserei). À l’Ouest, il fallait être un bon étudiant pour faire du bon art. Mon professeur m’a dit à l’époque que ce que je faisais était derrière nous. Anachronique. »
Extrait d’art press n°381, septembre 2011
Bien amicalement,
Véronique
triadisches ballet
Lignes de corde, avec Café & Psy
Ma plus belle escapade eut lieu hier soir, sur le Mont rouge, encordé à la compagnie Retouramont et à son extime du jour, Marie-Hélène Brousse.
Le froid a battu en retraite sous les coups francs des cordes, des marines comme des vocales, sous la beauté de leurs vibrations accouchant de mélodies (sur scène ) et de discours (sur l’Autre scène, le débat ).
Ce fut une divine et magique traversée du labyrinthe pour les uns, de la parole pour les autres, pour se perdre et s’y retrouver avec le masculin/féminin d’aujourd’hui.
D’abord ce qu’il n’y a pas de nouveau, entre un homme et une femme, qui s’est réitéré hier soir autant sur la scène préalable du quotidien que de la danse et du débat: de l’impossible, toujours là, qui se met en travers de La Rencontre. Le deux ne fera jamais un… à cause du trois, du zéro, ou de chaqu’Un si vous voulez.
Ma venue au théâtre en a porté la trace: celle qui devait m’accompagner n’est pas venue. Son billet n’est pas pour autant devenu un billet de trop, à revendre: il a trouvé son usage, marquer son absence comme compagne.
La venue de MHB n’a pas échappé à la contingence de l’impossible. Elle nous raconta sa traversée de Paris en Taxi. Ce fut une séance psychanalytique à l’envers: elle dut payer son trajet pendant lequel son chauffeur lui déversa ses déboires conjugaux. Trois femmes paranoïaques successives pour un seul homme dépressif: là, nous dit-elle, la formule du rapport sexuel commence à s’écrire, une paranoïaque fait couple avec un dépressif, pour cet homme.
Laissons nos inventions du quotidien pour se fondre dans celles du jeu de la danse. N’importe quel objet tombe dans la beauté avec un voile de mouvement, de lumière, de sons et de voix. Un spectacle à atmosphère lacanienne: court, épuré, topologique !
Freudienne aussi bien: vaste Fort-Da entre deux corps sculptés par des cordes qu’hypnotise, à distance et à plusieurs langues, une chanteuse-musicienne.
L’impossible du rapport s’acte par la présence de la corde de chacun, qui noue et dénoue dans le même temps la rencontre entre les deux corps: sublime. Le spectateur ne peut alors que créer en lui l’amour et le souffler vers la scène pour qu’enfin ait lieu le rêve d’y être !
Passons à ce qu’il y a de nouveau dans le masculin/féminin d’aujourd’hui. Il apparaît dans la pièce chorégraphique avec de l’ancien, la figure du minotaure, mi homme-mi bête, que MHB traduit dans notre actualité par la moindre distinction entre homme et femme, moindre distinction qui complexifie et multiplie les possibilités des liens d’amour: un homosexuel homme peut aussi bien aimer une femme, etc. Les combinaisons d’amour et de lien sont plus diversifiées. L’impossible du rapport n’en disparaît pas pour autant. Il en apparaît que plus.
Donc, belle, très belle même cette soirée de danse, danse avec les corps et la parole.
Grand merci à José pour cette merveilleuse réalisation.
Ultime impression: je ne suis pas sûr que la beauté puisse exister en dehors du champ de la solitude…
Alain
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Merci, Alain! de cette transmission que j’attendais impatiemment, n’ayant pas pu y être. Je note bien le « nouveau » dans le masculin/féminin noté par MH Brousse de la « moindre distinction », qui est un peu l’envers de ce que j’avais essayé de soutenir aux journées d’automne, à savoir que la question des hommes et des femmes et de leur différence est encore la seule à pouvoir soutenir du symbolique aujourd’hui.
Catherine
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Merci Alain pour tes commentaires sur la soirée et le Café Psychanalyse d’hier soir au Théâtre de Châtillon.
Cela n’était pas évident de faire un débat après un spectacle de danse (sans paroles). Marie-Hélène Brousse a su faire la coupure avec le spectacle et amorcer le débat sur le masculin/féminin en introduisant son anecdote clinique avec son chauffeur de taxi sur les démêlés conjugaux.
Chers compagnes et compagnons d’escapades vous pouvez déjà prendre date du prochain Café Psychanalyse qui aura pour thème « Jean Genet et la prison » avec pour invités Alain Merlet et Hervé Castanet. Il se tiendra le vendredi 13 avril 2912 à partir de 20h30 au Théâtre de Châtillon et ne sera pas précédé cette fois d’un spectacle. Une lecture de textes de Genet agrémentera le débat.
Je vous ferai parvenir l’affiche dès qu’elle sera composée.
Bien à vous.
José
après-coup d’escapades / Freund et Benjamin
Chers tous,
A propos de l’exposition « Gisèle Freund, L’œil frontière » à la Fondation Cartier, j’avais envie d’essayer de vous expliquer mes a priori. Aux photos que nous avons vues ensemble, c’est presque leurs noms, seuls, les noms de leurs illustres portraiturés qui fait pour moi (encore) obstacle. [i] Je préfère et de loin les photos d’anonymes.
L’aura idéalisant que ces portraits peuvent imposer, qui ne ressortit pas de la photographie même mais de ce que l’on sait de celui qui s’y trouve représenté, cet aura se dissiperait pour moi aujourd’hui (même s’il continue de faire obstacle à une juste appréciation de cette exposition). [ii] Quelque chose aurait chuté du côté de l’idéal… Chute qui ne se serait pas faite sans en passer par un moment, plus ou moins long, de rejet du « culturel » dans son ensemble.
Au moins aimerais-je n’avoir pas en passer par un nom pour apprécier une œuvre, aimerais-je que l’art se suffît à lui-même. Il va de soi que le fait que moi père ne se soit pas, lui, « fait un nom », rejaillit sur cette méfiance qui est la mienne vis-à-vis du nom.
Et j’aurais aimé profiter de vous pour mettre peut-être un peu au clair ce qu’il en est de cette méfiance vis-à-vis du nom.
oubli
Je vous l’ai déjà dit, à l’instar de Freud qui en souffrait également, les noms, je les oublie. J’oublie l’histoire aussi, celle avec un grand H, et la géographie. Chacun de ces oublis mérite probablement d’être examiné séparément ; à première vue, je noterai d’abord qu’ils ont ensemble cette capacité de rendre la conversation difficile (qu’on songe seulement aux trous que peuvent y faire ces noms de personne, de temps, de lieux quand ils viennent à manquer, c’est une vraie constellation qu’on voit bientôt apparaitre quand une conversation au contraire se doit d’être liée, smooth. La culture ne peut avoir de réticence avec ces trois types de noms.)[iii]
insignifiance
Ont-ils en commun d’être des signifiants plus particulièrement « insignifiants », c’est-à-dire valant trop purement comme signifiant, comme Un-signifiant pour l’inconscient qui, lui ni plus que moi, ne distingue l’heure ou le lieu, n’hésite à se jouer du nom des personnes, ne se soucie que du réel en jeu dans le lien à ce que ces signifiants recouvrent et d’avantage encore à la part de réel rapportée dans les lettres qui les composent. En tous cas, c’est par ce bout-là que le prend Freud quand on le voit s’intéresser à ses oublis, qu’il note comme étant des oublis de « noms d’auteur » (à NdP, créateur).
Qu’est-ce à dire que ces signifiants seraient plus « particulièrement insignifiants » que d’autres ? Que sont-ils ? Faute d’arriver à saisir quelque chose de plus fondamental sur leur nature, je retiendrai d’abord qu’ils participent de la fabrication de l’histoire. L’histoire faite de noms de personnes, vivant à des moments spécifiques dans le temps, dans des lieux spécifiques. « Gisèle Freund », née en « 1908 » à « Schöneberg », près de « Berlin », « Allemagne ». Et morte en « 2000 », devenue française par mariage, à « Paris ». De cet ordonnancement du réel par le symbolique, l’inconscient ne retient rien. Là, je le dis de façon trop assurée, mais essayons comme ça.
réel de l’inconscient
Au niveau de l’inconscient (que je dirais, ici, réel), comme nous nous le sommes par le passé déjà dit, l’ordinal – la succession, la suite – ne fonctionne pas. Un signifiant vaut en tant que Un et cet Un ne rentre dans aucun calcul. On est dans l’empilement. Hors-temps, hors-lieu, hors-nom(-du-père) où est-on ? Il y aurait un corps. L’entrée dans le temps et dans l’espace, dans le nom (mais ça résonne plus curieusement), la reconnaissance de cette (déjà) prise (réelle), ne se fait qu’à partir du moment où un « je » (pro-nom, à la place du nom) rentre dans la circulation de la parole, pur signifiant représentant, à un moment donné, et aucun autre, un signifiant auprès d’un autre signifiant, à cet endroit-là de la phrase, et nulle part ailleurs. Simple place, provisoire nom d’un manque, lié à cette prise inaliénable dans le temps et la mort, l’espace et la place que mon corps y occupe, le nom, propre, qui m’a été donné, imposé, et m’assigne comme trumain, être parlant, appartenant à la communauté humaine, schlagué de ce nom et aucun autre, évanescence, zéro. Ca serait ça, la castration.
D’où l’on peut déduire que la culture, l’histoire, suppose une certaine séparation, distance à cet inconscient (réel) où l’ordre qui prévaut est celui du ou des traumas (S1) (où il est d’après-coup). Cette séparation, ce vidage est-il possible ? Si oui, dans quelle condition ?
de l’Erlebnis à l’Erfahrung
Pour Walter Benjamin, que je redécouvre en ce moment, suite à cette autre exposition que nous avons été voir ensemble, au Musée d’Art et d’histoire du judaïsme, le trauma de la première guerre mondiale est ce qui a entraîné une certaine « perte de l’histoire », quand l’homme s’est vu manquer de la possibilité de dire, et la modernité est pour lui marquée de ce que l’Erlebnis, l’événement vécu, dans son immédiateté, l’instant, en est venu à remplacer l’expérience relatée (Erfahrung).
« Pour Benjamin, un trait marquant du monde moderne réside dans le remplacement de l’ ‘expérience ‘ (Erfahrung), la mémoire transmissible, par l’ ‘ expérience vécue’» (Erlebnis) fragmentaire et éphémère. La ‘ remémoration’» (Eigedenken), c’est-à-dire la réactivation du passé dans le présent, ‘ sa relique sécularisée’»[iv], a cessé d’être une pratique sociale spontanée et naturelle dont les modalités sont léguées d’une génération à l’autre. Dans son essai sur la figure du « conteur », consacré à l’œuvre de Nicolas Leskov, Benjamin indiquait dans la Première Guerre mondiale le moment décisif de dissolution de l’expérience transmissible. C’est lorsque les massacres technologiques de 14-18 avaient brisé les rythmes naturels de millions d’êtres humains, en plaçant leurs ‘ corps minuscules et fragile’ au milieu ‘d’un champ de forces traversé de tensions et d’explosions destructrices’, que les expériences antérieurement acquises apparaissaient inutiles et périmées. La remémoration nécessite désormais un déclencheur, une mèche.[v] »[vi]
rapprochement de l’inconscient
Quand auparavant un certain trauma, une rencontre avec un réel indicible, pouvait être relayé dans un canevas symbolique fort, détaché de la spécificité du trauma, mais lié à un trauma, à un réel plus impersonnel (celui d’un manque fondamental à écrire le réel du sexe, de la génération et de la mort, le fameux « Herr » qui manque à « Signorelli ») pris en charge la religion, ses rites et ses récits, son discours et ses lois, son adresse enfin à un Dieu, lui, toujours là, celui qui aujourd’hui se voit confronté à ce type de trauma se retrouve seul avec lui (et technique ou la science, son chiffrage). L’on voit que la perte de Dieu a pu participer à cette perte de l’histoire dont parle Benjamin, à un rapprochement de chacun à son inconscient, dont les méandres ne trouve plus de ressources extérieures à lui-même pour « s’ex-primer », le condamnant à jouer tout-seul. Benjamin lui, parle-t-il de la mort de Dieu ? Je ne le connais pas suffisamment, peut-être pas de cette façon. Il parle d’une culture qui selon lui n’a plus cours,[vii] dont il a été par ailleurs été gavé jusqu’à plus soif par son père, antiquaire, dont il veut faire table-rase, tandis qu’Adorno, curieux personnage qui ne manqua pas de cruauté dans l’ascendant qu’il prit sur lui (du fait d’une situation plus confortable, il travaillait aux États-Unis, et la bourse grâce à laquelle vivait Benjamin dépendait de ses bons-offices), mais pas non plus de lucidité, pense lui que Benjamin essaye de « mobiliser la force de l’expérience théologique, de façon anonyme, au sein du profane ».[viii] « Benjamin ne recherchait aucune transcendance, mais interprétait la littérature profane comme s’il s’agissait de textes sacrés et voulait préserver l’héritage théologique par les moyens d’une ‘profanation radicale’ »[ix].
Je peux donc préciser maintenant que ma méfiance vis-à-vis de l’exposition Cartier tient également à ce que je veuille délier la culture, l’art, de toute forme de « croyance » ou d’adoration – où culture, art, canon en viendraient remplacer la religion perdue (ce à quoi je le crois la culture se voit souvent réduite) (à préciser).
Or, mes propres oublis, mon absence de mémoire, ont-ils quelque chose à voir avec la perte de l’histoire dont parle Benjamin, liée aux avancées technologiques ayant ouvert le champ d’une guerre désormais sans fronts mais où bombes ou gaz semblaient devoir, pouvoir surgir de partout, et de nulle part ?
hystérie et revendication
J’ai longtemps voulu croire qu’il s’agissait chez moi d’une position hystérique consistant à laisser le savoir dans l’Autre de sorte qu’il existe, tant le savoir d’ailleurs que celui qui le détient (Sbarré à S1) . Au cours de l’analyse, avec le temps, cette position s’est modifiée, partant d’abord du constat d’une jouissance, jouissance à ne pas savoir, à se trouver à bricoler, jouer de ce manque, pour en venir à s’y attacher au point de vouloir le défendre, voire le revendiquer. Il ne s’agit plus non plus de garder une position silencieuse, mystérieuse, pour faire miroiter aux yeux de l’Autre la valeur d’un « inestimable trésor » (petit a), bien plutôt de trouver les mots qui ce manque le fassent résonner, rendent compte, au moins, de la justesse (le bonheur) que recèle un savoir qui n’est pas de l’Autre.
cartothèque et pâte feuilletée et lettre
Benjamin, de son côté, une fois reconnue par lui cette perte de l’histoire, cette séparation de la culture ancestrale, a voulu aller dans le sens de cette perte. N’a pas voulu la combattre. Il s’est alors agi pour lui d’écrire, écrire encore, au nom de la mémoire mais en sortant l’écriture de la linéarité, en l’ouvrant comme champ (qui n’est pas sans rappeler celui de son champ de bataille traumatisant) tridimensionnel, rhyzomatique, en l’étendant à l’espace graphique, la ramenant vers l’image, rapportant la lettre à son tracé, en travaillant à la façon de Mallarmé sa cartothèque, l’ensemble de ses fiches, qu’il trie, dispose et redispose, procédant par coupures, transferts, collages, assignation de sigles graphiques :
« La cartothèque apporte la conquête de l’écriture à trois dimensions, par là donc un surprenant contrepoint à la tridimensionnalité de l’écriture en sa forme originaire, runique ou nouée.»
Difficile de ne pas voir là une préfiguration de l’internet d’aujourd’hui, et c’est aussi parce que les mots de Benjamin sont encore écrits manuellement, dans un souci et une contrainte physique recherchée magnifiques de l’écriture et de sa matérialité, que j’étais tentée par cette exposition, nous, qu’internet encore, vaste de champs de lettres immatérielles et d’un format de plus en plus standardisé, ramène si souvent à l’écriture.
obsessionnalisation
Par ailleurs, mon analyse se prolongeant, le rapprochement de la pulsion, la chute des idéaux, un sentiment global de plus grande satisfaction, n’ont pas éliminé l’angoisse, et m’ont laissée très interrogative quant au désir. Ce que j’ai pris pour une sorte d’obsessionnalisation, assez invalidante dans la mesure où plus aucun choix n’est possible, ou tout semble valoir tout et rien ne valoir rien, et où la tentation du mesurage ou du calibrage à un objet scientifiquement correct se faisait de plus en plus forte, cette obsessionnalisation ne m’a pas davantage rapprochée du savoir que je désirais, pas tant un savoir universitaire qu’un savoir qui me permît de prendre part aux conversations du monde, sans plus avoir à en passer par les sauts d’obstacles au-dessus de trous. Non… le désir de savoir est resté chez moi… lié au désir. Tandis que le lien à mon fondamental trauma s’est resserré, mon désir de savoir ne s’est pas mis à tricoter une grande cape de signifiants qui en vienne à couvrir le manque du monde. Du désir de savoir il ne m’est resté que le désir.
Ce manque qui nous lie, comme le disait si joliment Catherine dans un bus qui nous ramenait d’escapade.
en guise de non-conclusion (bâclée)
Cependant que la question cruciale, et inhibante, de la valeur serait longtemps restée pendante, latente, inquiétante, tentante. Que vaux-je, que vaut l’art, que valent ces photos ? Que vaut mon père ? Or, la seule question que je vois à cette question pour le moment, c’est : Qu’est-ce que ça me fait ? Ou plutôt : quels mots pourrais-je mettre sur ce que ça me ferait ? Ce que ça me fait, je ne vois pas encore comment je puis faire autrement que de l’inventer, en m’agrippant à la moindre prise, signifiante, qu’un objet peut m’offrir, l’étirer, vous écrire. N’y aurait-il d’art que d’après-coup.
keski s’oublie dans ski s’entend ?
L’oubli du nom est le rappel de la lettre. Elle ne s’efface pas.
[i] Ce n’est pas un reproche que je puis opposer à la photographe, Gisèle Freund, qui explique dans le film qu’on a pu voir sur place qu’ elle n’avait jamais voulu faire de portraits que d’auteurs dont elle avait lu et apprécié l’œuvre, comment ça avait été une façon pour elle de se rapprocher d’eux, de les chercher encore, et comment elle ne pouvait s’empêcher de s’amuser gentiment de leur « vanité » à se faire tirer le portrait, de l’importance que ça pouvait avoir pour eux et de la façon dont aucun d’entre eux n’avait jamais aimé « sa » photo – celles des autres, « oh oui, magnifiques », mais la leur…
[ii] Par ailleurs, j’ai beau aimer un auteur, je n’éprouve pas le besoin de sa photo sur la jaquette de son livre. Au contraire, elle me dérange.
[iii] Ici, on pourrait bien sûr me rétorquer que j’ai seulement du mal à ne pas me trouver suffisamment « intelligente ». C’est vrai. Et que là où je vais chercher des explications liées à mon inconscient et à l’histoire du monde, il s’agit seulement d’un cerveau moins bien configuré qu’un autre, ou, si l’on est gentil, on dira, différent.
[iv] W. Benjamin, Charles Baudelaire, p. 239.
[v] W. Benjamin, « Le conteur. Réflexions sur l’œuvre de Nicolas Leskov », Œuvres, t. III, p. 116. Voir : http://dormirajamais.org/narrateur/
[vi] E. Traverso, « Adorno et Benjamin – Une correspondance à minuit dans le siècle », Revue Lignes n° 11, mai 2003, p. 64
[vii] « L’expérience, on savait exactement ce que c’était : toujours les anciens l’avaient apportée aux plus jeunes. […] Où tout cela est-il passé ? Trouve-t-on encore des gens capables de raconter une histoire ? Où les mourants prononcent-ils encore des paroles impérissables, qui se transmettent de génération en génération comme un anneau ancestral, [..] Qui chercherait à clouer le bec à la jeunesse en invoquant son expérience passée ? » W. Benjamin, « Expérience et pauvreté », Œuvre, t. II, Paris, Gallimard, 2000, p. 364-365.
[viii] Th. W. Adorno, « Portait de Walter Benjamin », SWB, p. 14, cité IN Lignes n°11, Op. cit., p. 71.
[ix] Lignes n°11, Ibid.
RE: après-coup d’escapades (Freund et Benjamin) – pardon / reflet, sonorité
Chère Véronique,
Je ne vois pas comment répondre à ton long texte et ses interrogations qu’en confiant cette phrase de mon analyste, alors que je remettais quasiment tout en question, face au coté vaniteux de l’objet et fatal de la vie, dévoilé en analyse: « Il y a des choses qui valent plus que d’autres ». j’ai été saisie par cette phrase parce que j’en étais en fait parfaitement d’accord, et m’y tiens depuis… mais en me demandant souvent ce qui vaut vraiment mieux entre ceci et cela, plus ou moins grave selon les cas. C’est une ligne de division subjective qui n’est plus seulement référée à l’objet qui fait jouir autistement, mais aussi à se qui se passe dans le monde dont la culture est peut-être un reflet.
bises
Catherine
¤
Brigitte
¤
Un pas de côté si tu veux, je connais cela un peu…, mais qui fait face au réel. Et ça, quelques soient nos origines ou nos amis, c’est pas facile.
cath
HEY ! Modern Art & Pop Culture – escapade du 22 février
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De la part de nouage http://sortir.telerama.fr/evenements/expos/hey-modern-art-pop-culture,51324.php
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De la part d’Isabelle : Je suis partante, le mercredi 22 février vers 16h30/17h ça vous irait ?
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De la part de eoik : on avait vu la première expo HEY, on avait été déçu. mais bon, guy me rappelle qu’il y avait tout de même des trucs très bien : Clovis Trouille, Robert Crumb, Robert Combas, Erró…
alors, à voir, peut-être bien
.
de la part de Guy Je crois que c’est l’expo qu’on a vu et qu’ils ont ajouté 25 oeuvres en janvier.
Ont ils retiré les mauvaises pour autant ? c’est à vérifier
Et, oui, je trouve qu’il y a des choses intéressantes dans cette expo mais l’esprit général est trop kitsch ou faux vintage si vous ne connaissez pas du tout ce style d’art ça reste intéressant.
sinon il va y avoir ça
et on ira sans doute
il faut dire que c’est à côté de chez nous
Votre,
Guy.
propositions diverses et variées
coucou les loulous,
. j’ai inscrit l’expo « HEY modern art et pop culture », halles saint pierre sur le calendrier d’escapades au 22 février (mais nous on sera pas là, on est à lacampagne).
. j’ai envie de passer une après-midi à l’exposition VideoVintage, 1963-1983, à poumpoumpidou, là, http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/AllExpositions/FE07E5DC35D11D8DC125795F0036FC90?OpenDocument&sessionM=2.2.1&L=1
Parmi les 1 400 bandes vidéo de la collection Nouveaux Médias du Centre Pompidou, la sélection proposée d’une cinquantaine d’oeuvres dévoile toute l’histoire de ce médium. Des performances privilégiant l’auto-filmage montrent Marina Abramovic et Ulay, Mona Hatoum, Dan Graham, Paul McCarthy, Bruce Nauman, ou encore Gina Pane et Nil Yalter. Une deuxième section de l’exposition est consacrée aux bandes créées dans le contexte des laboratoires de télévision. Certaines se font critiques à l’égard de ce moyen de diffusion, de Jean-Luc Godard à Nam June Paik, de Les Levine ou Robert Filliou à Bill Viola ou encore Bob Wilson. Sont ensuite diffusées des oeuvres plus conceptuelles, dans le contexte muséal de l’époque de leur création, de Joseph Beuys à Dennis Oppenheim, de Lawrence Weiner à Thierry Kuntzel. C’est une cinquantaine d’artistes qui sont ainsi présentés, issus de parcours esthétiques divers, de cultures variées et de contextes géopolitiques élargis, sur quatre continents, du Brésil aux États-Unis et au Canada, de l’Europe au Japon.
. et puis aussi passer aux 104, http://www.exponaute.com/expositions/4448-in_perceptions/, voir cette exposition/install, In_perceptions, avec ann-veronica janssens,
. et puis aussi, il y a un conférence le 20 févier à la fondation cartier qui a l’air bien dans le cadre de leurs Nuits de l’incertitude, #4 l’aléatoire :
Avec Jean-Michel Alberola, Nicole El Karoui et Andrei Ujica
Les aléas de la finance n’ont rien à envier au mouvement des grains de pollen à la surface de l’eau (mouvement brownien). Le tremblé de la main de l’artiste ou de la caméra, n’est-il pas le jeu dans les rouages, nécessaire au fonctionnement des machines et condition du libre-arbitre ? http://fondation.cartier.com/fr/art-contemporain/59/soirees-nomades-rendez-vous/202/les-nuits-de-l-incertitude/214/4-aleatoire
. et puis aussi, je vous informe que vous pouvez acheter un BOLTANSKI (pas cher, msieur) (dix euros par mois pendant un an, et on accède ainsi à dix vidéos d’une minute chacune), là : http://www.exponaute.com/magazine/2012/02/15/boltanski-a-tout-prix/ après on reçoit un certificat d’authenticité (ha ha, ha ha)
. et puis aussi je voudrais aller voir l’exposition Topology à la Tate Modern, voir : http://www.facebook.com/pages/Topology-at-Tate-Modern/178168012271725 (mais ça sera tout en anglais)
voilà, je pars demain et reviens le jeudi 23,
je vous aime toujours bien,
bonnes vacances à tous,
véronique
escapades aux pays du soleil levant
– DES TRADITIONS À LEUR ENVERS –
Je voudrais vous faire part des impressions et réflexions que m’ont inspirées mes deux dernières escapades au cœur de deux cultures extrême-orientales : le Japon d’une part avec le spectacle des Tambours japonais de Kodo dirigés par Tamasaburo Bando sous le titre « Dadan » auquel j’ai assisté à la dernière (à plusieurs !) au Théâtre du Châtelet le samedi 18 février et la Chine d’autre part avec l’exposition de l’architecte et photographe Ai Weiwei intitulée « Entrelacs » que j’ai visitée (à deux !) au Jeu de Paume en son jour d’inauguration le 21 février.
J’aimerais vous faire partager le contraste flagrant auquel j’ai été sensible qui a émané de ces deux événements culturels vécus à trois jours d’écart. Autant les percussionnistes de Kodo avec leurs multiples tambours et grosses caisses m’ont semblé transmettre à la perfection des traditions séculaires qui se perpétuent depuis quarante ans dans « la lointaine île de Sado, en mer du Japon » même si celles-ci ont été revisitées par une chorégraphie moderne dirigée par Tamasaburo Bando ; autant les photographies et les blogs de Ai Weiwei m’ont laissé dans un certain malaise à montrer l’arasement de la culture chinoise traditionnelle réputée pour être plusieurs fois millénaire et ce au nom de la mondialisation et du profit financier à tout crin.
Autant les tambours de Kodo ont fait battre mon cœur d’occidental (il faut noter qu’en langue japonaise « kodo » signifie « battement de cœur »), autant les clichés de Ai Weiwei m’ont déprimé à constater les ravages perpétués sur les villages ancestraux pour laisser la place aux buildings « made in monde », aux « Down Town » standardisés, banalisés où scintillent les lettres des grands financeurs.
Le spectacle « Dadan » était impressionnant de maîtrise de cet art des percussions aux sonorités inimaginables associé à une chorégraphie très physique voire sculpturale. Une pure beauté qui a été fort applaudie. J’ai eu le sentiment très étrange mais en même temps très rassurant d’avoir traversé toute l’histoire de l’humanité jusqu’à l’origine primitive de la communion humaine par la découverte de la musique. Il m’a semblé évident que les percussions ont été les premiers outils de la sublimation du caractère animal dont étaient encore empreints les primates (je vous renvoie aux premières scènes du film de Stanley Kubrick 2001 L’Odyssée de l’espace !) Je me suis senti très proche de mes ancêtres du Neandertal. Quoi de plus troublant et réjouissant que cette chaîne humaine que les tambours de Kodo perpétuent !
La mise en images de la Chine nouvelle par Ai Weiwei m’est apparue plutôt de l’ordre d’une coupure radicale entre la tradition et l’individualisme outrancier. Les doigts d’honneur perpétués par l’artiste jusqu’à plus soif (sous couvert de ce qu’il nomme une « perspective ») devant les représentations de la diversité des cultures du monde (Paris, Venise, Rome, Berlin, New-York…) finissent par donner la nausée tant la dérision et la position de déchet sont à leur comble. Comme si ces doigts d’honneur pointaient l’arasement de la différence pour privilégier le « tous pareils ! » N’est-ce pas tout bonnement ce qui se profile à notre horizon prochain ?
Mais fort heureusement il y a encore des percussionnistes pour nous savoir encore des sujets doués d’humanité.
Bien à vous.
José Rambeau (le 22 février 2012)
le bon chinois ( + pointes de B. Abbott)
Merci cher José Rambeau, ton article m’a très fort intéressée et un peu fait frémir. je n’ai pas pu venir écouter les tambours, mais irai voir Ai Weiwei, avec ce que tu as dit, comme rappel d’ humanité.
Catherine
//
Ai Weiwei, c’est bien. Mais Berenice Abbott, c’est NEW YORK !
D
//
Eh eh, je crois que Ai Weiwei malgré tous les efforts qu’il fait en ce sens ne pourra – effectivement – jamais être américain.
Reste t’il chinois ? En tous cas, urbi et orbi il est adoubé comme notre « bon » chinois, ce qui revient à dire qu’il peut être aussi bien un « bon » occidental, avec son petit côté exotique qu’on retrouve de par le monde dans chaque Hilton hôtel. L’art contemporain (ou dois je dire « l’industrie du luxe » ?) aime la couleur locale, les produits du terroir, du moment qu’ils aient vocation à s’industrialiser ou se décliner en accessoires un peu moins cher mais bénéficiant de la marque (l’aura ?)
La détestation pour la Chine actuellement n’a d’égal que la détestation pour la Russie.
Ai Weiwei est utilisé comme une arme de cette détestation, du coup je n’ai pas d’opinion sur son art, il est partout, du coup je ne veux plus le voir
Vôtre,
Guy.
Expressionismus & Expressionismià la Pinacothèque
Berlin-Munich 1905-1920. Der Blaue Reiter vs Brücke
La Pinacothèque de Paris présentera du 13 octobre 2011 au 11 mars 2012 une étude inédite de l’Expressionnisme allemand. Ce mouvement pictural sera envisagé à travers la confrontation de ses deux courants fondateurs, Der Blaue Reiter et Brücke.
Le titre Expressionismus & Expressionismi fait référence à l’importante exposition sur le Futurisme, intitulée Futurismo & Futurismi, qui a eu lieu à Venise en 1986. Ce néologisme permettait de montrer la diversité des mouvements constituant le Futurisme italien. De la même façon, Expressionismus & Expressionismi illustre la diversité des origines de l’Expressionnisme allemand, qui, souvent perçu comme monolithique est pourtant composé de deux approches diamétralement opposées.
Brücke est un groupe d’artistes fondé à Dresde en 1905 et installé à Berlin à partir de 1908. Les fondateurs, Ernst Ludwig Kirchner, Emil Nolde et Karl Schmidt-Rottluff privilégiaient une création émotionnelle, tournée vers les sensations et les perceptions de l’artiste. Ces peintres allaient exprimer leur rapport instinctif à une époque de décadence pangermanique dont ils furent les témoins impuissants et malheureux.
Der Blaue Reiter se constitua quant à lui autour d’artistes et de philosophes qui développèrent une approche théorique, voire spirituelle, de l’œuvre d’art. Héritier du concept germanique «d’œuvre d’art totale», ce mouvement purement intellectuel, qui s’est formé à Munich en 1911 à l’initiative de Wassily Kandinsky et Franz Marc, conçoit la création idéale comme un équilibre harmonieux entre les disciplines.
L’exposition présentera, autour de cent cinquante œuvres environ, ces deux courants distincts mais représentatifs de l’Expressionnisme allemand. Toujours dans son esprit de dialogue entre les arts, la Pinacothèque de Paris invite les visiteurs à découvrir les nuances essentielles et antagonistes en confrontant les artistes et les œuvres.
MATISSE – paires et séries
BONJOUR
NOUVELLE PROPOSITION D’ESCAPADE : A NE PAS MANQUER
Je l’ai publiée sur la page FB:
07/03/2012 > 18/06/2012
Brigitte LEHMANN
ai weiwei – « cet homme a quelque chose à dire et le dira »
Alain , Je crois que c’est de Jean-Luc dont tu parles non ?
J’étais avec lui et Vanessa à Ai Weiwei , j’en ai écrit un petit texte :
Nous sommes allés aussi voir Ai Weiwei, avec Vanessa et Jean-Luc. C’était mercredi dernier et il m’en reste une forte « impression » , dans le sens ou cela a fait impression pour moi et qu’il en reste quelque chose de très présent encore aujourd’hui, ce qui n’est quand même pas courant une semaine après une expo …
Des photos, des photos, des images fixes ou qui défilent sur des écrans, des photos de gens en Chine qui inscrivent la vie quotidienne en noir et blanc, des autoportraits aussi, sur plusieurs décennies où l’on voit Ai Weiwei changer : jeune avec cheveux, sans cheveux, habillé, nu, mince, avec un ventre proéminent … le regard toujours énigmatique. Ces photos semblent asexuées, on n’est pas dans l’érotisme des corps, plutôt dans une sorte de quête on pourrait presque dire « d’identité », mais plutôt comme une phrase qui dirait : « Vous voyez!!«
Des photos couleurs en plus grand format, photos de destruction, beaucoup de terrains vagues, d’espaces vides ou presque, avec ce message d’éphémère, comme ce bâtiment qu’on lui a commandé et qu’il a mis 2 ans à construire et qui la veille de l’inauguration a été détruit en une nuit. C’était juste une façon de l’occuper, de l’avoir à l’œil pour les autorités … Il a quand même participé à la construction du stade olympique de Pékin, avant ? après ? …
Ce qui m’impressionne c’est ce désir décidé, Ai Weiwei a quelque chose à dire et il ne cesse pas de la dire, en photo. Ses photos sont comme une écriture pour moi, ce qui ne cesse pas de s’écrire ??
2 ans à fabriquer des graines de tournesol en céramique, de chercher la terre au moulage à la cuisson, à la peinture de chaque graine pour en faire un parterre de flowers. Des centaines de personnes embauchées pour travailler à ça ! Ou faire venir 1000 chinois à New York pour les photographier, passer des heures, des jours, des mois à chaque ambassade pour obtenir un passeport, un visa …
Photos de FUCK enfin, doigt d’honneur devant tous les monuments ou FUCK écrit sur des têtes avec une tondeuse. 3 photos monumentales qui se suivent où on voit Ai Weiwei lâcher un vase Ming 1 : il tient le vase. 2 : il le lâche. 3 : la vase s’écrase par terre. Point final .
Une impression encore de chercher le passé, des photos de son père à l’hôpital, de maisons de son grand père … et FUCK la mémoire aussi, paradoxe ou message de l’éphémère ou de l’inutilité …
Ça me laisse cette sensation de ne pas répondre à mes questions d’un « Que voï ? » mais cet homme a quelque chose à dire et le dira. Malgré ses emprisonnements, et ses passages à tabac qui le laisse avec une hémorragie cérébrale, il est vivant. C’est une leçon d’un « ne pas céder sur son désir » .
Isabelle
—- Message d’origine —-
De : « Gentes »
À : « Escapades Culturelles »
Objet : [escapadesculturelles] Impromptu .
Date : 28/02/2012 15:43:25 CET
J’interromps un bel échange sur FB avec Jean-Paul (Pradels), aussi banal que précieux, autour de ses sculptures, avec VerO et Ley, pour vous faire part d’une idée qui m’a traversé : la fin d’une psychanalyse ouvre à l’art, ça ne se démontre pas, ça s’acte.
Allez donc tourbillonner dans l’atelier de JLP, autour de ses créatures sans oublier the Artist.
Alain
Envoyé de mon iPhone
De l’art et de la fin de l’analyse // à propos de l’erreur de créon
j’essaie de relire le séminaire 7, y retrouver l’entre-deux-morts et la beauté.
ce passage, entre autres, que je veux vous résumer ici, me semble pouvoir être rattaché à ce que raynaud nous relate de son expérience:
[ voir Jacques Lacan, L’éthique de la psychanalyse, p.301 – 304]
quelle est l’erreur de créon ? de vouloir imposer sa loi du « bien de tous » pour tous et pour tout, sans tolérer d’exception (pour tout x phi de x | il n’existe pas de x tel que non phi de x).
ça ne peut avoir lieu sans excès, car il empiète alors dans le domaine du non-écrit, des lois non-écrites, le champ de dieux (ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire), que nous ne connaissons plus, qui a été balayé par le christianisme.
ce qui nous intéresse, c’est ce qui nous reste de ce champ des dieux, ce que nous en avons fait, dont il ne nous reste qu’une limite.
cette limite, c’est celle de la seconde mort.
sade essaie de « traquer la nature dans le principe de sa puissance formatrice, réglant les alternances de la corruption et de la génération ».
pour échapper aux lois de la nature, la libérer de ses chaînes, il faut aller jusqu’au crime, parce que le crime n’appartient pas à l’ordre naturel, n’est pas naturel. ainsi pourra-t-on la forcer, forcer la nature, à partir de rien. lacan utilise ici le terme de créationnisme, et ajoute : « Les frontières du à partir de rien, du ex-nihilo, c’est là vous ai-je dit dans les premiers pas de notre propos de cette année, que se tient nécessairement une pensée qui veut être rigoureusement athée. »
« pensée sadique se tient dans cette limite »
fantasme d’une souffrance éternelle –> eh bien la région d’outrepasse, de sortie des lois naturelles où se tiennent « les jeux de la douleur », les jeux de la souffrance éternelle, est la « même région que celle où s’ébattent les phénomènes de l’esthétique, un certain espace libre. »
« victimes sont toujours parées, non seulement de toutes les beautés, mais de la grâce même, qui en est la fleur dernière. Comment expliquer cette nécessité, si ce n’est d’abord qu’il nous faut la retrouver cachée, toujours imminente, de quelque côté que nous abordions le phénomène, de côté de l’exposition émouvante de la victime ou du côté aussi bien de toute beauté trop exposée, trop bien produite, qui laisse l’homme interdit devant l’image derrière elle profilée de ce qui la menace. Mais de quoi ? – car ce n’est pas de l’anéantissement. »
burlesque
Bonjour
Je tombe par hasard sur ceci
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/03/09/la-culture-plus-on-la-consomme-plus-on-a-envie-d-en-consommer_1655773_3246.html
Le genre d’article qui me donne envie de balancer une brique dans mon pc
« ou simplement être plus productif au travail grâce au plaisir que vous avez ressenti. En bref, vous serez un meilleur citoyen et cela va profiter à la société. »
Quelle horreur
Quelle honte
Votre,
Guy.
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Je préfère :
La culture / C’est comme le riz / D’abord c’est dur / Ensuite c’est cuit…
(in « – je peux / – oui« , d’ Yves-Noël Genod).
Dominique.
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Eh bien oui, cher Guy, si le capitalisme investit dans la culture ce n’est pas pour nos beaux yeux! Il sait sur quel bouton appuyer pour nous faire jouir et produire comme il veut. Il sait même perfectionner cela en s’appuyant sur Freud ( la sublimation, qui a des effets thérapeutiques), sur Marx ( la plus-value) et maintenant sur Lacan ( le plus-de-jouir). On appelle cela du détournement, de l’exploitation du bien de l’autre.
À nous d’y résister de la bonne manière, à ce pousse-à-jouir sans fin d’objets standardisés venant du marché.
Et la seule résistance qui vaille, c’est ce qui fait référence pour chacun: son petit a ! Ce n’est que par lui qu’on peut faire solidement objection à la standardisation de la jouissance.
L’usage de la culture pour l’obtention d’objets humains équilibrés en vue d’une meilleure exploitation de leur force de travail est vieux comme le monde: bien nourrir ses esclaves! Certaines entreprises offrent aujourd’hui gratuitement des séances de psychothérapie à ses salariés. Le système s’est perfectionné en passant de l’esclavage au salariat, via » la servitude volontaire » ( cf La Boetie )
À ce titre-là, je serais toujours plutôt Loup que Chien ( cf le Loup et le Chien, fable de Jean de la Fontaine), Plus Lobito (lol)que chiot.
Soyons arteurs de nos vies!
Al
Envoyé de mon iPhone
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Bonjour
Oui, sans doute!
Bon je relisais ça ce matin:
192
La consommation spectaculaire qui conserve l’ancienne culture congelée, y compris la répétition récupérée de ses manifestations négatives, devient ouvertement dans son secteur culturel ce qu’elle est implicitement dans sa totalité : la communication de l’incommunicable. La destruction extrême du langage peut s’y trouver platement reconnue comme une valeur positive officielle, car il s’agit d’afficher une réconciliation avec l’état dominant des choses, dans lequel toute communication est joyeusement proclamée absente. La vérité critique de cette destruction en tant que vie réelle de la poésie et de l’art modernes est évidemment cachée, car le spectacle, qui a la fonction de faire oublier l’histoire dans la culture, applique dans la pseudo-nouveauté de ses moyens modernistes la stratégie même qui le constitue en profondeur. Ainsi peut se donner pour nouvelle une école de néo-littérature, qui simplement admet qu’elle contemple l’écrit pour lui-même. Par ailleurs, à côté de la simple proclamation de la beauté suffisante de la dissolution du communicable, la tendance la plus moderne de la culture spectaculaire — et la plus liée à la pratique répressive de l’organisation générale de la société — cherche à recomposer, par des « travaux d’ensemble », un milieu néo-artistique complexe à partir des éléments décomposés ; notamment dans les recherches d’intégration des débris artistiques ou d’hybrides esthético-techniques dans l’urbanisme.
Ceci est la traduction, sur le plan de la pseudo-culture spectaculaire, de ce projet général du capitalisme développé qui vise à ressaisir le travailleur parcellaire comme « personnalité bien intégrée au groupe », tendance décrite par les récents sociologues américains (Riesman, Whyte, etc.). C’est partout le même projet d’une restructuration sans communauté.
http://dumauvaiscote.pagesperso-orange.fr/la_societe_du_spectacle/societespectacle.htm
Bonne journée
Guy.
« La culture, plus on la consomme, plus on a envie d’en consommer »
Françoise Benhamou, spécialiste de l’économie de la culture | LEMONDE.FR | 09.03.12 | 18h19 • Mis à jour le 09.03.12 | 19h17
Françoise Benhamou est l’une des spécialistes mondiales de l’économie de la culture. Pour Le Monde.fr, elle revient en détails sur les différents concepts économiques évoqués dans la parabole des Tuileries.
Lors d’une intervention en octobre 2010 à Savigny-sur-Orge (Essonne), Nicolas Sarkozy a dit : « Quand on va au théâtre ou au concert étant jeune, on y va toute sa vie. Quand on créé l’habitude, quand on a créé le désir, on le décline sa vie durant. » Est-ce là une remarque qu’un économiste pourrait reprendre à son compte ?
Tout à fait. Quand les économistes ont commencé à réfléchir sur les consommations culturelles, ils ont fait le parallèle avec la drogue. On n’assouvit pas son désir d’héroïne en la consommant. Au contraire, le désir ne fait qu’augmenter à chaque dose. C’est à peu près la même chose avec la culture : plus on la consomme, plus on aime ça, et plus on a envie d’en consommer. En économie, on dit que l’utilité marginale de l’héroïne, comme celle des biens culturels, est croissante. Mais, de la même façon qu’il faut prendre une première dose d’héroïne pour avoir envie d’en prendre une seconde, il faut recevoir une première « dose » de culture pour, peu à peu, y prendre goût. C’est en partie ce qui justifie l’investissement public dans l’éducation culturelle : l’État cherche à créer chez les citoyens les moyens de développer leur goût pour la culture.
Dans les ouvrages spécialisés, on lit souvent que la consommation de biens culturels génère des « externalités positives » qui justifient les subventions publiques. Qu’entendent par là les économistes ?
L’idée d’externalité positive est assez simple. Prenons l’exemple du théâtre. Lorsque vous allez voir une pièce, vous en retirez une certaine satisfaction, qu’on appelle aussi utilité. Mettons qu’elle soit égale à 100. Les économistes expliquent que l’utilité totale créée par le fait que vous alliez au théâtre est en réalité supérieure à 100. Pourquoi ? Parce que vous allez peut-être parler de cette pièce avec des collègues, ou simplement être plus productif au travail grâce au plaisir que vous avez ressenti. En bref, vous serez un meilleur citoyen et cela va profiter à la société. Cet effet supplémentaire de votre consommation est une externalité positive. Mais en tant que consommateur, vous n’êtes prêt à payer que pour votre propre satisfaction, et non en fonction de la satisfaction que vous apportez à la collectivité. Il revient donc à l’État de subventionner la différence entre l’une et l’autre. Dans le cas contraire, le marché qui, laissé libre, ne peut subvenir qu’à la somme des demandes individuelles, produira moins de pièces de théâtre que ce dont la société a besoin.
Beaucoup d’études économiques justifient l’investissement culturel par l’idée que celui-ci a un effet multiplicateur, c’est à dire qu’il génère des retombées économiques supérieures aux sommes investies. Que pensez-vous de cet argument?
L’effet multiplicateur de l’investissement culturel existe, mais il est souvent grossi, caricaturé et instrumentalisé, en particulier par des porteurs de projets : ils cherchent un financement, et s’adressent aux collectivités territoriales en arguant des retombées économiques de leur projet. Le plus souvent, les retombées sont surtout qualitatives. Personne ne remettra en cause, par exemple, que le musée Guggenheim de Bilbao a donné une excellente image à la ville. Mais ces aspects qualitatifs étant difficiles à mesurer, il arrive que le côté quantitatif soit volontairement exagéré.
L’investissement culturel ne produit donc pas nécessairement que des effets positifs.
Il peut même avoir des effets décevants ou ambivalents. Prenons l’exemple de villes italiennes muséifiées, telles que Rome ou Lucca. Les investissements massifs qui ont servi à les mettre en valeur ont certes profité aux visiteurs – qui peuvent à présent marcher dans des rues interdites à la circulation automobile –, ainsi qu’aux commerçants locaux. Mais ils ont aussi entraîné une hausse systématique des prix. Les populations moins fortunées ont dû quitter les centres villes pour habiter en périphérie, dans de grands ensembles souvent construits à la hâte. Les banlieues se sont enlaidies, et la qualité de vie de leurs habitants s’est dégradée. Donc, ce qu’on a fait de positif pour ces villes, on l’a en quelque sorte fait payer à leurs contours.Propos recueillis par David Castello-Lopes
extraction et continu
chère catherine et chère isabelle,
catherine d’abord : à propos de la séparation de l’objet, cela m’est revenu ce matin au réveil, j’avais envoyé un texte sur escapades – celui qui traitait du « n’importe quoi » -, où pour illustrer ce qui me semblait témoigner d’un nouveau tour pris par l’histoire de l’art, j’avais parlé du tableau de Manet, « L’asperge », où l’on voit une asperge sur le bord d’une table :
« or, en ce temps-là, il y a eu moment où c’était fait (Manet, l’asperge), l’asperge était extraite.
évidemment, ça se serait fait sur le bord de la table, au bord du vide, mais il y avait le cadre il y avait le nom il y avait la signature, eût-elle été pâteuse, parachèvement_
(d’éthique: d’un rendre compte de l’objet, sans se confondre avec lui, en s’en séparant) »
j’ai oublié de mentionner ça, samedi.
je vous avait dit (d’un point de vue historique) : à la renaissance, naissance de la perspective : apparition du sujet au point d’infini de la perspective (H. Damisch) et traité d’Alberti à la « fenêtre du tableau » : l’istoria : l’écriture, dans le cadre du tableau, du fantasme (cf. gérard waczman…)
je vous avais mentionné le livre de françois wahl : le discours du tableau
et puis, thierry de duve, Dieu est mort : avancée du « n’importe quoi » (Courbet, ses Casseurs de pierre, plus tard, de façon d’autant plus exemplaire : Duchamp). « n’importe quoi » que je dis de la pulsion (donc de l’objet) , temps donc, de l’extraction de l’objet, de la séparation, de la présentation.
et puis, Isabelle, à la suite de ça, ce passage sur l’extraction de l’objet, j’écrivais également :
« Tandis que nous, c’est comme si de cette extraction, on ne sortait pas, on ne sortait plus.
Et si le signifiant a fonction de porte (il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée), cette fonction, qui délimite un dedans et un dehors, n’est plus très assumée/assurée.
Comme si de l’être-même de la porte nous ne sortions plus. De son bois (hêtre) dont nous sommes chauffés, dont les gonds jouent au gré de vents auxquels nous ne pouvons rien, si forts parfois que nous en sortons. Des gonds sortons et alors_
/ cette chute – à laquelle l’asperge aurait pu sembler promise »
il s’agit donc d’un texte ancien, d’une époque où je réfléchissais à ce que je faisais dans les blogs, à ce qui se faisait dans les blogs, auxquels effectivement j’essayais de penser comme à « ce qui ne cesse pas de s’écrire ». je voulais revenir là-dessus dans la mesure où c’est l’expression qu’a reprise également Isabelle en découvrant l’exposition Ai Wei Wei.
mon expérience des blogs était bien celle d’une nécessité que je qualifierais d’impérieuse, il était vraiment très difficile de ne pas le faire, cela s’imposait à moi, me prenait « toute » (c’est un peu ma tendance, hein). et dans cette expérience-là, j’avais le sentiment, qu’effectivement « l’objet n’en finissait jamais de sortir »… (ça me paraît un peu atroce de dire ça, mais bon).
voilà, il me semble que c’est également une piste de travail intéressante, et je suis très heureuse que nos mots, à isabelle et à moi, se soient rencontrés là-dessus…
si, nous pouvions réfléchir à ça ensemble, j’en serais heureuse (internet, le présent continu, le perpétuel work in progress, le brouillon infini, l’addiction, bien sûr, etc.) (s’agit-il de « résister au présent ? »)
bien à vous,
à bientôt chers escapadeurs,
véronique
le spectacle ; la destruction extrême du langage et la congélation de l’ancienne culture
########## mail 1/4 #######
cher guy,
à propos du texte que tu nous as envoyé, questions :
sais-tu à quoi Debord pense (comment il explique) quand il parle
. de « destruction extrême du langage » et
. de cette fonction du spectacle qui consisterait à « faire oublier l’histoire dans la culture » (de congélation de l’ancienne culture )?
ça m’intéresserait,
merci,
ta,
v
nb : comme tu sais, comme vous savez, je m’intéresse à « l’oubli de l’histoire » et j’ai le sentiment d’avoir le langage extrêmement détruit.
########## mail 2/4 #######
Cher Guy,
A ce propos, tiens, de la « destruction extrême du langage », je tombe sur ces images (de Blutch dans Mish Mash, Éditions Cornelius). les scans sont un peu flou, mais.. l’esprit demeure, je crois…
Véronique
########## mail 3/4 #######
bonjour
bien sûr que je sais
mais je regardais un épisode de x-files, je dormais puis me réveillais,
prenais un café et finalement maintenant que je suis au travail je peux ne
pas m’y livrer
http://i-situationniste.blogspot.com/2007/04/all-kings-men.html
là c’est un peu romantique mais
ça se lit
voilà pour le langage
ah oui l’histoire
142
L’histoire qui est présente dans toute la profondeur de la société tend à se perdre à la surface. Le triomphe du temps irréversible est aussi sa métamorphose en temps des choses, parce que l’arme de sa victoire a été précisément la production en série des objets, selon les lois de la marchandise. Le principal produit que le développement économique a fait passer de la rareté luxueuse à la consommation courante est donc l’histoire, mais seulement en tant qu’histoire du mouvement abstrait des choses qui domine tout usage qualitatif de la vie. Alors que le temps cyclique antérieur avait supporté une part croissante de temps historique vécu par des individus et des groupes, la domination du temps irréversible de la production va tendre à éliminer socialement ce temps vécu.
143
Ainsi la bourgeoisie a fait connaître et a imposé à la société un temps historique irréversible, mais lui en refuse l’usage. « Il y a eu de l’histoire, mais il n’y en a plus », parce que la classe des possesseurs de l’économie, qui ne peut pas rompre avec l’histoire économique, doit aussi
refouler comme une menace immédiate tout autre emploi irréversible du temps. La classe dominante, faite de spécialistes de la possession des choses qui sont eux-mêmes, par là, une possession des choses, doit lier son sort au maintien de cette histoire réifiée, à la permanence d’une nouvelle immobilité dans l’histoire. Pour la première fois le travailleur, à la base de la société, n’est pas matériellement étranger à l’histoire, car c’est maintenant par sa base que la société se meut irréversiblement. Dans la revendication de vivre le temps historique qu’il fait, le prolétariat
trouve le simple centre inoubliable de son projet révolutionnaire ; et chacune des tentatives jusqu’ici brisées d’exécution de ce projet marque un point de départ possible de la vie nouvelle historique.144
Le temps irréversible de la bourgeoisie maîtresse du pouvoir s’est d’abord présenté sous son propre nom, comme une origine absolue, l’an I de la République. Mais l’idéologie révolutionnaire de la liberté générale qui avait abattu les derniers restes d’organisation mythique des valeurs, et
toute réglementation traditionnelle de la société, laissait déjà voir la volonté réelle qu’elle avait habillée à la romaine : la liberté du commerce généralisée. La société de la marchandise, découvrant alors qu’elle devait reconstruire la passivité qu’il lui avait fallu ébranler fondamentalement pour établir son propre règne pur, « trouve dans le christianisme avec son
culte de l’homme abstrait… le complément religieux le plus convenable » (Le Capital). La bourgeoisie a conclu alors avec cette religion un compromis qui s’exprime aussi dans la présentation du temps : son propre calendrier abandonné, son temps irréversible est revenu se mouler dans l’ère chrétienne dont il continue la succession.145
Avec le développement du capitalisme, le temps irréversible est unifié mondialement. L’histoire universelle devient une réalité, car le monde entier est rassemblé sous le développement de ce temps. Mais cette histoire qui partout à la fois est la même, n’est encore que le refus intra-historique de l’histoire. C’est le temps de la production économique, découpé en fragments abstraits égaux, qui se manifeste sur toute la planète comme le même jour. Le temps irréversible unifié est celui du marché mondial, et corollairement du spectacle mondial.
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mais je crois qu’il faut tout lire, ce chapitre IV « Temps et Histoire »
etc.
########## mail 4/4 #######
si donc, je traduis dans ma langue cette langue un peu lointaine, ça donne :
le temps est passé du temps des hommes au temps des choses
ce temps des choses n’est pas cyclique mais irréversible (sans retour)
autrefois rare, l’histoire est devenue produit de consommation courante mais uniquement en tant qu’elle est « histoire des choses » ( mode)
ce que l’on consomme couramment c’est du temps
la bourgeoisie a imposé un temps irréversible à la société mais dont elle « lui interdit l’usage » – c’est celui des choses, qu’elle ne peut que consommer, et pour le consommer il lui faut le produire, et pour le produire il lui faut vendre son temps
le temps n’a plus d’histoire, ne peut plus avoir d’histoire parce qu’il doit rester lié au temps économique qui lui, je suppose, ne peut être que le temps du mouvement en avant, une chose devant aussi vite que possible être remplacée par une autre ( ?)
temps réifié, puisqu’il s’agit du temps des choses, temps immobile, parce qu’il doit être dans le temps de la chose : l’instant, ce qu’elle comporte de promesse de jouissance (laquelle est hors-temps, dans ma langue)
le temps irréversible de la bourgeoisie a trouvé son départ dans l’an I de la république. la liberté que prônait l’idéologie révolutionnaire s’est vite vue réduite à la liberté économique. et très vite la société de la marchandise s’est aperçue qu’elle devait ramener les hommes à la passivité, et a récupéré le « le christianisme avec son culte de l’homme abstrait » et son calendrier.
le temps est devenu universel, le même pour tous, c’est le temps « irréversible unifié » « du marché mondial, et corollairement du spectacle mondial »
est-ce que cette traduction (premier jet) traduit ou trop trahit ?
vé
(horreur et beauté) (tim burton et les ambassadeurs)
11 mars 2012, 20h10
Tim Burton, à la Cinemathèque, rue de Bercy, c’est extra!
Ne ratez pas son Burtonarium: toutes sortes de créatures, qui sont des monstres qui s’ignorent, qui n’ont nulle conscience de leur étrangeté.
En écho à nos questions de cartel ( magistralement déclaré par notre v ), c’est étrangement – mais pas inquiétant du tout – ni beau, ni laid, c’est !
C’est le dessin de la monstruosité comme voile de la monstruosité : il en ressort une certaine humanité. Le crime est toujours au premier plan, celui de la dévoration, maternelle bien sûr chez TB.
Quant à l’acte dans l’art, qui me préoccupe, peut-être y en a t-il une trace chez TB,dans ce qu’il dit: je dessine parce que j’aime ça, sans me soucier si c’est beau ou pas, si on aimera ou pas. Il y a, chez l’artiste, un instant d’acte qui ne se soutient d’aucune référence, sinon son petit a chéri !
Je questionnerai JL là-dessus samedi!
Bises
a.
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12 mars 2012, 00:10
Merci, Alain!
Trop belle cette image sur le couple, au sens de la monstruosité, que nous aurons aussi à travailler dans notre cartel, en en serrant les bords, les bords de la jouissance, pour passer de l’horreur à la beauté -ou moins… et bien nous porter, allégés de cet objet innommable ( je rejoins là mon point: séparation de l’objet).
J’ai vu l’expo sur Matisse aujourd’hui. Un point m’a intéressée, c’est justement le point qu’il repérait dans sa peinture comme faille, comme ce qui ne va pas, à partir duquel il se réintroduisait et reprenait tout son tableau. J’en ai parlé avec Géraldine, lorsque plus tard nous visitions au Jeu de Paume l’œuvre de Ai Wei Wei, et on a repensé à ce point de réel, du tableau de « Ambassadeurs« .
Y a t’il, dans chaque œuvre un point de réel, qui ouvre sur l’horreur ou sur la beauté?
Est-ce cela qui fait l’œuvre d’art?
bises lointaines
Catherine
Se trouver de Pirandello, mis en scène Stanislas Nordey, avec Emmanelle Béart
salut, escapadeurs,
je vous livre ce texte qui n’est sûr de rien, que j’ai écrit à la place de celui que je voulais écrire, sur la pièce de Genod. Au lieu de quoi j’ai écrit celui-ci, sur celle de Stanislas Nordey, avec lequel « Chic by accident » n’a justement rien à voir.
si vous arrivez à le lire, je ne détesterais pas avoir vos impressions,
bien à vous,
véronique
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Il y a eu ce texte hors du commun de Pirandello dans « Se trouver » mis en scène par Stanislas Nordey.
Avec Emmanuelle Béart, dans le rôle de Donata Genzi, seule, pleine, possédée (eue, exploitée). Juste, sinon peut-être trop pleureuse au début, dès le début. Elle, colle au texte, fait corps, flamme, elle seule de chair, brûlante/brûlée de vérité et d’ambition pour la vie. C’est parti pris du metteur en scène. Les autres, dit-il, c’est contradictoire à première vue, sont pions joués par lalangue, jouent le décollement du signifiant et de la signification. Montrent l’endroit où une parole dite s’empare de votre corps, le fait jouer ailleurs, où vous n’êtes pas, où vous ne savez rien. Eux qui cherchent chez l’Autre, Elle, le sens de l’insensé, ne voient pas où leur corps les quitte, jouant sa partie seul. Inconscients. Bavards. Pris dans la jouissance du blabla ou de la pensée, pris dans la musique de leur propre parole, voix. A guetter la jouissance de l’Autre, ignorent celle qu’ils en récupèrent. Cela n’est pas vilain à voir, mais ça se montre peut-être un peu trop, le jeu se basant sur des trucs. Comme si chaque acteur avait trouvé son truc, puis l’exploite. Sauf l’oncle, en dehors de l’oncle (Frédéric Leidgens dans le rôle du comte Gianfranco Mola), il me semble (j’ai vu cette pièce il y a plus d’une semaine maintenant). Enfin, cela dit, à y réfléchir légèrement plus, on peut se dire, qu’effectivement, éventuellement, ce truc, ce trouc particulier que se serait inventé chacun des acteurs, répondrait de la gestuelle inconsciente de chacun, voire de la possibilité de mouvement, qui depuis l’enfance ne cesse de « s’affiner », c’est-à-dire de se réduire. Nous qui ne savons plus que faire de notre corps, et sommes obligés de faire du sport.
Quelle serait donc l’intention de Nordey Stanislas, metteur en scène à opposer à ce point le jeu d’elle et d’eux. Les posant eux en chœur qui l’entoure, l’observe, la commente, elle, nouvelle Antigone.
La seule qui habite sa parole, qui y lie son destin autant que son corps, c’est donc l’actrice. Celle qui joue ne joue pas. Sur scène elle vit, dans le regard et l’écoute, elle vit, s’appuyant du vide d’elle-même qui la désemparre, dans le renoncement à sa vie, dans l’abandon d’elle-même, par le regard/ l’écoute/le texte des autres, elle prend possession de son corps, elle rentre consciencieusement en jouissance. Je ne sais pas comment ça marche, mais je crois bien que c’est quelque chose comme ça. Ça part du départ de la difficulté d’être femme ou de la distance au corps ou de la douleur, hystérique, de la gifle/de la griffe du désir de l’autre, et de ce que ça bafoue, de ce que ça outrage ; ça part d’un désir d’incarnation, de réappropriation de son propre corps, du corps comme un vide, mais un vide plein, matériel, que l’on pénètre des mots que l’on prononce. Le texte prend le corps, le ranime, le donne à celle qu’il enveloppe. On peut un instant se demander s’il est pour une femme un autre lieu que la scène pour en devenir une. Y a de ça. Ramener à soi l’au-delà de soi, faire qu’il y ait d’lun. Ailleurs, en dehors de la scène, là où se tiennent les autres protagonistes de la pièce, les spectateurs de l’actrice, évidemment, ça se traîne, ça cherche le sens, ça en pose des questions, pas les pires non plus, mais rien à voir avec la jouissance que dit ne pas ressentir l’actrice, elle dit ça en privé, à sa confidente, non, dit-elle, elle ne sent rien quand il lui fait l’amour – Emmanuelle Béart dans une interview, dit le mot : « frigidité » – ce qu’elles en savent les femmes, de leur jouissance, lui, l’homme qui l’aime elle mais pas l’actrice, ne se doute de rien. Elle se soucie de cet écart. On est dans les années 30, les années folles. Donc, les autres se posent des questions sur le sens, la vérité, et sur ce qui lui arrive quand elle est en scène, elle. Et plus ils y vont à essayer de construire leur discours, plus ils sont joués par lui. Elle, va à la rencontre d’une jouissance qui dans le rapport sexuel l’absente. Je cherche ici la thèse de Stanislas Nordey, son hypothèse de départ. Je la crois juste, je crois que cette hypothèse interprète le texte de Pirandello. Finalement oui. Peut-être de façon un peu trop caricaturale, mais.
Il y en a un, l’amoureux, qui est fou, « fou, fou, fou, il est fou, je vous dis qu’il est fou », qui lui ne se pose pas toutes ces questions. La vie est dans la vie, il n’y a pas le théâtre. L’actrice, pour lui, n’est pas actrice, c’est une femme, vivante. Pirandello, pour avoir eu une femme folle, sa première épouse, en sait quelque chose de la folie. En connaît les séductions, et l’ultime, inhumaine, intelligence. L’endroit où elle ne laisse, ne tolère aucune place au jeu, au semblant. Cela, s’entend dans le texte, se devine. L’acteur que j’ai vu jouer cependant me paraissait trop énervé. Tout le temps trop énervé. Loin de la séduction qu’il est censé avoir aux dires du texte. Voilà. Quel est cet énervement. Un façon de jouer le trop, ce trop qui quand il devient vraiment trop, le fait retourner à la mer, d’où il vient, lui l’orphelin. Pas pour y mourir nécessairement, pour être au milieu de ça, la mer, retrouver ses racines de l’au-delà de la mer. Pour lui, il n’y a pas de théâtre, quand elle ne peut s’empêcher de le soupçonner dans chacun de ses propres gestes. Il a à faire avec la certitude, elle se coltine l’incertitude, l’insupportable du semblant et du vide où ça la laisse. A ce semblant, il ne croit pas, il le tient pour réel, et quand il s’aperçoit de sa méprise, il la quitte sans retour.
Donc il est orphelin, son oncle est très riche, il l’a élevé au bord de la mer en Italie, cette Italie bientôt entraînée dans le fascisme, duquel un moment Pirandello un moment se laissera tenter, cela à mon sens est évoqué par les décors, qui sont très laids, très grandioses, grandiloquents, gris. Exposition d’une machinerie, pas très belle. Machinerie, machinerie, toute la pièce est prise dans une machinerie. Moi, j’ai une exécration étrange de l’architecture fasciste. De tout ce qui de près ou de loin évoque l’esthétique fasciste. Donc, là, les décors, c’était limite. On peut en faire abstraction. Mais, c’est un peu les gros sabots, quand même, Stanislas. Enfin, je ne vais jamais au théâtre, alors ; puis, on voit bien que ça le chiffonne, lui, Stanislas, les actrices. C’est ça, qui fait que ça passe, ce chiffonnement qu’il donne à voir de lui. Et c’est une étrange fleur qu’il nous montre en Emmanuelle Béart, au bord de l’exquise, une orchidée, à coup sûr.
SE TROUVER
de Luigi Pirandello
traduction Jean-Paul Manganaro
mise en scène Stanislas Nordey
« Après la formidable réussite des Justes, Stanislas Nordey met en scène pour la première fois Pirandello. Il retrouve au centre de l’oeuvre un personnage de femme délicate, complexe, engagée, comme il les affectionne.
Une célèbre actrice de théâtre, à l’occasion d’une villégiature chez une amie d’enfance, est violemment confrontée à ses fantômes. Donata Genzi, dispersée en de multiples personnages, n’arrive plus à être elle-même, ni même à être ; pour se trouver, elle tente une autre aventure sentimentale et fuit le théâtre. Mais elle ne se réalise pas plus dans la vie que dans son métier…
Pièce bouleversante, Se Trouver est le chaînon intermédiaire entre ces deux sommets du théâtre de Pirandello que sont Six personnages en quête d’auteur et Les géants de la montagne. »
Luigi Pirandello
Né en Sicile en 1867, il a écrit nombreux romans, mais il est surtout connu pour son œuvre dramaturgique. Le 10 décembre 1934, il reçoit à Stockholm le prix Nobel de littérature « pour son renouvellement hardi et ingénieux de l’art du drame et de la scène ». Le théâtre de Luigi Pirandello porte une réflexion sur la vérité, la théâtralité et l’absurdité de la vie.
Avec Emmanuelle Béart (Donata Genzi) Claire-Ingrid Cottanceau (Elisa Arcuri) Michel Demierre (Carlo Giviero) Vincent Dissez (Ely Nielsen) Raoul Fernandez (Volpes) Marina Keltchewsky (Nina) Frédéric Leidgens (Le comte Gianfranco Mola) Marine de Missolz (Une femme de chambre) Stanislas Nordey, ou Laurent Sauvage (Salò) Véronique Nordey (La marquise Boveno) Julien Polet (Enrico)
one more/nevermore
Puisque évidemment il y a addiction et addiction. Et que ce serait très intéressant de faire passer à l’addiction tout ce qui pour nous est important. Se servir de l’addiction pour jouer un tour à l’inhibition.
Pressentez-vous, comme moi, qu’il pourrait y avoir un lien entre addiction et « nécessité » – « ce qui ne cesse pas de s’écrire »?
Amener l’addiction (jouissance de l’un, du one more) au service du désir (absence de l’autre, nevermore)
Le lien entre l’addiction à l’internet, aux ordinateurs, aux écrans, et « ce qui ne cesse pas de s’écrire » :
la prise dans l’écrit, le binaire, le programme, l’image.
« ce qui ne cesse pas de s’écrire » : fantasme du tout écrit (vie=livre)
« y a d’ l’un » opposé à « y a pas de rapport sexuel » (« ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire »)
« y a » opposé à « y a pas »
« Y a ce qui peut ne pas cesser de s’écrire / jouissance hors sens, écriture de l’un, écriture de n’importe quoi, et donc possibilité de l’écriture, et donc question du moment de l’advenue du sens, et donc intérêt de cette écriture, qui est écriture de jouissance, même si jouissance uniquement fantasmatique : tout s’écrirait, obsessionnelle: l’Autre ne manque de rien. »
Là et hors sens, ça s’écrit.
Paradoxe – à quel moment le sens adviendrait-il ? Au moment où ça cesse de s’écrire. Quel est ce moment? C’est le moment où ça se donne à lire, par l’autre (séparation de l’objet : je te donne ceci, non pas ma chair, mon sang, ma vie, cet écrit, je te le donne, à lire). Dans la contingence. Au moment où ce qui « ne cesse pas de s’écrire » cesse de s’écrire, où le manque apparaît dans la lecture de l’autre, advient la possibilité du sens, pris ici comme moment hors jouissance, pris ici dans sa perte, comme place creusée du désir. Un passage de « l’a-pensée » à « l’a-livrée »..
love,
véronique
Liens :
. sur la peinture de Gauguin, http://www.aidart.fr/galerie-maitres/symbolisme/nevermore-gauguin-1897-1341.html
. le poème de Poe, traduit par Mallarmé et illustré par Manet : http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Corbeau_%28traduit_par_St%C3%A9phane_Mallarm%C3%A9%29
“ Bienvenue au XXIe siècle ” (éléments de lecture de l’art contemporain)
Cher Guy,
Comme je tombais sur ce site de Guillaume Désange, critique d’art et commissaire d’exposition, et en particulier sur cette page, intitulée « Soft Office : Fétichisme – Capitalisme – Art Contemporain« , où il est question de « tertiarisation » de l’art contemporain, je n’ai pu m’empêcher de penser à Mike Kelley, à propos de qui nous avions envoyés quelques mails sur la liste au moment de sa mort, que j’ai enfin, finalement, publiés à cette adresse : https://disparates.org/escapades/ennuyeux-mike-kelley-has-died/
N’hésite pas veux-tu à intervenir dans cette page si tu le souhaites,
Gros bisous,
Véronique
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Continuer la lecture de “ Bienvenue au XXIe siècle ” (éléments de lecture de l’art contemporain)
théâtre (alain, jean-quentin, yves-noël)
Chers amis,
Quelle heure est-il ? Je vous écris de mon lit, Jules est près de moi, dessine dans son carnet. Frédéric/Guy est dans la salle de bain avec la radio portative. J’ai pris un Smecta et une aspirine il y a une heure pour me sortir de ma gueule de moi bois.
Avec Dominique hier, nous sommes allées assister à une lecture au Centre culturel Suisse, donnée par Jean-Quentin Châtelain, d’une compilation de textes par Alain Huck, dessinateur, à l’occasion de la sortie de son livre, Ancholia.
Ha, Je préférerais que la chambre soit encore plongée dans le noir, mais les êtres humains qui ici habitent en ont décidé autrement.
..
Face à Jean-Quentin Châtelain, acteur, lisant au micro son texte d’une voix charnue, basse, empreinte d’une forme de tendresse et monocorde, j’ai réalisé à quel point l’autre pièce que nous avions également vue ensemble, Dominique et moi, mais cette fois-là accompagnées de Vanessa, Chic by accident de Yves-Noël Genod, peut être tenue comme une leçon de regard, une leçon de théâtre.
Leçon de regard parce que l’expérience qu’il offre, à mon avis se rapprochera de celle que ceux d’entre vous qui iront à l’exposition La saisie du modèle de dessins de Rodin, pourront faire. On regarde le théâtre de Genod du regard avec lequel jusque là on regardait la peinture. Son regard est un regard de peintre. Et son objet est celui des nus, avec les acteurs comme modèles. Leçon de théâtre parce que nous y apprenons à regarder les acteurs autrement. Genod les ramène au cœur de ce qui a lieu au théâtre, dans un espace certainement scénique, où les acteurs sont amenés à vivre une expérience autant en leur nom et leur corps propres qu’en tant qu’acteurs, figures, détachées de l’expérience qui est la leur jour après jour, et ramenée, rapportée au théâtre, à son espace, à son dispositif, que leur présence crée. La scène met le théâtre en place. Les acteurs de Genod y sont des acteurs, y font, fabriquent, le théâtre – pas de théâtre bien sûr sans eux – mais dans cet espace, Genod leur offre également de rester eux-mêmes. Phrase idiote s’il en est parce que « qui est soi » ? Qui reste soi ? Est-on jamais autre chose qu’un moment de soi ?
C’est un théâtre où, je le disais, les acteurs gardent leur nom, gardent leur corps. C’est Jeanne Balibar, c’est elle, c’est bien elle que l’on voit, elle, Jeanne Balibar, nulle autre, que l’on voit droite et nue, casquée d’une bombe de cavalier, postée, butée sur ses deux jambes, une (hallebarde) à la main, fichée dans le sol, « inflexible », qui garde, défend, délimite, indique par sa présence, pour un moment, cet espace du théâtre, de la représentation théâtrale. Et on sent bien que ce qui est impliqué là, c’est autant son travail d’acteur, la générosité de Genod qu’elle saisit pour l’exprimer, ça, ce qui a lieu au théâtre, là, et nulle part ailleurs. Elle nue, et nulle autre, nulle part, ailleurs. C’est du théâtre. Et je comprends qu’on pense au « Regard du sourd » de Robert Wilson auquel moi-même j’avais pensé. Le titre convient parfaitement. C’est une pièce qui ramène au voir, à la lumière, à sa célébration ; le spectateur, c’est à lui qu’est donné le regard du peintre. Peut-être que je délire. Les acteurs sont des personnes que nous sommes amenés à « regarder fortement » (pour reprendre une belle expression de mon père, dans ses notes, de peintre justement (d’où le possible délire)). Quand le noir se fait (sur la scène, total), c’est repos, délice, cette sensation que l’on recouvre de l’œil habitant son orbite, habitacle, c’est enfin le rien voir, le grand noir, regarder enfin pleinement le grand noir, voir enfin rien, puis quand la lumière revient, on le voit bien que la lumière est un voile, merveilleux certes, mais un voile, une toile, cette scène devant laquelle notre regard à nous peut baisser les armes. Se rendre à soi-même. Ce sont les acteurs qui font cela pour nous, prennent en charge, assument, cela qui nous permettra de retrouver enfin la fonction première du regard : voir, boire, s’abreuver, interroger le réel, sentir sa caresse et la lui rendre ( et cette dans cette idée de « tendresse du réel », qu’on creusera peut-être celle de l’amour, que Genod dit central à son expérience théâtrale.) Autre moment de théâtre, magistral, où comique et tragique révèlent, nouent et dénouent leur lien : le « Phèdre » ( ?) de Marlène Saldana.
Hier donc, Jean-Quentin Châtelain, je l’ai regardé encore, comme Genod m’a appris à regarder les acteurs. (j’ai même été jusqu’à l’imaginer nu, ce qui serait advenu, si nu, il… ) Aussi l’ai-je regardé scrupuleusement, à loisir. Sa stature, sa vêture, le choix fait par lui de ses vêtements, ce que de lui ils indiquent (pas de costume ici, je crois). Ah oui, ça me ramène à ce à quoi je pensais ce matin, les vêtements magnifiques de Genod, « costumes », comme si vraiment, au corps, on ne pouvait offrir que le plus bel écrin. Car si la peau est le vêtement ultime, indépassable, dépositaire de tous les secrets de la personne, la persona, loin de tous les modèles, c’est bien pourquoi les vêtements, les voiles, doivent avoir la grâce de papillons (pour reprendre une expression d’Yves-Noël Genod, parlant de la circulation des vêtements entre les acteurs : « j’aurais aimé que les vêtements circulent entre eux, se posent sur leurs épaules comme des papillons » (je cite de mémoire), ainsi que nous le rapportait Dominique quand elle essayait de nous amener à voir cette pièce.
Et donc, hier non, je n’ai pas fermé les yeux pour écouter Jean-Quentin Châtelain comme je l’ai vu faire par l’un des spectateurs, une voix tentante pourtant, d’une grande intelligence, de beaucoup de doutes, d’une sorte de retenue, peut-être trop constante, mais tentant quelque chose. J’ai profité de l’occasion qui m’était donnée de regarder cette bouche mâcher des mots, se retenant de les avaler, et puis tout ce corps, aussi, vêtu de noir, le pull noir légèrement fripé, à même la peau, la touche de rouge aux lacets de chaussures, la main posée presque sur le ventre, tenant le micro, cette tension dans le tenir du micro et celui du texte de l’autre main. De ce texte les feuilles format A4 qui tremblent légèrement. Et regardant, j’écoutais la voix, cette voix humaine pleine de mots dont le sens le plus souvent m’échappait, m’en délivrant, retrouvant par moment une langue d’autrefois, perdue. Langue aussi de ces très beaux textes qui décrivent la nature de Thomas Bernard, Antonio Lobo-Antunes, Michel Leiris, Herman Melville, Amos Oz ou William Faulkner, passages descriptifs que justement, quant à moi, je sautais, quand je lisais petite, trop avide d’aller directement à l’humain, aux dialogues, à ce qui se passait entre les gens, quand je ne savais pas encore que lire ce qu’un auteur nous dit de la nature, c’est certainement en apprendre sur son paradis perdu, et le nôtre. Et que cet exercice de mettre des mots sur la nature quand ce sont justement les mots qui nous en ont séparé, est probablement l’un des plus périlleux, et digne de l’écriture, qui soient. De cette nature perdue, retrouvée dans la voix, s’y reperdant encore. Enfin, cette drôle de barbe au visage, en collier, à ce Châtelain auquel je suis heureuse d’avoir pu serrer la main en quittant le Centre Culturel Suisse
Donc, oui, allez voir, allez voir Rodin, je crains de mon côté ne pas pouvoir, profitez-en bien, cependant que j’espère que la prochaine fois, vous viendrez avec nous au théâtre…
Je vous salue, ô Escapadeurs,
véronique
NB : je regrette de ne pas pouvoir vous de dire plus de l’artiste Alain Huck, mais je n’ai pas pas vraiment eu le temps de visiter l’exposition et je ne connais pas du tout son œuvre, que des recherches sur internet m’ont donné l’impression d’être intéressante.
LIENS:
Reprise
Chers tous,
Si le blog est resté longtemps inactif, ses escapadeurs-écriveurs s’étant récemment montré peu prolixe, Géraldine nous ayant envoyé coup sur coup deux textes formidables, je n’ai pas résisté à le rouvrir pour lui faire honneur et j’ai publié celui qu’elle nous a envoyé à propos de la pièce mise en scène par Lassalle, au théâtre de la Madeleine, Le fils, de Jon Fosse, sur le blog d’Escapades.
Vous le trouverez à l’adresse suivante : https://disparates.org/escapades/le-fils-jon-fosse-madeleine/
Je publierai également celui sur les nus de Degas.
A vous voir et/ou vous lire avec toujours autant de plaisir,
Escapadesquement vôtre,
véronique
NB : que disait donc Lacan de l’ennui (le jeu mot avec UNIEN ?)
note sur la « face mortifère de la jouissance l’Un sans l’Autre » dans les films « Shame » et « Cosmopolis »
Chère Catherine,
J’ai publié ton texte sur Cosmopolis ! https://disparates.org/escapades/cosmopolis-film-cauchemar/
Ce paragraphe :
« Ce film laisse donc à penser qu’heureusement, il y a des hommes et des femmes et la question de l’amour entre eux, même si c’est un leurre, pour éviter une chute aussi funèbre! Il me semble que cela ré-interroge le « il n’y a pas de rapport sexuel » ou son équivalent « Ya de l’Un » autrement, comme un danger pour le vivant lorsque cet aphorisme est poussé jusqu’à son terme. »
ne résonne-t-il pas avec celui-ci, qui m’avait frappée d’un article de Paulo Siqueira dans Lacan Quotidien à propos du film Shame (Shame ou l’affect qui va avec la jouissance de l’Un) :
« Malgré son hyperactivité sexuelle, c’est un homme seul, malheureux dont la vie va être chamboulée par l’intrusion dans son intimité d’une femme, sa sœur Sissy, qui le surprend dans son activité autoérotique et déclenche l’affect de la honte, entraînant Brandon dans une souffrance subjective qui le submerge et lui révèle progressivement la face mortifère de la jouissance de l’Un sans l’Autre (2).
(2) Lacan J., « De l’un et l’autre sexes », Le Séminaire, livre XIX, …Ou pire, Paris, Seuil, 2011, p. 9 & sq. »
Malheureusement, je n’arrive plus à mettre la main sur mon exemplaire d’… Ou pire…
A tout bientôt,
Véronique
tours et détours autour de Saya Zamurai
NOU
Très chère Véronique,
Saya Zamurai / Scabbard Samurai (2011)
Hitoshi Matsumoto
2011
Je suis très touchée par ton message et la réouverture de ton blog. Je prépare deux autres textes, un sur Shame et l’autre sur cet étrange film japonais dont nous avait parlé Vanessa via Alexis, Saya Zamuraï, http://t.co/DOYZS1hX, qui m’a émue aux larmes (des vraies, pas de crocodile!)
Vive l’écriture dans l’après-coup de nos escapades!
Je t’embrasse fort.
A bien vite.
Géraldine.
DO
Quel ravissant petit surmoi a ce samuraï en la personne de sa fille d’une dizaine d’années, qui lui conseille avec insistance de se suicider, puisqu’il n’est plus capable de combattre ! Ceci dit, les épreuves auxquelles le malheureux doit se soumettre pour retarder son seppuku sont moins drôles les unes que les autres et plutôt répétitives ( il y en a trente…) La fin est très jolie. Je n’avais vu aucun film japonais de ce genre.
Dominique.
Vé
… « moins drôles les unes que les autres », je ne sais pas si je dirais ça. Étranges, certainement. Certaines cependant drôles. Je ne pense pas qu’elles se ressemblent toutes, je pense au contraire qu’elles supporteraient une analyse de leur progression. M’a frappée tout d’abord l’engagement physique du protagoniste. Il y va d’abord de son corps.
Et je suis sûre d’avoir rêvé cette nuit du passage où il s’envoie en l’air dans un canon, quand sa fille reprend en main les mises en scène : au lieu de lui, c’était Miller !!! Cet homme, Nomi Kanjuro, dont sa fille nous demande de l’admirer, qui va s’envoler dans les airs, et qui, si vite, retombe dans l’eau… c’est touchant, lamentable – drôle, oui. Marquantes également, les remarques des spectateurs autour de cet évènement, l’un d’entre eux :« Il est tombé trop vite, j’aurais espéré qu’il aille plus haut… » et ce mot d’esprit fait malgré lui par le gardien un peu simplet qui, pour la première fois, les fait rire, eux : « J’ai mis le feu au canon et c’est moi qui me suis enflammé (ou qui ai explosé ) »…
L’épisode, magnifique à mes yeux (à cause de mon nom, Müller, « meunière »), du moulin qu’il doit faire tourner de son pauvre souffle, avec ce moment où quand il porte la main à son fourreau vide les pales du moulin se mettent enfin à tourner, jusqu’à bientôt déclencher une tempête…
Cet épisode nous parle bien du vent de la parole, du signifiant, du nom-du-père, ici déchu, vidé de son sens, après ce deuil de la mère, mais qui en retrouve un au fur et à mesure des 30 jours par le biais du comique, du rire de soi, parce qu’il s’agit de sauver sa vie, et que c’est cette vie, plus forte que sa déchéance, qui l’entraîne, l’amène, les amènent tous, villageois, prince compris, à redonner un sens nouveau à ce qui a été perdu, à ce qui s’est vidé, sans avoir à dénier les valeurs passées ( héroïsme, courage, honneur, fierté, valeurs aristocratiques s’il en est, qui appartiennent également à la psychanalyse) (mais sans plus s’y identifier). Ce passer-outre, outre ce deuil du sens, ce deuil du vent, ne se passant pas d’en passer par du vent ( le symbolique) et par le don et l’engagement « physique » de son souffle, de sa parole… Le moulin qui finit par tomber, le drame qui se (re) joue alors, la petite fille qui le supporte à la façon un peu du Christ qui porte la croix…
Le fourreau s’est vidé (l’épée n’était que d’air), mais vide, ce qu’il représente, rend son souffle à la vie.
Je crois donc, quant à moi, que chacune des 30 épreuves mériterait de s’y attarder plus longuement
« ni tragique ni… mais comique »
« dès que le phallus apparaît… comique »
J’ai appris hier que le cinéaste avait longtemps, lui-même, fait le clown à la télévision
C’est me semble-t-il d’un deuil, de la traversée d’un deuil qu’il s’agit, rendu possible par la menace ( réelle) de la mort et les extraordinaires inventions, interventions de la petite fille.
C’est bien un film qui nous parle du monde contemporain, de la fin du père, de la chute du nom-du-père et du père qu’il faut sauver… « s’en passer à la condition de s’en servir »
Très amicalement tienne, Chère Dominique,
véronique
DO
C’est intéressant de savoir que le réalisateur a éprouvé lui-même ce qu’il en est quand on doit s’efforcer de faire rire envers et contre tout. Ton commentaire est très convaincant, chère Véronique, tu vois dans ce film beaucoup de belles choses – et il t’en inspire aussi de drôles ! Je pense que cette fois je rirais si je revoyais la scène, mais je crains de ne pas en avoir le courage. Malgré cette merveilleuse petite fille, j’ai en effet éprouvé un léger, très léger… ennui. Pas désagréable au demeurant. Mais je ne suis pas bon public au cinéma. J’y suis venue trop tard, je crois ( la trentaine bien sonnée), et j’ai toujours du mal avec les images.
Bien à toi,
Dominique.
VÉ
je n’ai pas vraiment beaucoup ou souvent ri, et je ne sais pas si le rire est véritablement recherché. nous sommes, je crois, aussi interloqués que la petite fille et les autres spectateurs. c’est un sentiment d’étrangeté, d’intrigue – ou de pitié, cette pitié qui le conduira à finalement… ( ne dévoilons pas la fin) et c’est très vite un sentiment de sympathie et une forme d’admiration.
c’est ce qui en fait je trouve un vrai personnage : on n’y comprend rien… on n’y voit que dalle.
qu’est-ce qui ainsi pousse cet homme déchu, samurai sans épée, ne se remettant pas de la mort de son épouse, en fuite depuis deux ans et demi sans oser affronter ses adversaires, devenu lâche, condamné et poursuivi pour avoir déserté, abandonné sa place de guerrier, qui ne se résout cependant pas à faire seppuku, alors que l’honneur est perdu, et qui, pour sauver sa vie, se met à jouer au clown triste, à se ridiculiser (le pire au dire du film pour un samurai).
et qu’est-ce qui, dans cette solution qu’il trouve, qui s’impose à lui, le métamorphose et passionne les spectateurs ( dans le film), qui s’identifient à lui, s’avérant donc exacte, juste.
( un lien peut-il être fait au « père humilié » de claudel, commenté par Lacan – à vérifier)
mort de sa femme ( mort de sa mère pour l’enfant qu’il doit faire rire) → ébranlement de tous les semblants → perte de son épée dont il ne lui reste que le fourreau, auquel il s’accroche encore, vide → sous la menace de mort ( la condamnation au seppuku s’il n’arrive pas à faire sourire le prince) – le combat où il se lance, à s’humilier pour faire rire, s’avère ce qu’il avait à faire pour retrouver une dignité – et probablement pour rendre leur dignité à tous ses spectateurs ( ce qu’il a perdu, le deuil où il est, s’avérant être de tous – s’agit-il du japon ? perte de la tradition, d’une culture ancestrale extrêmement forte, avancée invasive/trop rapide de la modernité ; s’agit-il du monde ?)
bon, faut que j’aille manger, « on » s’impatiente
bisous,
véronique
DO
Oui, oui, continue… Le rapprochement avec Claudel, c’est passionnant !
Bonne soirée,
Dominique.
DO
Encore une question : quelle place donnes-tu à ces espèces de « démons » ( la joueuse de shamisen, le tireur de pistolets, le chiropracteur Gori-Gori) qui commencent par attenter fantasmatiquement à la vie du héros et qui, pour finir, deviennent ses plus ardents défenseurs ?
Dominique.
VÉ
ah oui ! bonne question ! à réfléchir ! une idée géraldine ?
NOU
Une idée? me demandes-tu Véronique. Oui, merci Dominique, en effet cette question m’amène à développer un peu plus ma réflexion sur la culture du manga et les références qui lui sont faites dans ce film. Tu les nommes « démons » avec les guillemets, et c’est très intéressant. Je les vois chasseurs de prime à la croisée du western et du dessin animé japonais, je les imagine eux-mêmes guerriers solitaires en marge, sorte de caricatures dérisoires ou grotesques, dotés de pouvoirs bizarres et insolites, qui font contre mauvaise fortune bon cœur, introduisant une dimension fantastique à ce qui peut se voir comme un conte pour enfant construit comme un manga. J’y reviendrai dans le texte que je rédige et que je vous ferai parvenir un peu plus tard. Si il y a des spécialistes des mangas, qu’ils se fassent connaitre?
Amitiés.
Géraldine.
DO
Cherchant une citation sur l’ennui, voici que je tombe sur le rire. Je sais bien, il s’agissait de faire sourire le jeune prince. Rien à faire, il ne sourit pas mais, à la fin, les deux enfants finissent par rire ensemble. Et nous, spectateurs, nous ne rions pas, ou peu. L’amie avec qui j’ai vu le film me disait même que les clowneries désespérées de notre samuraï l’avaient plutôt angoissée.
Voici ce que dit Lacan des « appréhensions les plus élémentaires du mécanisme du rire » :
» Le rire touche en effet à tout ce qui est imitation, doublage, sosie, masque, et, si nous regardons de plus près, il ne s’agit pas seulement du masque, mais du démasquage, et cela selon des moments qui méritent qu’on s’y arrête. Vous vous approchez d’un enfant avec la figure recouverte d’un masque, il rit d’une façon tendue, gênée. Vous vous approchez un peu plus, quelque chose commence qui est une manifestation d’angoisse. Vous enlevez le masque, l’enfant rit. Mais si sous ce masque vous avez un autre masque, il ne rit pas du tout. » (…)
« En tous les cas, ce phénomène (…) nous montre qu’il y a un rapport très intense, très serré, entre les phénomènes du rire et la fonction chez l’homme de l’imaginaire. »
Séminaire V, Les formations de l’inconscient, p. 130-131.
VÉ
Oui ! et comme me disait Géraldine l’autre jour, ils jouent avec le père (mort, son spectre), peuvent redevenir enfants…
Très très très intéressante cette citation que tu nous as retrouvées, merci beaucoup Do !
« Mais si sous ce masque, vous avez un autre masque, il ne rit plus du tout. »
Une autre question que je m’étais posée à propos de Zaya Samuraï, c’est pourquoi, à partir du moment où la petite fille décide de travailler à sauver son père, et où les scénettes commencent à faire rire et vont être ouvertes au public, cela en passe par l’utilisation de machineries plus extraordinaires les unes que les autres ( à commencer par l’homme-canon, qui est un spectacle de cirque). L’homme n’est plus seul avec son seul corps et son silence, mais soutenu par cette machinerie et la prise de parole de la petite fille – qui endosse le rôle de Monsieur Loyal – commençant toujours sa présentation par les mots « Mesdames et Messieurs, admirez cet homme qui… ». S’agit-il de mise en spectacle ? Quelle est cette limite, là franchie ?
« En tous les cas, ce phénomène (…) nous montre qu’il y a un rapport très intense, très serré, entre les phénomènes du rire et la fonction chez l’homme de l’imaginaire. »
Love,
Véronique
DO
Je repense soudain aux toutes dernières images du film : il semblerait que l’ère post-samuraï (comme on dit « post-moderne, car ils ont disparu depuis belle lurette) débouche sur l’enfer des villes modernes, sur fond de discours capitaliste… Nous revenons au fameux déclin du père. Même sa tombe n’est plus qu’une sorte d’îlot dans la circulation, un vestige qui n’a plus de signification pour personne, et va sans doute finir par disparaître. Décidément, ce film est complexe !
VÉ
chère dominique,
tu écris « vestige sans signification », mais, ce n’est pas ce que j’avais ressenti face à cette dernière image, bien au contraire : la tombe, le mémorial, est là, mais toujours fleuri, une ou deux bougies (me semble-t-il) y brûlant encore…
j’essaierai de trouver l’image…
biIses
véronique
NOU
Chères Dominique et Véronique,
J’ai gardé cette image en tête parce-qu’elle m’a intriguée: c’est une tombe, certes vestige d’un temps lointain disparate dans cette ville d’aujourd’hui, pour autant sur laquelle on se recueille encore, comme les épis de maïs, et autres offrandes en témoignent.
Géraldine.
le fourreau et l’acte
Chère Géraldine,
Je viens de publier ton texte, « Saya Zamurai, le roi est nu », qui éclaire pour moi encore différemment l’objet de nos discussions actuellement. Tu rattaches le sabre, l’épée, au phallus, et tu lui restitues plus clairement que nous n’avions pu le faire Dominique et moi, sa fonction d’instrument du désir. C’est bien au désir qu’une place est restituée dans ce film, cela je ne l’avais pas aussi bien aperçu, ni articulé ( phallus, signifiant du désir, et du mystère des générations, du sexe, de l’amour et de la mort)
Quant à moi, je m’étais plutôt attachée au fourreau (Saya Zamouraï signifierait : « Le Samouraï au fourreau »). J’ai vu dans ce fourreau la « bonne image » du phallus, un phallus évidé, vidé de jouissance, auquel le porteur n’a plus à s’identifier, mais dont il a la charge, qui lui donne une place comme simple sujet du désir, qui peut faire de lui un père (nous ne sommes pas les mots que nous disons, nous ne devons pas nous y identifier, mais nous ne pouvons pas non plus ne pas les dire, le plus exactement possible…. blabla (d’ailleurs Nomi ne parle pratiquement pas, sinon dans la lettre qu’il laisse à sa fille, dont vous trouverez le texte, en anglais, ci-dessous.))
Je relirai également ton texte pour ce que tu en dis de la « fonction » du suicide de Nomi. Je m’étais dit que nous ne pouvions pas le comprendre, que cela était décidément trop loin de nous, le seppuku, le Japon. Mais je pourrais pressentir qu’il faudrait restituer à ce suicide
Tout ceci un peu rapidement,
Je t’embrasse et vous souhaite à tous un excellent week-end !
Véronique
Nota bene : Je retiens également ce que tu formules de « l’acte » de Nomi, qui me ramène à ce qu’avait si bien résumé Dominique pour nous de l’intervention de A. Lebovits à propos du livre de BHL. C’est paradoxal, puisque je n’ai toujours que je n’aime pas beaucoup cet homme (chut !) et ça me repose la question de ce que l’on peut faire dire aux mots, de la façon dont les mots peuvent fonctionner en dehors de toute réalité, mais ces mots-ci m’ont marquée :
1. L’acte n’a de sens que quand manque la certitude. […]
2. Le choix est dicté par un impossible à supporter : […]
3. L’opposition optimisme / pessimisme [qui partage l’opinion] a pour fonction d’inhiber l’acte. Il s’agissait d’opérer un dépassement dialectique, en prenant la juste position dans l’infime espace temporel […]
4. Qui dit acte dit engager une livre de chair, ce qu’il appelle « l’emportement corps et âme ». […]
5. Pour poser un acte, il faut s’en savoir responsable, soit s’en faire responsable. […]
La solitude est la condition de possibilité de l’acte. […]
https://disparates.org/escapades/comment-se-repere-lacte-dans-le-livre-de-bhl/
Enfin, au moins puis-je dire qu’avec ce supposé-acte de BHL, je n’étais pas du tout d’accord, et encore moins d’accord après les révélations de Mediapart sur ce qui s’est passé en Syrie et les enjeux que représentaient pour Sarkozy la mort du Kadhafi. 😉
~~~~~~~~
La lettre d’adieu de Nomi :
Was it ugly?
Did my head fall and roll?
Was I facing up?
Was I facing down?
While I was acting as if
I had given up, a little by little
I drifted to my end.You tried hard to encourage me.
You encouraged me to try again and again.
You tried hard to encourage me to be better.
Was I a samurai?
Are you proud of me?
Are you embarrassed?
Do you hold a grudge?
Was your father a samurai?
Your father is dead.
But please don’t worry.
Your father is now with your mother.
To you, I don’t know if it’s happiness or sadness but our parental bond will last forever.
Maybe, now for the first time our parental bond as a family, is forever.
If you feel like you miss me,
be with your loved ones
and please love your loved ones.Experience.
Experience.
Experience life as much as you can.
Like as you were born as my daughter.
Experience.
Experience.
Experience life as much as you can.
And one day, I will be born as your son.
Experience.
Experience.
Experience life as much as you can.
It’s just that, but…
that’s all it is.
Experience.
Experience.
Experience life as much as you can.
It’s just that, but…
that’s all that it is.
…
I’m back!
Note sur la honte par Jacques-Alain Miller
1. Honte et culpabilité
« Il faut le dire, mourir de honte est un effet rarement obtenu.»
«Mourir de honte» est le signifiant par lequel Lacan entamait sa dernière leçon du Séminaire L’envers de la psychanalyse : «Il faut le dire, mourir de honte est un effet rarement obtenu.» (( L’orientation lacanienne III, 4, 5 juin 2002. Texte et notes établis par Catherine Bonningue.)) Ce terme de honte ne se rencontre pas là par hasard pour donner un point de départ, puisque Lacan va clore cette leçon ainsi «S’il y a à votre présence ici, si nombreux, des raisons un peu moins qu’ignobles, c’est qu’il m’arrive de vous faire honte. »
Éric Laurent a fait un exposé particulièrement stimulant ((Cf. Laurent É., exposé au cours du 29 mai 2002 de L’orientation lacanienne III, 4, publié dans Élucidation.)), se demandant s’il appartient bien au psychanalyste d’en rajouter sur cette honte, et s’il ne prendrait pas par là la relève du moraliste. Ce qui l’a conduit à introduire le thème de la culpabilité : «La honte est un affect éminemment psychanalytique qui fait partie de la série de la culpabilité. » Cet exposé offrait ainsi un biais, non pas sur l’actualité de 1970, sensiblement différente de la nôtre, marquée par la floraison, l’excitation d’une contestation dont nous étions les contemporains, mais sur une anticipation de la phase morale dans laquelle nous serions entrés depuis la chute du Mur de Berlin, donnant lieu à « un déferlement d’excuses, de regrets, de pardons, de repentances», au point qu’avoir honte serait ainsi devenu un symptôme mondial. II mit un bémol à cette construction et ouvrit une autre voie en soulignant que Lacan avait choisi de ponctuer la honte plutôt que la culpabilité, ajoutant aussi que ce «faire honte» ne supposait pas de pardon. C’est cette disjonction de la honte et de la culpabilité qu’il m’est venu la semaine dernière l’envie de commenter. Pourquoi honte et culpabilité à la fois s’appellent et se disjoignent? C’est en effet sur le terme de honte et non pas sur celui de culpabilité que Lacan a choisi de clore un séminaire où il a voulu situer le discours analytique dans le contexte du moment alors actuel de la civilisation contemporaine. Lacan nous a donné dans L’envers de la psychanalyse une nouvelle édition implicite du Malaise dans la civilisation, après l’avoir fait de façon plus explicite dans son Séminaire de L’éthique de la psychanalyse, nous permettant ainsi de mesurer le déplacement qui se produit de l’un à l’autre.
Sans doute un nouveau rapport s’est-il tramé dans cet intervalle entre le sujet et la jouissance. La nouveauté de ce rapport éclate si l’on se réfère à L’éthique de la psychanalyse où Lacan pouvait dire, sans susciter d’objection : «Le mouvement dans lequel est entraîné le monde où nous vivons […] implique une amputation, des sacrifices, à savoir ce style de puritanisme dans le rapport au désir qui s’est instauré historiquement. » (( Lacan J., Le Séminaire. Livre VII, L’éthique de la psychanalyse (1959-60), Paris, Seuil, 1986, pp. 350-351.)) En 1960, on pouvait encore dire que le capitalisme – terme tombé en désuétude pour n’avoir pas d’antonyme – était ordonné au puritanisme. Sans doute y avait-il derrière ce mot venant dans la bouche de Lacan sa connaissance des analyses de Max Weber, reprises, corrigées, mais non pas vraiment infirmées par l’historien anglais Tawney, et qui conditionnaient l’émergence du sujet capitaliste à une répression de la jouissance. (( Cf. Weber M., Histoire écononique: esquisse d’une histoire universelle de l’économie et de la société, Paris, Gallimard Bibliothèque des Sciences humaines, 1992 ; Tawney R. H., Religion and the Rise of Capitalistm, New York, Harcourt, Brace & World, Inc., 1926 ; La religion et l’essor du capitalisme, Paris, Éditions Marc Rivière, Bibliothèque d’Histoire économique et sociale, 1951.)) Accumuler au lieu de jouir.
Ce qui se dessine dans la seconde reprise de Lacan du thème du malaise dans la civilisation dans son Séminaire de L’envers, c’est la désuétude du diagnostic qu’il pouvait porter sur le mouvement dans lequel le monde est entraîné, et qui serait marqué du style de puritanisme, alors que le nouveau, s’il est empreint d’un style, est plutôt celui de la permissivité, et ce qui fait à l’occasion difficulté, c’est l’interdit d’interdire.
«Il n’y a plus de honte»
Le moins que l’on puisse dire est que le capitalisme s’est disjoint du puritanisme. C’est par ce biais que le discours de Lacan est, selon les termes d’Éric Laurent, le plus anticipant. En termes lacaniens, cela se dit, dans ce chapitre ultime de L’envers de la psychanalyse, de la façon suivante : «Il n’y a plus de honte». Je suivrai É. Laurent dans cette ponctuation du terme de honte jusqu’à dire que l’on découvre par là la question qui travaille L’envers de la psychanalyse, la carte n’étant retournée qu’à la dernière rencontre.
Qu’en est-il de la psychanalyse quand il n’y a plus de honte, quand la civilisation tend à dissoudre, à faire disparaître la honte? Ce qui ne va pas sans paradoxe, car il est traditionnel de poser que la civilisation a partie liée avec l’instauration de la honte.
Peut-être pouvons-nous formuler que la honte est un affect primaire du rapport à l’Autre. Dire que cet affect est primaire est sans doute vouloir le différencier de la culpabilité. Si l’on voulait s’engager dans cette voie, on dirait que la culpabilité est l’effet sur le sujet d’un Autre qui juge, donc d’un Autre qui recèle des valeurs que le sujet aurait transgressées. On dirait du même pas que la honte a rapport avec un Autre antérieur à l’Autre qui juge, un Autre primordial, non pas qui juge mais qui seulement voit ou donne à voir. La nudité peut ainsi être tenue comme honteuse et recouverte – partiellement si la honte porte sur tel ou tel organe – indépendamment de tout ce qui serait de l’ordre du délit, du dommage, de la transgression, à quoi elle donnerait occasion. C’est d’ailleurs de cette façon immédiate qu’elle est introduite dans une des grandes mythologies religieuses qui conditionne, ou conditionnait, le mouvement de notre civilisation.
la culpabilité est un rapport au désir tandis que la honte est un rapport à la jouissance qui touche […] « le plus intime du sujet».
On pourrait aussi essayer ceci que la culpabilité est un rapport au désir tandis que la honte est un rapport à la jouissance qui touche à ce que Lacan appelle, dans son « Kant avec Sade », « le plus intime du sujet». Il l’énonce à propos de la jouissance sadienne en tant qu’elle traverserait la volonté du sujet pour s’installer en son plus intime, ce qui lui est plus intime que sa volonté, pour le provoquer au-delà de sa volonté et au-delà du bien et du mal, en atteignant sa pudeur – terme qui est l’antonyme de la honte.
Lacan qualifie cette pudeur, de façon saisissante et en même temps énigmatique, d’être «amboceptive des conjonctures de l’être». Amboceptive veut dire que la pudeur est attachée, qu’elle prend, aussi bien du côté du sujet que de celui de l’Autre. Elle est doublement branchée sur le sujet et sur l’Autre. Quant aux conjonctures de l’être, c’est le rapport à l’Autre qui fait la conjoncture essentielle de l’être du sujet et qui se démontre telle dans la honte. Lacan l’explicite en disant que « l’impudeur de l’un fait le viol de la pudeur de l’autre».
« l’impudeur de l’un fait le viol de la pudeur de l’autre»
Dans ce rapport inaugural, il n’y a pas seulement honte de ce que je suis ou de ce que je fais, mais si l’autre franchit les bornes de la pudeur, c’est la mienne qui se trouve de ce fait même atteinte. C’est une façon de faire honte qui n’est pas exactement celle que prescrit Lacan à la fin de son Séminaire. Une expérience de la honte découvre ici comme une amboception ou une pseudo coïncidence du sujet et de l’Autre.
2. Regard et honte
Lacan, dans son Séminaire XI, se réfère à un épisode célèbre de l’émergence de la honte, celui retracé par Sartre dans son Être et le Néant à propos du regard, et qui tient en deux moments. Premier moment : «Je suis, moi, à regarder par le trou de la serrure.» Deuxième moment : «J’entends des pas dans le corridor on me regarde. Et alors je tombe dans la honte.» C’est le récit d’une émergence de l’affect de honte décrit comme une déchéance du sujet. Alors qu’il est là «à regarder par le trou de la serrure», il est «pur sujet spectateur, absorbé par le spectacle, inoccupé de soi-même». Il n’est pas «conscient de lui-même sur le mode positionnel», dit-il dans son langage, et à proprement parler «dans ce « regarder par le trou de la serrure », je ne suis rien». Il essaye de nous décrire un moment de fading du sujet, que nous pourrions écrire avec son symbole lacanien de S/.
Le deuxième temps, accroché au son, fait surgir le regard comme tel. On voit bien pourquoi il faut ici des pas. Sartre veut saisir le sujet avant qu’il ne reconnaisse celui qui va le voir. C’est avant d’en capter le visage qu’il se formule pour lui « on me regarde ». Regard anonyme. Derrière cet « on », se cache sans doute, dans l’algèbre lacanienne, le regard de l’Autre. Et Sartre de décrire la décadence du sujet, auparavant éclipsé dans son action et qui devient objet, qui se trouve alors se voir lui-même, par cette médiation, comme objet dans le monde, et d’essayer de saisir la chute du sujet dans un statut de rebut honteux. Là s’introduirait la honte : «Je reconnais que je suis cet objet que l’Autre regarde et juge. Je suis cet être-en-soi.»
La conjonction sartrienne du regard et du jugement est ce qui est peut-être à mettre en question ou à ébranler, puisqu’il accomplit ici comme le glissement de la honte vers la culpabilité. Dire «je suis cet être-en-soi» veut dire que je suis alors coupé du temps, coupé du projet. Je suis saisi au présent, dans un présent dépouillé de ma transcendance, de ma projection vers mon avenir, vers le sens que cette action pourrait avoir et qui me permettrait de la justifier. Le jugement, c’est encore autre chose. Pour juger, il faut commencer à parler. Je peux avoir de très bonnes raisons de regarder par le trou de la serrure. C’est peut-être ce qui se passe de l’autre côté qui est ce qui est à juger et à réprouver. Un présent dépouillé de toute transcendance.
Je ne rappelle cet épisode que pour donner un fond, une résonance, au diagnostic de Lacan qui figure dans cette dernière leçon du Séminaire de L’envers : «Il n’y a plus de honte». Cela se traduit par ceci : nous sommes à l’époque d’une éclipse du regard de l’Autre comme porteur de la honte.
3. Regard et jouissance
É. Laurent, par une intuition et une construction saisissantes, a rapporté à ce dernier chapitre du Séminaire de L’envers le propos que Lacan adressait aux étudiants de Vincennes, représentant le sublime, la fièvre de la contestation de l’époque: «Regardez-les jouir». II a marqué que cette invitation, cet impératif, était en quelque sorte répercuté aujourd’hui dans cette fièvre médiatique, un peu retombée d’ailleurs, mais qui garde son sens comme fait de civilisation, des reality shows – Loft Story.
Ce «regardez-les jouir» rappelle le regard, qui était auparavant éminemment l’instance susceptible de faire honte. Pour l’époque où s’exprime Lacan, s’il faut rappeler le regard, c’est bien que l’Autre qui pourrait regarder s’est évanoui. Le regard que l’on sollicite aujourd’hui en faisant spectacle de la réalité – et toute la télévision est un reality show – est un regard châtré de sa puissance de faire honte, et qui le démontre constamment. Comme si cette prise du spectacle télévisuel avait comme mission, en tout cas comme conséquence inconsciente, de démontrer que la honte est morte.
Si l’on peut imaginer que Lacan évoquait ce «regardez-les jouir» en 1970 comme une tentative pour ranimer le regard qui fait honte, on ne peut plus le penser pour les reality shows. Le regard qui est là distribué – il suffit de cliquer pour en disposer – est un regard qui ne porte plus la honte. Ce n’est certainement plus le regard de l’Autre qui pourrait juger. Ce qui se répercute dans cette honteuse pratique universelle, c’est la démonstration que votre regard, loin de porter la honte, n’est rien d’autre qu’un regard qui jouit aussi. C’est «regardez-les jouir pour en jouir».
Par ce rapprochement amené par É. Laurent, c’est le secret du spectacle qui se découvre, dont on a même voulu faire l’insigne de la société contemporaine en l’appelant, comme Guy Debord, La société du spectacle. Le secret du spectacle, c’est vous qui le regardez, parce que vous en jouissez. C’est vous comme sujet, et non pas l’Autre, qui regarde. Cette télévision répercute que l’Autre n’existe pas. C’est pourquoi on peut entendre, dans les harmoniques du propos de Lacan, la mise en scène des conséquences de la mort de Dieu, thème auquel Lacan a consacré ce qui fait chapitre dans son Éthique de la psychanalyse (( Cf. le chapitre XIII de L’éthique de la psychanalyse, op. cit.)) Ce que Lacan cerne, et à quoi nous avons affaire puisque c’est une anticipation sur le chemin de notre actualité, c’est la mort du regard de Dieu. J’en vois le témoignage, peut-être ténu, dans cette phrase, vraiment à la Lacan, qui figure dans cette dernière leçon : «Reconnaissez pourquoi Pascal et Kant se trémoussaient comme deux valets en passe de faire Vatel à votre endroit.»
4. La mort de l’Autre
Vatel est désormais mieux connu que jadis, grâce à un film où le personnage est incarné par Gérard Depardieu (( Vatel, film français, britannique, belge, 1999, sorti en mai 2000, réalisation de Roland Joffé.)). François Vatel qui est connu par ceux qui pratiquent, comme la grand-mère de Marcel Proust, la Correspondance de Mme de Sévigné. Maître d’hôtel, organisateur de fêtes, il passe au service du prince de Condé, en avril 1671. Le prince de Condé invite toute la cour à passer trois jours chez lui, c’est Vatel qui doit assurer le service. Au témoignage de Mme de Sévigné, il n’en dort pas pendant douze nuits consécutives. S’ajoute à cela, dit-on, une déception amoureuse, incarnée dans le film par une star qui montre tout ce qu’il perd dans l’occasion. Il a prévu une dizaine d’arrivages de poissons et de fruits de mer, voilà qu’il n’en arrive que deux. Il se désespère – visiblement, il est déprimé -, se persuade que la fête par sa faute est gâchée et il monte dans sa chambre, fixe une épée sur la poignée de la porte et s’y reprend à deux ou trois fois pour se transpercer et mourir, laissant ainsi son nom dans l’histoire. Lacan n’avait pas vu le film – trop récent – et c’est pourtant le nom de Vatel, qui lui vient comme le paradigme de celui qui est mort de honte, et qui était assez en rapport avec ce «mourir de honte», bien qu’il ne fût pas le moins du monde noble, mais, comme le souligne Lacan, un valet, un valet inséré dans le monde où il y a du noble.
Voilà que Lacan nous compare Pascal et Kant avec ce Vatel, et il les voit sur le bord du suicide pour cause de honte, se trémoussant, construisant leur labyrinthe pour y échapper. En quoi Pascal et Kant étaient-ils tourmentés par la honte de vivre et se trémoussaient-ils pour faire exister le regard du grand Autre, celui sous lequel on peut être amené à mourir de honte? Lacan l’indique en passant : «Ça a manqué de vérité là-haut, pendant trois siècles. » Il dit cela au vingtième siècle, mais cela se réfère au dix-septième.
N’est-ce pas le sens du fameux pari de Pascal qui se découvre à nous ici? Le pari de Pascal est en effet un effort pour soutenir l’ex-sistence de l’Autre. C’est une chicane, un trémoussement, afin d’arriver à poser qu’il y a en effet un Dieu avec lequel, comme Lacan le dit ailleurs dans le Séminaire, cela vaut la peine de faire le quitte ou double du plus-de-jouir. On ne peut pas se reposer sur le fait qu’il y a Dieu, il faut y mettre du sien par le pari. Le pari de Pascal, c’est sa façon de mettre du sien pour soutenir l’ex-sistence de l’Autre.
Que veut dire le pari sinon que l’on a à jouer sa vie comme une mise dans le jeu? – comme un objet petit a que l’on pose dans le jeu comme une mise, dont on accepte qu’il puisse être perdu, et ce afin de gagner une vie éternelle. Ce Dieu-là a besoin du pari pour exister. Si l’on fait cet effort-là, s’il faut cette béquille du pari, c’est que finalement ce Dieu est en train de branler dans le manche, si je puis dire, qu’il ne tient plus tout à fait à sa place. Cela suppose que l’Autre dont il s’agit est un Autre qui n’est pas barré. On espère qu’il tient le coup.
Du côté de Kant, pour aller vite, ce n’est pas de pari qu’il s’agit, mais d’hypothèses. Dans la Critique de la raison pratique, l’immortalité de l’âme comme l’existence de Dieu sont récupérées, non pas au titre de certitudes, mais au titre d’hypothèses nécessaires pour que la moralité ait un sens.
Dans cette veine, on peut dire que Pascal et Kant en ont mis un coup. Ils se sont évertués, si j’ose dire, ils ont travaillé – c’est pourquoi on les met plutôt du côté du valet – pour que le regard de l’Autre conserve un sens, c’est-à-dire pour que la honte existe et qu’il y ait quelque chose au-delà de la vie pure et simple.
5. Honte et honneur
C’est en regard de cet effort pathétique de ces grands esprits que Lacan inscrit ce qui était alors Vincennes, qu’il appelle à l’occasion «obscène», et qu’il saisit en 1970 comme un lieu où la honte n’a plus cours. Il s’est avancé vers ce Vincennes. Lacan l’a apparemment dit d’une façon assez en chicane pour que personne ne pousse des hauts cris. Comment voyait-il cela? Comme un renoncement à ce qui était encore le trémoussement pathétique de Pascal et Kant, et d’assumer l’inexistence de la honte. C’est une ironie de l’histoire que Lacan ait été rangé au rang des suppôts de la pensée 68. On n’a rien lu qui soit aussi sévère à l’endroit de 68, mais, à l’intérieur de cette sévérité, c’était amical. C’est sans doute ce que l’on n’a pas pardonné à Lacan.
Pourquoi, demandait É. Laurent – et il y a répondu -, la disparition de la honte, dans la civilisation, devrait-elle mobiliser un psychanalyste? Pris par le biais de Vatel, on peut répondre : parce que la disparition de la honte change le sens de la vie. Elle change le sens de la vie parce qu’elle change le sens de la mort. Vatel, mort de honte, est mort pour l’honneur, au nom de l’honneur. Voilà le terme qui fait pendant à celui de la honte. La honte couverte par la pudeur, mais exaltée, repoussée, par l’honneur.
Quand l’honneur est une valeur qui tient le coup, la vie comme telle ne l’emporte pas sur l’honneur. Quand il y a de l’honneur, la vie pure et simple est dévaluée. Cette vie pure et simple, c’est ce qui s’exprime traditionnellement dans les termes du primum vivere. D’abord vivre, on verra ensuite pourquoi. Sauver la vie comme valeur suprême. L’exemple de Vatel est là pour dire que même un valet peut sacrifier sa vie pour l’honneur. La disparition de la honte instaure le primum vivere comme valeur suprême, la vie ignominieuse, la vie ignoble, la vie sans honneur. C’est pourquoi Lacan évoque, à la fin de cette dernière leçon, des raisons qui pourraient être «moins qu’ignobles».
Cela s’articule en mathème. Le mathème en jeu est la représentation du sujet par ce que Lacan construit dans ce Séminaire comme le signifiant-maître S1.
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La disparition de la honte veut dire que le sujet cesse d’être représenté par un signifiant qui vaille. C’est pourquoi Lacan présente, au début de cette leçon, le terme heideggérien de l’être-pour-la-mort comme «la carte de visite par quoi un signifiant représente un sujet pour un autre signifiant». Il donne à ce S1 la valeur de la carte de visite, qui est «l’être-pour-la-mort». C’est la mort qui n’est pas pure et simple, la mort conditionnée par une valeur qui la surclasse, et lorsque cette carte est déchirée, dit-il, c’est une honte. On se moque alors de sa destination, puisque c’est à travers son inscription comme S, que le sujet peut être engrené sur un savoir et un ordre du monde où il a sa place, de maître d’hôtel à l’occasion, mais il doit tenir sa place. Au moment où il ne remplit plus sa fonction, il disparaît, c’est-à-dire qu’il se sacrifie au signifiant qu’il était là destiné à incarner.
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Quand on est au point où tout le monde déchire sa carte de visite, au point où il n’y a plus de honte, cela met en question l’éthique de la psychanalyse. Tout le Séminaire de L’éthique de la psychanalyse, et l’exemple pris d’Antigone, est là pour montrer au contraire que l’opération analytique suppose un au delà du primum vivere. Elle suppose que l’homme, comme il s’exprimait alors, ait un rapport à la seconde mort. Non pas à une seule mort, non pas à la mort pure et simple, mais à une seconde mort. Un rapport à ce qu’il est en tant que représenté par un signifiant. Pour rien au monde cela ne doit être sacrifié. Celui qui sacrifie sa vie, sacrifie tout sauf ce qui est là au plus intime, au plus précieux de son existence.
Lacan va en chercher l’exemple dans la tragédie d’Œdipe, précisément lorsqu’il entre dans la zone de l’entre-deux-morts où il a renoncé à tout . Il n’est plus rien si ce n’est un déchet qu’accompagne Antigone. Il se crève les yeux et donc tous les biens de ce monde disparaissent pour lui, mais, comme le note Lacan « Cela ne l’empêche pas d’exiger les honneurs dus à son rang» (( Lacan J., L’éthique de la psychanalyse, op. cit., p. 352. )). Dans la tragédie, on ne donne pas à Œdipe ce à quoi il a droit après le sacrifice d’un bestiau – des parties sont valorisées, d’autres moins -, on ne lui donne pas ce qui lui revient, et, alors qu’il est déjà passé au-delà de la première limite, il relève ce qui est un manquement à son honneur comme une injure intolérable, dit Lacan. Alors même qu’il a abandonné tous ses biens, il affirme la dignité du signifiant qui le représente.
L’autre exemple que Lacan prend à ce propos, celui du roi Lear, va dans le même sens. C’est là aussi un personnage qui laisse tout, mais qui, ayant tout laissé de son pouvoir, continue de s’accrocher à la fidélité des siens et à ce que Lacan appelle un pacte d’honneur.
L’éthique de la psychanalyse, si ce n’est d’un bout à l’autre, au moins après son premier tiers, suppose la différence entre une mort qui consiste à claquer le bec et la mort de l’être-pour-la-mort. La mort de l’être qui veut la mort est en rapport avec le signifiant-maître. C’est une mort risquée ou une mort voulue ou une mort assumée, et qui est en rapport avec la transcendance même du signifiant. À partir de l’accent si singulier que Lacan a mis sur ce «mourir de honte» et sur ce «faire honte» – qui faisait horreur, ou paraissait déplacé, à un collègue psychanalyste, disait É. Laurent -, le signifiant de l’honneur, le mot d’honneur, continue d’avoir sa pleine valeur pour Lacan au moment même où il essaye de fonder aujourd’hui le discours analytique.
Je me disais : «Honneur, honneur, où dit-il cela?» On le trouve par exemple d’emblée lorsqu’il fait le compte rendu d’un de ses derniers Séminaires, «… ou pire» : «D’autres s’… oupirent. Je mets à ne pas le faire mon honneur. » (( Lacan J., «… ou pire. Compte rendu du séminaire 1971-72 », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 547.)) Ce mot «honneur» consonne avec toute cette configuration que j’ai dessinée. Ce n’est pas seulement l’honneur de Lacan Jacques puisqu’il ajoute : « Il s’agit du sens d’une pratique qui est la psychanalyse.» Le sens de cette pratique n’est pas pensable sans l’honneur, n’est pas pensable si ne fonctionne pas l’envers de la psychanalyse qui est le discours du maître et le signifiant-maître qui est installé à sa place. Pour le faire recracher au sujet, il faut d’abord qu’il en ait été marqué. Et honneur de la psychanalyse tient au lien maintenu du sujet avec le signifiant-maître.
Ce « honneur» n’est pas un hapax. Par exemple, Lacan éprouve le besoin de justifier qu’il s’intéresse à André Gide. Gide mérite qu’on s’intéresse à lui parce que Gide s’intéressait à Gide, non pas dans le sens d’un vain narcissisme, mais parce que Gide était un sujet qui s’intéressait à sa singularité quelle que chétive qu’elle soit. Peut-être n’y a-t-il pas de meilleure définition de celui qui se propose pour être l’analysant. Le minimum qui peut être demandé, c’est qu’il s’intéresse à sa singularité, une singularité qui ne tient à rien d’autre qu’à ce S1, au signifiant qui lui est propre. Lacan n’ayant pas encore élaboré dans son formalisme ce signifiant-maître, l’appelle, dans son texte sur Gide, «le blason» du sujet, terme qui est bien là pour résonner avec celui d’honneur : « Le blason que le feu d’une rencontre a imprimé sur le sujet». Il dit aussi : « Le sceau n’est pas seulement une empreinte mais un hiéroglyphe», etc. (( Cf. Lacan J., « Jeunesse de Gide ou la lettre et le désir » (1958), Écrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 756. ))
Chacun de ces termes pourrait être étudié dans sa valeur propre. L’empreinte est simplement une marque naturelle, le hiéroglyphe on le déchiffre, mais il souligne que, dans tous les cas, c’est un signifiant, et son sens est de n’en pas avoir. On peut anticiper que cette marque singulière est ce qu’il appellera plus tard le signifiant-maître qui marque le sujet d’une singularité ineffaçable.
6. Singularité
A l’époque, Lacan ne reculait pas à dire que ce respect pour sa propre singularité, cette attention à sa singularité signifiante, c’est ce qui fait du sujet un maître. Il l’oppose à toutes les sagesses, qui ont au contraire un air d’esclave. Ces sagesses qui valent pour tous, ces soi-disant arts de vivre s’instaurent tous de négliger chez chacun la marque individuelle qui ne se laisse pas résorber dans l’universel qu’elles proposaient. Les sagesses à dissimuler cette marque de fer sont guindées par ce poids-là, par ce travestissement, et c’est pourquoi Lacan leur impute un air d’esclave.
Sans doute s’agit-il, dans L’envers de la psychanalyse, de séparer dans l’opération analytique le sujet de son signifiant-maître. Mais cela suppose qu’il sache en avoir un, et qu’il le respecte.
Lancé dans cette voie, je donnerai toute sa valeur à ce que Lacan dit au passage de son texte sur Gide, que « s’intéresser à sa singularité, c’est la chance de l’aristocratie». Voilà un terme que nous n’avons pas coutume de faire résonner et qui pourtant s’impose lorsqu’on reprend la position de Lacan devant ce fait de civilisation qu’a été Vincennes. Tout indique que ce qu’il a rencontré là, il l’a classé dans le registre de l’ignoble, et qu’il a eu, devant cette émergence d’un lieu où la honte avait disparu, une réaction aristocrate. Cette aristocratie est pour lui justifiée parce que le désir a partie liée avec le signifiant-maître, c’est-à-dire avec la noblesse. Ce pourquoi il peut dire dans son texte sur Gide «Le secret du désir est le secret de toute noblesse». Votre S1, contingent, et si chétif que vous soyez, vous met à part. Et la condition pour être analysant est d’avoir le sens de ce qui vous met à part.
En remontant plus loin, c’est quelque chose comme une réaction aristocrate qui motive les objections que Lacan a toujours multipliées en face des objectivations à quoi la civilisation contemporaine oblige le thérapeute ou l’intellectuel, le chercheur. Voyez par exemple ce qu’il présente comme l’analyse du moi de l’homme moderne une fois qu’il est sorti de l’impasse de faire la belle âme qui censure le cours du monde alors qu’il y prend sa part. (( Cf. Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage », Écrits, op. cit., p. 281. )) Comment le décrit-il ? D’un côté, cet homme moderne prend sa place dans le discours universel, collabore à l’avancée de la science, tient sa place comme il faut, et en même temps il oublie sa subjectivité, il oublie son existence et sa mort. Il n’était pas encore à dire « il regarde la télévision», mais c’était les romans policiers, etc.
On a là comme une critique ébauchée de ce que Heidegger appelait l’existence inauthentique, le règne du on. D’ailleurs, dans l’existentialisme, même sartrien, qui comportait cette critique de l’inauthentique, il y avait aussi bien une prétention aristocrate. Ne pas oublier ce qu’a d’absolument singulière son existence et sa mort. On voit là Lacan – on n’a pas à chercher ou à l’interpréter – évoquer en contraste avec le moi de l’homme moderne ce qu’il appelle la subjectivité créatrice, celle qui milite, dit-il, pour renouveler la puissance des symboles (( Ibid., p. 283.)). Il dit aussi en passant : «Cette création est supportée» – la création subjective, alors que la masse routinière récite les symboles, tourne en rond et éteint sa propre subjectivité dans le futile – «par un petit nombre de sujets» il. À peine a-t-il formulé cette pensée qu’il invite à ne pas s’y abandonner, c’est une «perspective romantique». On ne peut cependant pas méconnaître que Lacan s’inscrit parmi ce petit nombre de sujets.
C’est de là qu’il peut formuler dans Télévision, au moment où il prône la sortie du discours capitaliste : «Cela ne constituera pas un progrès si ce n’est que pour certains». La formulation précise dit bien que la première pensée qui là s’est présentée est bien que ce n’est que pour quelques-uns et pas pour tous. La limite de ce petit nombre, c’est ce que Lacan signalait comme cette pensée ridicule dont il faut se séparer et qui était «au moins moi».
Dans cette sortie que Lacan fait à la fin de L’envers de la psychanalyse, je vois les traces, l’expression de son débat avec l’aristocratie, son débat avec la noblesse qui est noblesse du désir. La question qu’il se pose à propos de la psychanalyse est bien : qu’en est-il de la psychanalyse en des temps où la noblesse est éclipsée? N’oublions pas que lorsqu’il modifiait le discours du maître pour en faire le discours du capitaliste, il inversait ces deux termes et inscrivait le S barré au-dessus de la ligne, c’est-à-dire un sujet qui n’a plus un signifiant-maître comme référent.
C’est confirmé, dans ce dernier chapitre de L’envers de la psychanalyse, par une référence très précise à la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, à la dialectique de la conscience noble et de la conscience vile, qui est la vérité de la conscience noble. Sur quoi il s’appuie pour formuler que la noblesse est vouée à passer dans la vilenie, dans la bassesse. Le temps de la noblesse débouche sur le temps où il n’y a plus de honte. Ce pourquoi il peut dire aux étudiants, aux contestataires de son public : «Plus vous serez ignobles, mieux ça ira.»
On voit bien pourquoi il pouvait parler aux étudiants qui se pressaient à son Séminaire de leur ignominie. Il l’explique, de biais : «Désormais, comme sujets, vous serez épinglés de signifiants qui ne sont que des signifiants comptables et qui effaceront la singularité du S1.» On a commencé à transformer la singularité du S1 en unités de valeur. Le signifiant-maître, d’une certaine façon, c’est l’unité de valeur singulière, celle qui ne se chiffre pas, qui ne rentre pas dans un calcul où l’on est pesé. C’est dans ce contexte qu’il se propose de faire honte, mais d’un «faire honte» qui n’a rien à faire avec la culpabilité. Faire honte, c’est un effort pour restituer l’instance du signifiant-maître.
7. L’honnête
Il y a sans doute un moment dans l’Histoire où s’est trouvée usée puis évacuée – on l’a pleurée pendant des siècles – la valeur de l’honneur. On n’a pas cessé de voir cet honneur être remanié et décroître. Si la civilisation qui l’a porté, c’était la civilisation féodale, on voit petit à petit cet honneur se tordre, se trémousser, être capturé par la cour, que Hegel analyse à propos de la conscience vile et de la conscience noble. Kojève le lisait ainsi, et sans doute Lacan aussi, c’est la référence à l’Histoire de France. Capturé par la cour après la folie de la Fronde, qui est la dernière résistance d’une forme antique de l’honneur, avant que l’honneur soit versé dans la courtisanerie. Et ce qui s’accomplit ensuite au cours du dix-huitième siècle, le renoncement à la vertu aristocratique pour que triomphent les valeurs bourgeoises.
La vertu aristocratique, qu’était-ce en son temps? Un signifiant-maître tenant assez le coup pour que le sujet y appuie son estime de soi, et en même temps l’autorisation et le devoir d’affirmer, non pas son égalité, mais sa supériorité sur les autres.
La vertu aristocratique, qu’était-ce en son temps? Un signifiant-maître tenant assez le coup pour que le sujet y appuie son estime de soi, et en même temps l’autorisation et le devoir d’affirmer, non pas son égalité, mais sa supériorité sur les autres. C’est ainsi que l’on a recyclé la magnanimité, qui était une valeur aristotélicienne, dans la morale aristocratique, et on la retrouve chez Descartes sous les espèces de la générosité dans son Traité des passions.
C’est là-dessus que même le surhomme nietzschéen trouve son ancrage historique. Cette vertu aristocratique a partie liée avec l’héroïsme. Même s’il le modère – « Chacun est à la fois le héros et l’homme du commun, et les buts qu’il peut se proposer comme héros, il les accomplira en tant qu’homme du commun» -, un personnage central qu’il fait se déplacer dans son Séminaire L’éthique de la psychanalyse est celui du héros, porteur de la vertu aristocratique, et en particulier de celle – c’est le b.a.-ba – qui permet d’aller au-delà du primum vivere.
Les vertus de ce qui a émergé comme l’homme moderne impliquent de renoncer à la vertu aristocratique et à ce qu’elle obligeait de braver la mort. Un des lieux où cela s’accomplit est l’œuvre de Hobbes, que l’on voit encore révérer la vertu aristocratique et déduire en même temps que le lien social est avant tout établi sur la peur de la mort, c’est-à-dire sur le contraire de la vertu aristocratique. Les esprits cultivés se réfèrent à ce discours ces temps-ci, où l’on trouve le fondement que l’essentiel pour l’homme moderne est la sécurité. C’est affirmer que l’héroïsme n’a plus de sens.
C’est là que l’on a vu naître de nouvelles vertus que l’on propose, à l’occasion ce que les Américains appellent greed, l’avidité. C’était la phrase célèbre des années quatre-vingt : «Greed is good», «L’avidité, c’est bien». Le capitalisme fonctionne grâce à l’avidité. Et aussi le règne qui ne cesse pas de s’étendre du calcul coût-profit. Lorsqu’on nous propose tout le temps des évaluations de l’opération analytique, ce n’est rien d’autre que ce règne du calcul coût-profit qui s’avance sur la psychanalyse.
Ne montons pas sur nos grands chevaux. Il y a place pour ce que Lacan appelle, dans la première page de sa dernière leçon, l’honnête. C’est une référence très précise à Hegel qui, au décours de sa dialectique de la conscience vile et de la conscience noble, évoque, au moment où cela se défait, la conscience honnête, c’est-à-dire la conscience en repos, celle qui prend «chaque moment comme une essence qui demeure» – tout est à sa place – et «qui chante la mélodie du bien et du vrai». À quoi il oppose les dissonances que fait entendre la conscience déchirée dont le paradigme est Le Neveu de Rameau. Cette conscience déchirée qui se manifeste par le renversement perpétuel de tous les concepts, de toutes les réalités, qui affiche la tromperie universelle – tromperie de soi, tromperie des autres – et qui témoigne aussi de ce que Hegel appelle l’impudence à dire cette tromperie.
Le Neveu de Rameau, c’est la grande figure qui émerge – et peut-être Diderot l’a-t-il gardée par honte dans ses tiroirs – de l’intellectuel éhonté, par rapport à quoi celui qui dit «moi» dans Le Neveu de Rameau se trouve dans la position de la conscience honnête, qui voit les propositions qu’il avance être renversées et dénaturées par le déchaîné neveu de Rameau, et qui est roulé dans la farine. À Vincennes – ce qui est reproduit sous le nom «Analyticon » dans le volume -, Lacan s’est trouvé dans la position du moi par rapport au Neveu de Rameau. Il s’est trouvé dans la position de la conscience honnête. Il s’en est distingué en vomissant les ignobles de l’époque dans son Séminaire.
L’honnête, Lacan le définit comme celui qui tient à l’honneur de ne pas faire mention de la honte. Dans son Séminaire, il franchit cette limite. Il est franchement déshonnête de parler comme ça des gens qui l’ont reçu gentiment. L’honnête est évidemment celui qui a déjà renoncé à l’honneur, à son blason, qui voudrait que la honte n’existât point, c’est-à-dire qui enrobe et voile le réel dont cette honte est l’affect.
Même si c’est abusif, on ne peut pas s’empêcher de penser que le grand honnête auquel il est arrivé à Lacan de se référer, et qui se tenait sans doute à distance de la honte, c’est Freud. II pouvait dire que « l’idéal de Freud, c’était un idéal tempéré d’honnêteté, l’honnêteté patriarcale» (( Lacan J., L’éthique de la psychanalyse, op. cit., p. 208. )) Freud bénéficiait encore de l’auvent du Père et, comme Lacan le démontre dans son Séminaire de L’envers, la psychanalyse loin de rabaisser le Père a fait tout ce qu’elle a pu pour essayer d’en conserver la statue. Elle a fondé à nouveaux frais la notion d’un Père tout amour.
Lorsque Lacan évoque l’honnêteté patriarcale de l’idéal freudien, la référence qu’il prend c’est Diderot, Le Père de famille (( Ibid.)) Diderot sert là de guide dans la mesure où il est juste sur la ligne de fracture entre l’idéal patriarcal et la figure du Neveu de Rameau qui est la dérision de cette honnêteté patriarcale.
8. Impudence
Lacan ne s’est pas arrêté à dire aux étudiants de l’époque qu’ils témoignaient d’un monde où il n’y avait plus de honte. Il a au contraire essayé de leur indiquer que, sous leur air éventé, comme il s’exprime – il faut entendre éhonté -, ils butaient à chaque pas «sur une honte de vivre gratinée». Une fois l’absence de honte censurée, il leur montre qu’il y a néanmoins une honte de vivre derrière l’absence de honte. C’est ce que peut pointer la psychanalyse, que les éhontés sont des honteux. Sans doute contestent-ils le discours du maître, la solidarité du maître et du travailleur, chacun étant partie du même système. Il se réfère à Senatus Populusque Romanus, le Sénat et le peuple romain, qui bénéficient chacun du signifiant-maître. Il signale à ces étudiants qu’ils se placent avec les autres en plus, c’est-à-dire avec les déchets du système, non pas avec le prolétariat mais avec le sous-prolétariat. C’est très précis et cela court à travers toutes les années que nous avons vécues depuis. Cela lui permet de déduire que ce système qui tient au signifiant-maître produit de la honte. Les étudiants, se plaçant hors système, se placent dans l’impudence.
C’est là que l’on voit ce qui a changé depuis. Nous sommes dans un système qui n’obéit pas à la même régulation parce que nous sommes dans un système qui produit de l’impudence et non pas de la honte, c’est-à-dire dans un système qui annule la fonction de la honte. On ne l’appréhende plus que sous les espèces de l’insécurité, une insécurité que l’on impute au sujet qui ne tombe pas sous la coupe d’un signifiant-maître. Ce qui fait que le moment de cette civilisation est travaillé par un retour autoritaire et artificiel du signifiant-maître et par obtenir que chacun travaille à sa place, sinon on les enferme.
Si dans le système où était Lacan on pouvait encore dire «f aire honte», l’impudence a aujourd’hui beaucoup progressé, elle est devenue la norme. Qu’obtient-on de dire au sujet « vous vous devez quelque chose à vous-même» ? Il ne fait pas de doute que la psychanalyse doive définir sa position par rapport à la réaction aristocrate que j’évoquais. C’est bien la question qui hante la pratique : est-elle pour tous?
Voilà le débat fondamental de Lacan. Cela n’a jamais été vraiment avec l’egopsychology, cela n’a pas été avec les collègues. Le débat fondamental de Lacan – c’est clair dans L’envers de la psychanalyse, et cela l’était déjà dans L’éthique de la psychanalyse – a toujours été un débat avec la civilisation en tant qu’elle abolit la honte, avec ce qui est en cours de globalisation, avec l’américanisation ou avec l’utilitarisme, c’est-à-dire avec le règne de ce que Kojève appelait le bourgeois chrétien.
La voie que Lacan proposait, c’était le signifiant porteur comme tel d’une valeur de transcendance. Ce qui se condense dans S1. Là encore, les choses se sont déplacées depuis L’envers de la psychanalyse, puisqu’on a touché au signifiant. La parole est elle-même ravalée dans le couple «écoute et bavardage». Ce qu’on essaye de préserver dans la séance analytique, c’est un espace où le signifiant garde sa dignité.
La demande de pardon, évoquée par É. Laurent, est plutôt du registre de la culpabilité, c’est-à-dire qu’elle aide à oublier le registre de la honte et de l’honneur. Pourquoi se trouve-t-on demander pardon? Dans cette pratique, un peu tombée en désuétude depuis que les choses se sont resserrées sur l’insécurité internationale et nationale, on voulait faire qu’on demande pardon pour les S1, pour les valeurs, qui vous avaient animés, et qui étaient toutes meurtrières ou nocives. À travers ce «demander pardon», c’était l’affirmation du primum vivere. Aucune valeur dont vous avez pu vous croire les porteurs ne valait le sacrifice d’aucune vie. D’où la comptabilité soigneuse des crimes de toutes les grandes fonctions idéalisantes au cours de l’histoire.
Nous sommes au point où le discours dominant enjoint de n’avoir plus honte de sa jouissance. Du reste, oui. De son désir, mais pas de sa jouissance.
On peut mesurer aujourd’hui la différence d’avec l’époque de L’envers de la psychanalyse. Nous sommes au point où le discours dominant enjoint de n’avoir plus honte de sa jouissance. Du reste, oui. De son désir, mais pas de sa jouissance.
J’en ai eu un témoignage extraordinaire cette semaine, où j’ai rencontré un des auteurs dont nous avions parlé cette année à propos du contre-transfert (( J.-A. Miller fait référence à Daniel Widlocher, son entretien avec lui vient de paraître en mars 2003 dans le premier numéro de la revue Psychiatrie et sciences humaines. )). Je lui ai fait part d’un des résultats de la lecture minutieuse des écrits de cette orientation, comme quoi la pratique du contre-transfert, l’attention passionnée donnée par l’analyste à ses propres processus mentaux, semblait tout de même être de l’ordre d’une «jouissance». Vous hésitez à le dire lorsque vous vous adressez à un praticien éminent de la chose. Et là, la surprise a été pour moi «Mais bien entendu, m’a-t-il dit. Et c’est même une jouissance infantile.»
Jacques-Alain Miller
NB : On trouve cet article sur le site http://www.wapol.org/fr/ en faisant une recherche par titre (LISTADO ALFABÉTICO POR TÍTULO –> « Note sur la honte ») (Le site est ainsi conçu qu’il n’est malheureusement pas possible de donner le lien direct sur l’article)
Je crois qu’à la base de l’art, il y a cette idée ou ce sentiment très vif d’une certaine honte d’être un homme
Chers amis, sur la honte voir dans l’abécédaire de Gilles Deleuze la lettre R (fonction de l’art en rapport avec la honte).
A bientôt
Jean-Luc
« Je crois qu’un des motifs de la pensée, c’est une certaine honte d’être un homme. Je crois que l’homme, l’artiste, l’écrivain qui l’a dit le plus profondément, c’est Primo Levi. Il a su parler de cette honte d’être un homme. Ce qui dominait à son retour des camps de concentration, c’était la honte d’être un homme. C’est une phrase… à la fois très splendide, je crois très belle, mais ce n’est pas abstrait, c’est très concret, la honte d’être un homme. Mais elle ne veut pas dire les bêtises qu’on veut lui fait dire, ça ne veut pas dire nous sommes tous des assassins, où nous sommes tous coupables ; par exemple, nous sommes tous coupables devant le nazisme. Primo Levi le dit admirablement, cela ne veut pas dire que les bourreaux et les victimes soient les mêmes. On ne nous fera pas croire cela, on ne nous fera pas confondre le bourreau et la victime. La honte d’être un homme, cela ne veut pas dire : on est tous pareils, on est tous compromis (…), mais ça veut dire plusieurs choses ; c’est un sentiment complexe, ce n’est pas un sentiment unifié. La honte d’être un homme, ça veut dire à la fois : comment des hommes ont-ils pu faire cela ? Des hommes, c’est-à-dire d’autres que moi, comment ils ont pu faire ça ? Et deuxièmement, comment est-ce que moi, j’ai quand même pactisé, je ne suis pas devenu un bourreau, mais j’ai pactisé assez pour survivre,, et puis une certaine honte d’avoir survécu, à la place de certains amis qui n’ont pas survécu. C’est donc un sentiment très complexe. Je crois qu’à la base de l’art, il y a cette idée ou ce sentiment très vif d’une certaine honte d’être un homme qui fait que l’art, ça consiste à libérer la vie que l’homme a emprisonnée. L’homme ne cesse pas d’emprisonner la vie, de tuer la vie, la honte d’être un homme, l’artiste c’est celui qui libère une vie, une vie puissante, une vie plus que personnelle, ce n’est pas sa vie… »
Finir son analyse : C’est ce soir !
Enseignement des AE
Soirée du 6 juin 2012
1 rue Huysmans à 21 h 15
Finir son analyse
Comment finit l’analyse ? Pourquoi s’arrête t-elle ? Qu’est-ce qui est à l’œuvre dans ce moment de conclure ?
Après le Congrès de Buenos Aires, et à partir de notre expérience singulière, nous aborderons les différentes modalités de fins d’analyse et leurs conséquences. Il s’agira notamment de mettre en valeur la différence entre la fin d’analyse par la traversée du fantasme et la fin d’analyse par le sinthome.
Hélène Bonnaud, Sonia Chiriaco et Anaëlle Lebovits-Quenehen, à partir de leur travail d’AE, présenteront chacune un exposé pour ouvrir le débat.
Bernard Seynhaeve nous fera le plaisir de présider et d’animer cette soirée.
[via ECF-Messager – La liste d’information des actualités de l’École de la Cause freudienne et des ACF]
Cosmopolis – un rat à la mesure de toute chose
Cosmopolis, le film. Je ne l’ai pas aimé, trouvé trop bavard et…. trop peu cauchemardesque ( déçue ( vos « avertissements » avaient sonné comme des promesses pour moi ;)) ). Mais j’ai acheté le livre de Don DeLillo, que j’ai commencé à lire ,sachant que Cronenberg avait repris très fidèlement tous les dialogues du livre.
Catherine, il ne me semble pas qu’il n’y ait pas de femmes dans ce film, pas de voix de femmes, ou qu’elles soient uniquement intéressées par l’argent… Certes, ses interlocutrices travaillent pour lui, Eric Packer (de même que chacun de ses interlocuteurs), en dehors de sa femme, qui, par ailleurs, ne veut pas coucher avec lui… Mais, est-ce que ça en fait des prostituées pour autant ? Ils se parlent, il les écoutent, elles lui parlent. Elles sont séduites, peut-être par son argent, peut-être par cette forme de savoir qu’il détient sur le fonctionnement du monde, du capital, de la finance, du chiffre, cette forme de savoir proche de la certitude où le doute prend peu de place : rien ne vaut rien, tout vaut tout, un rat est la mesure de toute chose, seul compte le chiffre.
C’est à et endroit-là que le film se situe dans la problématique de « l’Un sans l’Autre ». C’est le chiffre qui apporte la valeur, valeur que lui, Packer, tente ramener à un système, de rapporter à un discours – au risque finalement de sa vie. Il n’est pas complètement blasé, il ne cesse de parler et d’entraîner les autres à parler. Il y a d’un côté l’Un qui l’a mis dans la position où il est, et il y a l’Autre encore auquel il aimerait incorporer la logique réduite mais implacable de l’Un. Sa certitude d’un côté, le doute auquel il cherche à s’initier de l’Autre.
« Tu vis dans une tour qui monte jusqu’au ciel sans que Dieu la punisse. »
Si je me réfère à la « Note sur la honte» de Jacques-Alain Miller, je dirais : il est sans vergogne, il n’a pas de honte et personne qui veuille lui faire honte. Éventuellement, va-t-il vers sa honte, vers cette figure de double inversé ( ainsi que le remarquait finement un ami), qui essaiera de lui faire honte, sans y parvenir ( – Ne me faites pas rire. – Je ne dois pas le faire rire.) Plus personne n’y croit. La machine capitaliste est implacable. L’Un va sans l’Autre.
Véronique
Sur le doute, sur la montée du doute :
« Il y a un ordre quelque part, à un niveau profond, dit-il. Un schéma qui veut apparaître.
– Alors regarde-le. »
Il entendait des voix dans le lointain.
« Je l’ai toujours fait. mais dans ce cas particulier, il est évasif. Mes experts se sont donné un mal fou mais ils ont pratiquement renoncé. J’ai travaillé là-dessus, dormi là-dessus, et pas dormi là-dessus aussi. Il y a une surface commune, une affinité entre les mouvements de marché et le monde naturel. *
– Une esthétique d’interaction.
– Oui. Mais dans ce cas je commence à douter de la trouver un jour.
– Douter. Qu’est-ce que le doute? Tu ne crois pas au doute. Tu me l’as dit. La puissance de l’ordinateur élimine le doute. Tout doute provient d’expériences passées. Nous connaissons le passé mais pas le futur. C’est en train de changer, dit-elle. Il nous faut une nouvelle théorie du temps.
Dialogue entre Vija Kinski, sa conseillère en matière de pensée, et Eric Packer dans Cosmopolis le films et Cosmopolis, le livre de Don DeLillo, Babel, p. 98
sur le prix, sur le chiffre :
« Le concept de propriété se modifie de jour en jour, d’heure en heure. Les dépenses énormes que font les gens […] Ça n’a rien à voir avec la confiance en soi à l’ancienne, d’accord. La propriété n’est plus une affaire de pouvoir, de personnalité et d’autorité. Elle n’est plus une affaire d’étalage de vulgarité ou de goût. Parce qu’elle n’a plus ni poids ni forme. La seule chose qui compte c’est le prix que vous payez. Toi-même, Éric, réfléchis. Qu’est-ce que tu as acheté pour cent quatre millions de dollars? Pas des dizaines de pièces, des vues incomparables, des ascenseurs privés. Pas la chambre à coucher rotative ni le lit informatisé. Pas la piscine ni le requin. Les droits aériens peut-être? Les capteurs à régulation et l’informatique? Pas les miroirs qui te disent comment tu te sens quand tu te regardes le matin. Tu as payé pour le chiffre lui-même. Cent quatre millions. Voilà ce que tu as acheté. Et ça les vaut. Le chiffre est sa propre justification.«
Ibid., p. 89
NOTES
* A ce propos, pour un prolongement de l’analyse de ce film, j’invite à se rapporter à ce que dit Jacques-Alain Miller du « monde naturel » dans sa présentation du thèmes des prochaines journées du Congrès de l’AMP. Eric Packer croit à une nature qui n’existe plus, n’a pas eu l’idée du « désordre dans le réel » – son aymétrique prostate. Ou n’a pas réussi à l’incorporer dans son système : un élément de la nature –> un chiffre.
doutes / notes (cosmopolis à la recherche du temps perdu)
Qu’est-ce qui lie le doute cartésien, méthodique, et le doute obsessionnel ?
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Catherine, tu parlais de notre futur hypothéqué, dont nous étions dépossédés, en raison de dettes, des contrats de toutes sortes que nous lions, parfois même à notre insu (les petits caractères)… que c’était de cela que t’avait parlé le film Cosmopolis ; dans la voiture, alors, nous avions parlé de l’endettement (de l’endettement volontaire) et de l’obsessionnellisation du monde contemporain.
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Serait-il intéressant de revenir sur la fonction de la dette chez l’obsessionnel? (( je dis ça, et je ne cesse de buter, en pensée, sur une pierre, une pierre, un caillou, non, sur le chemin de l’homme aux rats, un détour, auquel il s’oblige ???))
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Cosmopolis: Éric et son « double ». Dans le livre, Éric appelle, dans sa tête, dans ses pensées : « le sujet ». Comme s’il avait été vers lui-même comme sujet, sujet du doute cartésien, dans le fantasme. Mais alors d’où vient-il ? De quoi émarge-t-il quand il quitte son territoire de la certitude du chiffre, pour aller vers le doute du sujet.
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« … la science est ‘une idéologie de suppression du sujet’ »
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dans l’écriture du scenario, Cronenberg a scrupuleusement repris tous les dialogues du livre. Dans le livre, nous avons toutes les pensées d’Éric.
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parmi ces pensées : si (à vérifier) la honte ne lui vient pas, à Éric, dans le livre nous apprenons que la culpabilité, oui, elle lui vient :
« Éric pressa le canon de son revolver contre la paume de sa main gauche. Il essayait de penser avec clarté. Il pensa à son chef de la sécurité étalé sur l’asphalte, avec encore un seconde à vivre. Il pensa à d’autres, au fil des ans, brumeux et anonymes. Il fut envahi par une énorme prise de conscience, toute pétrie de remords. Il en fut transpercé, la culpabilité, c’est son nom, et comme elle était étrange, la douceur de la détente contre son doigt. » Cosmopolis, Babel, p. 208-209
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honte vs culpabilité dans le texte de Miller
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il y a deux nuits, j’ai rêvé de Lacan. au réveil, je dis à Jules : « J’ai rêvé de Lacan ! » Lui : « Quoi ? Non ! C’est incroyable ! » « Tu l’as connu ? » Moi : « Non, » Il était, je crois, vieux, gris, triste, Lacan, mais vivant. (j’étais heureuse, surprise, heureuse, d’avoir rêvé lui, et je savais que c’était parce que je m’étais demandé, la veille, s’il n’était pas temps que je me remette à lire Lacan (que je ne cite plus que de mémoire.)
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« La science, le sujet et la psychanalyse », par Pierre Skriabine, là : http://www.causefreudienne.net/etudier/essential/la-science-le-sujet-et-la-psychanalyse-pierre-skriabine-membre-de-l-ecole-de-la-cause-freudienne.html
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Ce jour-là, Éric avance à rebours de ce qu’il essaie d’inscrire dans un discours au départ de son mode de vie ( ironique mais sans humour). Par cette tentative, son désir d’une invention conceptuelle, il quitte le temps ( perdu) d’où il vient, retourne à l’histoire ( « nous avons besoin d’une nouvelle théorie du temps », « ces mots sont obsolètes… ordinateur, walkie-talkie, etc. »), dans sa voiture qui n’avance pas, sa limo « prousted », vers ce coiffeur de son enfance « avec toutes les associations » et les « vrais miroirs » ( à la place des caméras de surveillance).
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« On pourrait aussi essayer ceci que la culpabilité est un rapport au désir tandis que la honte est un rapport à la jouissance qui touche à ce que Lacan appelle, dans son ‘Kant avec Sade’, ‘ le plus intime du sujet’. »
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la honte, ce serait Benno Levin qui l’incarne – lui qui sent si mauvais qu’on ne peut travailler avec lui, comme le corps d’Éric va se mettre à sentir, de + en +, au fur et à mesure que va le film : « Excuse-moi de te le dire, mais tu pues le sexe » (sa femme, citée de mémoire).
« Chaque jour j’ai honte, et chaque jour davantage. Mais je vais passer le reste de ma vie dans ce lieu de vie à écrire ces notes, ce journal, à enregistrer mes actes et mes réflexions, à trouver un peu d’honneur, un peu de valeur au fond des choses. Je veux dix mille pages qui arrêteront le monde. […] Cet ouvrage inclura des descriptions de mes symptômes. » ( Benno Levin – Ibid., p. 164)
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Benno Levin –> Benny Lévy (de Mao à Moïse…) –> le MAO II de Don Delillo.
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« L’argent, c’est du temps » – Don DeLillo dans une interview à propos du film (http://www.slate.fr/story/56689/don-delillo-cosmopolis )
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« L’essentiel, c’est la limousine, qui elle-même est moins une voiture qu’un espace mental: être dans la limo, c’est être dans le tête d’ Éric Packer. Voilà ce qui compte.
Dans la limousine «proustée». Le mot ne figure pas dans la traduction française…
Non? Elle est dans le livre, c’est un néologisme créé par DeLillo, en référence au liège dont Marcel Proust avait fait tapisser sa chambre. DeLillo a inventé le verbe «prouster». Je ne sais pas combien de gens comprendront l’allusion, mais je ne voulais pas l’expliquer, je crois que de toute façon le mot crée une interrogation, une distorsion.
C’est aussi bien comme ça. « source : http://www.slate.fr/story/56743/cronenberg-entretien-cosmopolis-pattinson-dialogues-don-delillo
Enfin, du coup, vous voyez, moi, je ne sais plus. J’ai des doutes, moi aussi. Et aussi sur ce que nous faisons.
Mais je vous embrasse,
A demain !
Véronique
PS : je me demande si nous n’aurions pas besoin d’une sorte de +1 du blog, ou de quelqu’un qui parvienne à …
Atelier de criminologie lacanienne – La honte, la culpabilité, la responsabilité, l’innocence
L’Atelier de criminologie lacanienne, parrainé par L’ACF-IdF et l’Envers de Paris, démarre sa saison juin 2012 -2013 par une première soirée qui aura lieu le mardi 26 juin 2012, 20h30, au 31, rue de Navarin, 75009, M° : Pigalle
Présentation de la soirée : Marie-Claude Sureau / Liliana Salazar
Thème : « L’imposture pathologique » (exposé de Chloé Danguy)
Sera suivi de : « L’escroc confronté à sa faute » (exposé de Dario Morales)
Discutant : José Rambeau
D’autres soirées auront lieu dès la rentrée et se poursuivront jusqu’à juin 2013
Le thème général de la recherche : Honte, culpabilité et responsabilité
Pour l’événement du mardi 26 juin, 20h30 ; entrée libre, gratuite
MiaMMiaM ~ les aventures du roi Vikram, le 24 juin
Bonjour , Bonsoir,
Je vous adresse les dernières informations de « MiaMMiaM« , qui présente bientôt « Les aventures du roi Vikram« , conte d’Inde en musique.
Pour découvrir cette nouvelle création venez le 24 juin pour le festival de la Frette sur Seine, parmi une dizaine de conteurs, à 16h45.
Et sinon, vous avez toujours les anciens contes en vidéo en suivant ce lien .
http://www.youtube.com/user/Blanky93
A bientôt!
Vanessa
lettre ouverte
Il y a comme deux courants qui s’opposent, celui de l’Un, celui de l’Autre. Il y a comme si Miller nous disait allons vers l’Un, il n’y a pas le choix, et qu’il lui soit répondu : mais pas sans l’Autre. Car l’Un est partout, l’Un est partout, l’Un nous embarrasse de toutes parts, quel autre recours que l’Autre? A quoi Miller, répondrait, impassible, nous n’avons pas encore suffisamment exploré les extrémités de l’Un. Il nous faut encore aller vers cette réduction, nous en rapprocher, tant que possible sans l’Autre. Cela, probablement, dans le cadre de la cure analytique, dont le terme trouverait son terme en ce terme : l’Un.
Avec les analyses que nous, membres d’Escapcult, avons conduites des films Shame, Saya Zamurai et Cosmopolis, nous avons découvert des personnages que l’Un semblait avoir perdus, et qui tentaient de retourner vers l’Autre, du moins est-ce ainsi que nous l’avons interprété. Cela comme à rebours de ce que propose Miller (nous enjoint-il).
Faut-il dès lors prendre ces films comme des fables réussies de ce qu’il vous arrive quand on va jusqu’au bout de l’Un, l’artiste se montrant une fois de plus précurseur de l’analyste ?
Ou ces territoires de l’Un ne s’avèrent-ils explorables qu’à l’intérieur du cadre de l’analyse ? Et n’aurions-nous qu’à regretter qu’aussi bien Brandon (de Shame), que Nomi (de Saya Samurai), qu’Eric (de Cosmopolis) n’aient, plutôt que de mourir, rencontré un analyste?
La proposition de Miller alors deviendrait : c’est à nous analystes qu’il revient d’aller vers l’Un en ne ramenant l’Autre que prudemment (que l’Autre apprivoise l’Un) – puisqu’aussi bien, c’est cette intervention de l’Autre dans chacun des 3 films qui s’est avérée invivable, mortifère (Brandon n’est pas mort à la fin du film, mais sa situation est plus qu’inquiétante).
Je ne pense pas qu’aucun de ces films nous offrent de découvrir la particularité de l’Un, la marque particulière de l’Un auquel chacun a affaire. Ce Kern des Wesens, noyau de l’être qui ferait l’Un de l’existence. C’est d’un Un non identifié qu’il s’agit dans ces films (en quoi il serait juste, puisque le Un se situe hors identification signifiante (n’aurait d’issue que d’identification au sinthome?)), identifié uniquement à sa marque universelle : Un. 1, qui est la singularité même, que rien cependant ne distingue de n’importe quel autre 1. Dont la singularité n’a pas trouvé son écriture, le territoire de sa lettre (en quoi consiste cependant le choix de Benno Levin (Cosmopolis) : écrire, des milliards de pages, écrire, dit-il, son symptôme). C’est de l’envisager, ou de vouloir l’envisager dans un discours pour tous, un discours universel, que la tentative d’Eric Packer (Cosmopolis) faillit. L’Un résiste violemment à son inscription dans un discours universel (résistance du discours capitaliste?), il ne peut consister que d’un témoignage au cas par cas, d’un témoignage individuel. Et ne se passe probablement pas de la chair humaine, du corps. C’est probablement d’une lettre écrite sur le corps qu’il s’agit de répercuter. L’Un n’est que d’Un seul, aussi seul que le corps. Répété par et pour un seul et qui peut trouver à s’entendre (par l’Autre) dans l’écriture, par la réduction qu’elle opère. L’écriture au sens large, dont procède la science, aussi bien que l’œuvre de Joyce, que notre addictions aux écrans et aux dits « réseaux sociaux ». Notre monde nous invite perpétuellement à la re-présentation et nous en offre les outils : appareils photos, caméras, autopublication. Posons que ce désir de re-présentation soit toujours fondamentalement humain, toujours fondamentalement éthique, toujours de l’Autre, toujours signifiant. Un signifiant de l’ère numérique, qui ne manque jamais de se souvenir que sa matière première est une succession de 1 et de 0. Dans l’espace numérique, tout s’écrit. C’est en cette écriture que nous sommes liés (on en jouit), en ce tout que nous sommes damnés (condamnés, puisque l’Un du corps est in-signifiant).
L’écriture (cybernétique) est un des noms de la maladie de l’Un contemporain. Elle est ce qui le cause, ce qui l’entretient, ce qui le cure. C’est en tout cas, ce que m’enseigne Miller. Et c’est une assez belle chose que de voir ses élèves toujours ramener cet enseignement au désir, qui n’est au fond qu’une prise au sérieux, une mise en série de ce qui insiste dans ce qui nous dépasse (et crée notre ennui). Une tentative d’affabulation, d’apprivoisement.
V. Müller
je vous écris pour vous lire
louise,
à moi, d’abord, la littérature me demande de lire. et
je sais que je ne lis jamais
assez bien. à chaque fois, je pense que
je relirai une deuxième fois, puis, non, je ne
le fais simplement pas. je passe à
autre chose.
écrire, me permet de lire, de lire mieux. plus longuement, plus lentement.
je vous écris pour vous lire.
je lis partout. je m’en rends compte quand j’écris.
je lis dans les musées, aux concerts,
je lis mes amis,
je lis mon fils, mon amant,
je lis. je veux toujours lire.
mais je ne l’entends, que je lis, qu’à partir du moment
où j’écris.
c’est comme ça, je crois.
et je ne sais jamais ce que je vais écrire, et puis j’oublie ce que
j’ai écrit. oui ?
le réel, non, n’est pas constatable par tous. n’est-ce pas, non. c’est quelque chose, ça, constater.
‘skapad,
v
Gerhard Richter (sur le bruit de la peinture)
très beau documentaire sur Richter, oui Dominique, que j’ai pu moi aussi voir l’autre jour dans ce merveilleux petit cinéma (MK2 Beaubourg) ( où se jouent en ce moment, entre autres, Saya Zamuraï, Cosmopolis, Avé et Il n’y a pas de rapport sexuel).
on y assiste à la genèse très physique, sensorielle, de deux, trois grands tableaux abstraits. sont très étonnants les bruits, en forme de musique, que fait la grande racle de peinture quand elle glisse sur la toile, conférant à son avancée aveugle un caractère épique, les longues traces, sillons, stries qu’elle tire lentement sur la toile encore vierge ou au travers des couches de peintures déjà posées, qu’elle balaie, détruit.
je n’ai pu m’empêcher de songer aux longues chevelures de Degas (voir l’exposition Degas et le nu au Musée d’Orsay, du 13 mars au 1er juillet 2012) où le peigne passe, ainsi qu’à ces peignes que dans un jeu de mot Duchamp rapportait à la peinture : « que ça peigne », à une époque où certaines avancées techniques, futiles pour le profane, d’importance pour les peintres, comme l’industrialisation de la fabrication de la peinture, amenée dorénavant à sortir de tubes, « readymade », « déjà faites, toutes faites », mais aussi les avancées de la photographie et de la reproduction mécanique, conduisaient les peintres à reconsidérer leur medium : la peinture même, avec lequel il perdait, non sans nostalgie, un certain rapport physique, artisanal. perte qui conduira des Kandinsky à tout laisser pour ne garder qu’elle : la peinture, la couleur, lui ouvrant les territoires de l’abstraction où elle puisse s’épanouir, jouir, jouer. c’est au moment donc où se perd un rapport physique à la peinture, que les peintres, au moins pour certains d’autres eux, trouvent à nouer avec elle de nouveaux liens. c’est comme ils la perdent, qu’ils la découvrent, en découvrent la physicalité, la font passer au concept. d’où, chez des Degas, par exemple, ces toiles, comme des corps, comme des corps de femme, que le pinceau, le peigne, du peintre vient mettre au monde. c’est particulièrement visible, dans l’exposition des Degas et le nu avec ses très beaux monotypes : de l’encre posée sur une plaque, la recouvrant complètement, est travaillée au doigt, à la brosse, au peigne, la plaque étant ensuite retournée sur une feuille de papier, pour une impression unique.
L’un des choix de Richter se situe là : un choix de la peinture (des peintures primaires, simples, dit l’un de ses assistants) dans ce qu’elle comporte de physique, dans ce qu’elle apporte de plaisir, « c’est si amusant de faire ça ». la peinture finalement devenue inutile n’ayant (enfin) laissé d’elle que sa jouissance (« inutilité de la jouissance »), une jouissance à portée de main, à prendre à bras le corps (c’est Jules qui faisait remarquer qu’il devait être costaud, cet homme, Gerhard Richter).
véronique
nb : je ne suis pas sûre du mot racle.
« Le fait que les peintres ne broient plus leurs couleurs paraît de prime abord n’être que la conséquence évidente de la disponibilité des tubes de couleur produits industriellement. En réalité ce fait est d’une importance extrême quand on cherche à comprendre les changements culturels qui bouleversèrent la tradition de la peinture et firent du modernisme une sorte d’anti-tradition, conduisant au déclin de la peinture comme métier et à sa renaissance instantanée comme idée. Aux vieux jours de la peinture ancienne, le broyage des couleurs, comme la confection des châssis, l’apprêt de la toile et d’autres pratiques préparatoires, était loin d’être considéré comme une activité subalterne. Cennino Cennini le prescrit comme un processus important presque amoureux, dans lequel s’entendent déjà les échos de la masturbation olfactive de Duchamp […] » Thierry de Duve, Résonnances du Readymade, Duchamp entre avant-garde et tradition, p. 166.
Matisse sur la brèche // attention, derniers jours
« … si je trouve qu’il y a une faiblesse dans mon ensemble, je me réintroduis dans mon tableau par cette faiblesse – je rentre par la brèche – et je reconçois le tout. » Matisse, 1936.
Dominique.
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derniers jours donc de cette exposition :
Matisse
Paires et séries
7 mars – 18 juin 2012
« Je me suis inventé en considérant d’abord mes premières œuvres. Elles trompent rarement. J’y ai trouvé une chose toujours semblable que je crus à première vue une répétition mettant de la monotonie dans mes tableaux. C’était la manifestation de ma personnalité apparue la même quels que fussent les divers états d’esprit par lesquels j’ai passé. » Henri Matisse interrogé par Guillaume Apollinaire (La Phalange, n°2, décembre 1907).
Godard/Matisse/Aragon
Dans un de ses films, Godard compare le magnifique tableau de Matisse « La blouse roumaine » à un poème d’Aragon…
Il n’en dit pas plus. Je ne retrouve pas la citation exacte, mais ça m’avait beaucoup frappée. Il me semble que, depuis, assez mystérieusement, je regarde mieux ce tableau (revu hier encore). Pour moi, le point commun serait une certaine emphase. Les effets de manche(s)…
NB. Godard aimait beaucoup ce tableau, qui occupait une place de choix dans son exposition « Voyage(s) en utopie » (Centre Pompidou 2006).
Dominique.
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Derniers jours Matisse
Nocturnes et ouvertures anticipées:
nocturne tous les vendredis, samedis, dimanches, lundis jusqu’à 23h.
ouverture anticipée tous les dimanches de 10h à 11h, réservée aux adhérents et aux détenteurs de billets achetés en ligne.
Bonjour Dominique…..intéressée par ta remarque, je reviens d’une petite escapade sur Google et j’ai trouvé ceci……Concernant Godard commentant le tableau « La blouse roumaine », j’y ai entendu son allusion à Aragon….qu’en penses-tu ?
Brigitte
Louis ARAGON (1897-1982)
Les mains d’Elsa
Donne-moi tes mains pour l’inquiétude
Donne-moi tes mains dont j’ai tant rêvé
Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d’émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu
Donne-moi tes mains que mon coeur s’y forme
S’y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.
Source : http://membres.multimania.fr/donm/citation.htm#aragon
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En effet, il y a dans ce poème d’Aragon comme un écho à la notation de Godard dont je me souviens. Merci !
De toute façon, il y a des liens entre Godard et Aragon, dans les deux sens. J’avais trouvé le site ERITA, avec, plutôt en désordre, ce qu’en dit Maryse Vassevière. Un petit paragraphe me semblait cependant corroborer mon souvenir, mais il ne donne pas de détails.
Il faudrait retrouver le film mais je n’ai aucun indice. Je l’ai vu au cours de la très vaste rétrospective des films de Godard concomitante à l’exposition.
Dominique.
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Là !
http://www.ina.fr/art-et-culture/beaux-arts/video/I04188950/jean-luc-godard-au-musee-d-art-moderme-de-paris.fr.html : Jean Luc GODARD déambule dans les salles du musée d’art moderne de Paris, et nous livre ses commentaires sur la peinture, et en particulier sur un tableau d’Henri Matisse.
Lire/écrire 7
j’ai beaucoup apprécié ce qui s’est dit ici autour de lire/écrire (cette lettre/symptôme qui ne se lit qu’à condition de l’écrire).
dans une lecture de soi ou de l’autre ? me demandais-tu Brigitte.
rapidement je répondrais, qu’une certaine dimension du « se faire », « se faire » lire, « se faire » écrire, implique d’avoir à en passer par l’Autre, offrant donc à l’objet, la lettre – hors-sens – de circuler ( fût-ce sous des atours qui ne soient pas les siens…) aussi, probablement, une lecture attentive implique-t-elle de reprendre dans sa langue la langue de l’autre – même si l’acte analytique entend justement rompre avec ces « sympathies de langue » pour isoler plus proprement, chirurgicalement, un objet ou une lettre dont la nature est d’être absolument étrange, sans Autre.) (autrefois je pensais l’objet a comme un diamant à multiples facettes et la rencontre amoureuse, l’énamoration, comme à un moment où deux facettes de deux objets se rencontraient qui se croyaient « mêmes », quand il ne s’agit que d’une facette… évidemment, suffit-il que l’objet bouge un peu ou qu’une autre facette vienne à être mise en lumière et les difficultés peuvent commencer…)
etc.
Bonjour à tous et à toi Géraldine et à toi Vanessa, bon retour parmi nous, j’espère que nous aurons par vous quelques retours sur Tel Aviv et la lecture (du symptôme) où j’aurais tant voulu aller (( « Lire un symptôme », X° Congrès de la New Lacanian School, Tel Aviv, 16 & 17 juin 2012. )) (même si cela peut paraître politiquement incorrect aux yeux de certains d’aller en Israël, je me sens personnellement politiquement engagée et active, même quand cet engagement ne suit pas les grand-routes toutes faites de l’engagement politique – convictions emplies de certitudes, appartenance à un parti ou à un groupe marqué « politique », distribution claire et sans ambigüités de mes sympathies et de mes antipathies – je me sens de part mon éducation religieuse ( !) foncièrement de gauche probablement, mais la psychanalyse m’a appris à me méfier d’un communisme et/ou d’un humanitarisme en son fond chrétien, et j’ai le sentiment qu’il serait bon peut-être de baliser, au moins un peu, de nouvelles façons d’engagements, de voies politiques. je dis ça rapidement, en passant, mais sans vouloir passer dessus, parce que cela m’inquiète et que je souhaite diriger ma réflexion sur ce sujet dont je n’ai à ce jour que l’intuition.)
Ma maman arrive demain matin. Je compte avec elle revoir l’exposition des Nus de Degas ainsi que l’exposition Gerhard Richter. Mais, je ne sais pas encore quand, je sais seulement que je ne souhaite pas voir l’exposition Richter à un moment où il y aurait trop d’affluence. Par contre, nous pourrions très bien, je crois, voir le Faust avec vous, toutes les deux, et avec grand plaisir. Dites-moi seulement quand ? MK2 Beaubourg me convient bien sûr.
Demain soir, je vais avec Guy et Dominique découvrir le dernier spectacle d’Yves-Noël Genod (dont nous vous avons déjà parlé sur la liste) au Rond-Point. Que ceux celles qui le souhaitent n’hésitent pas à se joindre à nous. Vanessa ? C’est peut-être malheureusement trop tôt pour toi ? Mais tu avais aimé le précédent spectacle, non ? De nombreux acteurs qui jouaient dans « Chic by accident » jouent à nouveau dans celle-ci – Marlène Saldana (de toujours pour toujours, abominablement talentueuse et sympathique), Valérie Dréville (qui lit des textes de cet étrange auteur, Hélène Bessette, pour qui Duras avait beaucoup l’admiration ) et Dominique Uber (« (mais Dominique a été danseuse chez Maguy Marin, elle sait marcher sur la terre cabossée et meuble tout en portant un enfant, un meuble, je ne sais quoi…) »). Ça s’appelle « Je m’occupe de vous personnellement », voir là : http://2011-2012.theatredurondpoint.fr/saison/fiche_spectacle.cfm/110869-je-m-occupe-de-vous-personnellement.html et sur le blog d’Yves-Noël Genod : http://ledispariteur.blogspot.fr/
J’aurais aimé également vous inviter à dîner, chez moi, chez nous, pendant que ma mère sera là… mais là aussi, suis un peu débordée un ce moment et vais devoir faire de terribles efforts d’organisation… (à cause de quoi je vais devoir mettre la pédale douce sur les publications sur le blog, désolée. s’il y a quelque chose dont il vous semble qu’il doive absolument être publié, envoyez-moi un petit mail, d’accord?)
tout ceci est un peu alambiqué, voire ampoulé, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser,
vous embrasse fort,
véronique
Shame de Steve McQueen et Les nus de Degas – note 0
0/ Partir de la honte ( relire la « Note sur la honte » de Miller).
D’instinct, aller d’abord vers l’ontologie, parce que concernant cette « science de l’être », Lacan préconisait de plutôt l’écrire avec un H : « Hontologie« . Quand Miller nous apprit l’année dernière à l’opposer à l’hénologie.
Hénologie opposée à ontologie.
L’un opposé à l’être,
L’existence à l’essence.
La honte, celle que vous éprouvez à vous être approché au plus près du noyau de votre être (ai-je retenu de ce que me dit, il y a bien longtemps, mon analyste, peu avant que je n’arrive à Paris (( en ce qui me concerne, la honte d’écrire…))). (( Il y a plus longtemps encore, arrivant juste en analyse, pour ma part je lui dis: « Je ne suis pas venue ici pour demander pardon. Ici, je veux être sans pardon. »))
Déjà, reconnaître dans ce « noyau de l’être », ce qui fait la marque du sujet, sa brulure, dont, s’il convient qu’il se détache de la passion, il ne convient pas qu’il ne l’assume, ne s’en tienne responsable. Ce que je peux en dire. Du symptôme au sinthome ( ?) (( Et l’Hontologie avec un H de Lacan se ferait précurseur de l’hénologie de Miller. L’hontologie lacanienne extime à l’ ontologie. Ce noyau de l’être extime à l’être.))
« J’aimerais au moins être arrivé à vous faire honte » – Lacan J., citation approximative.
Vous envoie mes notes, et encore, de façon fragmentée. Un texte en effet traîne sur mon bureau, qui n’est pourtant pas long, et que je n’ai même pas eu (pris) le temps de finir de retaper ; il traite de l’exposition sur les Nus de Degas, du film Shame et de la salle de bain…
Ne s’agit-il pas également avec Escapades d’un laboratoire d’écriture, aussi bien que d’e-lecture…..
Bien à vous,
Véronique
sur la question du négationnisme
Je vous envoie un texte que j’avais écrit à Louise Lambrichs sur Facebook, en commentaire d’un article d’elle publié dans Le Monde qui dénonce le rejet par le Conseil Constitutionnel d’une loi pénalisant la négation des génocides reconnus par la loi et s’inquiète de l’abrogation possible dès lors de la loi Gayssot (condamnant le négationnisme du génocide juif).
J’aurais pour ma part l’idée que chacun doit pouvoir exprimer son opinion que de toutes façons rien ne l’empêchera d’avoir, mais je m’intéresse aux causes de Louise. Sa lecture m’a une fois de plus ramenée à un article de Rivka Warshawski lu en 1996 (et qui décidément me poursuit).
S’il n’est pas évident, le lien de ce texte au négationnisme, existe. Et il s’appuie entre-autres sur le livre de JF Lyotard, Le différend, accusé d’ailleurs par certains de servir la cause du négationnisme.
—-
Chère Louise, je suis bien mal placée pour penser ces questions qui malheureusement m’échappent ayant bien des difficultés avec l’histoire, avec le temps.
Je crois que je suis phénoménalement trop inconsciente. Je n’arrive pas à intégrer les coups de hache de l’histoire, le temps dans sa durée ne cesse de m’échapper, malgré mes efforts répétés pour l’étudier. Ma mémoire s’acharne à contracter la ligne du temps en quelques points, voire à un seul. Je vivrais hors temps, hors lieu, pourtant toujours bien là, présente. // ceci n’a rien à voir avec le négationnisme mais interroge au moins la nature de l’histoire.
Ces difficultés de mémoire que je suis tentée de traiter en symptôme (plutôt qu’en manque d’intellignece, j’ai ma fierté….) me conduisent en tout cas à avoir la plus grande difficulté à croire à une quelconque objectivité possible des faits, à une vérité historique (à moins que cette vérité n’assume tout ce que Lacan peut en dire : qu’elle ne soit que mi-dite, qu’elle soit fiction (mais qu’elle attienne au réel (du sujet qui l’élabore)), et qu’elle soit soeur de l’impuissance).
Ce qui m’avait rendue très sensible au texte de Rivka Warshawsky dont je vous ai déjà parlé : « Israël et l’holocauste – Du zéro au septième million ».
RW y parle d’une jeune femme en analyse chez elle et de son accès, son accession à l’histoire (c’est ma lecture). Elle y parle de ce qu’elle repère comme un phénomène d’identification à un signifiant unique « survivant de l’holocauste », un S1, un signifiant-maître, signifiant m’être, qui domine la vie de cette analysante et lui impose une vie « toute d’inhibitions et de souffrances inexpliquées » sur laquelle elle tient à rester mutique. Mutisme du sujet qui tient à préserver son (m)’être (« holocauste »). // on nage donc ici en pleine (h)ontologie (voire même avec la honte d’être survivant)
L’holocauste lui, est silencieux.
Les chambres à gaz sont silencieuses, souligne RW, se rapportant à ce livre de Lyotard, « Le différend », qui souligne qu’aucune chambre à gaz n’apportera jamais la preuve de son œuvre de mort puisque qu’aucun n’en n’est sorti, ne peut en témoigner. Peut-être à cet endroit me direz-vous que c’est tiré par les cheveux, que l’on sait, que l’on connaît la vérité des faits, que l’on ne peut les ignorer. C’est là l’intérêt de cet article (enfin l’un des intérêts), c’est qu’il souligne qu’il est très important de reconnaître ce silence, ce trou dans le symbolique que constitue les chambres à gaz, ce réel.
(D’un côté il y a le mutisme du sujet, mutisme qui signe aussi la présence même du sujet, de l’autre il y a le silence du réel. Entre les deux : pas de rapport.)
C’est ce réel qui est l’œuvre dans le symptôme qui s’élabore de cette analysante. Il y a un trou, un impensable, un impensé. Lui, est antérieur.
Le signifiant qui vient le barrer, le marquer, l’indicer, c’est cet un-signifiant « survivant de l’holocauste » avec lequel l’analysante cherche à faire corps (dans le déni du sien // on n’est pas un signifiant, on a un corps). Cet Un est sans mémoire. et ne peut que se répéter, hors sens (le sens est celui du temps, de l’histoire). « Répétition et mémoire s’excluent », insiste RW. Cet Un auquel cette analysante cherche à s’identifier fait barre sur le trou. Son être se réduit à cette barre qu’elle doit faire sur le trou.
Cette identification ne peut être qu’inhibitoire, puisqu’elle ne permet, n’autorise que la répétition. Itérer. Faire marque. Faire barre (aussi bien barre à soi-même, puisqu’on est dans l’obligation de la redresser encore et toujours cette barre, cette marque cette croix, dirais-je suivant là mes origines chrétiennes. Obligé de retracer cet Un qui disparaît dans les limbes aussitôt aussitôt tracé.) C’est là un autre apport de ce texte que de souligner le lien de l’inhibition et de la nécessaire répétition du Un.
Et c’est quand l’analysante comprend, lors d’une interprétation de l’analyste, qu’elle a son histoire et que cette histoire ne va pas sans dire, qu’elle vient poser ce que RW appelle la question du zéro : « Si je suis de la deuxième génération mes parents de la première (les survivants), qu’est-ce qu’il y avait avant. Est-ce que c’était la génération zéro? Et qu’est-ce qu’il y avait avant le zéro? »(citation de mémoire)
Voilà donc que le zéro (un nombre) vient se poser sur le réel de l’origine, de l’holocauste, le faisant exister. Le conte, le compte devient possible. A la place de ce zéro, c’est l’analysante bien-sûr qui va devoir venir se positionner comme sujet, sujet du verbe. Mais, au départ de ce zéro-nombre, on quitte le domaine de la cardinalité du Un et sa simple répétition pour rentrer dans l’ordinalité, le compte, la succession. Accession donc à l’histoire.
Voilà ce que je peux vous dire pour le moment. C’est que de toute façon, au départ, c’est pas les faits, c’est le réel. Après-coup, les faits ne seront jamais ce qu’on peut en dire. // En regard au négationnisme, la question est alors de savoir si on peut dire tout ce qu’on veut ou s’il y a un interdire.
Bien cordialement à vous,
Véronique
RE: sur la question du négationnisme
Chère Véronique,
très intéressant ce que tu as écrit, mais effectivement, j’aimerais bien lire aussi l’article qui t’as inspiré cette réflexion… le problème: je n’ai pas accès à Facebook. Tu as un autre lien pour les allergiques au bouc?
Malik
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Cher Malik,
Le texte que je commente, de Rivka Warshawski, se trouve là : https://disparates.org/lun/2011/03/du-zero-au-septieme-million/
Quant à celui de Louise L., le voici :
Le Conseil constitutionnel a décidé de rendre le négationnisme licite (titre donné par Le Monde du 6 mars 2012)
par Louise L. Lambrichs, jeudi 5 juillet 2012, 19:38 ·
La récente décision du Conseil constitutionnel de rejeter la loi pénalisant la négation des génocides reconnus par la loi et documentés par l’Histoire est un événement historique qui confronte chaque sujet à sa conscience, voire à son inconscience (pour ne pas dire son inconscient). Cet événement, dont le sens me paraît devoir être pensé autant que possible, devrait inviter en effet chacun à se situer et à choisir son camp, au-delà de ses opinions personnelles puisqu’il s’agit d’une question d’intérêt public.
Quant à moi, cette décision me paraît gravissime au sens où, au nom de la liberté d’expression dont j’use ici publiquement, elle soulève la question des rapports qu’entretient le Conseil constitutionnel français avec les décisions prises par les cours pénales internationales, tout en portant atteinte à la vérité historique dont héritent les jeunes générations actuelles et en entérinant légalement toutes les formes de négationnisme au nom de la liberté.
En effet, si le Conseil constitutionnel est logique, cette décision, qui est aussi un acte symbolique, devrait l’amener à remettre en cause la loi Gayssot. Car il ne peut pas à la fois rejeter ce projet de loi et maintenir une loi qui condamne le négationnisme sans s’exposer à être inconsistant, voire incohérent. C’est là une contradiction à laquelle la raison législative va bien devoir se confronter – sauf à soutenir la liberté comme étant d’abord la liberté de ne pas penser (qui existe, bien entendu, mais dont on souhaiterait, si possible, qu’elle ne fasse pas la loi dans un pays qui s’honore de grands penseurs).
En ce sens, quels qu’aient été les études publiées depuis des décennies et les débats soulevés par ces études, on ne peut pas dire jusqu’ici que les hommes aient réussi à penser le génocide comme réel, sa spécificité, et la différence radicale qui le distingue de la guerre ordinaire. Ce dont témoignent bien, sur un autre terrain européen où la France a aussi été engagée, les discours actuels et passés sur la guerre de Yougoslavie, discours portés par d’innombrables experts en effet très libres, et c’est heureux, mais qui semblent jusqu’ici n’avoir pas saisi la relation entre le négationnisme des nationalistes serbes, et la répétition génocidaire qui s’est produite, sous nos yeux, dans les Balkans.
De mon point de vue, et c’est là un événement dont je me demande qui il pourra réjouir, la décision du Conseil constitutionnel consacre la victoire de Robert Faurisson et de Noam Chomsky qui, si le législateur a bonne mémoire, avaient pris la défense de cet historien négationniste » au nom de la liberté d’expression « . Que je sache, les historiens ne sont pas libres de nier les faits, dont chacun sait qu’ils sont têtus. Ils sont au contraire invités à les penser aussi rigoureusement que possible et à les documenter tout en en reconstruisant la logique. Or si la destruction des juifs d’Europe a changé quelque chose dans l’histoire occidentale, c’est bien dans cette question-là, à savoir penser ce qu’est un sujet humain confronté à l’horreur génocidaire – horreur qui s’organise dans la langue elle-même qui lève, sans en avoir l’air et parfois en falsifiant l’Histoire et en entraînant les foules, l’interdit de tuer en laissant libre cours aux pulsions destructrices qui habitent l’être humain.
Il faut croire que cette question ne s’est pas inscrite, psychiquement, dans l’esprit des membres du Conseil constitutionnel, supposés faire valoir nos valeurs universelles – valeurs qui supposent elles aussi de penser le réel en tant qu’il est spécifiquement humain. Il faut croire qu’ils n’ont pas mesuré l’effet probable de leur décision, qui autorisera désormais les jeunes générations qui seraient tentées de nier l’existence des chambres à gaz à proclamer haut et fort, comme le font déjà certains, que les juifs ont tout inventé et qu’il s’agirait là, finalement, d’un » mythe « . Façon commode, bien entendu, de se débarrasser de la question.
Il me paraît clair que si l’Allemagne avait osé prendre une telle décision, de nombreux Français, toujours prêts à donner des leçons, auraient crié au scandale. La loi Gayssot n’étant pas encore abrogée, j’espère que l’indignation, aujourd’hui bien portée, soulèvera la masse des Français qui refusent de vivre dans une France négationniste, désormais autorisée par le Conseil constitutionnel, au nom de la liberté, à considérer les génocides comme des détails de l’Histoire. Une France autorisée à faire librement et constitutionnellement injure aux juifs, aux Arméniens, aux Bosniaques, aux Croates, aux Serbes qui ont eule courage de combattre Milosevic, et qui vivent sur notre sol.
Le choix, bien entendu, est délicat. Rejeter ce projet de loi et conserver la loi Gayssot serait laisser entendre qu’aux juifs, un sort particulier serait fait – il est vrai qu’ils en ont tristement l’habitude -, ce qui ne peut qu’aiguiser l’antisémitisme. La décision qui m’eût paru raisonnable aurait été d’entériner ce projet de loi, pour tenter de penser ce qui, manifestement, reste pour la plupart difficile à penser, à savoir le sens, dans l’Histoire, de la destruction des juifs d’Europe, et en quoi d’autres politiques postérieures, sans être semblables, sont néanmoins comparables, idéologiquement et pratiquement, à la politique menée par l’Allemagne nazie avec la collaboration, parmi d’autres, de l’Etat français.
Louise L. Lambrichs
Ecrivain
Chargée d’enseignement à Sciences Po
N.B. Cet article a été publié par Le Monde, mais n’est plus accessible par le lien initialement donné. Vu ses enjeux actuels, je me permets de le publier ici, de façon à lutter contre le négationnisme actuel. Le titre que j’avais proposé était : » Libres d’être négationnistes ? » Le titre donné ici est celui donné par la rédaction du Monde.