Claude Cahun au Jeu de Paume

La première rencontre d’Escapades Culturelles est fixée au samedi 24 septembre à 14h au jeu de paume, 1 place de la Concorde 75008 Paris. Rendez-vous dans l’entrée du musée.

Claude Cahun,  Sans titre, vers 1939
Claude Cahun, Sans titre, vers 1939

CLAUDE CAHUN AU JEU DE PAUME par Dominique Chauvin

L’actualité Claude Cahun vient croiser la rentrée lacanienne. L’exposition que lui consacre le musée du Jeu de Paume depuis le mois de mai s’achèvera en effet le 25 septembre, ce qui nous laisse juste le temps de vous proposer cette visite ! Heureuse coïncidence, car Claude Cahun, qui a fait partie du groupe surréaliste dans les années trente, a elle-même croisé Lacan. Elle a suivi des présentations de malades à Sainte-Anne et Lacan a fréquenté à l’occasion, en compagnie de ses amis surréalistes, l’atelier qu’elle occupait avec sa compagne Suzanne Malherbe, 70 bis, rue Notre-Dame des Champs. En 1938, Claude et Suzanne s’installent dans l’île de Jersey et se trouvent dès lors coupées du groupe. Elles sont arrêtées en 1944 pour actes de résistance, condamnées à mort, libérées en 1945(1)…
Claude Cahun se tenait plutôt pour un écrivain, un poète. Elle se passionna aussi pour le théâtre. L’œuvre photographique, présentée ici, était peu connue de son vivant. C’est pourtant une œuvre fascinante, que nous vous invitons à venir découvrir.

(1) Cf. François Leperlier, Claude Cahun, L’exotisme intérieur, Paris, Fayard, 2006.

J’aime prendre le temps de la découverte… et des retrouvailles

Je vais surement aller mercredi en début d’après midi, disons entre 14 et 15H30 au centre Pompidou pour une première visite de l’exposition de Munch.

Les impatients et les curieux, sont les bienvenus!!!

J’aime prendre le temps de la découverte… et des retrouvailles avec une exposition. Quelquefois il m’arrive de faire un premier tour, pour une vision d’ensemble… Et de revenir, quelques temps plus tard, voire plusieurs fois pour apprécier plus particulièrement certaines œuvres… me poser, dessiner, souffler après une longue journée… etc…

Quant à une rencontre de groupe, il semble que les dimanches d’octobre sont assez chargés…
Est-ce que chacun peut énoncer ses moments plus disponibles? Le samedi convient mieux à tout le monde?

Bonne soirée à vous!

Vanessa

Tu seras mon éclaireuse…

J’aime bien, quant à moi, me laisser porter par le désir d’autres, j’aborde les œuvres de façon brute, c’est-à-dire brutale. Celles qui me touchent me laissent sans voix, sans mot: elles savent dans leur mouvement même retenir le punctum ( R. Barthes). Quant au studium, c’est l’ennui assuré!

Le visage, de profil et en miroir, de Claude Cahun, n’a pu s’effacer, pour moi, au fil de la visite. Je n’ai pu regarder les autres « tableaux » qu’à travers le prisme de ce premier, qui ne s’est jamais vraiment estompé!

Bises
Alain

munch, premier repérage

Bonsoir tous,

Passant devant Beaubourg, j’ai fait un premier repérage impromptu cet après-midi !

Points communs avec Claude Cahun : Munch a pratiqué la photographie, l’autoportrait tout au long de sa vie, et l’écriture. En l’occurrence, de poèmes, dont l’un est intitulé « Le cri ».

Il a, lui aussi, un rapport très particulier au regard (normal, il est peintre): souffrant de troubles de la vision (hémorragie de l’œil droit), il entreprend de peindre ce qu’il voit à travers cet œil. Normal aussi: ça se traduit à l’occasion par des visions assez cauchemardesques.

Mercredi, je mettrai la dernière main à mes préparatifs de voyage. A un prochain samedi, donc ?

D

A text from Munch’s diary in 1892 relates to The Scream:
I was walking along a path with two friends
the sun was setting
I felt a breath of melancholy
Suddenly the sky turned blood-red
I stopped and leant against the railing,
deathly tired
looking out across flaming clouds that hung
like – blood and a sword over the
deep blue fjord and town
My friends walked on –
I stood there trembling with anxiety
And I felt a great, infinite scream pass
through nature

Claude cahun corps et nan-na Kun

CAHUN – rien à faire, pour moi la coïncidence est trop belle : claude cahun corps et nan-na Kun ! et quel corps ! alors, oui, alain, le punctum des premiers portraits  qui pour moi comportent quelque chose d’horrible… et dont une part de l’horreur fonctionne paradoxalement dans l’exacerbation du semblant – ça n’est pas la chose nue, c’est la chose ultra-policée, polie, peau-lissée, en dehors de tous les poncifs sur la beauté proche bientôt d’une sorte de nudité foetale – interrogeant aussi le moment où la beauté fait ou ferait l’homme ou la femme -, – l’hors-la-loi qui use des moyens même de la police pour venir à se montrer. le voile opaque qui pourtant montre. ah, ce n’est pas cela que j’avais en tête l’autre nuit, mais, je ne me souviens plus de ce que j’avais en tête l’autre nuit.

amicalement à vous,

véronique

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Merci Véronique pour pour tes réflexions à propos de Claude Cahun ! Anne-Marie Landivaux souhaitait pour « Confluents » un retour de nos « Escapades ». Je me demandais si tu serais d’accord pour lui envoyer ces lignes, qui font déjà un petit texte, ou si tu voudrais les étoffer avec celles qui t’étaient venues la veille. Ou encore cela pourrait être l’amorce d’une réflexion à plusieurs voix, comme le suggéraient Vanessa et Alain ?

A bientôt,

D

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Dominique,

Confluents ? oh je ne sais pas, j’ai écrit vite.

je viens de revoir l’image dont parle Alain:

l’effroi, l’envie de détourner les yeux  est toujours là:  mais la chose est bien plus nue que ce que j’en disais cet après-midi,  quand me me revenait à l’esprit plutôt cette image-là (dont la vue ne me dérange pas moins) :

Claude Cahun, Autoportrait, 1927
Claude Cahun, Autoportrait, 1927, Tirage gélatino-argentique, 19,5 x 14 cm

et quand on aura parlé du maquillage, de la sophistication extrême, de « l’étal »  – ce côté : « comment c’est », « là », on aura encore rien dit de l’humour (des chatteries, de la provocation) :


et l’incroyable sérieux:

cette femme au crâne rasé, ce regard droit, comment ne pas songer au sort qui sera, quelques années plus tard, celui des… … (ah, je n’arrive même pas à l’écrire).

« Brouiller les cartes. Masculin ? Féminin ? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. S’il existait dans notre langue on n’observerait pas ce flottement de ma pensée. Je serais pour de bon l’abeille ouvrière. »

«I am in training, don’t kiss me.»

«A 7 ans je cherchais déjà sans le savoir, avec la hardiesse stratégique et l’impuissance motrice qui me caractérisent, l’aventure sentimentale.»

«Me voici pure, vierge sans emploi, reine en grève, chômeuse volontaire, en marge et comme on dit au ban de l’humanité. Faites comme moi : Restez à la maison et mangez de la laine.»

quelle lucidité, quel talent,

causons, plutôt,

à vous,

véronique

un petit vortex temporel

Bonsoir à tous!

Je rentre de paris, la tête pleine des croisements de regards, rencontrés dans cette belle exposition de « l’œil moderne »!

J’ai finalement trouvé un petit vortex temporel pour me faufiler entre deux toiles d’Edvard. Cette respiration en milieu de semaine fut un vrai délice!

Je suis très intéressée par la présentation en série qui est faite là. Pas uniquement de la série des autoportraits. Celle des reprises et cette salle sublime de la femme nue qui pleure……. Wouaaaa! Magnifique travail!

C’est toi Alain qui rappelait: « la série c’est le sérieux »? Tu pourrais me redonner la référence de cette citation?

Cahun / Munch… Conjonction contingente bien riche à creuser il me semble sur la question de leur regards portés sur le monde.

En plus des éléments donnés Dominique, ce qui me frappe (justement oui me frappe!) c’est la violence à fleur de toile, ou de clichés, des images de souffrances, et en même temps une grande délicatesse. Les contrastes ombres/lumières de Cahun et ceux des couleurs de Munch font apparaitre des lumières blafardes parfois, et tellement vives et douces par moment. Saisissant! Il y a du corps de la chair, et du sang!!

Pour les amateurs de face de bouc… les clichés sont en ligne! Pour les autres… vivement la prochaine visite! 😉

Bonne fin de soirée!

Vanessa

De Cahun à Munch

DEUXIEME ESCAPADE

De Cahun à Munch

Nous vous invitons à nous rejoindre pour une nouvelle escapade, prévue le 29 octobre à l’occasion de l’exposition EDVARD MUNCH L’OEIL MODERNE, que le musée du centre Pompidou consacre au grand peintre.

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L’artiste norvégien n’est plus à présenter depuis le « retentissant » vol de son œuvre la plus célèbre « Le Cri », ainsi que « La Madone » en 2004, fort heureusement retrouvés en 2007.

Il s’agira au cours de cette rétrospective de la seconde partie de son œuvre, production moins connue qui inspire les artistes actuels, de découvrir les multiples talents d’un homme devenu pionnier de l’expressionnisme, étonnamment en avance sur son époque, précurseur de l’autoportrait photographique bien avant l’ère du Smartphone, explorateur de techniques inédites, toujours poussé à créer pour tenir à distance les angoisses de mort qui l’assaillaient.

Det syke barn - L’Enfant malade, 1896

Ayant perdu sa mère à l’âge de 5 ans, puis sa sœur Sophie à l’âge de 14 ans (dont il peindra l’agonie « L’Enfant malade» faisant scandale), il a grandi dans l’autorité d’un père médecin-militaire très religieux qui voulait faire de lui un banquier.

« Nous ne peindrons plus longtemps des intérieurs avec des hommes lisant et des femmes tricotant. Nous voulons peindre des êtres vivants qui respirent, ressentent, souffrent et aiment ». Ce manifesto écrit en 1889 par l’artiste norvégien Edvard Munch, âgé de 26 ans, a été mis en pratique par l’artiste dans les années 1890, dans ses oeuvres majeures sur les thèmes universels de l’amour, l’anxiété, la mort, liés dans un « arrangement symphonique » qu’il intitula La frise de la vie.

C’est par la voie de la peinture que Munch s’émancipera, faisant de l’art sa vocation, voulant « peindre sa propre vie » dont il fera plus tard «La Frise de la vie ». Il n’aura dès lors de cesse de créer à partir de ses tourments existentiels, sa peinture ayant pour thème de prédilection la maladie, la mort et la douleur. L’amour et ses relations tumultueuses avec les femmes seront également source d’inspiration.

Dans les années 1940, les nazis jugeront son œuvre « art dégénéré » et retireront ses tableaux des musées allemands. Munch sera profondément affecté par cette situation, lui qui était antifasciste et qui considérait l’Allemagne comme sa seconde patrie. Ce qu’il exprimera lors de l’invasion de la Norvège « Devant cet énorme fantôme, dit-il à Pola, le dernier fils de Gauguin, tous mes vieux fantômes ont déguerpi dans leurs trous de souris. ».

Retiré des mondanités et menant une existence solitaire mais apaisée dans sa maison atelier au bord de la mer à Ekely, Edvard Munch meurt en 1944, un mois après ses 80 ans. Il lègue environ un millier de tableaux, 4 500 dessins et aquarelles et six sculptures à la ville d’Oslo, qui construit en son honneur le Musée Munch à Tøyen.

Rendez-vous donc le 29 octobre au 6ème étage, à l’entrée de l’exposition, à partir de 14h30. Ce groupe est un groupe ouvert et nomade.

derniers jours d’Instants critiques

Chers amis,

Encore deux jours pour voir « Instants critiques » au Théâtre 71 de Malakoff (métro ligne 13).

Mise en scène de François Morel, d’après Jean-Louis Bory et Georges Charensol, les deux compères de l’émission « Le masque et la plume » dans les années 70.

C’est très amusant et intelligent à la fois, chose rarissime, et on a le plaisir de retrouver des critiques de films de cette époque. Très bien joué aussi.

D

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INSTANTS CRITIQUES par THEATRE71

mUNch au centre Pompidou

Voilà le tableau qui retint mon souffle autant que mon regard : il vous prive de ce qu’il vous montre! Une solitude qui n’est pas solitaire, son nom : Deux êtres humains. Les solitaires. 1933-1935

Le réel affleure toujours dans chaque tableau à la surface de la réalité peinte.

« L’œil moderne », titre de l’expo, fait palpiter le regard, UN regard surpris, étonné, perplexe, incompréhensif devant la dureté de la vie, les passions de l’âme: crime, feu, bagarre, fatigue, maladie, nudité… vieillesse.

Une bizarrerie :  je n’ai vu qu’un enfant, peint, au regard effrayé devant « le cheval au galop ». « Le petit Hans » sans doute. Munch & Freud, du réel épié, épieur.

Allez, bandes de moebius escapadeurs, courrez chez mUnch, avec des lunettes, rondes, carrées, ovales, ou toutes autres formes, mais sans verres… Surtout pas des correctifs!

Bises à pas-toutes.

Alain

Bonjour Alain, merci !

@eoik regarde ... Et hop! Sur l'affichette!!!! 1933-35 ! Belle remarque sur mon refoulement des enfants, sauf Un!

J’ai publié ton texte, là.

D’où tiens tu les dates 1933-1935 pour le tableau Deux êtres humains. Les solitaires ? Je n’ai trouvé que la date de 1905…

Saviez-vous que cette peinture  est une « copie » d’une version de 1892 perdue dans un naufrage?

Munch a beaucoup pratiqué la copie, aussi parce qu’il était obligé de « vivre de son art », et qu’il déplorait d’avoir à se séparer de ses peintures. Aussi, repeignait-il régulièrement les toiles vendues pour en disposer dans son atelier et  y reconstituer sa « Frise de la vie », car, disait-il, il fallait qu’il avance en s’appuyant sur ses précédents tableaux :

« Je suis tout à fait contre ce qu’on appelle une fabrique de tableaux – faire des répliques pour la vente – Mais je dis, il ne faut jurer de ‘rien’ – et j’ai le plus souvent copié mes tableaux – Mais il y a toujours une évolution et jamais la même – je construis un tableau à partir d’un autre. »

Je vous envoie en annexe le dossier de presse du Centre Pompidou, d’où j’ai tiré ces renseignements.

Pour ce qui est des « enfants » Alain, je suis tout de même un peu étonnée par ta remarque, mais c’est le sentiment que tu as eu, faudrait voir d’où ça vient, parce que de mon côté, tout de suite j’ai pensé aux tableaux de l’enfant malade et la puberté dont j’ai trouvé cette  jolie photo dans un article de Valérie Duponchelle (là : http://www.lefigaro.fr/culture/2011/09/19/03004-20110919ARTFIG00427-munchsans-cliches.php) :

L'Enfant malade (1896) et La Puberté (1894-1895) d'Edvard Munch, lors de l'accrochage à Beaubourg, le 15 septembre


à bientôt ,

vrm

bigornetteries (l’un pas du réel)

d’@alintes @Bigornette

@alintes La solitude, mUNch & Ferré…

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@Bigornette bonjour 🙂 dis moi stp y a « le cri » à l’expo Munch ?

@alintes il est omniprésent, par son absence même.  Mais on le retrouve, presque dans chaque tableau: point noir dans la bouche ouverte

@alintes Du Cri de Munch à l’Injection faite à Irma de Freud, il n’y a qu’un pas, celui du réel, traqué-traqueur.

Pour une « romance mathématique »…

Chers Escapadiens,

De chez Hortense, face à la Dame du Pyla , j’observerai votre ascension du mont Munch.

D’ici là, histoire de me réveiller, je parcours LQ72 et tombe, séduit, sur la Nouvelle d’azymut de CLM:  » À la fondation Cartier: une conversation avec l’univers ». Ça y parle de l’exposition  » Mathématiques. Un dépaysement soudain » ( du 21 oct 11 au 18 mars 12 à la fondation Cartier).

J’y suis d’autant plus sensible que mon premier amour ( extra-maternel !!!) furent les mathématiques.

Je nous invite à faire de cette  » romance mathématique  » notre prochaine escapade.

Bien à vous, Pieds Penseurs et Têtes rieuses !

YAYOI KUSAMA – « Self-Obliteration »

Yayoi Kusama . Ceci n'est pas un tableau ( à partir de son phénomène élémentaire d'enfant)

Chers Escapadiens,

Les éclaireurs hyper-actifs, Al, Ley & Nou ont encore frappé sur leur lieu du crime préféré: le centre Pompidou! Ils se « dépayseront soudainement » avec les mathématiques chez Cartier une autre fois. Al, en effet, n’a pas réussi sa romance auprès de Ley & Nou pour les rendre gourmandes des parfums mathématiques. Il a fallu qu’il dise seulement « dé-gentée », femme et japon, pour embarquer Ley & Nou dans une escapade impromptue ce « ça me dit »-là. Escapade à la galerie du musée, et qui a pour nom: YAYOI KUSAMA, jusqu’au 9 janvier 12!

Un choix de 150 œuvres réalisées par cette artiste japonaise, entre 1949 et 2011.

Œuvre démarrée par une hallucination visuelle vécue autour de la table familiale: les fleurs rouges de la nappe se multiplient sur le plafond, les murs, le sol, sur elle-même. L’expo débute par une évocation de cet Un. Ainsi se fonde la légende, vivante, de Kusama: âme sans corps, l’artiste fait de son « Self-Obliteration » le défi et la quête même d’une œuvre singulière, qui lui donne corps et nom!

Le parcours dans l’expo double celui de Yayoi dans sa réalité.

On se balade dans de la répétition qui allège, qui, étrangement, fait surgir de l’infini comme fini.
La promenade s’achève sur un traitement de la réalité ( corps, objets, événements) par le tissu-phallus.

Ce n’est pas sans évocation Louise Bourgeois, son travail avec les tissus et sa  » destruction du père », avec cependant, l’ironie en moins.

Ces objets tissés par la multiplicité de phallus ( qui en signe son défaut) – pris pour des nouilles par une mère causant à son fils -, sont d’une blanche beauté qui délivre une image de solidité amusante.

Imaginez-vous recevoir vos patients sur un divan tissé de petits phallus en tout genre! Sourire, mais justement, et bizarrement, ça ne porte pas ici à l’humour, à l’ironie.

Belle Exposition, courrez-y!

Alain

Yayoi Kusama . Invitation au voyage . Mille bateaux.

 

Yayoi Kusama . la femme phallique . le divan
Yayoi Kusama . la femme phallique . le divan

Yayoi Kusama – la belle perplexité

J’ai placé Ley dans la chambre rouge, œuvre de Yayoi, faudrait vérifier qu’elle n’y soit pas toujours!

«Un souvenir d’enfance fonde la légende de Yayoi Kusama et associe le commencement de sa vie d’artiste à une hallucination, une inquiétante étrangeté qui s’est manifestée autour de la table familiale : les fleurs rouges de la nappe se multiplient sur le plafond, les murs, le sol, sur elle-même. Âme sans corps, l’artiste fait de son insupportable auto-anéantissement (Self-Obliteration) le défi et la quête même d’une oeuvre radicale et atypique : inscrire son corps, s’inventer un corps à corps selon des procédures formelles toujours réinventées..

L’exil à New York en 1958 libérera Kusama, peintre, sculpteure, performeuse, écrivaine et chanteuse. En traversant les frontières, elle se défait de tout lien, sauf de la mémoire d’une immense culture.

[…]
« C’était la période de l’engouement pour l’Action painting. J’avais l’idée qu’il était important pour moi d’élaborer un art original, issu uniquement de mon monde intérieur […]. En 1959, j’exposais mes Infinity Nets, blancs sur fond noir. La monotonie engendrée par une répétition due à une action constante, l’absence d’un centre, et l’indifférence témoignée à la composition, plongèrent le public dans la perplexité […] J’avais en moi le désir de mesurer de façon prophétique l’infini de l’univers incommensurable à partir de ma position, en montrant l’accumulation de particules dans mes mailles d’un filet où les pois seraient traités comme autant de négatifs. […] C’est en pressentant cela que je puis me rendre compte de ce qu’est ma vie, qui est un pois. Ma vie, c’est-à-dire un point au milieu de ces millions de particules qui sont les pois. […] »

Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s’étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en seront pleins ; moi-même je m’acheminerai vers l’autoanéantissement, vers un retour, vers une réduction, dans l’absolu de l’espace et dans l’infini d’un temps éternel. […] Je fus saisie de stupeur. […] Peindre était la seule façon de me garder en vie, ou à l’inverse était une fièvre qui m’acculait moi-même. […] »

UN POIS, C’EST TOUT, Chantal Béret, Conservatrice au musée national d’art moderne. Texte publié dans le magazine programme Code Couleur

les … 5 prochains rendez vous d’escapades

salut les boulimiques !

donc, si j’ai bien suivi, on en est là pour les RV :

  1.  rattrapage Edward Munch :  mercredi 17h30 à  Beaubourg
  2. Yayoi Kusama : le 26  20 novembre
  3.  Paul Klee : 10 décembre +/- 15 hrs
  4. 1 date à fixer pour l’expo « Mathématiques. Un dépaysement
    soudain. » ( du 21 oct 11 au 18 mars 12 à la fondation Cartier)
  5. + 1 visite surprise

bises à vous tous

véronique

très envie des femmes aux amandiers

——– Message original ——–
Le 12 nov. 2011 à 19:01, Veronique Outrebon a écrit :

Pouvons-nous également nous escamper au théâtre ? Je pense à ces pièces,

DES FEMMES
Les Trachiniennes, Antigone et Electre de Sophocle
mise en scène de Wajdi Mouawad
Du mardi 22 novembre au dimanche 18 décembre 2011
Théâtre Nanterre-Amandiers

http://www.nanterre-amandiers.com/2011-2012/des-femmes

que j’ai très envie d’aller voir.

A vous,

Véronique Outrebon

DOSSIER DE PRESSE

à la tempête, molière

Bonjour à tous,

Le théâtre me semble en effet un art à escapader !

QUI?

Avec Do, Ley & Nou …

QUAND?

le samedi 3 décembre à 20h30 (durée du spectacle 1h30)

QUOI?

La folie Sganarelle  = L’Amour médecin / Le Mariage forcé / La Jalousie du barbouillé
de MOLIERE mis en scène PAR Claude Buchvald

OU?

au Théâtre de la Tempête
à la Cartoucherie,
43, route du champ de Manœuvre,
Paris 12ème.

Vous pouvez bien sûr vous joindre à nous, ainsi que les autres escapadiens!

DOSSIER DE PRESSE

COMMENT?

On peut réserver en ligne ou au 01 43 28 36 36 !

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Hier soir, sur l’île Seguin, j’ai sombré dans la féerie du Cirque du Soleil.

Corteo, le nom de cette féerie, s’est amusé des corps d’hommes et de femmes
qui se font cerceaux, corde, lustre, échelle ou ange, sous des rocks
d’enfer! On ne savait plus qui était corps, qui était objet! bref, une belle
illusion de l’existence du rapport sexuel!

La légèreté règne par la vitesse des corps qui s’amuse de la relativité
d’Einstein!

La lumière se fait odeur, l’odeur musique et la musique acrobatie, c’est
tout simplement beau et ça s’appelle Cortéo, du Cirque du soleil!

Alain

clair de lune

je me suis interrogée sur ce « i » qui si souvent revenait dans les compositions de Munch, pour découvrir alors qu’il s’agissait d’un clair de lune.

TWO HUMAN BEINGS. 1899-16. Woodcut
TWO HUMAN BEINGS. 1899-16. Woodcut

Munch, à propos des « Lonely Ones » (« De ensomme »)

The Lonely Ones
Her gaze is lost in the growing night, his gaze is lost in the whiteness of her figure and the golden brazier of her hair. And his back arches, his neck tenses, his fists clench in dark desire for her white loveliness.

comment traduire?

Les solitaires
Son regard à elle perdu dans la nuit qui vient, le sien dans la blancheur de sa silhouette et le brasier d’or de ses cheveux. Et son dos se courbe, sa nuque se tend, il serre les poings dans le noir désir de sa beauté blanche.

j’ai vérifié que « MUNCH », en norvégien, veut dire « mastiquer »,

que « lune » se dit « MOON »,

« bouche » se dit « MUNN »,

« clair de lune » se dit « MåNESKINN »,

« homme » se dit « MANN »,

et que feu se dit « BRANN »,

la première amie de Munch s’appelait MILLIE Thaulow (née Ihlen), et il s’y réfère dans ses écrits en l’appelant Mme Heiberg, et se désignant lui-même sous le nom de BRANDT,

« LIE » veut dire « mensonge ».

« What a deep impression she has left on my mind – so much so that no other image can completely efface it –

Was it because she took my first kiss that she robbed me of the taste of life – Was it that she lied – deceived – that she one day suddenly shook the scales from my eyes so that I saw the medusa’s head – saw life as unmitigated horror – saw that everything which had once had a rosy glow – now looked grey and empty. »

« Hvilket dypt mærke hun har gravet ind i min hjerne – at intet andet billede kan trænge det aldeles væk –

Var det fordi hun tog mit første kys at hun tog duften af livet fra mig –
Var det at hun løi – bedrog – at hun en dag pludselig tog skjællene fra
mit øie så jeg så medusahovedet – så livet som en stor rædsel –
At alt det som før havde rosenskjær – nu så tomt og gråt ut »

Ex vivo / In vitro à la Colline

Chers amis,

du 17/11/ au 17/12 au Théâtre de la Colline.

Ex vivo / In vitro

« À Dieu ne plaise !
La procréation telle qu’elle
était de mode,
Nous la déclarons une vaine
plaisanterie. »

(Goethe, Faust )

Qu’est-ce qu’engendrer, être engendré, d’où viennent les enfants ? Les nouvelles méthodes de procréation relancent les questions qui n’ont jamais lâché l’humanité. Après Tournant autour de Galilée et Les Variations Darwin, Jean-François Peyret et Alain Prochiantz continuent de croiser avec ludisme et humour l’imaginaire du théâtre et celui de la science, et reprennent la question “naître ou ne pas naître”, là où ils l’avaient laissée. Cherchant un écho actuel au conflit qui opposa Galilée à l’Église, ce n’est plus sur le terrain de l’astronomie qu’ils le trouvent, mais sur celui des technologies du vivant. Les positions paraissent inconciliables entre un discours religieux qui pose la vie comme un don, et celui d’une pratique scientifique et technique qui considère le vivant comme manipulable. Pour se pencher sur ces nouveaux berceaux: le scientifique, le médecin, le psychanalyste, l’anthropologue, et aussi le juriste, le prêtre, le politique. Sans oublier les “patients” : parents pour qui donner la vie n’est plus un événement plus ou moins heureux, mais un droit, et enfants qui ne savent pas, encore moins qu’avant, d’où ils viennent et revendiquent le droit à leur histoire.

suivie d’une rencontre le 21/11 avec Ansermet, Magistretti, Peyret, Prochiantz.

Rencontre “Un théâtre exposé à la science”

lundi 21 novembre à 20h30

À l’occasion de la création de la pièce Ex vivo / In vitro d’Alain Prochiantz et Jean-François Peyret La Colline organise une rencontre avec François Ansermet, psychanalyste, professeur de pédopsychiatrie à l’Université de Genève, chef du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent aux Hôpitaux universitaires de Genève et directeur du Département universitaire de psychiatrie, Pierre Magistretti, professeur de neurosciences au Brain Mind Institute de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne et professeur de psychiatrie au Centre Hospitalier Universitaire de Vaudois et à l’Université de Lausanne, Jean-François Peyret, metteur en scène et Alain Prochiantz, neurobiologiste, professeur et titulaire de la Chaire des Processus Morphogénétiques au Collège de France.

D’être concerné, de s’exposer à la science (LA science, pour le dire vite), notre théâtre paraît parfois chercher midi à quatorze heures. Il ne serait pas de son ressort de se confronter aux questions parfois vertigineuses que tout un chacun se pose quand il prend connaissance quotidiennement des dernières “avancées” des sciences dont on ne sait pas si elles feront le bonheur de l’humanité ou la fin de l’espèce humaine. Tout un programme (de théâtre).

Je ne pourrai pas assister à la rencontre le lundi car j’ai une réunion forda en revanche je vais prendre des places pour la pièce. Vraisemblablement le samedi 10. Qui cela intéresserait-il ?

Amicales bises

Véro O.

retour du i de la lune de munch (par jules)

Chers,

Jules (qui trouve qu’il faudrait une Escapade tous les mercredis) lors de notre escapade à l’exposition Munch a voulu chercher ses « i » .

A trouvé (et photographié) celui-ci, que nous connaissions,

Et plus tard décrété que le i, le point du i, jaune, c’était ça:

(tiens, de quelle peinture il les a extraits, ces troncs?)

Puis, j’ai voulu revoir les i que j’avais publiés sur le blog, et je suis tombée sur celui-ci

MISTERY OF THE SHORE, 1899
MISTERY OF THE SHORE, 1899

avec ce texte de Munch :

The Tree Stump
The stones protruded from the shallow water far far out, they looked like a whole family of sea people, large and small, who moved and stretched and made faces, but silently. You could see a little of the moon, large and yellow.

Stubben
Stenerne raget opad det grunde vand langt langt ud, de så som en hel familie af havmennesker store og små som bevægede sig og stragte sig og skar ansigter, men stille. Der så man lidt af månen gul og stor

Marrant non…

à plus plus !

!eoik

@escapcult écoute la radio

escapcult

En ce moment, « 3D » émission sur F. Inter sur l’expo  » les mathématiques, un dépaysement soudain« , avec Chandès , directeur de Cartier …

Pour réécouter l’émission de France Inter – 3D à la Fondation Cartier : le mystère des mathématiques, et les robots et la curiosité

« 3D » Fondation Cartier, comment un mathématicien élabore une façon d’écrire?  » j’ai abusé du zéro ».  » les banquiers fatiguent les zéros  »

« 3D » Fondation Cartier,  Chandès: 2 années de conversation d’artistes avec les mathématiciens, écouter, fréquenter les uns et les autres. 

« 3D » Fondation Cartier,  Chandès: comment exposer une pensée, écrire l’invisible? Quelles formes donner aux maths dans un lieu d’images?

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Trois Lacanquotidienistes ont écrit sur cet expo:

  1. dans le LQ72, Catherine Lazarus-Matet (  » Nouvelles d’azimut – A la fondation Cartier: une
    conversation avec l’univers
    « ),
  2. dans la LQ74, Rose-paule Vinciguerra (« L’exposition Mathématiques, un dépaysement soudain ») et
  3. et dans la LQ77, Luc Miller avec son fils ( «  Vu par un enfant et un mathématicien« )

débat sur EX VIVO IN VITRO

Bonjour Escapadeurs,

J’ai assisté au débat au théâtre de la Colline ce soir  avec le metteur en scène Jean-François Peyret, son co-auteur le biologiste Alain Prochiantz, ainsi que François Ansermet et Pierre Magistretti, professeur de neurosciences. Une fine équipe, pleine d’humour ! J’ai posté une demi-douzaine de tweets, où je tente de reprendre quelques points marquants du débat.

D

——

Dominique Chauvin

Les tweets de @doms3

Débat passionnant sur « Ex vivo in vitro » à la Colline. Il n’a pas du tout été question de la procréation médicalement assistée (AMP !)

mais du non-rapport entre art (ou théâtre) et science. Chaque intervenant a parlé de sa position subjective dans son champ propre.

Alain Prochiantz mentionnant un « sujet de l’art » vs  sujet de la science , François Ansermet le définit ainsi : le sujet étant réponse du réel

l’artiste est sujet de l’art en tant qu’il met en jeu une pratique symbolique particulière pour traiter l’impensable de ce réel.

Réplique géniale dans la pièce : avec l’AMP, je sais exactement quand j’ai été conçu mais pendant que la technicienne opérait

que faisaient mes parents ? L’irreprésentable recule d’un cran !

Alain Prochiantz : La science est le dernier refuge de la poésie (où l’on invente encore quelque chose).

post kusama

Chers amis,

Et voilà! encore une super escapcult ce dimanche à Beaubourg pour l’exposition de cette artiste au prénom imprononçable pour nous, Yayoi Kusama.

En ce qui me concerne exposition intéressante à plusieurs titres. je n’arrive pas encore à élaborer ma question précisément mais elle tourne, d’une part, autour du lien de la psychose et de l’art, de ce que ce lien peut nous dire de la nature de l’art aujourd’hui, et, d’autre part, de ce que l’art nous dit du monde contemporain.

lien psychose – art // disparition du Nom du Père – monde contemporain // psychose généralisée

Au départ de l’expérience de YK que peut-on dire de l’éthique de l’artiste ?

Pour rappel, en guide de prélude à l’exposition, on passe par une pièce qui reproduit ce qu’Alain avait nommé le « phénomène élémentaire » d’enfant de Yayoi Kusama dont elle parle dans les termes suivants ( que je reprends du petit dépliant de l’exposition):

« Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s’étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en seront pleins; moi-même je m’acheminerai vers l’auto-anéantissement, vers un retour, vers une réduction, dans l’absolu de l’espace et dans l’infini d’un temps éternel […] Je fus saisie de stupeur. […] peindre était la seule façon de me garder en vie, ou à l’inverse était une fièvre qui m’acculait moi-même. […]. »

Le terme de « phénomène élémentaire » utilisé par Alain m’avait frappée, retenue : sans doute avais-je envie d’entendre parler de psychose (j e rappelle que je ne suis pas psychanalyste, mais très intéressée par la psychanalyse). Au cours de la discussion post-expo à la cafèt de Beaubourg, je repose la question : de quoi s’agit-il quand on parle de « phénomène élémentaire ». Dominique me répond que s’agissant de l’installation dont il est question plus haut on peut parler d’une expérience de jouissance. Et rappelle dans quels termes Lacan parle du phénomène élémentaire dans le séminaire des psychoses :

« Dès cette époque, j’ai souligné avec fermeté que les phénomènes élémentaires ne sont pas plus élémentaires que ce qui est sous-jacent à l’ensemble de la construction du délire. Ils sont élémentaires comme l’est, par rapport à une plante, la feuille où se verra un certain détail de la façon dont s’imbriquent et s’insèrent les nervures – il y a quelque chose de commun à toute la plante qui se reproduit dans certaines des formes qui composent sa totalité. De même, des structures analogues se retrouvent au niveau de la composition, de la motivation, de la thématisation du délire, et au niveau du phénomène élémentaire. Autrement dit, c’est toujours la même force structurante, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui est à l’œuvre dans le délire, qu’on le considère dans une de ses parties ou dans sa totalité. L’important du phénomène élémentaire n’est donc pas d’être un noyau initial, un point parasitaire, comme s’exprimait Clérambault, à l’intérieur de la personnalité, autour duquel le sujet ferait une réaction fibreuse destinée à l’enkyster en l’enveloppant, et en même temps à l’intégrer, c’est-à-dire à l’expliquer, comme on dit souvent.
Le délire n’est pas déduit, il en reproduit la même force constituante, il est, lui aussi, un phénomène élémentaire. »
J. Lacan, Le Séminaire, Livre III, Les Psychoses (1955-1956), Paris, Le Seuil, 1981, p. 26.

Je me souviens alors que Miller a parlé l’année dernière du symptôme comme d’un objet fractal (objet fractal que m’évoque ici la feuille et ses nervures de Lacan) :

Alors l’ itération du symptôme, l’itération du Un de jouissance, il m’est arrivé durant la semaine de la comparer, quand j’ai eu à parler à Londres, il m’est arrivé en passant, de la comparer au processus qui génère ce qu’on appelle en mathématiques, les objets fractals. Ce sont des objets qui sont exactement auto-similaires, c’est-à-dire où le tout est semblable à chacune des parties. Et bien, c’est sur cette référence que je m’arrête pour dessiner la configuration du symptôme dont la matrice est élémentaire, et dont pourtant les formes sont les plus complexes de celles qui peuvent se rencontrer dans les mathématiques.
cours du 6 avril 2011

Le symptôme, ce qui en reste une fois qu’il est interprété, une fois que le fantasme est traversé, une fois que le désêtre est conquis, le symptôme n’est pas dialectique, il représente, il répercute le « une seule fois« , et lorsqu’il est fermé, lorsque dans l’expérience, et dans la parole bien entendu, il est saisi dans sa forme la plus pure, alors il apparaît qu’il est, comme on dit en mathématiques, auto-similaire (n’écrivez pas ça « S -I-M-I- L L – E- R » … )  Il est auto-similaire, c’est-à-dire qu’on s’aperçoit que la totalité est semblable à l’une des parties, et c’est en quoi il est fractal.
cours du 3 mai 2011

Dans l’installation-prélude : passé et présent sont emmêlés : on trouve dans le buffet livres et photos récents de Yayoi, la nappe n’est pas celle de la première expérience – d’ailleurs il n’y en n’a plus – , témoignant de la constante actualité de cette hallucination : cela parle – ou plutôt manque à parler – encore aujourd’hui. A cette première hallucination, peut-être suivie d’autres, je ne le sais pas, YK n’a cessé de chercher à y revenir, d’en rendre, d’en ramener le réel vers la représentation.

Est-ce que c’est ce fait de la représentation qui la « soulage » ? Est-ce que c’est le « ratage » même de la représentation qui la sauve ?

Les Infinity Dots offrent ce même type de réponse : c’est la toile même qui fait arrêt, qui cadre qui limite l’expérience d’infinitisation, d’illimité (la cerne en un objet … d’art). Et en quelque sorte le ratage de la représentation vient ici redoubler le premier ratage, celui du manque rencontré dans le symbolique qui a provoqué l’hallucination, le retour dans le réel du forclos.

Ce qui est intéressant également, c’est que la réponse de YK trouve de l’intérêt auprès du public, qu’il fût artiste ou profane (l’intérêt du public et du marché, d’ailleurs) – dans quelle mesure est-ce que cela ne souligne pas qu’on a tous à faire avec la psychose…

Question à Alain : penses-tu que Munch est plutôt du côté de la psychose quand tu proposes le i de Munch comme son Nom-du-père ?

Autre question à Alain ( !) : lien Bourgeois /Kusama : pourquoi avoir souligné qu’il n’y avait pas d’ironie chez Kusama ?

//

Autres points d’intérêt pour moi :

.politique

Au cours de la discussion, Nou a voulu souligner les points de ressemblances entre les 3 expos – Cahun /Munch/Kusama. voulait parler de leur présence dans le monde, de leur façon d’engagement politique.

.keskelart

C’est alors qu’à un moment donné Dominique a, me semble-t-il, posé la question de « Mais est-ce que c’est de l’art ? » « Pourquoi ? Parce que c’était quelque chose qu’elle faisait ‘pour elle-même’ ?» lui a répondu Nou parlant de Claude Cahun, et de son travail photographique…

(Pour moi, intuitivement, oui, c’est de l’art, il me semble que leur démarche à tous les trois s’inscrivait dans une démarche artistique, et il m’arrive de penser à l’art comme à un style de vie – il y a là, quelque chose, une vie qui se mène sinon au nom de l’art, au moins grâce au soutien de ce nom.

Bon, c’est pas très clair. Plus clairement, YK a fait une école d’art, il y a autour de Cahun et de sa compagne la présence de tout un monde artistique foisonnant ; quant à Munch il est clair que sa démarche est volontairement artistique. Puis, est-ce qu’il ne faut et suffit pas qu’il y ait quelqu’un qui dise : c’est de l’art, pour que ça en soit ? )

.l’acte et le processus

Enfin, il a une fois de plus été question du cartel proposé par Alain. De l’acte et du processus… (je m’étais permise de rapporter que Vanessa était éventuellement intéressée à travailler la question du processus de création – tandis qu’Alain était intéressé par la dimension de l’acte)

Qu’est-ce que l’acte ? On s’y oublie, dit quelqu’un (Dominique ?)

« Devenez un avec l’éternité. Oblitérez votre personnalité. Devenez une partie de votre environnement. Oubliez-vous. L’auto-destruction est la seule issue. » YK

Dominique souligne qu’on ne peut parler de l’acte sans se référer à l’acte analytique.

Je fais un rapprochement entre les Infinity Dots de Y. Kusama quand elle arrive à New York et le travail de Pollock. Frédéric en profite pour signaler qu’il n’aimait pas du tous les Infinity Dots. Qu’il les trouvait fastidieux, là où on contraire chez Pollock, on sent l’acte, le geste, le mouvement.

Les Infinity Dots rappellent à Dominique Louise Bourgeois qui, quand elle n’arrivait pas à dormir la nuit, dessinait des petits carrés.

J’ai encore été trop longue, hein.

biiiiise !!!

vrm

nb : hii, à ceux dont les propos sont rapportés ici, n’hésitez pas à corriger, compléter vos positions…

post kusama – l’acte et le geste

Chère Véronique,

Bravo et merci pour ton texte, qui rassemble les fils de plusieurs discussions et ouvre de nombreuses pistes pour d’autres échanges. Nous voici en plein cartel, déjà ! Il faut que je retrouve quelques références et je t’en ferai part.

Je n’ai jamais mis en doute que les photos de Claude Cahun soient de l’art !!! A développer, mais je ne voulais pas laisser planer ce malentendu… Je disais sans doute qu’à côté de son art, elle avait fait des actes dans sa vie – en particulier de résistance.

Il y aurait peut-être une distinction à faire entre « acte« , analytique ou pas (pour nous c’est une référence un peu obligée en effet, quand on parle d’acte, cf. le séminaire XV, « L’acte psychanalytique ») et « geste » de l’artiste. En même temps, ça a certainement quelque chose à voir. Cf. les développements de Lacan sur « l’unique trait de pinceau » des peintres et calligraphes chinois, dans « Lituraterre » et, je crois, dans le séminaire XVIII, « D’un discours qui ne serait pas du semblant ».

A suivre bientôt…

D

post kusama – tu n’as rien vu à Hiroshima

Bonsoir chers amis,

Merci Véronique et Dominique pour vos commentaires passionnants sur l’exposition Yayoi Kusama!

Beaucoup de pistes intéressantes en effet pour une réflexion plus psychanalytique qui s’inscrirait dans un travail en cartel à davantage préciser… Merci Alain pour cette formidable proposition!

Cette citation de Yves-Claude Stavy, relevée dans un récent numéro de Confluents, me parait également apporter quelques lumières  :

« Ce à quoi convoque chaque expérience psychanalytique, c’est la rencontre toujours singulière …(d’)une jouissance opaque, qu’emporte le symptôme avec lui. C’est sur ce point précis que l’artiste devance le psychanalyste: il y a ce qui relève de l’interprétation; et il y a ce qui relève du témoignage d’un incurable. L’objet de la clinique sitôt qu’on s’oriente de Freud et de Lacan, c’est l’objet a…L’artiste devance le psychanalyste, en cette exigence de témoignage d’une jouissance pas toute réductible au noyau élaborable qu’est l’objet a. »

J’ai aussi beaucoup apprécié cette exposition, avec une préférence pour la première période japonaise, (1949-1957), regroupant ses premières peintures très marquées par « l’après Hiroshima », mêlant les thèmes de la mort, de l’anéantissement, du corps, de la séparation, de l’énigme de la féminité, avec dés 1950   » l’élément fondateur de sa pratique artistique, le motif du Dot (pois ou point) comme substitut de son Auto-portrait, annonçant déjà la dissolution de sa propre image et de son individualité dans l’infini d’un paysage cosmique. » (brochure de l’exposition).

Je joins en aparté le chapitre 1 du film Hiroshima mon amour trouvé sur Youtube, film que j’avais en tête en découvrant l’exposition Yayoi Kusama.

« Tu n’as rien vu à Hiroshima… »  http://www.youtube.com/watch?v=2UpPd-2wWlc&feature=share

A bien vite.

Amitiés.

Géraldine.

post kusama – présentation de l’objet, retour du punctum

Chères amies,
Chère Eoik,

Nos bavardages ont fière allure. Il est l’heure de dormir, mais je suis trop tenté de répondre, de répondre à la fougue d’eoik qui aiguise le désir de l’échange.

Je vais donc, comme d’habitude, maltraiter mon corps, sans atteindre toutefois le niveau d’expérience de Yayoi dans la contingence de son hallucination inaugurale ( que je pose comme phénomène élémentaire). D’avoir élevé à la nécessité d’art cette contingence lui permet de la faire fonctionner comme Nom-du-père qui capitonne son existence dans ce que tu rappelles si bien :  » devenez Un avec l’éternité… l’autodestruction est la seule issue ». Ce qui soulage, sauve peut-être pour un temps Yayoi, c’est de faire de cette hallucination un trait qui par sa réitération ou sa répétition ( je ne saurais dire ce qui conviendrait le mieux) est une tentative d’inscrire dans l’Autre de l’art cette expérience inaugurale inouïe, bref, c’est d’en faire un destin et un nom, non par la représentation, mais par, dirais-je, la présentation: l’objet, pois, point, phallus, par sa réédition fait le père.

Bien qu’il soit difficile de repérer l’acte en dehors d’une référence à la psychanalyse, il n’en reste pas moins qu’il existe hors d’elle. La politique, l’histoire en recèlent d’exemples.

Si chez Kusama, l’hallucination fait fonction de cadre pour venir border son existence, chez Munch, c’est plutôt le i jaune, trait extime de ses toiles, punctum selon Barthes. Le sens du i jaune est sans intérêt, ne compte, me semble-t-il, que sa présence.

Il y a d’autre point en suspens, j’ y répondrai plus tard, me laissant séduire par le sommeil rieur. Juste un mot pour dire que l’idée de cartel tient toujours pour moi, il y en a déjà un certain écho. Un +1 non analyste serait le bienvenu, mais N’EST PAS NON ANALYSTE QUI VEUT!!!!

Bye bye
Alain

l’art non plus que la femme, que le rapport dit sexuel

Chers tous,

L’appel du réveil a sonné. Mon iPhone, tel un enfant, me supplie de le prendre dans ses bras. Je n’y résiste point. Il me suffit d’une raison menteuse – nos échanges escapatoires ( échappatoires?) – pour dire oui, sans malaise, mais jubilation.

Qu’est-ce donc qui prime? Manipuler l’objet pour donner du plaisir au doigt?

Parler au mur de l’autre? Un alliage instable des deux, d’eux?

Qu’importe après tout, pourvu que ça ait lieu!

Alors y a- t-il de l’acte dans l’art? Probablement, à condition de poser que l’art n’existe pas plus que la femme, que le rapport dit sexuel? Il n’y a que des artistes! Mais qu’est-ce qu’un artiste? Je propose: est artiste d’aujourd’hui celui ou celle qui montre l’objet, non sous du beau, mais par la pudeur de l’énigme. Le regard est toujours impliqué, qu’en pensez-vous?

Mes pieds en ont marre de penser, ils demandent à aller se dégourdir les jambes, je leur obéis !

Bye bye,
Alain

Comment se repère l’Acte dans le livre de BHL

CONVERSATION AVEC BERNARD-HENRI LEVY, « DES GUERRES DU XXIe SIÈCLE », le 23 novembre 2011, à l’occasion de la sortie de son livre La guerre sans l’aimer

A la demande de Géraldine, je partage avec vous quelques notes prises lors de cette soirée. Au risque d’inexactitudes, car il s’agit de notes très lacunaires. Les interventions seront certainement publiées bientôt.

Dans son intervention, Anaëlle Lebovits repère un acte au sens psychanalytique dans le récit que fait BHL de la part qu’il a prise aux événements de Libye.

Anaëlle Lebovits montre en cinq points qu’il s’agit bien d’un acte :

  1. L’acte n’a de sens que quand manque la certitude. Ce qui est le cas ici. BHL fait part de ses nombreux doutes.
  2. Le choix est dicté par un impossible à supporter : devant l’impossibilité pour lui de laisser « l’ordre ancien » se maintenir, il prend le risque de la mort.
  3. L’opposition optimisme / pessimisme [qui partage l’opinion] a pour fonction d’inhiber l’acte. Il s’agissait d’opérer un dépassement dialectique, en prenant la juste position dans l’infime espace temporel qu’il avait pour le faire en emportant l’aval du Conseil de sécurité, ce qui était essentiel [avant que la Russie et la Chine ne mettent leur veto].
  4. Qui dit acte dit engager une livre de chair, ce qu’il appelle « l’emportement corps et âme » [p. 10]. Cela suppose d’engager ce qu’on n’a pas. Au-delà de ses biens (qu’il a engagés aussi), au-delà du risque encouru par le corps : en Libye, sa tête est mise à prix, en France, il suscite haine et méfiance, et le retour d’un « antisémitisme d’un autre âge ». Il reçoit des menaces de mort. Il lui faut se battre, ruser et gagner, pour rester en vie.
  5. Pour poser un acte, il faut s’en savoir responsable, soit s’en faire responsable. Il faut avoir cerné le mal en soi, ce qui évite de chercher un responsable en dehors de soi et d’éprouver de la haine.
    La solitude est la condition de possibilité de l’acte. Que BHL ait été accompagné de quelques « camarades » n’y change rien.

Réponse de BHL à Anaëlle Lebovits :

Cela va encore plus loin que l’opposition optimisme / pessimisme que vous relevez. Tout est fait pour inhiber l’acte, que ce soit par les administrations, par l’opinion… Comment déjouer cet empêchement acharné de faire, de décider et de dire ?

« L’engagement » des intellectuels est très galvaudé. Qu’est-ce qu’on met en gage ? Dans cette affaire, j’ai mis au clou des choses plus précieuses que ma vie : mon nom, ce que mon nom dit. Mes valeurs aussi, bien sûr. C’est un calcul + un pari.

Qu’est-ce qu’on met en gage, c’est la question qu’il faudrait se poser à propos de tous les intellectuels « engagés ». Cf. la préface de Sartre au Portrait de l’aventurier de Roger Stéphane. Sartre y oscille tout au long, il cherche le point de l’esprit où les deux positions peuvent se conjoindre. Il cherche la « révolte logique » [terme emprunté à ???]. C’est peut-être ce après quoi nous courons tous, nous qui sommes ici.

//

MISE à JOUR du 30 nov. 2011 : le texte d’annaëlle lebovits-quenehen est publié sur le site de la règle du jeu : http://laregledujeu.org/2011/11/26/7950/lacte-dun-ecrivain/

n’importe quoi et de la représentation à la présentation

Cher,
Chers,
Peut-être en réponse à Alain du matin, ce texte, long et vieux, que j’ai récemment retravaillé,
amicalement,
véronique

2 février 2006, 9:10 [8 novembre 2011]

 « Fais n’importe quoi. Point. Sans conditions. Fais absolument n’importe quoi. »*

* Et le « fais n’importe quoi » n’est jamais inconditionné mais il faut qu’il le soit. A l’universalité de l’échange, la loi de la réalité, il faut opposer, muette et incompréhensible, la loi de la nécessité qui est aussi nécessité de la loi. L’impératif « fais n’importe quoi » est un impératif catégorique.
Thierry de Duve,  Au nom de l’art,  “Fais n’importe quoi”, p. 129.

« Si, comme je le soutiens, “fais n’importe quoi” est bien un impératif catégorique, alors il faut aller plus loin et dire que l’universel est impossible, ou que l’impossible est aujourd’hui la modalité de l’universel. La phrase “fais n’importe quoi” ne donne pas le contenu de la loi, seulement le contenu de la maxime. Et encore ce contenu est-il quelconque et ne devient-il déterminé que par l’action qui met la maxime en pratique. Cela ne prescrit qu’une forme conforme à l’universel dans les conditions radicales et finales de la finitude. Et cela signifie : conforme à l’impossible. »
Ibid. pp. 133-134.

Des années que je me coltine ce « n’importe quoi » de Thierry de Duve et que je ne m’en dépatouille pas.

« Fais n’importe quoi » est pour lui l’impératif catégorique de l’art moderne.  C’est au départ de cette maxime qu’il analyse l’art moderne qu’il date, si ma mémoire est bonne,  à Courbet et à ses « Casseurs de pierre » et qu’il appuie sur une analyse fouillée de l’œuvre de Marcel Duchamp.

« Fais n’importe quoi », impératif catégorique, absolument sans condition : conforme à l’impossible. L’impossible, c’est, ce serait, l’impossible de l’universel. Expression-là probablement pour une part de ce qui m’aimante dans la proposition de Thierry de Duve. Le « n’importe quoi » seul permet de rendre compte de l’impossibilité de l’universel.

Quand le fond de l’enjeu de mon attachement à cet enseignement se situe probablement dans le fait qu’il s’agissait pour moi, qu’il s’agit pour moi, de trouver ce qui fait la valeur dans l’art, ce qui fait la valeur de l’art. Mon père étant artiste et n’ayant jamais moi-même eu l’impression d’avoir jamais rien compris à l’art, cet enjeu est certainement très capital. Qu’est-ce qui pourrait faire que l’art ça ne soit justement pas n’importe quoi.

Comment juger ? Juger de l’art ?

Continuer la lecture de n’importe quoi et de la représentation à la présentation

On n’arrête pas le désir!

Chère Dom, Géraldine, et les autres…

Merci pour ces notes précieuses. J’ai eu le sentiment, hier d’assister effectivement à un « évènement », à savoir une rencontre entre les intellectuels de notre temps, provoquée par Jacques-Alain Miller avec BHL, à propos de son livre « La guerre sans l’aimer » , JC Milner, Hubert Védrine, Eric Laurent, Anaëlle Lebovits, et des amis normaliens, donc entre Psychanalystes, Politiques et Philosophes. C’était un peu comme dans cet ancien temps, qui fait rêver, Althusser, Lacan etc. ou encore Sartre et, dont François Régnault nous parle de temps en temps. La question de l’humanisme n’en était pas absente, à travers bien des accroches, les guerres « justes » ou pas, la question de la vérité ou de la croyance, le combat communs contre les S1, les signifiants-maîtres qui nous aliènent en tant qu’ordre établi, la dimension de l’acte pour franchir cela et de ses conséquences.

J’ai été bien intéressée par un point qui a fait accord, c’est que ce n’est pas la victoire qui signe la justesse de la cause. Il y a des causes perdues, des « guerres oubliées » qui furent pourtant justes, et hurler avec les loups n’est pas à hauteur humaine.
Tout cela a été dialectisé d’une façon formidable qui a été filmée et sera sûrement diffusée.

J’en fus ravie. Petit détail amusant: Il nous a fallu forcer la barrière, puisque pourtant bien à l’heure, il n’y avait déjà plus de place dans la salle. J’ai dit que l’on ne pourrait arrêter ce désir d’être là, et me suis sentie suivie par quelques membres de l’École retenus aussi dehors. Alors, j’ai utilisé un subterfuge, faisant semblant d’être connue de BHL, qui était venu chercher un intervenant à l’extérieur, je l’ai interpellé. Étant courtois, il n’a pas dit le contraire, et nous nous sommes tous engouffrés. transgresser, franchir, c’est bon!

On n’arrête pas le désir!
Bises
Catherine Decaudin

l’art, la langue naturelle de l’artiste

Merci, eoik, pour ce texte où tu vas si loin pour tenter de te « dépatouiller » avec des questions aussi difficiles. J’en reste un peu saisie, il me faudra y revenir, et plus d’une fois. Je vais commencer par lire Thierry de Duve ! Et ce fameux catalogue de l’exposition de Bruxelles « 100 ans d’art contemporain », le trouve-t-on encore ?

Quant à la pulsion et au fantasme, ça a été mon sujet de cartels pendant dix ans (quel que soit le séminaire au travail, je mettais « pulsion et fantasme ») et, bien sûr, je ne m’en dépatouille toujours pas ! Les enseignements de l’Ecole en ce moment tournent beaucoup autour de ces questions de plus-de-jouir (que le « s » s’entende ou non) et d’objet a à la fin de l’enseignement de Lacan. Ce qui entraîne forcément la question de l’universel et du particulier (pas plus tard qu’hier soir). Mais toi, tu partages avec nous non seulement ce que tu as retiré de ton expérience analytique mais aussi de ton expérience de « fille d’artiste », et de tes longues réflexions sur l’art (comment peux-tu dire que tu n’y comprends rien ?)

Je reviens à l’un de mes tweets de l’autre jour, que tu avais d’ailleurs souligné, « L’artiste est sujet de l’art en tant qu’il met en jeu une pratique symbolique particulière pour traiter l’impensable de ce réel » (François Ansermet). Si l’on suit ce fil, ce qui ferait la différence (c’est mon hypothèse), ce qui ferait que quelque chose « est de l’art » ne tiendrait peut-être pas non plus tant que ça à l’objet au sens où il serait de l’ordre du visible (d’où il peut bien être « n’importe quoi »), mais à la position de l’artiste, à une certaine façon qu’il a de traiter le trou dans le symbolique qu’est l’objet. Alain Prochiantz disait aussi qu’à son sens les mathématiques étaient peut-être la « langue naturelle » du mathématicien, c’est-à-dire la langue qu’il parle, même si à première vue c’est la science par excellence qui n’a plus rien à voir avec une « langue naturelle ». Ne pourrait-on poser de la même façon que l’art est la « langue naturelle » de l’artiste ? D’autant plus que, souvent, l’artiste n’a rien à dire de plus sur son art.

Je sens que je m’embrouille, je m’arrête là !
Dominique.

Une soirée sur la Chine le 7 décembre à 21h 15

Une soirée sur la Chine le 7 décembre à 21h 15, au local de l’ECF, organisée par l’équipe de la bibliothèque (dont je fais partie). Il y sera question entre autres de l’écriture chinoise. Cette affaire de la calligraphie chinoise rejoint nos interrogations sur l’art et l’acte, si j’en crois les quelques lectures que j’ai faites. Cf. « L’unique trait de pinceau » du moine Citrouille-amère, dont parle Lacan. Bon, j’avoue que nous ne savons pas exactement ce que diront nos quatre invités, nous ne leur avons pas demandé leurs textes. Ce sera une surprise ! Mais je peux vous dire que ce sont des gens passionnants. Quelques précisions dans Babel n° 11, qui se trouve en pièce jointe et sur ECF-Alexandrie.

Dominique

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Babel n°11 – novembre 2011
Bulletin Apériodique de la Bibliothèque de l’École de Lacan-ecf
Sommaire :
– Soirée de la bibliothèque du 7 décembre 2011 : « Lire Lacan en Chine »
– Une offre de la bibliothèque aux responsables des Enseignements à l’ECF
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Vous trouverez le Babel n° 11 en attaché

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Soirée de la Bibliothèque
Mercredi 7 décembre 2011 à 21h15
1, rue Huysmans 75006 Paris

Le symbolique au XXIe siècle
Le signifiant vivant : « Lire Lacan en Chine »

Nathalie Charraud présentera un exemple chinois de pas-tout, tiré d’un commentaire de l’Art de la guerre de Sun-tsu.

Alain Cochard se propose de montrer que les références de Lacan à la culture chinoise et en particulier à Mencius répondent à des problèmes cliniques. Il prendra la courte référence à Mencius à la fin du Séminaire VII pour montrer qu’elle s’inscrit dans la question de Lacan concernant ce qu’on est en droit d’attendre d’une analyse menée à son terme.

Jean-Louis Gault fera le point sur les caractéristiques de l’écriture chinoise, en ce qui la distingue d’une écriture alphabétique et ce pour quoi elle a pu intéresser Lacan, qui était à la recherche d’une théorie de l’écriture, qu’exigeait la nature du symptôme chez le parlêtre.

Catherine Orsot-Cochard traitera des « pouvoirs de la cursive », en référence à la phrase de Lacan dans « Lituraterre », Séminaire XVIII, p. 120 : « Ça me fascine, ces choses qui pendent, kakemono, c’est comme ça que ça se jaspine, les choses qui pendent au mur de tout musée là-bas, portant inscrits des caractères, chinois de formation, que je sais un peu, très peu, mais qui, si peu que je les sache, me permettent de mesurer ce qui s’en élide dans la cursive, où le singulier de la main écrase l’universel, soit ce que je vous apprends ne valoir que du signifiant. »

On trouvera des échos des récents voyages de nos collègues en Chine dans Lacan quotidien n° 10, 27, 40, 42, 59, 73, 84, 90, 91, et dans Babel n°11 une brève bibliographie sur le thème de la soirée, disponibles sur le site : http://ecf.base-alexandrie.fr/
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« fais n’importe quoi! »

Eoik, Do, chères,

Admirable, ton texte Vero, je m’y retrouve un peu dans ce que dit Thierry de Duve « au nom de l’art ».

Je brûle d’envie de répondre de suite sur 2 ou 3 choses.

Devant le feu de cheminée, que je viens de réveiller, une fois de plus, c’est mon p’tit plaisir d’hiver, de taquiner la mort: vais-je pouvoir raviver le feu au petit matin à partir des cendres mourantes. Résultat, un nom possible de l’impossible pour moi : la mort ne meurt jamais. Tiens donc?

L’art, une pratique symbolique particulière du réel? En quoi? Et pourquoi pas singulière?

Je ne peux m’empêcher de faire entrer en résonance le « fais n’importe quoi » de l’artiste avec le « dis n’importe quoi » de l’association libre. Dis, fais n’importe quoi, et il n’en sortira pas n’importe quoi!

Donc, la différence n’est pas tant au niveau de la visée que du moyen: le « Bien-faire » pour l’artiste, le « Bien-dire » pour l’analysant. Peut-il y avoir rencontre entre les deux? Oui, comme entre un homme et une femme: ratée.

Je pose: l’art est une pratique du « Bien-faire ». Mais qu’est-ce que le faire? Là, je passe à une navigation à vue, sans GPS, hasardeuse. Je me risque: le faire est une pratique pulsionnelle malgré le fantasme, au-delà de lui! Que devient la pulsion au-delà du fantasme, se demandait Lacan? Provocateur, je réponds: une œuvre d’art!

Ça pourrait bien être une pratique de la pulsion, avec un objet particulier, mentionné une fois par Lacan, 2 ou 3 fois par Miller: la musculature, le mouvement corporel. ( je pense au « penser avec les pieds » de Lacan)

Autre point: pas d’art sans regard! Et

Pas d’œuvre d’art, si elle est « toute seule ». La réitération fait la série, ce qui fait sérieux et crée deux choses énigmatiques: ce qui ne se dit pas dans ce qui se trace; et la naissance du « traceur » dirais-je !

L’art, n’est-il pas une pratique du trait?

Il fait encore nuit, le jour se lève timidement , le feu est à point, et je vais laisser s’endormir mes pensées.

Bises
Alain

Tao : le faire sans nom n’ayant désir et le nom ayant désir

Cher Alain, en début de réponse à ta proposition sur le « faire » de l’artiste, ce merveilleux texte d’Eric Laurent sur le vide-médian où sont confrontés, en Chine, par Cheng et Lacan,  « le faire » et « le parler ».

A ce texte, et un peu paradoxalement, j’ajouterais : y aurait-il un lien à établir entre

.d’une part, l’opposition que découvre Lacan dans le Tao du dire et du fairele faire sans nom n’ayant désir et le nom ayant désir -, « dilemme » avec lequel il se demande « comment vivre?  », à quoi Cheng répond spontanément : « par le vide médian »

.et, d’autre part, le Witz  que préconise Duchamp quand il veut tirer le conséquences de ce que « le faire » n’est plus possible en peinture du fait que ce sont maintenant les machines qui font et que la peinture arrive « ready-made » ? Ce Witz lui ouvre-t-il la voie du Vide médian dont Lacan et Cheng s’attachent à « élucider la réalité »?

Et puis, tu vois, Dominique, moi aussi, on dirait, que je vais vers la Chine….

Bon dimanche à tous,

Véronique

le vide-médian

La Voie qui peut s’énoncer

N’est pas la Voie pour toujours

Le nom qui peut se nommer

N’est pas le nom pour toujours

Sans nom : Ciel-et-Terre en procède

Le nom : Mère-de-toutes-choses

La Voie/voix, en tant qu’elle est avant tout nomination puis l’effet de nomination, qui fait venir quelque chose, mais quoi ?, car c’est là où ça n’est pas grec : il ne s’agit plus de faire venir à l’être, mais à un certain usage. Le chinois n’est pas une langue indo-européenne, il ne connaît pas le verbe être, à la place de la copule il y a cette invention propre au chinois qui est que le mot Tao veut dire tout à la fois faire et dire, énoncer.

Et c’est une des histoires les plus extraordinaires de la pensée que révèle l’histoire de la pensée en Chine, où la pensée chinoise a réussi à accueillir l’être transmis par le bouddhisme sous le mode du vide, parce qu’il parlait le sanskrit, une langue indo-européenne, donc, impliquant l’être et le non-être, et que les Chinois ont mis quand même huit cents ans pour faire se rejoindre le Tao et le vide bouddhique. Ça a pris beaucoup de temps, et causé beaucoup de frictions dans les différentes écoles chinoises, pour ajuster deux notions qui n’avaient rien à voir, et pour en faire une création de discours, qui, elle, sera transmise au Japon, avec le bouddhisme que l’on appelle zen. La secte Chan a mis au point, précisément, une version un peu sophistiquée de cette combinaison entre le vide hindou et le Tao chinois.

Là nous avons la Voie/voix en tant qu’elle est d’avant la nomination, et Cheng dit qu’en lisant ce texte, Lacan dit : c’est merveilleux !, s’arrête, arrête Cheng et lui fait le petit schéma suivant :

Il lui dit : voilà, il y a le Tao, alors faisons deux registres, le faire –  le parler, ce qui est sans nom, ici – et le nom, ce qui est n’ayant désir, et ce qui est ayant désir. Lacan lui fait donc ce petit schéma, mais il dit tout de suite qu’« il s’agit maintenant de savoir comment tenir les deux bouts, ou plutôt ce que Lao-Tseu propose pour vivre avec ce dilemme. »

Et là, ce qui intéressait Lacan parlant avec Cheng, c’était la solution proposée, et, dans le témoignage de Cheng nous lisons ceci : « Sans trop réfléchir, je réponds : « Par le Vide-médian ». Ce terme de Vide-médian une fois prononcé, nous n’avons eu de cesse que nous n’ayons élucidé la réalité de cette notion fondamentale entre toutes ». Après avoir fouillé les sources, vérifié les interprétations, ils ont donc pu établir que le trois, chez Lao-Tseu, n’était autre que le Vide-médian. Or, à suivre Cheng, qui est ici le spécialiste, alors que, jusque-là, le trois n’avait pas beaucoup retenu les spécialistes de la pensée chinoise, qui s’arrêtaient au deux, à l’opposition du Yin et du Yang, cette interprétation est désormais adoptée par tous les sinologues ainsi que par les savants chinois eux-mêmes. (Cf : L’Âne,  p. 53). Ils se sont appliqués à observer les multiples usages du Vide-médian dans le domaine concret à l’intérieur d’une personne – c’est très précieux, le Vide-médian à l’intérieur d’une personne – dans un couple, entre deux tribus, (en se référant à Lévi-Strauss), entre acteur et spectateur au théâtre etc.

Voilà donc, dans le concret, où se situe le vide. Comment articuler le vide, c’est ce qui intéressait Lacan. L’usage correct du vide, de ce Vide-médian qui est une sorte de version du littoral, soit ce qui sépare deux choses qui n’ont entre elles aucun moyen de tenir ensemble, ni aucun moyen de passer de l’une à l’autre.

« Shih-t’ao n’a-t-il pas parlé d’Universelle Circulation ?, poursuivait-il. Cela explique peut-être que les Chinois aient privilégié la notion de sujet/sujet, au détriment de celle de sujet/objet, puisque tout métaphorisé que soit le sujet, ce qui importe à leurs yeux, c’est ce qui se passe entre les sujets, plutôt que le sujet lui même, en tant qu’entité séparée ou isolée. Là intervient encore, sans doute, le Vide-médian » conclut Lacan.

Eric Laurent, « La lettre volée et le vol sur la lettre ». Conférence prononcée au Cours de Jacques-Alain Miller : « L’expérience du réel dans la cure analytique » 1998-1999 (inédit). Publiée dans La Cause freudienne n° 43, « Les paradigmes de la jouissance », p. 22.

l’impossibilité du fer

et à votre sagacité, dans le fil de la proposition d’alain de l’art comme « faire » je propose encore ce court extrait de Duve (et j’en aurai fini pour aujourd’hui!) :

Ainsi, le readymade est de l’art à propos de la peinture avant d’être de l’art à propos de l’art. L’art de peindre, c’est l’art du faire, dit Duchamp, qui répète là une très vieille définition de l’art comme artisanat et habilité manuelle. Mais si l’industrialisation a rendu objectivement inutile l’artisanat, alors l’habilité manuelle est aussi ce que l’artiste sensible à l’époque doit ressentir comme impossible. Ce sentiment est, dans la peinture, même normale, sa « nécessité intérieure », la nécessité qui poussa Kandinsky et les autres pionniers de l’abstraction à abandonner presque toutes les conventions traditionnelle de la peinture, et qui poussa Duchamp à l’abandon du métier lui-même.

Fini le faire, reste le nom. Fini le tour de main, l’habilité, le talent, reste le génie, le Witz. A Denis de Rougemont qui lui demande « Qu’est-ce que le génie? », Duchamp répondit par un calembour : « L’impossibilité du fer ».

Puisque faire signifie choisir, le syllogisme de tout à l’heure conduit à la conclusion, cette fois, que le génie tient à l’impossibilité de choisir. Et puisque l’exemple exemplaire d’un tel choix impossible est un tube de bleu, un tube de rouge, il faudrait imaginer que le génie tient à l’impossibilité de choisir ses couleurs, d’ouvrir un tube, de commencer son tableau, de peindre. Génie de l’impuissance en lieu et place de l’impuissance du talent !

Thierry de Duve, Résonnances du readymade, « Le readymade et le tube de couleur » (1984-1989), Éditions Jacqueline Chambon, 1989, p. 127, 128, 129, 130

vies d’escapades :: nouveaux membres et prochains rendez-vous

Bonjour, Chers Véronique, Dominique, Alain, Catherine, chères et chers amis,

Je profite d’un petit répit dominical pour vous dire combien je trouve stimulants ces échanges autour de l’art, du processus de création, je vous lis avec beaucoup d’attention, me laisse entraîner par vos références, textes, auteurs, à partir de ce que j’en comprends et chemine de mon côté pour serrer davantage quelle serait ma question au sein de notre futur cartel. Une première date à proposer pour nous rencontrer? Qui voudrait en être ? Qui serait notre plus-un? J’aime beaucoup l’idée que ce pourrait être un ‘non-analyste’. Je peux accueillir le cartel chez Auguste! Un cartel, deux cartels, …Décidément ces escapades nous emmènent loin!

Je voulais vous présenter Laurent Guerlou, un ami de Toulouse qui vient de rejoindre notre groupe et qui serait intéressé par une escapade ‘les Femmes’, je sais que Dominique et Véronique O ont prévu d’y aller le 18 décembre pour la dernière et l’intégrale. D’autres propositions?

Je vous présente également Malik Berkati, que certains connaissent peut-être sur Twitter et qui m’a fait l’amitié de rejoindre également notre groupe. Bienvenue à tous ceux qui viennent de s’inscrire!

Donc, prochaines escapades:
samedi prochain, le 3 décembre ‘la folie Sganarelle
le 10 décembre, exposition Paul Klee à la cité de la musique dans l’après-midi et ‘Ex vivo In vitro‘ en soirée,
et enfin le dimanche 18, à 14h30 l’intégrale les Femmes aux Amandiers.

D’autres dates? Serait-il possible de créer une rubrique agenda pour mieux nous repérer? Sans oublier nos imprévus et impromptus! Je crois qu’Isabelle avait un projet de passage sur Paris un mercredi ?

Qui veut m’aider pour une présentation escapades décembre pour le courrier ACF? Klee (Vanessa?)? Wajdi Mouawad (Laurent? Véronique O?)? Ex vivo (Dominique?)

Merci beaucoup Dominique pour le partage de tes notes formidables! Merci à tous qui rendent ce groupe si vivant!

A bien vite,
Géraldine.

Envoyé de mon iPad

art et psychanalyse : la séparation de l’objet

Éric Rondepierre, Le Voyeur (Moires), 1996-1998, Courtesy Gallery RX
Éric Rondepierre, Le Voyeur (Moires), 1996-1998

 

Cher amis escapadants,

voici une proposition de travail pour le cartel « Art et psychanalyse »,  dont j’ai eu l’idée de je ne sais où, probablement dans tout ce que j’ai lu ou ressenti ces temps-ci, mais qui m’a marquée:
Un point commun entre la psychanalyse et l’art serait que cela permet dans les deux cas la séparation de l’objet, d’où l’effet de soulagement produit.

Bien à tous

Catherine Decaudin

Rétrospective Béla Tarr au Centre Pompidou

29.11.11 04:56

Rétrospective Béla Tarr à Beaubourg, du 3 décembre au 2 janvier. C’est un cinéaste à découvrir (cf. L’homme de Londres et Les harmonies Werckmeiter, qu’on a pu voir à Paris ces dernières années).

Dominique

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Programme

Toutes les séances

Samedi 3 Décembre 2011
15:00 Master class avec Béla Tarr
Pour la première fois en France, Béla Tarr retrace les différentes étapes de son parcours de cinéaste, depuis les tournages en 16 mm semi-improvisés des débuts jusqu’à la précision extrême des œuvres tardives.
18:30 Les Harmonies Werckmeister, Béla Tarr, 2000 noir et blanc
Dans une petite ville glaciale de la plaine hongroise, un cirque s’installe pour exhiber son unique attraction, une gigantesque baleine empaillée.

Dimanche 4 Décembre 2011
14:30 Le Nid familial, Béla Tarr, 1977 noir et blanc (100 mn)
Le premier film de Béla Tarr, emblématique du style de ses débuts, est précédé du court métrage Hotel Magnezit (1978, noir et blanc).
17:30 Damnation, Béla Tarr, 1987 noir et blanc
Karrer, personnage amer et renfrogné, a pour seul lien avec le monde un bar-cabaret, le Titanik. La chanteuse qui s’y produit l’obsède tant elle semble posséder quelque chose qui lui est inaccessible : une forme d’espoir.

Lundi 5 Décembre 2011
19:30 Rapports préfabriqués, Béla Tarr, 1982 noir et blanc
Dans un style qui est comme un pendant épuré de celui de Cassavetes, Béla Tarr poursuit avec ce troisième long métrage son portrait du prolétariat hongrois et des relations hommes-femmes qui s’y développent.

Vendredi 9 Décembre 2011
19:30 L’Outsider, Béla Tarr, 1979-1980 couleur
L’outsider, c’est András, jeune homme qui semble flotter sur la vie sans jamais trouver sa place, avec, pour seul compagnon stable, un violon. Par un récit elliptique, le film nous fait partager quelques étapes de la vie de cet être en décalage permanent, incapable de se plier aux injonctions du monde qui l’entoure.

Samedi 10 Décembre 2011
14:00 Satantango, Béla Tarr, 1990-1994 noir et blanc
Adapté du roman éponyme de László Krasznahorkai, Satantango expose les complots et les trahisons qui agitent une coopérative agricole en déliquescence, au cœur d’une campagne humide.
Samedi 10 Décembre 2011

Dimanche 11 Décembre 2011
14:30 L’Homme de Londres, Béla Tarr, 2007 noir et blanc (132 mn)
Le film, adapté d’un récit de Georges Simenon, est précédé du court métrage « Prologue » (2004, noir et blanc).
17:30 Almanach d’automne, Béla Tarr, 1983-1984 couleur
Hédi, une dame âgée et argentée, partage une maison avec son fils, son infirmière et l’amant de celle-ci, bientôt rejoints par un quatrième locataire.

Lundi 12 Décembre 2011
19:30 Macbeth, Béla Tarr, 1982 couleur
Fidèle adaptation du texte de Shakespeare, Macbeth a été réalisé pour la télévision hongroise. Radicalisant son usage du plan-séquence, Béla Tarr y livre une mise en scène vertigineuse et labyrinthique.

Jeudi 15 Décembre 2011
19:30 The Last Boat, Béla Tarr, 1990 couleur (32 mn)
C’est sans doute avec « The Last Boat » que Béla Tarr s’est le plus éloigné d’une conception classique de la narration. On y découvre une Budapest désertée, théâtre de scènes énigmatiques et irréelles baignant dans un climat post-apocalyptique. Le film est suivi du court métrage « Voyage sur la plaine hongroise » (1995, coul.).

Vendredi 16 Décembre 2011
19:30 Les Harmonies Werckmeister, Béla Tarr, 2000 noir et blanc
Dans une petite ville glaciale de la plaine hongroise, un cirque s’installe pour exhiber son unique attraction, une gigantesque baleine empaillée.

Samedi 17 Décembre 2011
14:30 Macbeth, Béla Tarr, 1982 couleur
Fidèle adaptation du texte de Shakespeare, Macbeth a été réalisé pour la télévision hongroise. Radicalisant son usage du plan-séquence, Béla Tarr y livre une mise en scène vertigineuse et labyrinthique.

Samedi 17 Décembre 2011
16:00 Table ronde
Table ronde autour de l’oeuvre du maître hongrois, avec Kristian Feigelson, András Kovács, Sylvie Rollet et Jarmo Valkola
18:00 Rapports préfabriqués, Béla Tarr, 1982 noir et blanc
Dans un style qui est comme un pendant épuré de celui de Cassavetes, Béla Tarr poursuit avec ce troisième long métrage son portrait du prolétariat hongrois et des relations hommes-femmes qui s’y développent. Ici, chaque nouvelle scène semble amener le couple plus loin dans l’impasse.
20:00 L’Outsider, Béla Tarr, 1979-1980 couleur
L’outsider, c’est András, jeune homme qui semble flotter sur la vie sans jamais trouver sa place, avec, pour seul compagnon stable, un violon. Par un récit elliptique, le film nous fait partager quelques étapes de la vie de cet être en décalage permanent, incapable de se plier aux injonctions du monde qui l’entoure.

Dimanche 18 Décembre 2011
14:00 Satantango, Béla Tarr, 1990-1994 noir et blanc
Adapté du roman éponyme de László Krasznahorkai, Satantango expose les complots et les trahisons qui agitent une coopérative agricole en déliquescence, au cœur d’une campagne humide.

Lundi 19 Décembre 2011
19:30 Tarr Béla, cinéaste et au-delà, Jean-Marc Lamoure, 2011 couleur
Accompagnant la réalisation du Cheval de Turin entre 2008 et 2011, ce film présenté à l’état de work in progress propose une immersion auprès de Béla Tarr. Il est précédé du court métrage « Le jour où le fils de Raïner s’est noyé » (2011, coul.), d’A. Vernhes-Lermusiaux.

Jeudi 22 Décembre 2011
19:30 Almanach d’automne, Béla Tarr, 1983-1984 couleur
Hédi, une dame âgée et argentée, partage une maison avec son fils, son infirmière et l’amant de celle-ci, bientôt rejoints par un quatrième locataire.

Vendredi 23 Décembre 2011
19:30 Le Nid familial, Béla Tarr, 1977 noir et blanc (100 mn)
Le premier film de Béla Tarr, emblématique du style de ses débuts, est précédé du court métrage « Hotel Magnezit » (1978, coul.)

Vendredi 30 Décembre 2011
19:30 L’Homme de Londres, Béla Tarr, 2007 noir et blanc (132 mn)
Le film, adapté d’un récit de Georges Simenon, est précédé du court métrage « Prologue » (2004, coul.).

Samedi 31 Décembre 2011
14:30 The Last Boat, Béla Tarr, 1990 couleur (32 mn)
C’est sans doute avec « The Last Boat » que Béla Tarr s’est le plus éloigné d’une conception classique de la narration. On y découvre une Budapest désertée, théâtre de scènes énigmatiques et irréelles baignant dans un climat post-apocalyptique. Le film est suivi du court métrage « Voyage sur la plaine hongroise » (1995, coul.).

Lundi 2 Janvier 2012
19:30 Damnation, Béla Tarr, 1987 noir et blanc
Karrer, personnage amer et renfrogné, a pour seul lien avec le monde un bar-cabaret, le Titanik. La chanteuse qui s’y produit l’obsède tant elle semble posséder quelque chose qui lui est inaccessible : une forme d’espoir.

« Le cheval de Turin » : chef-d’oeuvre !

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29.11.11 12:20

Je vous conseille surtout son dernier film: Le cheval de Turin.

Un chef-d’œuvre, et comme vous ne me connaissez pas, vous ne pouvez pas savoir qu’entre autres je suis critique de cinéma, que je ne suis pas forcément difficile à cause de cette activité mais par contre que je fais attention aux mots que j’emploie dans ce domaine et là, il n’y en a pas d’autres! Ce film (le dernier de sa carrière de réalisateur si j’en crois ce qu’il m’a dit à la Berlinale) est la somme épurée de toute son œuvre. J’en ai des frissons rien que de penser aux images de ce film.

Par contre, histoire que vous ne me fassiez pas de procès dès la sortie du cinéma, je vous avertis que le film est très exigeant et très inhabituel dans sa structure: c’est une sorte de boléro de Ravel cinématographique. Cela veut donc dire que soit on se laisse aller et arrive à entrer dans le rythme soit on reste à l’extérieur…et comme le film est long, si on reste à l’extérieur, là, cela peut être éprouvant!

Malik

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30.11.11 02:23

Merci, Malik, pour votre conseil : surtout ne pas rater Le cheval de Turin de Béla Tarr, film exigeant, le clou de sa carrière – et peut-être le dernier qu’il fera (j’espère quand même que non…) Contrairement à ce que je pensais, il ne fait pas partie de la rétrospective qui sera consacrée à Béla Tarr au centre Pompidou du 3 décembre au 2 janvier. Il faudra donc guetter sa sortie en salles, qui sera sans doute concomitante à cet événement.

Quelle chance d’avoir un critique de cinéma parmi nous ! J’espère que vous nous suggérerez beaucoup d’escapades cinématographiques et que vous y participerez de temps en temps.

A bientôt donc.

Dominique.

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30.11.2011 17:50

Malheureusement Dominique, pour avoir rencontré le « maître », je n’ai pas l’impression qu’il soit du genre à changer d’avis. Il a dit qu’avec le Cheval de Turin, il avait fermé une boucle et tout ce qui pourrait venir après ne serait que recommencement, répétition. Il n’exclut cependant pas de continuer dans le cinéma, comme producteur par exemple. Mais effectivement, comme on dit en allemand, l’espoir meurt en dernier…alors espérons qu’il trouve une autre boucle à ouvrir…

Le film sort chez vous en France aujourd’hui (30 novembre).

Malik

Il n’y a pas, il n’y a jamais eu d’Art brut

Ce qui serait de l’Art… (et ce qui n’en serait pas tout à fait !)

Francis Berezné est né en 1946. Il dessine depuis toujours, même dans les moments les plus difficiles d’une vie tourmentée. Adolescent, il voyage, croquant sur nature tout ce qui se présente à lui. Pendant quelques années, il est assistant aux Beaux-Arts. À présent il s’intéresse aux relations du dessin et de l’écriture, et commence à réaliser des films expérimentaux. Après avoir été fou, le voilà qui revient en psychiatrie pour animer des ateliers d’arts plastiques.

Extraits du Dit du brut, de Francis Bérezné, éditions « La chambre d’échos ».

Mon ami Francis Bérezné, peintre et écrivain, est diparu en 2010. Le sous-titre de son livre Le dit du brut est Colère. Colère parce que, si « l’Art des fous et des marginaux » s’est vu reconnaître une place depuis que Dubuffet inventa le terme d’art brut en 1945 et créa une fondation pour l’abriter (devenue la Collection de l’art brut de Lausanne), il continue à être ghettoïsé. Cette colère est née, « un jour de 1967 en voyant les oeuvres de ces artistes [les grands, les reconnus] exposées dans la grande nef du Musée des Arts décoratifs, alors que bien séparée d’eux, dans des salles différentes, était accrochée la donation Dubuffet. » (p. 7).

« J’ai voulu battre en brèche un certain nombre d’idées reçues à ce sujet », continue-t-il. «Certaines dont je crains qu’elles n’aient la vie longue. En particulier que cet art ne peut s’inscrire dans une histoire de l’Art, sinon comme un genre tout à fait à part et bien singulier. Je pense au contraire qu’il fait partie de l’Art du vingtième siècle, au même titre que ses grands créateurs reconnus, et comme eux inspirant fortement la production d’aujourd’hui »

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Conversation imaginaire entre Francis Bérezné et une amie :

« Je le vois [Dubuffet] dans Son Musée remplissant des cases, des tiroirs, des étages, aménageant Ses Collections, ouvrant des annexes aux Collections, inaugurant des à-côtés des Collections, éliminant les pas tout à fait ci ou pas tout à fait ça, dont Lui seul pouvait juger. Lui et les siens écartant ceux qui n’étaient pas dignes de participer aux grandes festivités de la création.

– Ce ne sont que des affabulations jalouses. Il n’était même pas conservateur du Musée de l’Art brut!

– Mais je me fous de l’Art brut ! Il n’y a pas, il n’y a jamais eu d’Art brut. Ce n’est qu’une de Ses inventions. Et pas des meilleures. Qui, après qu’on eut enfermé les fous, enfermait leurs œuvres dans un concept et un Musée, sinon à double tour et comme sous haute surveillance, du moins à consommer selon un strict mode d’emploi. En vérité, Wölfli créait comme n’importe quel autre artiste. […] Tenez, dites-vous que Wölfli est comme orphelin du reste de la création. » De Miro, en particulier, dont il serait éclairant de le rapprocher. En effet, « Ainsi que Miro et quelques autres il a fabriqué un monde où les signes se combinent comme un langage, se répondent d’un tableau à l’autre, se font écho, et nous tiennent un discours surprenant. » (p. 27-28). Même chose quand il s’agit de rapprocher Francis Palanc, artiste « brut » né en 1928, et Jean-Pierre Raynaud. « Mais avez-vous vu la gymnastique mentale et les détours que j’ai faits pour mettre Palanc et Raynaud en perspective ? les efforts sans compter pour déplacer la barrière que tous après moi se hâteront de remettre en place ? » (p. 29-30).

Or « ne croyez pas que l’asile soit étanche. Il y souffle le vent des grands bouleversements artistiques, sociaux et politiques. » (p. 46). Ledit « art brut » est « une pratique née avec la modernité et avec l’abstraction, avec le renouveau des arts. […] je revendique pour ces artistes le droit d’être regardés avec les mêmes yeux que tout autre […]. Leur spécificité n’est pas de faire l’envers ou le contraire de tout ce qu’ont fait l’art et la culture. Leur spécificité est d’être, comme tout artiste digne de ce nom, un parmi les autres et irréductible aux autres. » (p. 48).

Ah ah ! Qui va dire ce qu’est un « artiste digne de ce nom » ?

Les soulignages sont de moi.

Dominique.

LIENS:

http://www.francis-berezne.net/

http://lesilencequiparle.unblog.fr/2010/10/19/sur-lamitie-dans-la-psychiatrie-francis-berezne/

Peintures de F. Bérezné

Francis Bérezné et moi

Le 30/11/2011 10:55, véronique müller a écrit :

superbe artiste que je découvre, dominique, merci. oui oui finissons-en avec l’art brut, c’est un préalable nécessaire, en effet, finissons-en, ça suffit comme ça !

Le 30/11/2011 10:59, véronique müller a écrit :

enfin, heu, Raynaud / Palanc : il va fort ! sa gymnastique mentale, moi, j’ai un peu du mal à la refaire… (ça résiste dans les synapses)
😉

Le 30/11/2011 17:28, Dominique Chauvin a écrit :

> Je ne connais pas Palanc…
> Francis Bérezné s’explique sur son rapprochement hardi entre Raynaud et Palanc : « Il s’agit de comparer des choses a priori incomparables et d’en tirer quelque idée nouvelle sur un sujet. » (Le dit du brut, p. 29)
> « Au sujet des origines » [puisque, pour lui, il s’agit de ça], il trouve Palanc « bien bavard ».
> « Et au petit matin frais, en attendant que s’ouvrent les portes du Centre Georges Pompidou, voir le pot de Raynaud recouvert de ses feuilles d’or, et être touché précisément par le fait de n’y comprendre rien, un truc tout à fait propre à Raynaud, comme un idiotisme, et que ce soit Palanc qui déclenche le délire associatif qui éclaire le problème d’un jour nouveau, nous offre le début d’une solution, voilà évidemment qui donne à réfléchir.
> Regarder les travaux de Raynaud à la lumière de ceux de Palanc, est-ce en apprendre un peu plus sur cette œuvre, ou est-ce une folie ? (p. 31).
> NB. Je trouve le pot de Raynaud beaucoup plus beau dans son nouvel environnement, ou encore dans le jardin de sa maison (d’après les photos de Daphné), que sur le parvis de Beaubourg.
> Bravo encore, Véronique, pour ton travail d’édition, les liens que tu as été chercher, etc. Je suis touchée pour Francis. Merci.
> Dominique.

Le 30/11/2011 17:57, Dominique Chauvin a écrit :


Une photo récente… 
> Dominique.

 

un monde défait en 6 jours

Le 30/11/2011 18:09, nouage a écrit :

> Bonsoir,  Je viens de trouver ce lien.

> Géraldine.

> Envoyé de mon iPad

Le 01/12/2011 04:31, Dominique Chauvin a écrit :

> Je m’y suis tout de suite précipitée ! Il est vrai qu’on peut concevoir que Béla Tarr n’ait plus rien à dire après ce film. Il est vrai qu’il est superbe mais tout à fait désespéré.

> « Le film illustre la mortalité à laquelle nous sommes condamnés, avec cette profonde douleur que nous ressentons tous  » (B. Tarr).

> Ma première impression était que « Le cheval de Turin » raconte comment le monde se défait en six jours, jusqu’à ce que la lumière elle-même ne soit plus… Ce qui n’est pas incompatible ! Et puis, il y a le cheval, ah, le cheval, que l’on voit marcher interminablement, au début, et puis qui s’arrête, qui ne veut plus ni bouger ni manger…

Le 01/12/2011 09:44, Malik Berkati a écrit :

> C’est exact, alors que Dieu fait le monde en 6 jours, Béla Tarr le défait dans le même laps de temps. Mais quand je suis sorti du film, je n’ai pas senti de désespoir au contraire, car cette litanie du vent, cette immensité désolée, cette obscurité qui laisse saillir quelques ombres n’appelle à mon avis qu’une chose: un renouveau au 7ème jour…

> La dernière image est un tableau, une nature morte fait d’être humain: ils sont figés et leur monde avec. Mais comme la nature a horreur du vide…

> Bon à ma décharge de cette vision optimiste: je l’ai vu à la fin de la Berlinale avec déjà plus de 60 films dans les yeux, à la fin d’une journée avec 5 films derrière moi: j’étais à la fois épuisé et désespéré des 3/4 des films déjà vus et ce film m’a redonné une énergie et un coup d’adrénaline improbable dans l’état ou j’étais…cela a peut-être influé! Faudrait que le revois avec cette idée de désespoir pour confronté mon impression à celle qui semble se dégager si j’en crois également l’article envoyé par Géraldine.

> Malik

Dans quelques jours, ce spectacle n’existe plus…

théâtre/performance

YVES-NOËL GENOD

je peux avec  Sigrid Bouaziz, Bram Droulers, Nicolas Maury, Jean-Paul Muel,
Marlène Saldana, Marcus Vigneron-Coudray
oui

jeu, mise en scène, scénographie Yves-Noël Genod

je peux samedi 3 et dimanche 4 décembre à 14h30
oui samedi 10 et dimanche 11 décembre à 14h30

//

Théâtre de la Cité internationale
17 Bd. Jourdan
75014 Paris

//

tarif plein 21 € • tarif réduit 14 €
vendredi tarif réduit pour tous 14 €
moins de 30 ans 10 €
renseignements, location :
www.theatredelacite.com • 01 43 13 50 50 (14/19h) ou chez les revendeurs FNAC, Théâtre on line, Crous, Kiosque-jeune, Kiosque Théâtre

//

Extraits du blog d’Yves-Noël Genod

– je peux / – oui


Je peux, Photo Marc Domage. Marlène Saldana, Jean-Paul Muel.

posted by Yves-Noël Genod, le dispariteur at 12:23 PM 0 comments

Ça s’est bien passé ! Le beau monde des aficionados était là, merveilleux surgissement de printemps (que l’on nourrit au champagne). Ça continue demain, jeudi et après-demain, vendredi en avant-première ouverte sans réservation – venez aider les acteurs à vous aider ! – Officiellement, c’est ensuite ce week-end, dans tous les cas, à 14h30 (nécessité de la lumière du jour). Puis un autre spectacle dans le même lieu, la semaine prochaine, plus théorique (je serai dedans) avec un seul jour d’avant-première, le vendredi 9 et le week-end en réservation.

C’est au théâtre de la Cité internationale (01 43 13 50 50) et ça s’appelle – je peux / – oui

posted by Yves-Noël Genod, le dispariteur at 10:59 AM 0 comments

Nouveau communiqué

Moi, mes amis, je ne sais pas
comment les contacter. J’ai demandé à la Cité combien de
détaxes on pouvait avoir. Illimité. Illimité ? Oui,
illimité car ça s’adresse aux amis… Les amis ? Les amis,
c’est illimité ou c’est limité ? La Cité, ils ont dû faire
beaucoup, beaucoup de réunions pour finalement décider
que, non, les amis, ça ne se contactait pas sur Facebook.
Donc je rajoute : place à dix euros en donnant mon nom,
mais dans la limite des places disponibles. Quand la Cité
estimera qu’il y aura trop de places à dix euros, ils
arrêteront. De toute manière, je suis intéressé car je
suis à la recette. Moi, ce qui m’intéresse, c’est que le
plus de monde voit mon spectacle, que je n’ai pas bossé
pour rien – et les acteurs, voilà !

posted by Yves-Noël Genod, le dispariteur at 12:29 PM

// // //

Sous l’influence – excusez du peu – de Jorge Luis Borges,
Yves-Noël Genod propose des performances qui ne parlent de rien.
En général, les titres choisis rajoutent à l’ambiguïté. Elles ne
parlent de rien parce que – premièrement – la beauté est une
sensation physique (ou ne sera pas) et parce que – deuxièmement –
elles sont adressées. Ainsi « c’est vous qui remplirez les cases
et vous ne rendrez pas le formulaire ». C’est une administration
du bonheur.
Yves-Noël Genod déploie, dans un décor d’après-midi d’hiver, une
pièce de groupe et un solo désolé autour de la figure de la
chanteuse Barbara. Il s’agit des deux faces d’une même monnaie,il
est conseillé de voir les deux !
L’invraisemblance, c’est la naissance. L’état de l’apparition. Are
you a question or an answer ?

//

Surtout ne rien faire

Malmö, le 7 octobre 2011

Je voudrais que tout soit réglé avant le premier jour des répétitions, le 4 novembre.
C’est une question de méthode, j’en parle et reparle très souvent, ce n’est pas une
méthode absolue, mais elle a produit tant de chefs d’oeuvre jusqu’à Haschich à
Marseille, la semaine dernière… La méthode, en deux mots, c’est surtout NE RIEN
FAIRE. C’est ce que j’exige (de manière dictatoriale) des acteurs et des artistes avec
lesquels je travaille. C’est bien sûr ce que j’exige de moi-même. Et j’appelle ça le
VRAI travail, en plus. Bon, pour que cette méthode soit réalisable, il faut donc que
tout soit réglé avant le début du « travail ».
Yves-Noël Genod

(extrait d’un mail adressé à Pascale Henrot)

……………………………………………………………………………………….

__._,_.___

__,_._,___

Volk Ding Zero

Esc femmes, Esc hommes,

Paris. Ses rues hivernales parfois le soir offrent, dans de lointaines fenêtres, d’étranges personnages bleus – que nous aimons bien:

 

BASELITZ SCULPTEUR
MAM
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris
Standard : 01 53 67 40 00
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h (fermeture des caisses à 17h15)
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h (fermeture des caisses à 21h15).
Fermeture les jours fériés.
Métro Alma-Marceau ou Iéna
RER C Pont de l’Alma
Bus 32, 42, 63, 72, 80, 92
Station Vélib’ 2 rue Marceau

lui, porte ce nom étrange : «Volk Ding Zero», si tant est qu’il ne le sont pas tous, étranges, les noms : «Peuple Chose Zéro».

C’était avenue du Président Wilson, où nous avions opté d’aller hier, pluvieux mardi, avec Géraldine.

(nous escapdons, nous optons) (et toi, veux-tu escapader avec nous) (nous artscapadâmes)(artscapadâteras-tu)

puis, nous étions dans une très grande salle blanche atteinte après avoir traversé nombre de vastes salles dont le blanc n’était pas pur, finalement, et sur le front de « Volk Chose Zéro« , nous avons pu lire l’inscription : «ZERO»

son visage bleu, ses yeux de larmes blanches.

un panneau dit  :

« Autoportraits 2009-2010
Les sculptures les plus récentes de Baselitz sont des autoportraits monumentaux, Volk Ding Zero et Dunklung Nachtung Amung Ding. Bien qu’elles puissent évoquer (à tort) Le Penseur de Rodin, leur modèle avoué est celui des Christ aux Outrages de l’art populaire. Un personnage assis, la tête dans les mains, des yeux constitués de coulures d’une teinte blanche caractéristique des dernières peintures, constitue ce que Baselitz appelle un de ces « signes ».

sur un banc de pierre g, miss g, mamzelle g, nous sommes dans la fiction, n’est-ce pas, a consulté oracle google, j’étais assise à ses côtés, google, google, dis-moi, veux-tu, ce qu’est « Christs aux outrages « . de mon côté, j’en avais bien quelque idée, mais je ne lui trouvais pas les bons mots. je me suis demandé si mon père lui aussi n’avait pas peint l’un ou l’autre christ aux outrages, ça a aurait bien été son style. j’ai dit, eh bien, ils lui ont mis une couronne à jésus, en épines, ont planté un bâton en guise de sceptre dans la main, et ils lui ont dit, ha ha, roi des juifs, tu rigoles moins, maintenant. la réponse de google n’était pas beaucoup plus claire. mais on a vu de belles images : ce grünewald :

Matthias Grünewald (1480-1528)

Le Christ aux outrages, 1503/1505

L’épisode représenté
 
Nom : grec : Empaigmos ; lat. : Christi Alapatio, Christus velatus, consputus, et calaphizatus, it. : Nostro Signore beffagiato ; Gesù dériso, schernito, oltraggiato, angl. : The mocking (Buffeting, Scoffing) of Christ, The Lord buffeted and spit upon, all. : Die Verspottung (Verhöhnung) Christi.
 
Époque : à la fin de la vie de Jésus, dans le cycle narratif de la Passion (qui conduit à sa crucifixion).
 
Lieu : à Jérusalem.
 
L’épisode des outrages fait partie du cycle des procès que Jésus subit avant sa crucifixion : […] Au cours de ces confrontations avec les autorités, on le gifle et on le flagelle.
 
Les textes
 
On distingue deux séances d’outrages dans les textes :
 
  1. La première séance reprend les injures. … Luc, 22, 63-65 « Les hommes qui le gardaient le bafouaient et le battaient ; ils lui voilaient le visage et l’interrogeaient en disant : “Fais le prophète! Qui est-ce qui t’a frappé ?” Et ils proféraient contre lui beaucoup d’autres injures. »
  2. La seconde séance est beaucoup plus cruelle.
    Jean 19, 1-2 « Pilate prit alors Jésus et le fit flageller. Les soldats, tressant une couronne avec des épines, la lui posèrent sur la tête, et ils le revêtirent d’un manteau de pourpre ; et ils s’avançaient vers lui et disaient : “Salut, roi des Juifs !” Et ils lui donnaient des coups. »
Traduction picturale
 
La scène
 
L’évangile présente deux scènes : les outrages au Sanhédrin et la flagellation après la comparution devant Pilate.
[…]
Ces scènes apparaissent vers le 11e siècle et prennent un tour pathétique à la fin du Moyen-Âge où l’on insiste sur les détails morbides.[…]  Le couronnement d’épines semble avoir supplanté un temps le Christ aux outrages, même si on retrouve cette dernière représentation jusqu’au 19e siècle, en particulier chez Manet [Edouard MANET, 1865, Chicago, Art Institute].
Nous traitons ici de la première dérision, en lien avec le tableau de Grünewald.
 
Les sources de l’Iconographie de Grünewald
 
Des spécialistes modernes ont situé les sources de Grünewald dans les Révélations de sainte Brigitte de Suède, un ouvrage mystique du 14e siècle, très diffusé à l’époque de la Renaissance allemande.
 
Sainte Brigitte de Suède, Révélations I, 11 :
 

« Paroles de Jésus-Christ à son épouse, traitant de la manière qu’il se donna librement à ses ennemis qui le crucifiaient, et comment il faut vivre avec continence, se privant de tout ce qui est illicite, à l’exemple de sa douce passion. — Le Fils de Dieu parlait à son épouse, disant : Je suis le Créateur du ciel et de la terre, et le corps qui est consacré sur l’autel est mon vrai corps. Aimez-moi de tout votre cœur, car je vous ai aimée. Je me suis librement donné à mes ennemis, et mes amis et ma Mère ont été assaillis d’une douleur trop amère, et ils ont fondu en larmes.

Quand je voyais la lance, les clous, les fouets et autres instruments préparés pour ma passion, je m’en approchais néanmoins avec joie. Et quand, sous la couronne d’épines, ma tête fut toute sanglante, et que mon sang ruisselait partout, et bien que mes ennemis touchassent mon cœur, j’eusse mieux aimé qu’il eût été déchiré en deux que de ne pas vous posséder et ne pas vous aimer. Parant, vous seriez trop ingrate, si vous ne m’aimiez, en reconnaissance du grand amour que je vous ai témoigné. Si ma tête a été percée par les épines et s’est inclinée sur la croix, votre tête doit bien s’incliner à l’humilité ; et parce que mes yeux étaient remplis de sang et de larmes, vous devez vous abstenir de ce qui délecte vos yeux ; et parce que mes oreilles ont été remplies de sang et ont ouï qu’on me détractait, partant, vos oreilles ne doivent pas écouter les paroles moqueuses, niaises et légères ; et parce qu’aussi on a abreuvé ma bouche d’une boisson amère, vous devez aussi fermer la bouche aux paroles mauvaises et l’ouvrir aux bonnes ; et comme mes mains ont été étendues sur le gibet, vos œuvres, figurées par les mains, doivent être tendues aux pauvres et à mes commandements ; vos pieds, c’est-à-dire vos affections, par lesquelles vous devez venir à moi, doivent être crucifiées à toutes les voluptés ; et comme j’ai souffert en tous mes membres, de même tous vos membres doivent être prêts et disposés à m’obéir, car j’exige plus de service de vous que des autres, parce que je vous ai douée et enrichie d’une grâce plus grande et plus excellente. »

 
 

à bientôt chers escapadeurs,

véronique m.

Herr, was ist da zu sagen? // Bazelitz Georg, la salle des Freud Sig. // indices

accrochées par des titres :

HERDOKTORKUNSTFREUD
HERDOKTORKUNSTFREUD
Peintures de la série des «Herfreud Grüßgott» (2011)
Sept peintures réalisées par Baselitz au printemps 2011 viennent s’insérer dans le parcours.
Leurs titres-tiroirs intraduisibles renforcent l’énigme d’une peinture soucieuse de ne rien
dévoiler sinon elle-même et de faire «voir sans comprendre».
Les figures, renversées, frontales et côte à côte, sont des pseudo-portraits, où il est
question de Sigmund Freud, de facteur, de quartier-maître et de contrôleur. Leur
iconographie se renouvelle par l’utilisation de têtes d’expression photographiées du XIXè
siècle.
Lorsqu’elle est seule, la figure intègre des attributs féminins; quand les visages sont
dédoublés ou présentés en paire, une tache noire les sépare et les unit à la fois et, à la
manière d’un test de Rorschach, renvoie à l’inconscient, à la sexualité, aux réminiscences
enfantines.
[présentation du musée]
HERFREUD GRÜSSGOTT HERBRIEFTRÄGER
HERFREUD GRÜSSGOTT HERBRIEFTRÄGER

//

Grüssgott :

Grüssgott: Salut bavarois indique un texte explicatif dans la salle. Grüssen, saluer, Gott, Dieu

I asked, « What do you mean, a Grüss Gott shop? »

She explained that in Bavaria, shopkeepers greet customers by saying « Grüss Gott » (which means roughly « praise God »). During the Third Reich it was safer to change the greeting to « Sieg Heil. » It was a hard choice. Each shopkeeper had to make it. Everyone in Dachau knew which shops were Grüss Gott shops and which were Sieg Heil shops.
Pausing, as if mustering the energy for one last sentence, she stood up and said, « My father’s shop was a Grüss Gott shop, » then stepped off the bus.

//

se rappeler l’oubli :

HERR, was ist da zu sagen? / Freud, l’oubli, Signorelli (Signor – [Herr] – Eli)

Sigmund Freud, Schema zur Psychodynamik des Vergessens

//

consulter le dictionnaire allemand-français : HER (adv.):

chez, ici, là, là-bas, par ici, par là-bas, voici

//

Georg Baselitz : Herfreud Grüssgott Herbriefträger, 2011


Briefträger : facteur, « porteur de lettre »

//

Georg Baselitz : Herdoktorfreud Grüssgott Herbootsmann, 2011


Bootsmann, maître d’équipage, « homme de bateau »

//

Georg Baselitz : Herfreud Grüssgot, 2011

//

Un autre titre encore : Hersigmund anklopfen
an
à, à/au…, à même qqch., au bord de, chez, contre, dans, de, de la prendre drogue, en, en marche , être régime, sous, sur, vers
an (adj.)
allumé
an (adv.)
allumé, en marche
an (v.)
allumer, éteindre
an-
essayer (V+comp)
an- (v.)
accepter, prendre
Anklopfen (n.)
appel en attente
anklopfen (v.)
frapper (V+à+comp)
Klopfen
claque, coup
Klopfen (n.)
battage, battement, cognement, coups, coup sec, frappement, martèlement, martellement
klopfen
heurter
klopfen (v.)
attendrir, battre, battre rapidement, cogner, frapper, palpiter, tailler (V+comp), taper, taper sur les doigts

sigmund, je frappe à ta porte…

herdoktorkunstfreud, grüssgott; voici le docteur de l’art freud, salut dieu.

déclin des religions, avènement de la psychanalyse, avènement de la modernité en peinture

Je ne peux m’empêcher de m’attarder aux titres-valises des peintures de Baselitz, dont je vous parlais hier.

Si le HER m’évoque le HERR perdu de Freud, celui tombé dans les limbes, HER, en allemand veut également dire, je l’apprenais hier, « VOICI ». « Voici » qui est justement le titre de l’exposition dont je vous ai parlé de Thierry de Duve.

A cause de ça[1], cet éventuel indice à trois lettres, je suis tentée d’y retourner, et vous livre ici quelques extraits des premières pages du catalogue de l’exposition. Je ne suis pas sans craindre de vous envahir, mais… c’est plus fort que moi…

« Et si nous allions tout droit à Manet, là où l’aventure de l’art moderne a commencé? Et si nous choisissions de faire démarrer d’aventure, non d’Olympia ou du Déjeuner sur l’herbe, mais d’un tableau moins connu du grand public et pourtant tout à fait extraordinaire, Le Christ aux anges de 1864? »

Continuer la lecture de herdoktorkunstfreud, grüssgott; voici le docteur de l’art freud, salut dieu.

Aux Arts, Lacaniens !!!!!!

Ah! super, tu seras là. Mais comment fais-tu pour être toutes les semaines à Paris? remarque, moi aussi, j’y étais même mardi pour la soirée des AE, mais je suis vannée, et surtout, je ne sais plus où j’habite?… mais contente! A demain. Bise
Catherine

Le 9 déc. 2011 à 21:34, Alain Gentes a écrit :

> À demain pour Klee Ex vivo In vitro !
>
> Envoyé de mon iPhone

Ex vivo / In vitro, après-coup, Ô solitude (1,2,3)

//

#1

Sujet: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Sun, 11 Dec 2011 19:21:18 +0100
De : Caudron Géraldine
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

Bonsoir,

Dans l’après-coup de la pièce « Ex vivo / In vitro », à propos de la procréation médicalement assistée, pièce que j’ai beaucoup aimée, j’ai eu envie de relire quelques pages de Ô solitude de Catherine Millot. J’ai été mise sur la voie du retour à ce texte par la conversation que nous avons eue, hier soir, avec Catherine, Vanessa et Alain, avant la représentation, conversation qui tentait de reprendre ce qui avait été formulé et entendu lors de la dernière soirée des AE, en quête de ce qui constitue l‘incarnation, le propre même de l’existence et de son « insondable décision de l’être« .

Un chapitre m’a semblé faire lien, et résonner avec la question de l’origine de la vie humaine, en voici quelques extraits librement choisis:

p. 143, « Au commencement, il y a l’Autre et rien d’autre. Il est sans limites, il est l’air qu’on respire, qui force les poumons à s’ouvrir au temps du cri premier. Et nous commençons par nous tenir dans son aire. »

p. 144 « La capacité d’être seul s’édifie selon des strates successives » …
« la plus ancienne de ces strates, que j’appellerais celle de « l’avant-monde » ou de « l’avant-moi« , est l’assise de toutes les autres. C’est la plus mystérieuse, car elle appartient, comme disait Chateaubriand, « à l’âge où la vie n’a pas de souvenir et apparaît de loin comme un songe ». Son fond d’inconnaissable en fait le réceptacle de nos fantasmes… »

p. 145 « …un état primitif de la subjectivité? C’était l’avis de Freud: « tout est conservé d’une manière ou d’une autre et peut reparaître dans des circonstances favorables » …

« l’infini, disait Michaux, à tout homme dit quelque chose de fondamental, parce qu’il en vient. »

Enfin, p. 154, est le passage qui m’avait beaucoup interpelée quand j’ai lu le livre et dont je voulais vous reparler ici:

« pour ma part, j’avais un jour rapporté à Lacan un souvenir bizarre. Je me rappelais, lui disais-je, avoir eu dans l’enfance le souvenir du temps où j’étais dans le ventre de ma mère. C’était un souvenir au second degré: le souvenir d’un souvenir oublié. Lacan m’avait dire alors qu’il était physiologiquement impossible que le cerveau, dans son état d’inachèvement, garde une trace des impressions de la vie fœtale. Mon souvenir de souvenir était un fantasme, affirmait-il, par lequel s’exprimait « ma structure », ce qui me laissa perplexe. »

A y revenir plus loin,

Bien à vous.

Géraldine.

//

19:25

J’ai trouvé la vidéo Philosophie sur http://videos.arte.tv/fr/videos/philosophie-4298158.html très à propos!

Géraldine.

// //

#2

From:véronique müller
To: escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Sent:Monday, December 12, 2011 4:16 PM
Subject: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude

géraldine,

est-ce que tu penses que l’opposition marquée par Lacan au souvenir ramené par catherine millet est inappropriée,
dans la mesure où une forme de souvenir aurait pu exister,
de la même façon que dans son témoignage d’AE,
Hélène Bonnaud, de par l’intervention de l’analyste s’est rendu compte, a réalisé
à quel point une phrase dite par son père avant sa naissance,
« si c’est un garçon, on la jette par la fenêtre »,
avait marqué toute son existence,
induit dans son comportement ses tentatives d’échapper à un certain appel du vide, que le hasard seulement, la contingence a pu ramener sur le tapis de l’analyse. qu’il y avait là un point qui a marqué sa la vie entière et qui n’aurait pu cependant être atteint par l’analyse, autrement que par hasard.

// // //

#3

Sujet: [escapadesculturelles] Re: Ô Solitude
Date : Tue, 13 Dec 2011 05:36:04 +0100
De : Dominique Chauvin
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

Géraldine, Véronique,

Il me semble que les deux souvenirs dont tu parles, Véronique, ont des statuts différents.

  • Celui de Catherine Millot, dont elle dit que c’est « le souvenir d’un souvenir », n’a aucun contenu précis. Ce type de « souvenirs » n’est pas si rare et, si j’en crois ma petite expérience, ils se présentent généralement sur ce mode. Pas de signifiants, donc, pour faire « écho dans le corps ».
  • Dans le cas d’Hélène Bonnaud, la phrase du père (« Si c’est une fille, on la jette par la fenêtre ») s’adressait à sa sœur aînée, qui la lui a rapportée quand elle a été en âge d’être « percutée » par les signifiants (terme de Miller). C’était très clair lors de la soirée du 15 novembre. Moins la dernière fois. Cette phrase est restée hors-sens, « tombée dans le corps« , dit-elle. Elle peut en fait se réduire à trois signifiants : jeter – fenêtre – fille.

D’autre part, elle souffrait de vertiges, c’étaient des « événements de corps » auxquels elle ne pouvait attribuer aucune cause. Mais la nécessité de s’arracher à ce vertige, à cette chute, avait constitué le symptôme.

Cela l’a conduite à beaucoup méditer la page 25 du séminaire XI [Je cite un peu plus longuement] :

« Voyez d’où [Freud] part – de l’Étiologie des névroses – et qu’est-ce qu’il trouve dans le trou, dans la fente, dans la béance caractéristique de la cause ? Quelque chose de l’ordre du non-réalisé. […] L’inconscient, d’abord, se manifeste comme quelque chose qui se tient en attente dans l’aire, dirai-je, du non-né. […] Cette dimension est assurément à évoquer dans un registre qui n’est rien d’irréel, ni de dé-réel, mais de non-réalisé . […] ce que Freud appelle le nombril – nombril des rêves, écrit-il pour en désigner, au dernier terme, le centre d’inconnu – qui n’est point autre chose, comme le nombril anatomique, que cette béance dont nous parlons. »


Je trouve aussi, p. 31 : «  La béance de l’inconscient, nous pourrions la dire pré-ontologique. […] ce n’est ni être, ni non-être, c’est du non-réalisé. »

Merci beaucoup pour Grünewald. C’est très très intéressant.

Dominique.

Ex vivo / In vitro // Pas naître

11/12/2011 19:58

De l’amitié se crée sans souci à travers nos jeunes escapades.

Un fil se tisse entre nous, sans tisseur: ou bien alors, bande de moebius oblige, c’est l’art et la psychanalyse qui nous tissent.

Que dire d’EX VIVO/ IN VITRO?

Un voile de cordes, en guise de rideau,
Des JE ( 3 hommes et 1 femme ) devant ce voile, derrière et à travers ,
Incessantes traversées de paroles de la poésie à l’information scientifique, de Freud à la politique, du meeting au débat intérieur!

C’est un pas tout à fait cela, et en même cela, servi par des acteurs admirables, tenant dans leurs mains l’objet de leur délire.
Les cordes, à la fin, chutent ! D’elles, sera dégagé un homme, par les autres, de leurs mains.

Morale de ce conte: pas naître est une maladie dont on ne guérit jamais!
Quant à savoir d’où viennent les enfants, mystère et boule de gomme !

Faites encore quelques tours sur la bande de moebius, sinon, coupez au travers!

Bonne soirée, de chez moi!

Alain
Envoyé de mon iPhone

Ex vivo / In vitro, après-coup, Ô solitude (4,5)

// // // //

#4

Re: Ex vivo / In vitro, après-coup, Ô solitude

Le 11 déc. 2011 à 20:26, Alain Gentes  a écrit :

Chère Géraldine,

Solitude, Existence d’avant l’Essence, Infini, peut-être Jouissance féminine,
autant de signifiants pour dire ce qui se vit, ce qui se jouit, avant le sujet du signifiant.

Pourtant, à lire Litturaterre, j’ai le sentiment que Lacan fait surgir la lettre après le signifiant.
Avec le YADL’UN, comme origine, comme zéro, l’infini se limite, pour chacun!

Quelle phrase de Michaux!!! En connais-tu la référence?

Bises

Alain Envoyé de mon iPhone

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#5

Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, Michaux, Freud, ô solitude…
Date : Mon, 12 Dec 2011 01:17:18 +0100
De : Caudron Géraldine
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

Chère Véronique, chère Catherine, Cher Alain, chers amis,

Alain, à propos de Henri Michaux, cité par Catherine Millot, j’ai trouvé ceci :

« L’homme est un enfant qui a mis une vie à se restreindre, à se limiter, à se voir limiter, à s’accepter limité.  Adulte, il y est parvenu, presque parvenu. L’infini, à tout homme, quoi qu’il veuille ou fasse, l’Infini ça lui dit quelque chose, quelque chose de fondamental. Ça lui rappelle quelque chose. Il en vient. » « Les Grandes épreuves de l’esprit – Et les innombrables petites »  (1966)

http://passionpoesie.over-blog.com/80-categorie-566088.html

(Henri Michaux, dont nous avons vu récemment l’émouvant portrait photographique par Claude Cahun, a également écrit un recueil de textes qui s’appelle « la nuit remue », je vais aller y voir! )

Le lien avec Ex-vivo, In vitro, me demande Véronique?

Il y a ce qu’Alain a très joliment repris de « ne pas naître…  » et toutes les questions sur le vertige de l’origine, le mystère de la vie humaine, avec la particularité de comment fait-on les bébés aujourd’hui,  qui traversent la pièce, et qui faisaient écho pour moi aux questions des AE.

(Avis: nous cherchons à nous procurer le texte de la pièce, il est vraiment riche en références…)

Associations libres et recherches improvisées de lectures…

p. 151 de Ô Solitude, Catherine Millot toujours, citant Freud :

« Pour lui, dont le pessimisme s’accompagnait toujours de compassion, le désir premier et dernier, le désir fondamental, le désir le plus puissant est celui de n’être pas né, et, à défaut, de retourner d’où l’on vient, dans la chaleur et l’obscurité, recroquevillé en un étroit paquet. Même les adultes, disait-il, ne sont jamais entièrement venus au monde: Pour un tiers, nous ne sommes tout bonnement pas encore nés. »

Oui, merci  Catherine de  resserrer la problématique de la pièce  en la situant en rapport avec nos sujets du moment, et ce que tu précises des mutations dans l’ordre symbolique au XXIème s.:  Quel que soit le mode de conception, nous restons des êtres parlants, il y a le langage, le désir énigmatique de l’Autre, la marque du signifiant sur le corps, la chair signifiante… ce qui fait l’insondable ou « l’indécidable » décision de l’être? …

Promis, je démêle un peu les fils Véronique et je préciserai davantage ma pensée..avec vos commentaires.

Belle nuit.

A bientôt.

Géraldine.

Envoyé de mon iPad

Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude (6)

// // // // // //

#6

Chers tous,

Je crois que la pièce que nous avons vue, « Ex-vivo, In vitro », résonne vraiment bien avec nos sujets d’actualité, en particulier sur les mutations du symbolique: Paternité, maternité, qu’est-ce que cela veut dire aujourd’hui? Ce ne sont plus que des fixions, comme le mariage, l’enfant conçu dans « l’amour », etc. Autant la chanson dans la forêt qui féconde ou les débris dans la mer, pourquoi pas, ce n’est pas plus fou. Reste la génétique, attribut de la science, mais qui ne nous fait guère humain. Le sujet hypermoderne marque bien que « il n’y a pas de rapport sexuel »: issu de 2 pères et d’une ou deux mères (selon les nécessités de porter, d’adopter, de féconder, etc…), et sœur jumelle de son ainée de 10 ans ou fille de son oncle, ou nièce de son arrière grand-père (avec la PMA et la congélation, tout est possible), l’individuel de la jouissance est dévoilé. Reste, en opposition à la science, le langage, recelant en son cœur le réel du non-rapport, mais noué au désir de l’Autre, qui même s’il nous embête, nous fait humain!

Catherine Decaudin.

Sophie Taeuber-Arp (« Danser sa vie » au centre Pompidou)

12/12/2011

01:53

Merci tout plein pour vos échos de la dernière escapades, et pour vos photos, vos liens, vos citations. Pour me consoler d’avoir raté Klee avec vous, un premier petit tour aujourd’hui à l’expo « Danser sa vie » au centre Pompidou. Un monde à visiter. D’emblée, je suis accrochée par sept gouaches de Sophie Taeuber-Arp, au début de la deuxième partie de l’expo, « Art et abstraction ». C’est très simple et c’est une évidence, ces taches de couleur dansent sur la feuille.


Sophie Taeuber, née le 19 janvier 1889 à Davos, Suisse et morte le 13 janvier 1943 à Zurich, est une artiste, peintre et sculpteur suisse ayant participé aux mouvements Dada puis surréaliste avec son époux Jean Arp.
Le billet de banque de 50 francs suisses, en circulation depuis 1995, représente l’artiste.

02:40
Sophie Taeuber-Arp, il me semble que ça danse parce qu’il y a du vide (le souffle médian…). Enfin, entre autres éléments. Bien sûr, il y a les couleurs, le rythme, et puis le fait que c’est un peu de traviole. La grande fresque de Sonia Delaunay, dans la même salle, c’est uniquement du plein. Il y a du mouvement mais, pour moi, de danse point.

02:53

Bon, il n’y a pas que ça, dans cette expo. Aussi : la captation de « L’après-midi d’un faune », donné à l’opéra Garnier il y a deux ou trois ans dans un cycle « Ballets russes ». Et mille autres choses.

D.

Robert Morris, Site, 1963 Performance au Surplus Dance Theater, Stage 73, New York, 1963 Danseurs : Carolee Schneemann et Robert Morris Film 16 mm, noir et blanc, sonore, 18’30” Réalisateur anonyme Collection de l’artiste

Le Centre Pompidou consacre une exposition sans précédent aux liens des arts visuels et de la danse, depuis les années 1900 jusqu’à aujourd’hui. « Danser sa vie » montre comment ils ont allumé l’étincelle de la modernité pour nourrir les courants majeurs et les figures qui ont écrit l’histoire de l’art moderne et contemporain. L’exposition illustre son propos par les œuvres des figures artistiques du 20e siècle, des mouvements fondateurs de la modernité, ainsi que par les recherches des artistes et danseurs contemporains. Elle montre l’intérêt commun de l’art et de la danse pour le corps en mouvement. « Danser sa vie » fait dialoguer toutes les disciplines, des arts plastiques et de l’art chorégraphique. Un vaste choix de peintures, de sculptures, d’installations, d’œuvres audiovisuelles et de pièces chorégraphiques, témoigne de leurs échanges incessants, d’un dialogue souvent fusionnel.

23 novembre 2011 – 2 avril 2012
11h00 – 21h00

Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (1)

Le 12/12/2011 12:29, Veronique Outrebon a écrit :

Bonjour les amis,

J’ai quelques mails de retard. J’ai lu avec intérêt vos commentaires sur Ex vivo in vitro pièce que j’ai beaucoup appréciée moi aussi. Que pensez-vous de la dernière corde demeurée sur la scène après que les autres soient tombées? Elle relie l’homme à un cordon? vers le ciel ? Mystère des origines ?

J’ai trouvé cette petite poésie que dit Peter Handke co-auteur du film « Les ailes du désir » avec Wenders. Je ne sais pas si vous avez vu le film, à moi il laisse un souvenir impérissable.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.

………

Lorsque l’enfant était enfant, ce fut le temps des questions suivantes :
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi … pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est elle pas qu’un rêve ?
Ce que je vois, entends et sens, n’est-ce pas…simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe t-il vraiment avec des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi, avant de le devenir je ne l’étais pas, et qu’un jour moi… qui suis moi, je ne serais plus ce moi que je suis ?

D’où l’on vient, qu’est ce qu’on fait là et où l’on va. Qu’est ce que le monde ? Une illusion, moi-même ne suis-je qu’une illusion etc.

Bises à tous V.O

——– Message original ——– Origine, Zéro, Yadl’un


——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Mon, 12 Dec 2011 16:27:14 +0100
De : véronique müller
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

al’ain,

faut-il croire au yadl’un comme à un zéro, je ne le dirais pas,

et yadl’un rend-il possible la limite, est-ce sûr?

je ne peux m’empêche de songer au UN – ah mais c’est un DEMI, c’est vrai – de la tortue, à coup duquel elle avance, pour aller de zéro à un,
traverser cet espace de la jouissance féminine

v

Le 11/12/2011 20:26, Alain Gentes a écrit :

> Avec le YADL’UN, comme origine, comme zéro, l’infini se limite, pour chacun!

 ——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Mon, 12 Dec 2011 17:06:02 +0100
De : Alain Gentes
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

Vé,
Je rentre d’une séance, et avant de recevoir, je tombe sur ton mail. Et comme j’ai  » l’être et l’un » à portée de main, je réponds: oui, c’est ma lecture du cours de Miller du 16 mars 2011. Il y a deux zéros en Un!!!
Je t’envole la photo de la page. Mes patients m’attendent.
Al’un !

Envoyé de mon iPhone

——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Origine, Zéro, Yadl’un
Date : Mon, 12 Dec 2011 17:07:46 +0100
De : Alain Gentes
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : Escapades Culturelles

À Vé et aux autres .

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Origine, Zéro, Yadl’un
Date : Tue, 13 Dec 2011 00:50:14 +0100
De : Catherine Decaudin
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

C’est super Alain, d’avoir retrouvé ça pour nous! Je comprends mieux pourquoi on parle d’inexistence, au sens d’un effacement et non pas d’un préalable néant: Si il y a, alors, il peut ne pas y avoir, ce qui formalise un zéro, et après on peut compter…cela peut aussi éclairer la question du « Penisneid « pour la femme: Il y a, « elle a vu cela etc. dit Freud », donc pour elle il n’y a pas…D’où le « vertige féminin » du Un au Zéro. Ce zéro, inscrit comme manque, qui compte pour Un tout de même permet la suite phallique. Géant!!!
Catherine

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Tue, 13 Dec 2011 19:48:26 +0100
De : véronique müller
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

oui, alain,

pourtant, des souvenirs de lectures de miller qui se sont imposées à moi, qui ont été très importantes, me disent ceci:

pour passer du cardinal (du 1 1 1 1 ou du +1 +1 +1 … de l’identification, de la répétition du même)
à l’ordinal, à la suite des nombres (à la possibilité de l’histoire, du temps),
il faut avoir posé le zéro (ça se trouve dans le texte intitulé je crois la suture que j’avais posté en son temps sur le blog empreintes digitales)
(et poser ce zéro ne va pas de soi) (ça a été une découverte mathématique postérieure à celle du 1 ai-je répondu hier à jules qui me demandait en devinette « quel était le plus ancien des chiffres? »
quand je lui avais répondu : « 1 »
il m’a dit « faux ! c’est zéro ! »
je lui ai dit que même si le zéro était antérieur dans la suite des nombres,
il était postérieur dans l’histoire des nombres. avant le zéro il y a le manque, et dans la faille du manque s’engouffre l’un primordial (j’invente))

donc pour poser le zéro, il faut penser l’effacement, et il faut qu’il y ait cet acte de nomination (enfin là je me risque un peu) du zéro.

et, dit miller dans suture du sujet, la place du zéro, c’est le sujet.

il n’y a pas le sujet tant que dans une analyse, le sujet n’accepte pas ou n’aperçoit pas qu’il a à se séparer d’une identification fondamentale ( je pense ici à un autre texte, de r. warshwski, où elle parle d’une analysante identifiée à la shoah. et c’est à partir du moment où elle pose la question : si je suis de la génération 2, mes parents de la génération 1, qu’en est-il de la génération zéro? c’est, du moment où elle pose le zéro qu’elle peut concevoir le concept de la génération, de la succession plutôt que de l’identification. et que son histoire à elle, comme sujet, peut commencer. parce qu’elle a entendu que c’était ce qui comptait dans ce qu’elle venait raconter à un analyste qui pourtant n’avait même pas connu ça (la shoah))

à tout hasard je vous livre ici un rêve récent, au sortir duquel, en pleine nuit, dans l’effroi, je me suis dit : « Muller et Muller! S1, S2! l’holophrase! mais comment séparer le même?! » muller et muller, son nom à mon père et le mien. c’est ça, qui est à décoller. pour ça, il faut se compter comme zéro et concevoir que le sujet n’est qu’une place dans la chaîne signifiante.

je te relis et relis miller, et relis warshawski, et relis catherine, plus sérieusement plus tard.

v

nb: dit probablement trop rapidement: je dirais même qu’il y a dl’un qui ne s’efface pas, du trop pl1. qui ne rentrera pas dans le compte. extime à la suite des nombres. et donc destiné à la répétition.

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Origine, Zéro, Yadl’un
Date : Tue, 13 Dec 2011 19:59:46 +0100
De : véronique müller
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

les textes auxquels je faisais allusion :


Du zéro au septième million : Israël et l’Holocauste de Rivka Warshawsky http://empreintesdigitales.wordpress.com/2011/03/22/du-zero-au-septieme-million/

Sa question était celle d’un traitement du réel par le symbolique, une opération de Frege. « Du zéro manque au zéro nombre, se conceptualise le non-conceptualisable.» Le silence tenu jusque-là par cette analysante signait l’échec de la symbolisation du réel de son histoire familiale – travail de symbolisation qui, avec l’apparition du nombre, pouvait commencer.

La suture (ÉLÉMENTS DE LA LOGIQUE DU SIGNIFIANT)
http://empreintesdigitales.wordpress.com/2011/03/23/jacques-alain-miller-la-suture-elements-de-logique-du-signifiant/

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Ex-vivo, In-vitro, après-coup, ô solitude
Date : Tue, 13 Dec 2011 22:40:14 +0100
De : Catherine Decaudin
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

Chère Véronique,
Je suis d’accord avec la pertinence de cette phrase de JAM que tu as retrouvée, « la place du zéro, c’est le sujet ». C’est la place aussi de celui qui parle, S barré, qui a établi un rapport au grand Autre, et pourquoi pas, qui parvient en fin d’analyse à se nommer, ou « nominer ». Mais la question reste: Est ce que le passage du Un au zéro, assumé comme manque est à proprement parler , par excellence, « l’effort féminin »? Le « vertige féminin » dont ‘Hélène Bonnaud a si bien témoigné va dans ce sens: Vertige éprouvé dans son corps entier, depuis toute jeune, avec plein de symptômes (mal de ventre, de tête, etc…), vertige qu’elle élucide finalement d’avoir en permanence à s’arracher au « décrochage », produit par cette phrase paternelle restituée par sa soeur, « si c’est encore une fille, je la jette par la fenêtre ». Il me semble que l’on peut rapporter cela au « Penisneid » freudien, Roc de la castration, et aller plus loin, comme le fait Lacan, en saluant l’effort féminin, l’effort du manque éprouvé comme « Autre jouissance », abîme, mais non comme nullité.
Pour rejoindre notre débat sur « Ex vivo, In vitro », cela permet tout de même qu’il y ai deux sexes, et pas plus, pas moins, même si par ailleurs, tout se mélange aujourd’hui…
Bien à vous tous
Catherine

 

——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Zéro, mon héros Un!
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:20:30 +0100
De : Alain Gentes
Pour : Escapades Culturelles

Chères Veronique, Catherine, Nou & Do,
Que de plaisir à vous lire, à voir la transformation de nos escapades en joutes verbales.
Je sors d’une soirée ACF à Bergerac, où j’ai eu plaisir de découvrir dans Freud ( Moi et Ça, p261, in essais de psychanalyse) l’existence d’un 3ème Ics, qui ne soit ni le Pcs, ni l’ics refoulé.
Il ne dit pas réel, mais c’est tout comme!
Revenons à nos moutons.
Ok: le mouton zéro, c’est le sujet!
Mais avant lui, il y a le mouton Un, qui, par son effacement, produit le mouton Zéro, à partir duquel on se met à compter, à conter les moutons: ce qui endort, bien évidemment!
Le réveil, père-cutant, n’est, s’il est, qu’à retrouver le mouton Un, père du.
bye, bye
À l’un.

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——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Qui est premier: O ou 1 ?
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:29:59 +0100
De : Alain Gentes
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : Escapades Culturelles

Joli débat avec Jules, Vé!
J’ajouterai qu’au commencement est le Un, rencontre matérielle et sonore d’ un mot avec le corps. Son effacement produit le zéro, comme origine et comme MANQUE!
allez, voy a bailar en la cama!
Besitos !
Alain

Envoyé de mon iPhone

 

——– Message original ——–
Sujet: Re: [escapadesculturelles] Zéro, mon héros Un!
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:34:00 +0100
De : Catherine Decaudin
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr

> En attendant le printemps..
http://www.youtube.com/watch?v=PxMjenL4k-g&feature=related
>

——– Message original ——–
Sujet: [escapadesculturelles] Nom et Nom !
Date : Wed, 14 Dec 2011 00:36:22 +0100
De : Alain Gentes
Répondre à : escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
Pour : Escapades Culturelles

Démonstration percutante à partir de ton rêve!
Véronique, il serait dommage de perdre nos échanges, peut-on les conserver?
Bye, bye
Je sombre!
Alain

Envoyé de mon iPhone

[ Illustration:  Georg Baselitz, Volk Ding Zero Ξ  à voir jusqu’au 29 janvier au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (MAM) ]

Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (2) // la corde des noeuds freudiens

Le 15 déc. 2011 à 11:24, véronique müller a écrit :

la dernière corde, je me demande si le metteur en scène n’en parle pas dans l’une des vidéos de répétitions – faut que je retrouve laquelle. il en parle, je crois, comme du fil rouge, de cela dont ils sont partis et qu’ils n’auraient pas dû quitter, sur quoi donc ils terminent. c’est la corde des nœuds freudiens.

ah voilà la vidéo à laquelle je pensais, elle s’intitule « nœud »:

Bouts de rushes.
n°58
Répétitions du spectacle ex Vivo / In Vitro de Jean-François Peyret et Alain Prochiantz, Petit Théâtre, Théâtre National de la Colline, novembre 2011.
Jean-François Peyret, metteur en scène.
Filmé par Stéphanie Cléau.

 

– Nous v’là face à la scène primitive…
– Oui, c’est la fin et on n’aurait dû parler que d’ça au fond
[…]
– On a perdu ça aussi: la naissance et la mort… Alors, c’est peut-être pour la fin… (c’est le metteur en scène qui parle)
[…]
– Au fond t’as plus de père quoi. T’en as deux, ou trois, ou des trucs comme ça, mais….


corde, ligne, lignage

l’ensemble des vidéos http://vimeo.com/user8603405/videos/page:1/sort:newest

à bientôt,

véronique

Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (3) // l’ombilic, le signifiant et le fils de personne

Bonjour, 

C’est vraiment incroyable Véronique, cette vidéo que tu as trouvée résonne avec ce que me disait très récemment un père « d’intention » (je n’avais jamais entendu cette façon de dire jusqu’alors…) qui a eu recours, après le dépistage de sa stérilité, à un donneur pour devenir père. Je n’entre pas dans les détails, il y a bien-sûr la dimension du désir d’avoir un enfant avec sa compagne qui pouvait et voulait avoir un enfant. Au prise aujourd’hui avec sa difficulté à soutenir sa fonction de père, grevée du poids du secret du recours à la science et à un donneur, il disait que sa « seule trouille après tout ça » c’est que son fils soit « en fin de compte le fils de personne »…

A. Artaud, La révolte des Anges sortis des limbes, 1946

Ici, dans cette séquence que tu as trouvée Véronique,  le metteur en scène interroge l’idée que « quand t’as deux pères »,  les pères, le donneur, et celui d’intention, peuvent se dédouaner, et peuvent dire « je ne suis pas ton père ». Et de terminer sur le paradoxe de la pluralité de pères,  « au fond, t’as plus de père »… quelle chute! 

La seule corde qui reste, la dernière corde, une fois que toutes les autres sont tombées, lors de la scène finale de  Ex-vivo In-vitro, m’a évoquée aussi « l’ombilic de l’inconscient » à jamais inconnaissable, qui se rattache à cet amas, cet enchevêtrement, ce sac de nœuds, de liens, d’entraves, qui nous recouvrent déjà pendant la grossesse, et dont une longue, longue analyse nous permet de nous dégager peu à peu… pour arriver peut-être à cette corde là et à son au-delà? …

Il y a aussi tout au long de la pièce Ex-vivo, In-vitro, une mise en perspective « des mots » qui entourent l’arrivée au monde d’un enfant conçu « scientifiquement », « artificiellement », bain de signifiants totalement inédits et j’y reviendrai plus tard…

Ah, si nous pouvions nous procurer le texte de la pièce!

Amicalement.

Géraldine.

Ps: Véronique, patience pour Des Femmes, juste besoin d’un peu de temps pour reprendre mes esprits! 😉 Joyeuses fêtes! 
Envoyé de mon iPad

« Des femmes » de Wajdi Mouawad

Bonsoir à tous,

Un petit résumé (qui n’engage que moi) des trois pièces « Des femmes » vues en intégrale dimanche, qui méritent analyse mais que je vous livre tel quel pour le moment.

Wajdi Mouawad est auteur, comédien, metteur en scène d’origine libanaise. C’est la lecture, dans sa jeunesse, des auteurs tragiques grecs dit-il, qui l’ont conduit à l’écriture. Son appétit pour le théâtre épique s’enracine là à travers ces textes et donnera lieu à un intense voyage à travers «Littoral, Incendies et Forêts» présentés à Avignon en 2009.

Autre moment fleuve : «Le projet Sophocle» et quel projet ! Mettre en scène sept tragédies dans leur intégralité : Ajax, Antigone, Œdipe Roi, Electre, les Trachiniennes, Philoctète, Oedipe à Colonne. Le point de départ de l’aventure est une trilogie. «Des femmes » ce sont Les trachiniennes avec Déjanire trahie par Héraclès, amoureuse éplorée, Antigone victime de la loi, résistante au pouvoir, celle qui ne cède pas sur son désir (Lacan l’Éthique) et Electre, la vengeresse, privée de son père Agamemnon par Clytemnestre sa mère et son amant Egisthe.

Electre et Clytemnestre (photo @nouage)

 

Trois femmes, simples mortelles, bafouées et conduites à poser un acte transgressif, criminel qui leur coutera la vie pour les unes, la plongera dans le chaos pour l’autre. On entend la vulnérabilité, le courage, la force d’opposition à l’ordre établi. Femmes en lutte contre le pouvoir des hommes, aveugles et belliqueux.

La qualité de la traduction des textes que Wajdi Mouawad a eu la bonne idée de confier à Robert Davreu, libre, vivante offre une lecture limpide entre le respect de la langue originelle et la familiarité du « quotidien ». Les puristes pourront s’en trouver quelque peu chagrinés….

Un extrait d’une interview de Robert Davreu que je découvre d’ailleurs….

« parler ici du traduire, du traduire dans sa relation essentielle à la poésie, c’est assurément avec davantage de questions que d’affirmations. Et ce ne sera en aucune manière pour avancer une thèse argumentée comme pourrait le faire un enseignant, un critique littéraire ou un véritable penseur de la traduction. Ce sera plutôt sous la forme d’un témoignage, le témoignage quelque peu balbutiant sur son propre parcours d’un poète-traducteur, ou d’un poète-et-traducteur, qui, malgré son manque de propension et d’aptitude au raisonnement suivi, essaie tout de même de transformer son expérience en conscience, dans la seule intention du partage et de l’échange.(…) »

La vengeance d'Oreste (photo nouage)

 

Les tableaux sont d’une grande beauté. La continuité entre les trois pièces est entretenue par un espace unique autour duquel court un rail, un gros cube qui servira tour à tour de tombeau, de tribune. Au centre du plateau un bric à brac d’objets, une atmosphère humide de fin du monde. Le décor et l’ambiance d’Electre rappelle les bidonvilles voire les bas-fonds victoriens. L’eau est omniprésente, trop peut-être, si je peux me permettre cette critique cependant ne vient-elle pas dire symboliquement une impossible purification ? L’eau, la terre devenue boue aspergent et maculent les corps, les vêtements des comédiens que W.M. met à rude épreuve….. Saluons la performance des acteurs intense, physique souvent dénudés. Le style de jeu et la déclamation quasi-robotique parfois de certains personnages peuvent dérouter. De même Déjanire poétique par son style évanescent ne (me) convainc guère lorsque pointe le drame.

Mais des images belles et fortes, la pose gracieuse et lascive de Déjanire purifiée par sa servante, le délire d’Antigone, les retrouvailles entre Oreste et Electre, sensuelles, sauvages.

D’autres moins convaincantes : Le « come back » somme toute risible d’Heraklès entouré de bandelettes, momifié par exemple, ou les fiançailles d’Antigone et Hémon…….

Mais, mais surtout l’autre bonne idée de W.M. Est d’avoir confié la partition musicale du chœur à Bertrand Cantat métamorphosant cette tragédie en un brûlant et sauvage opéra rock. Deux guitaristes, un batteur et B. Cantat au chant. Qui connait feu-Noir Désir peut imaginer un instant…. Le premier titre démarre a capella (dithyrambe au soleil) explose en déflagration rock a de quoi surprendre et filer le frisson. Et la voix justement, déchirée, cassée, écorchée, hurlant à la mort nous étreint. Tout l’hybris tragique est là dans cette voix.

Vous aurez compris que j’ai été conquise par ce spectacle. !

Ceux qui n’ont pu assister aux représentations pourront se consoler en se procurant les 3 textes traduits par Robert Davreu et le CD de la partition musicale intitulé « Chœur »* accompagné d’un album photo du spectacle parus à Actes sud en librairie.

Bises à bientôt

Véro O

*L’album « Choeurs » est disponible intégralement à l’écoute sur Deezer.

 

les inconscients hantés d’héroïnes grecques

Bonsoir Véronique O, 

Quel beau texte, merci Véronique, c’est un témoignage fidèle de ce que nous avons vu sur scène ce dimanche, pour notre plus grande joie! Un spectacle inoubliable et un hommage moderne et vivant en tryptique à ces figures de femmes tragiques; une épouse fidèle délaissée au désespoir funeste; une sœur et fille sacrifiée par devoir de piété; une fille et soeur égarée par la vengeance de la mort du père, dans le regard d’une mère ravage, qui, comme tant d’héroïnes de tragédies grecques ont tellement marqué notre culture, au point de hanter encore souvent nos inconscients…

Et le choeur de B. Cantat, quelle émotion, quel passeur du tragique devenu, tant dans sa composition musicale que dans sa voix…bouleversant.

Merci infiniment à toi Véronique de nous avoir, en nous faisant découvrir pour certains Wadji Mouawad, entrainés dans cette formidable expérience théâtrale de la représentation intégrale de plus de six heures, incontournable, je crois, pour vraiment entrer dans ce monde  Des Femmes, intemporel, onirique et étrange, qui pour ma part me laissera un souvenir ému et enchanté.

Je t’embrasse.

Géraldine.

 

Ps: Tu vois Vé ton appel n’est pas resté sans écho! Bises! 

Encore? (l’éclat d’Antigone)

Merci à toi, Véronique, et à Géraldine, pour les « Éclats » de ces trois pièces « Des femmes » que vous nous renvoyez à distance.

L’ Éclat  d’Antigone , il me semble que c’est le mot que Lacan lui avait consacré dans son Séminaire L’éthique ((Jacques Lacan. L’éthique de la psychanalyse. 1959-1960. Le Séminaire. Livre VII, Paris, Seuil (Le champ freudien), 1986; part. «L’éclat d’Antigone» (1960))), au-delà du bon, du bien, du beau, et même du vrai! 

Décidément, la position féminine défend et révèle à chaque fois, pour chacune, quelque chose qui échappe aux dictats et aux mœurs du moment, et qui en même temps pointe quelque chose d’indicible, du coté de l’amour? ou de l’humanité? en tout cas quelque chose d’important!

Et qui n’est pas fiction, puisque c’est une par une.

J’espère que vous nous en direz encore plus,  Encore?

Bien à vous tous

Catherine Decaudin

Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (4) // la lacorde (et sa théorie)

 J’aime cette lecture de la pièce, Géraldine, notamment des cordes.

La dernière qui reste, après la chute de toutes les autres (cordes des identifications) ne pourrait-on pas l’appeler  la lacorde, au sens où elle évoque la lalangue, la première corde, très résistante, qui vient en dernier, dans le démontage.

Aujourd’hui un jeune père me dit en consultation qu’il n’a connu son père qu’à l’âge de 14 ans, et que le jour où il le vit pour la première fois, il eût cette expression: “ Ça y est, j’ai un père!” Il ajouta aussitôt: “ Je fus déçu.”

Le rêve d’Einstein~Les ingrédients fondamentaux de la nature sont des cordes d’énergie minuscules, dont les vibrations sont à la base de tout ce qui se passe dans l’univers… L’ une des particularités de cette théorie est qu’elle implique au moins six dimensions de plus que celles que nous connaissons… La théorie des cordes change radicalement notre conception de l’espace et permet d’entrevoir des passerelles entre des univers parallèles. En fait, il n’y a pas une mais cinq théories, qui sont autant de façons de voir la réalité qui nous entoure.

Association amusante: la corde, en physique ( cf. la théorie des cordes) est ce qui permet de faire tenir ensemble les quatre interactions élémentaires responsables de tous les phénomènes physiques observés dans l’univers: l’interaction nucléaire forte, l’interaction électromagnétique, l’interaction nucléaire faible et la gravitation. Bref, une sorte de plus-Un du cartel des interactions.

Allez, je prends la corde et la plume pour B.A !

Belles fêtes à tous!

Et n’oubliez pas le 7: je vous embarque chez Cartier dans le pays des mathématiques, mon premier amour post-maternel!

Alain

Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (5) // ô les beaux jours

La dernière corde, qui forme un petit tas d’où sort une main, elle me fait penser à Beckett : « Ô les beaux jours ». C’est bouleversant, surtout avec Catherine Samie dont ça a été, je crois, le dernier rôle à la Comédie Française.

Dominique.

Catherine Samie sur la scène du Phénix, dans «Oh les beaux jours», de Samuel Beckett.PHOTO ARCHIVES DIDIER CRASNAULT

 

Derniers jours de l’exposition Pictoplasma à la Gaîté Lyrique à Paris

 Festival Pictoplasma, Post Digital Monsters – Gaîté lyrique, 2011

EXPOSITION PICTOPLASMA

à la Gaîté Lyrique (Paris)

du 7 au 31 décembre 2011

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des femmes trash et bientôt une maison de poupées

Wednesday, December 28, 2011 5:36 PM 

Chère Véronique, Chère Nouage,

Géraldine, j’ai intégré deux de tes photos dans l’article de Véronique (https://disparates.org/escapades/category/escapades/theatre/des-femmes/), les plus grandes.

J’aurais aimé pouvoir mettre les vidéos, mais elles sont trop lourdes. Je crois qu’il faudrait que je les mette sur DailyMotion ou sur YouTube – j’ai peut-être bien un compte YouTube quelque part, je verrai ça…

C’est drôle, au vu de l’affiche, j’imaginais un spectacle en plein air ou, à tout le moins, quelque chose de très clair, très lumineux. Mais au vu des photos, et des vidéos, je découvre au contraire un dispositif théâtral très marqué et fort sombre.

Quelqu’un sait-il ce que représente l’affiche ? Et à quoi ça correspond ?

Bises à vous,

Véronique m.

NB : je réitère ma proposition : nous retournons voir Klee le 15 janvier avec Roseau_pensant ? ça intéresse qq ? Dominique ? Géraldine ?

¤

jeudi 29 décembre 2011 03:10

 Déjà de retour, Véronique, et déjà à la tâche !

 En effet, le décor est trash, très sombre, et c’est exactement ce qui convient ! J’avais vu une précédente mise en scène d’ « Electre », passablement ennuyeuse, où tout se passait sur les marches éblouissantes de blancheur du palais de Créon… Ici, il y a une progression à travers les trois pièces, ça devient de plus en plus sombre, pour finir dans un paroxysme où les protagonistes s’aspergent de boue et se roulent dedans. Comme si au moment (génial) du meurtre de Clytemnestre, l’intérieur du palais passait au-dehors de sorte que le spectateur assiste aux crimes, et que cette boue qu’il recelait se déverse à l’extérieur.

C’est comme la musique, très hard pour qui n’apprécie pas vraiment ce genre de rock. Ceux qui l’aiment nageaient dans le bonheur, n’est-ce pas, Vebueno ? Mais j’admire d’autant plus Wajdi Mouawad d’avoir réussi à me la faire avaler, si j’ose dire. Il me l’a fait trouver bien et nécessaire dans le contexte, même si mes oreilles avaient mal.

 Dominique.

¤

jeudi 29 décembre 2011 11:59

 Il a en effet été présenté en décor naturel cet été à qq km d’avignon précisément à la carrière de Boulbon.

Oui Dominique, tout à fait de ton avis, les Electre, Antigone et autres Bérénice….. drapées de blancheur m’ennuient à mourir.  Anecdote amusante, en sortant des Amandiers j’ai entendu une dame dire à sa copine : « les costumes… ils se sont pas foulés, ils étaient moches et puis la scène… mais c’était une véritable porcherie !  » un couple avec elle de lui répondre  » ah bah c’était pas roger Harth et Donald Cardwell !!! ». ;))

 Bises à tous

Véro O -Vebueno


jeudi 29 décembre 2011 13:06

 Véronique, concernant l’affiche, il en existe une autre qui représente un visage de femme malheureusement je ne la retrouve pas.

Les Amandiers ont choisi pour chacune des pièces de la saison un personnage symbolisant la résistance à l’oppression, au pouvoir en place. On y trouve Aung San Sun Kyi (orthographe approximative….) femme politique birmane qui s’est opposée à la junte militaire, Nelson Mandela etc… Pour « des femmes » il s’agit de M. Luther King lors de son discours pour l’emploi et la liberté des Noirs Mars sur Washington en 63.

 Nous envisageons si toutefois Dominique en est toujours d’accord d’aller, toujours aux Amandiers, voir une reprise d’une maison de poupée d’Ibsen mise en scène par Martinelli. Nous suive qui aime ! Ce sera en janvier du 10 au 22/01. D’ailleurs l’affiche montre une manifestation de femmes (probablement pakistanaises puisque je repère une banderole NWFP (Nord Ouest province frontalière) ) s’opposant sans doute aux brutalités commises par les Talibans (à vérifier).

 Bises à bientôt.

Véro O

Kusama, un article de Philip Metz dans la LM

Un article de Philip Metz sur Yayoi Kusama, dans la Lettre mensuelle n° 304, reçue aujourd’hui. Sous le titre évocateur « Une poulette japonaise rencontre le fantôme du serpent. Let’s go fuck ! » (p. 31). Philip Metz mentionne aussi « le superbe article de Gérard Wajcman », dans la catalogue de l’exposition.

Matisse, Cézanne, Picasso… L’aventure des Stein

Picasso, Nu assis
Picasso, Grand nu rose, 1906
Picasso, Pierreuses au bar
Paul Gauguin, Tournesols sur un fauteuil, 1901
La femme à l
Henri Matisse, La Gitane
Henri Matisse, La femme au chapeau, 1905

 

Balthus, Le spahi et son cheval, 1949

Cher tous,
Quelques clichés pris à la volée des tableaux exposés au Grand Palais actuellement: « Matisse, Cézanne, Picasso…L’aventure des Stein. » Très belle exposition. Bises et bonnes fêtes de fin d’année à vous! Géraldine.

le cheval de turin // une étrange erreur

Géraldine et moi venons de revoir « Le cheval de Turin » et j’ai constaté, de ma part, une erreur très étrange, qu’elle m’avait d’ailleurs signalée. J’avais vu – et écrit – que, dans le dernier plan, le père et la fille se regardaient enfin. Or ils ont tous deux les yeux baissés et ne se regardent pas un instant ! Chacun est au contraire laissé à sa solitude, il n’y a même plus la lampe entre eux pour les séparer ou les unir, avant que les deux figures se dissolvent progressivement dans le noir – image magnifique et bouleversante, sur le mode discret et complètement dépourvu de pathos propre à Béla Tarr. Pourquoi cette erreur ? Peut-être parce que, pour la première fois, l’œil de la caméra les prend assis à cette table ensemble. Le père, dont la violence contenue s’était manifestée pendant tout le film, rend les armes. Pour moi, il s’humanise enfin.

Un détail qui m’a beaucoup touchée lors des deux projections est la longueur des cils du cheval, quand on le voit de face, juste avant que la porte de la grange se referme définitivement sur lui. Dirais-tu que c’est le « punctum » selon Barthes, Alain ? Il y manque sans doute l’élément de « hasard », car Béla Tarr laisse peu de choses au hasard, et sûrement pas ça. Ce détail fait du cheval un être féminin, et une sorte de figure maternelle pour la jeune fille. Du moins, c’est ainsi que je le vois.

Ex vivo / In vitro, la dernière corde… (6) // ce qu’einstein ne savait pas encore

Tiens, Tenez, j’ai trouvé  ce film sur la théorie des cordes : Théorie des Cordes : Ce qu’Einstein ne savait pas encore (FR) – Version longue

http://www.youtube.com/watch?v=sKVuY-TC1YQ&feature=related

 c’est très intéressant,

 à vous,

 v m

Café Psychanalyse « Qu’en est-il aujourd’hui du rapport masculin/féminin ? »

Café psychanalyse
20h30 « Lignes de Cordes » interprété par la compagnie Retouramont
21h30 Débat
Invitée Marie Hélène Brousse, membre de l’ECF
« Qu’en est-il aujourd’hui du rapport masculin/féminin »
3 rue Sadi Carnot
92320 Châtillon

Chers amies et amis,

Je vous adresse en pièce jointe l’affiche confectionnée par Jean-Claude Fritiau du Café Psychanalyse du samedi 11 février 2012  qui se tiendra au Théâtre de Châtillon avec pour invitée Marie-Hélène Brousse.

Vous pouvez déjà la diffuser autour de vous.

Bien à vous.

José Rambeau

Maths et Sax

Chers amis,

Encore une fois: belle année étoilée d’escapades!

Sam, chez Cartier, à 15h, on prend l’apéro avec les maths… Et à 20h directement le dessert, pour ceux qui le souhaitent, avec Ley & Al, au Duc des lombards: Baptiste Herbin Sextet, un jeune saxo très prometteur!

Dites-moi vite ce qui viennent saxer, que je réserve au plus vite( 25€)

Bises à tous

Alain

Envoyé de mon iPhone

Gerhard Richter et Escapades de janvier.

Richter m’enchante déjà , oui pour une Scapad en juin !

Quel plaisir de se retrouver samedi pour bosser nos Maths et  vibrer au Sax de Baptiste Herbin !

Pour le 14/01, je propose une virée au jeu de Paume pour y découvrir Diane Arbus.

Je retiens la proposition de José au mois de février : le 11 au soir, café psychanalyse, avec MHB !

Vivement Sam!

Al

Gerhard Richter à la Tate modern

Tiens tiens, que dit donc Pierre Naveau de cette exposition (voir Lacan Quotidien n°120) ?

NB : Richter doit être l’un des mes peintres préférés, sinon, mon peintre préféré. Et, et, et, l’exposition sera à paris en juin !!!

v

 

▪ Lecture d’une Oeuvre ▪

Londres, Tate Modern, Gerhard Richter : Panorama Pierre Naveau

GERHARD RICHTER EST UN PEINTRE POUR QUI, ÉTANT NÉ EN 1932, LA GUERRE A ÉTÉ UN MOMENT-CLÉ. LA QUESTION, EN EFFET, SE POSE : QUE PEUT LA PEINTURE PAR RAPPORT À L’HISTOIRE ?

Confrontation 3, 1988. Oil on Canvas 112 cm X 102 cm

Pendant un temps, Richter a peint à partir de photographies, s’appuyant sur elles en tant que supports de son inspiration. L’exposition de Londres montre une série de tableaux dans lesquels apparaît une variété de gris. Le gris, a pu dire Richter, c’est «l’indifférence, le non-engagement, l’absence d’opinion ». Quatre termes définissent, selon lui, cette tendance à donner au gris le pas sur les autres couleurs : la perte, le chagrin, la frustration et le dégoût. Richter a peint, par exemple, le bombardement de Cologne pendant la guerre, des faits d’armes des membres de la bande Baader-Meinhof ou la catastrophe du 11 septembre 2001. La dominante de ses tableaux est une sorte de brume qui irréalise la réalité, qui donne au réel une valeur de « semblant ». C’est le mot que lui-même utilise : Painting concerns itself exclusively with semblance. Puis, il y eut le passage à la couleur. Richter a peint ainsi des paysages, des montagnes, des mers, des ciels, des villes. Des couples – joyeux – s’ébattent. Les corps sont nus, mais – à l’opposé de Francis Bacon ou de Lucian Freud – sans que le trait de la nudité soit pour autant appuyé. Une « étudiante » impudique perd quelque chose de son attitude provocatrice à cause du gris de la brume qui efface les reliefs. C’est comme s’il cherchait à rendre invisible le visible. Le paradoxe de cet étrange voile jeté sur le réel peut être ainsi formulé : « Vous ne verrez pas ce que vous voulez voir ». L’âme de la peinture de Gerhard Richter est la rencontre avec l’incompréhensible. Cela donne l’impression qu’à la fin des fins, les visiteurs de l’exposition ne peuvent rien y comprendre. Il y a une telle diversité ! Des tableaux figuratifs et des tableaux abstraits. Certains représentent quelque chose et d’autres, rien du tout. Mais, que ses tableaux soient figuratifs ou abstraits, la manière de peindre de Richter tend vers l’abstraction, c’est-à-dire, comme il le dit lui-même, vers quelque chose de mystérieux qui échappe à la description et à la prise du concept. La brume crée une atmosphère qui serait celle d’un songe et donne un sentiment d’illusion. Son désir est d’aller au-delà de ce qui est, d’aller vers ce qui n’existe pas et d’atteindre ainsi le hors sens et le hors temps. Le néant est au bout du chemin. Sur son auto-portrait lui-même, on ne distingue pas les traits du visage du peintre. Il se montre et il se cache. L’être du peintre devient insaisissable. Richter insiste sur le fait qu’il en passe fréquemment par l’échec qui fait ainsi partie de sa pratique. Il lui faut alors laisser ce qu’il a commencé et recommencer. Le ratage est, pour lui, inévitable. La rencontre avec Marcel Duchamp a marqué Gerhard Richter. Ainsi a-t-il repris le thème de la femme qui descend un escalier – nue. J’aime beaucoup « La liseuse » qui fait penser, comme il l’indique lui-même, à un Vermeer.

Le mot de Richter est : la qualité. C’est ce qu’il cherche. Il n’est satisfait que s’il la trouve. Gerhard Richter a traversé deux systèmes totalitaires, le nazisme et le stalinisme. Sa mère était libraire et son père instituteur. Mais, affirme-t-il, il n’a pas eu de père, un père qui dit non, précise-t-il. C’est pourquoi, il aime les commandements : Thou shalt and Thou shalt not. Il a essayé de peindre la Shoah. Il n’y est pas arrivé. Il reconnaît qu’il ne peut y en avoir aucune représentation. Ce thème, dit-il bizarrement, it’s like a cudgel – « c’est comme une trique ». En 1995, il a reçu, à Jérusalem, le Wolf Prize des Arts. Richter refuse ce qu’il y a de spectaculaire dans l’image. Il évide le spectacle que l’image pourrait offrir au regard. Il ne croit pas au père, mais il croit au hasard. Quand il peint, dit-il, il se saisit de ce que le hasard fait surgir. C’est pour cette raison qu’il aime la musique de John Cage, qui restitue au hasard sa fonction. Il partage avec John Cage une certaine réticence à parler. Il a fait sienne cette phrase de John Cage : Je n’ai rien à dire et je le dis.

L’exposition Gerhard Richter se tient à Londres du 6 octobre 2011 au 8 janvier 2012. Elle sera au Centre Pompidou du 6 juin au 24 septembre 2012

Lien :

Gerhard Richter : Panorama http://www.tate.org.uk/modern/exhibitions/gerhardrichter/default.shtm

http://www.gerhard-richter.com/

 

Tétralogie d’Euripide au théâtre de Châtillon

Chers amis escapadeurs,

Je vous propose une sortie au Théâtre de Châtillon où va être jouée la Tétralogie d’Euripide (qui a trait à la guerre de Troie) par la Compagnie Les Géotrupes (4 pièces seront jouées soit séparément soit les quatre à la suite : Hécube ; Hélène ; Oreste et Le Cyclope).

Je propose pour ceux que ça intéresse de nous retrouver le samedi 28 janvier 2012 à 15 heures au Théâtre de Châtillon pour assister à l’intégrale des quatre pièces d’Euripide qui seront jouées à la suite les unes des autres (avec une pause repas entre 19h et 20h ce qui nous donnera l’occasion de discuter convivialement des deux premières pièces). La représentation débutera à 15h30.

Il est recommandé de réserver vos places au Théâtre au 01 55 48 06 90 et vous pouvez visiter le site du Théâtre www.theatreachatillon.com pour plus d’informations.

J’espère que certains d’entre vous se joindront à moi.

Bien escapadement votre !

José Rambeau

le plus-de-jouir du mathématicien

Voilà, je suis revenue à Nancy déjà, après avoir vu l’exposition sur les mathématiques à la Fondation Cartier. C’est un peu difficile, il faut un peu de culture dans ce domaine, mais c’est aussi très enthousiasmant sur le plan du rapport subjectif de la science et des maths au réel: Le monde, y compris celui des mathématiques est construit par nous, par l’homme-mathématicien, ou physicien et dépend de ses possibilités personnelles et donc subjectives et intimes de trouver des outils qui l’éclaire… reste après le pb de la vérification et de la non-contradiction, mais qui peut aussi être révolutionnaire (Galilée, Einstein, et pourquoi pas Freud, Lacan…). Une preuve qui m’a beaucoup séduite, est la question du style: Quand il s’agit d’un théorème, on peut retrouver celui qui l’a inventé, car, « c’est bien son style »! Il y a donc, et c’est très clair dans l’exposition, comme si elle était faite pour des psychanalystes, la question du plus-de-jouir qui motive le mathématicien. Cela a été attrapé par le concept de beauté:  La résolution d’un pb, d’une équation recherchée est belle, esthétique,  élégante, harmonieuse; et cette beauté, ressentie personnellement,  ne trompe pas (comme l’angoisse à l’envers); elle éclaire sur le chemin de la Vérité, jamais atteignable.

Finalement, la Science dépend de la Beauté, de la » bonne forme » à donner aux choses; j’adore!

La science, loin d’un « savoir » sur le « Vrai », serait à l’intersection de l’intelligence et de la beauté; La Science n’est que Culture, ce que nous visons…

Bises à tous « jazzi

Catherine Decaudin

 

 

Au bonheur des maths

Quelle joie, Catherine, de revoir en DVD le film de Raymond Depardon « Au bonheur des maths », qui est le clou de l’exposition de la fondation Cartier. Cela me permet de transcrire quelques extraits du témoignage de Michael Atiyah, celui des mathématiciens interrogés dont les propos m’avaient le plus frappée :

 « Les mathématiques sont un processus interactif. Il s’agit d’idées. Une idée, c’est quelque choses de fluide. Ça fluctue rapidement. On réfléchit bien plus vite qu’on n’écrit ou qu’on ne parle. Une idée, c’est un peu comme une vision, une image qui apparaît. Quand on parle avec un collègue mathématicien, on peut échanger des idées à un rythme incroyable. Un peu comme dans un film en accéléré. […]. L’écrit et même l’oral sont des formes primitives de communication. La pensée est beaucoup plus créative que la parole. La partie créative des mathématiques opère à ce niveau. 

 On explore des idées. L’exploration, c’est l’essence même des mathématiques. […] La science ou l’art sont une exploration. On tente d’explorer le monde de la nature, mais aussi notre monde intérieur. […] Un mathématicien est comme un peintre.Un artiste ne peint pas ce qui existe, mais ce qu’il voit.

C’est la même chose avec les mathématiques. On interprète le monde selon nos propres schémas, nos structures, selon les choses qui nous semblent belles et fondamentales. [….] on essaie d’utiliser son intuition fondamentale, son imagination. Et bien sûr, la pensée logique. Mais la pensée logique est la structure qui permet à votre vision de se développer et d’arriver à maturité. La logique n’est pas le processus créatif, c’est la structure à l’intérieur de laquelle les choses se développent. Beaucoup de gens pensent que les mathématiques sont une branche de la logique. C’est faux. Les mathématiques se rapprochent plus de l’art.

Le grand mathématicien allemand Hermann Weyl a dit un jour qu’il consacrait sa vie à la recherche de la vérité et de la beauté. Mais que dans le doute il choisissait la beauté. Ce qui veut dire que la vérité est une chose que l’on cherche mais que l’on n’atteint jamais. On n’arrive qu’à une vérité partielle. Alors que la beauté est immédiate et personnelle. Quand on voit quelque chose de beau, on sait que c’est beau. C’est certain. La beauté, c’est ce qui nous éclaire, ce qui nous mène dans la bonne direction. On espère qu’en la suivant, on atteindra notre objectif. Mais on n’atteint jamais la fin. La vie, comme les mathématiques, est une quête sans fin. »

 Cela ne revient-il pas, avec ses mots, à mettre la vérité du côté du manque à être, du sens après lequel le sujet court toujours, tandis que ce qu’il appelle la « beauté » (mathématique, bien sûr) serait en position de cause, et du côté du réel ? Comme tu l’as déjà souligné, Catherine.

 Quant à ce qu’il dit de la logique, ça me rappelle la phrase de Lacan : « Le signifiant est bête. » Alain Prochiantz, lors du débat sur « Ex vivo in vitro » voyait, lui, dans les mathématiques le dernier refuge de la poésie – qui est une toute autre façon de traiter le signifiant… Lacan déplorait, n’est-ce pas, de n’être « pas poâte assez ».

 Merci Alain, Catherine, et les autres…

 Dominique.

freud°spielrein°jung ~SOURCES

De : do
 
Qu’avez-vous pensé du film ? Je l’ai beaucoup aimé, à cause des acteurs, de la mise en scène. J’avoue que je ne me suis même pas posé la question de l’image que ça donne de la psychanalyse. Freud était sans doute le moins convaincant, on connaît trop sa tête. J’ai pris ça comme une fiction.

//

De : vé

J’ai également beaucoup aimé ce film. Je l’ai trouvé très intéressant, et j’ai de mon côté beaucoup aimé l’interprétation de Spielrein (son prénom m’échappe), psychanalyste que je ne connaissais pas. Sur quoi penses-tu que l’actrice a basé son jeu, au début du film, quand elle est en crise ? Pour ce qui est de Freud, je l’ai  beaucoup aimé. Et étonnée de le «découvrir juif ». Non, que je ne le savais, mais. Étonnée, tu sais, de cette réplique «Nous sommes juifs, quittez cet aryen ». Son interprétation, ce film, l’ancrent mieux pour moi dans la réalité de son temps. Mais, il est vrai que j’ai un gros problème avec l’histoire, que j’ai du mal à percevoir, à ressentir. Il manque la durée à ma notion du temps. Ce qui revient probablement à dire qu’il me manque le temps tout court. Cela dit, aurait-il pu dire ce genre de chose ? Alors, vraiment, je ne l’aurais pas deviné à lire ses écrits théoriques. Je n’ai pas lu toute son œuvre, mais beaucoup. Je suis maintenant très tentée de lire sa correspondance avec Jung. Et je n’avais pas noté que ses disciples de l’époque étaient tous juifs. Comment cela se fait-il ? Que cela m’aie échappé ? Peut-être n’est-ce pas très important. Peut-être Freud a-t-il écrit son œuvre en dehors de cette réalité-là, que le film, sa biographie révèlent justement. D’après l’article lu cette nuit dans LQ, l’article paru hier, il aurait été tenté « d’aryaniser » justement la psychanalyse, dans un souci d’en étendre la portée au plus grand nombre. Quel homme tout de même ! Et quelle époque ! Ce moment de la découverte ! Et que cette découverte il eut eu le talent de la communiquer, d’en faire mouvement ! Vraiment ce film est pour moi d’une grande intelligence, et confirme pour moi Croenenberg comme l’un des grands.
A tout à l’heure !
Véronique

//

De : do

Chère Véronique-eoik,
 
Merci pour ta réponse et pour ton commentaire ! Du coup, j’ai été lire celui de Clotilde Leguil, très juste, dans LQ 123. Il faudrait que je revoie le film. Comme je te le disais hier, j’ai été tellement prise au premier degré par le jeu des acteurs et l’intelligence de la mise en scène que, dans un premier temps, je ne me suis même pas posé de questions. Je ne sais pas sur quoi Keira Knightley s’est appuyée pour jouer ainsi (les critiques en disent peut-être quelque chose ?) Elle est magnifique.
 
Témoignage d’un jeune homme de mes amis, qui passait son bac l’an dernier. Sa mère, soucieuse de l’impact du film sur les jeunes, lui a demandé si ça lui donnait envie de lire Freud ou Jung. Réponse : « Ni l’un ni l’autre. Je l’ai juste pris comme un film et je le trouve excellent. »
 
Entre parenthèses, il se donne aussi en ce moment, et certainement pas pour longtemps, Augustine de Jean-Claude Monod et Jean-Christophe Valtat, sur les leçons de Charcot à la Salpétrière. C’est un film en noir et blanc, dont le propos est moins ambitieux (quoique…), plus confidentienl en tout cas. Passé inaperçu à sa sortie en 2003. Il y a également une étonnante performance d’actrice (Maud Forget). Et ça fait assez froid dans le dos.
 
J’avais lu dans le temps Sabina Spielrein, une femme entre Freud et Jung, paru il y a 30 ans et réédité en 2004, sous le titre simplifié Sabina Spielrein entre Freud et Jung.
 
http://www.cgjung.net/publications/sabina-spielrein/lettres-journal.htm
 
Si on en croit ce lien, la partie commentaires est un peu datée. Mais le livre reste intéressant pour les extraits du journal de Sabina, pour sa correspondance avec Freud et Jung, et pour des textes d’elle, en particulier un sur le langage enfantin. Autant qu’il m’en souvienne, c’est écrit avec beaucoup de fraîcheur – comme on écrivait à l’époque.
 
Alain nous a parlé aussi d’un texte récemment traduit, sur un cas de phobie, qu’il nous enverrait.
 
A très bientôt, oui !
 
Dominique.

Re: Au bonheur des maths

Je regrette vraiment de ne pas avoir été avec vous hier, merci pour le partage de vos réflexions ici et sur twitter

Une chose me vient en te lisant Dominique : la pensée est créative oui mais elle a besoin de l’écriture pour se dire. Il semblerait que Lacan a surtout utilisé les maths comme écriture du réel. On n’est pas dans l’imaginaire puisque les formules ne permettent pas de se représenter quelque chose sous forme d’image

 A vous lire

bises

Isabelle

Une histoire intéressante par Pierre Stréliski (Lacan Quotidien n° 122)

« Une patiente que j’ai tirée autrefois d’une très grave névrose avec un immense dévouement a déçu mon amitié et ma confiance de la manière la plus blessante que l’on puisse imaginer parce que je lui ai refusé le plaisir de concevoir un enfant avec elle » écrit Jung à Freud en ce printemps 1909. Deux jours plus tard il ajoute dans une autre lettre : « Je n’ai vraiment jamais eu de maitresse, je suis vraiment le mari le plus inoffensif que l’on puisse imaginer ». Freud rassure de son amitié son jeune confrère en qui il voit, lui écrit-il, en se comparant lui-même à Moïse, « le Josué destiné à explorer la terre promise ». Il est vrai que Jung est un jeune poulain — en fait un grand gaillard d’1 m 85 — trentenaire, qui bénéficie du prestige pour Freud d’être psychiatre dans la plus célèbre clinique de soins mentaux de l’époque, la clinique Burghölzli de Zürich, médecin adjoint du grand Bleuler, qui n’aime pas la psychanalyse naissante, mais dont les travaux sur la schizophrénie font autorité, et en plus, de n’être pas juif, comme la plupart des « gueux » passionnés qui entourent alors Freud.

Leur passion à eux deux remonte à 1907, et Freud rêve d’aryaniser sa nouvelle science et de déplacer son centre de Vienne à Zürich. Dès 1908, Jung est en place au premier congrès de psychanalyse à Salzbourg. À l’été 1909 il fait partie de la petite troupe qui part à la conquête du Nouveau monde faire une série de conférences à la Clarke University. Un premier nuage apparaît entre eux pendant le voyage après que Jung un peu éméché, s’étant mis à disserter sans fin sur des corps momifiés retrouvés dans une tourbière en Allemagne du Nord, se soit fait couper par Freud par un sec « Pourquoi vous préoccupez–vous tant de cadavres ? », et une seconde fois quand Freud refusa, pour « ne pas risquer son autorité » d’en dire trop sur un rêve qu’il avait fait où il était question de sa belle-soeur.

Malgré cela, Jung sera le premier président de l’IPA. Il en démissionnera le 20 avril 1914. Entre temps leur idylle aura tourné au vinaigre. Jung sera responsable de deux évanouissements de Freud aux instants où celui-ci s’aperçoit que ce fils rêvé est un Brutus, et le ton de leur correspondance aura considérablement changé : « Vous voulez aider, ce qui empiète sur la volonté des autres. Votre attitude devrait être plutôt celle de celui qui offre une occasion que l’on peut saisir ou rejeter ». Et à un autre collègue, il écrit : « Jung est un personnage incapable de supporter l’autorité d’un autre, encore plus incapable d’imposer son autorité et dont l’énergie consiste en une poursuite sans scrupules de ses intérêts personnels ». Dont acte !

Mais revenons au printemps 1909. Le 30 mai, la jeune femme incriminée écrit à Freud. Elle veut le rencontrer. Elle s’appelle Sabina Spielrein, c’est une jeune juive russe de 23 ans, elle est étudiante en médecine et a été soignée depuis 1904 par Jung, d’abord au Burghölzli puis ensuite en consultations, pour une « psychose hystérique » — diagnostic reprenant l’ancienne « folie hystérique », délicieux oxymore en somme sur la fonction paternelle, entre Bejahung et Verwerfung, diagnostic différentiel de la schizophrénie joliment épinglé ainsi dans les années soixante par Chazaud et Follin : « Le schizophrène vit le drame de l’existence de sa personne ; le psychotique hystérique vit le drame de son personnage ». Oui mais si le plus vrai de la personne c’est le personnage ? Quoiqu’il en soit, notre jeune russe fit l’objet de la part de Jung de sa première expérience d’application du « traitement psycho-analytique » de Freud, avant même qu’il l’ait rencontré, sur sa seule lecture enthousiaste de L’interprétation des rêves.

Cette talking cure, comme l’appelait une autre pionnière analysante, eut un succès thérapeutique indéniable, les violents symptômes liés à un refoulement vis-à-vis d’une motion incestueuse et présentant des caractéristiques sexuelles sadiques-anales cédèrent et se transférèrent comme il se doit sur la personne du thérapeute. Et l’on se découvre bientôt les mêmes goûts — la musique, Wagner —, les mêmes intuitions ; l’analyste fait part à l’analysante de toutes ses qualités — d’intelligence bien sûr — qu’il lui trouve : « Des esprits comme le vôtre font avancer la science. Vous devriez absolument devenir psychiatre ». Finalement on passe du divan au lit, mais ce n’est pas de cela dont Sabina veut s’entretenir avec Freud mais de la déconfiture de son amant qui, se sentant repoussé dans ses retranchements de mari et d’amant, a écrit à la mère de sa maîtresse… pour qu’elle l’en débarrasse ! Il se défend de sa propre faiblesse avec une belle goujaterie (« Une muflerie », écrira-t-il) arguant que la différence entre un médecin et un amant tourne autour de la question du paiement (Avec quoi est-ce qu’on paie ?) et réclamant donc in fine le montant de ses honoraires non perçus à la mère de Sabina ! Le paiement — mérité — qu’il recevra de la donzelle en retour, furieuse quand elle apprend cette lettre, ce sera une gifle et l’esquisse d’un coup de couteau signant in vivo le coup de canif dans le contrat.

Finalement l’amour entre eux deux, contrairement à celui entre Freud et Jung, survivra à cette scène violente. Ils redeviendront amants, Jung dirigera même le Mémoire de psychiatrie de Sabina. Elle l’aime, il l’aime. On n’est vraiment pas dans la cartographie d’une érotomanie. Mais bien dans celle du doute qui sied aux amants : « Il est pourtant certain qu’il m’aime. Mais il y a un ‘Mais’, c’est que mon ami est déjà marié », écrit Sabina dans son Journal.

Entre-temps elle aura effectivement rencontré Freud. En 1911, elle lui fournira même un article sur « La destruction comme cause de devenir » qui sera une des matrices, celle-ci inconsciente ou cachée, de la future pulsion de mort que Freud développera après la guerre de 14/18. En 1913, il lui écrit : «Mon rapport à votre héros germanique est définitivement rompu. Son comportement a été trop détestable. Mon jugement sur lui s’est beaucoup transformé depuis votre première lettre ».

En 1912, elle se marie avec un Russe et part en Russie — devenue l’URSS — en 1923, où vient de se créer une association psychanalytique. En 1936, cette association sera dissoute et Sabina, après la disparition de ses frères dans les purges staliniennes, meurt assassinée au début de la guerre là où elle est née, à l’entrée des nazis – les SS – dans sa ville. Seule trace qui reste d’elle, une note en bas de page dans «Au-delà du principe du plaisir », avant la découverte en 1977 à Genève, dans les caves de l’ancien Institut de Psychologie, d’une correspondance copieuse et oubliée entre Jung, Freud et Sabina Spielrein, et de son Journal.

Ce retour du refoulé fit évidemment du bruit dans le landerneau psychanalytique et même au delà. D.-M. Thomas dans L’hôtel blanc s’est-il inspiré de cette histoire ? L’effacement d’un nom propre fait aussi écho à notre actualité lacanienne la plus brûlante.

Et cette vérité éternelle que l’amour ne se laisse pas aisément gouverner par la raison, que la jouissance et la pulsion dominent les idéaux, que dans la psychanalyse « le transfert est à la fois le moteur le plus puissant de la cure et le principal facteur de résistance », que les hommes sont des lâches — ou des malheureux — partagés par l’aphorisme de Freud : « Là où ils aiment ils ne désirent pas, là où ils désirent ils n’aiment pas », que les femmes sont folles, même si Lacan ajoute « pas folles du tout », mais plutôt au-delà des limites dont l’angoisse de castration guinde les messieurs, que l’histoire du mouvement psychanalytique est plein de rumeurs et de chuchotements, de rivalités rassies et de haines intangibles, à l’époque au moins où elle croyait qu’elle allait dominer le monde, que nos histoires sont subsumées quand elles croisent l’Histoire avec un grand H, devaient évidemment attirer un cinéaste comme David Cronenberg.

C’est chose faite avec A Dangerous Method, chronique fidèle de cet épisode de l’histoire de la psychanalyse, présenté cet automne à la Mostra de Venise. Adaptation de la pièce A talking cure de Christopher Hampton — qui est aussi le scénariste du film —, l’accueil du film fut mitigé. « Un film passionnant » pour A. Romanazzi, « Un film à la limite de l’ennui » pour tel autre critique ; Lorenzo Bianchi réclame « la statuette d’un Oscar » pour Keira Knightley (qui joue Sabina Spielrein dans le film), tandis que d’autres au contraire trouvent son jeu « poussif » ; « Un dialogue brillant », « Un film académique », etc. C’est encore Libération lors de la sortie du film en France qui trouvera le titre le plus drôle : « Méninges à trois ».

En tout cas, à Venise, pas de Lion d’or pour Cronenberg. Il est vrai qu’avec Aronofski (Requiem for a dream, Black swan) comme président du jury, ce film à l’esthétique froide avait peu de chances d’être primé. Finalement, tout le monde s’accordait pour dire que, avec A Dangerous method, Cronenberg n’était plus Cronenberg. Le cinéaste sombre voire underground de ses premiers films propose ici une image claire et ambigüe comme la surface de l’eau sur le lac de Zürich que contemple Jung à la fin du film et qu’un rêve qu’il pense prémonitoire lui fait voir transformée en une étendue sanglante.

Mais non, c’est toujours la même question des rapports de la pulsion et de la parole (de l’histoire) qu’explore le cinéaste canadien. Seulement là où il montrait la densité des chairs, il montre ici la réalité de la lettre. Il faut saisir ici l’importance du générique qui s’attarde sur un gros plan d’une écriture, d’une lettre, de qui à qui ? On ne sait.

Et le formidable Fassbender qui joue ici Jung en protestant guindé n’est pas différent du Fassbender qui joue le héros hypermoderne de Shame. (Mais Fassbender aura le prix d’interprétation à Venise pour Shame). Ils sont aux antipodes mais c’est le même personnage aux prises avec la jouissance. Ici elle est encore liée aux idéaux, là elle est déliée de tout, pur « morceau de réel ».

Et Sabina est la soeur de toutes les femmes qui proposent, avec Marie-Hélène Brousse, un « éloge de l’hystérie ». Elle est le double réel d’une autre analysante, l’héroïne de D.-M. Thomas, Lisa Erdmann, qui dit : « Si je ne pense pas au sexe, je pense à la mort. Parfois les deux ensembles ». Thomas ajoute qu’elle dit cela « d’un ton amer ». Sabina Spielrein est conforme à ce que Lacan dit des femmes analystes, quelquefois plus à l’aise que leurs homologues masculins avec le réel. Analysant un de ses rêves, elle écrit (en 1913) : « L’expérience nous a prouvé que le transfert, portant aussi bien sur les sentiments de haine que d’amour, constitue toujours une arme à double tranchant ». Et Freud lui rend hommage, lui écrivant : « Vous avez en tant que femme ce privilège sur les autres d’observer avec plus de finesse, et de ressentir avec plus d’intensité les affects dont vous prenez la mesure ».

Viggo Mortensen enfin, l’acteur fétiche de Cronenberg, est un Freud convaincant à l’ironie un peu distante. C’est sans doute un visage de Cronenberg lui-même qui se joue là, ce pourquoi nous préférions le Freud de Benoist Jacquot qui était plus vivant parce qu’il croyait, lui, à quelque chose, à la psychanalyse peut-être.

Après avoir vu le film, une spectatrice me dit, mine pincée : « Ce n’est pas très intéressant. Ce sont de petites histoires ». En effet, mais ces petites histoires sont aussi le cœur de nos vies et aussi le cœur de notre chère psychanalyse. Lacan enseignait que le style c’est l’objet, remercions Cronenberg de nous montrer que les facettes d’un même objet peuvent réfracter les variations inversées d’un même sujet. Finalement avançons que A Dangerous Method sera à Cronenberg ce que Barry Lindon fut à Kubrick : une œuvre dont la violence s’exprime dans un ciel d’un bleu glacé

Augustine

Coucou, 

Super la bande annonce Augustine sur Twitter, Mariana, merci. J’ai vu ce moyen métrage avec Dom et c’est très complémentaire avec l’éclairage historique de A dangerous method.

C’est une vraie plongée dans les origines de la psychanalyse en ce moment, et du traitement des hystériques…


Augustine Bande-annonce par toutlecine

bises.

Ah la TL des escapadeurs nocturnes…

Géraldine.
Envoyé de mon iPad

l’éthique de la psychanalyse et celle de l’amour dans le film A Dangerous Method

Hello! escapadants,

Cela fait un petit moment que j’ai sur le cœur un commentaire sur le film « A Dangerous Method », que nous avons vus, ensemble ou séparément :

Il me semble que le point nodal de ce film est l’Ethique de la Psychanalyse, avec un parti pris décidé pour Freud. Ce point nodal d’Ethique se manifeste en particulier dans cette scène, qui attrape le tout, au moment où Freud confie qu’il n’aime plus Jung, son élève, qu’il en est déçu, de par ses recherches ésotériques, certes, qui sont pour lui un menace discréditante à une époque où la psychanalyse est fragile (il parlera plus tard de « la boue de l’occultisme »), et, surtout, qu’il s’en est aperçu lorsque Jung lui a écrit cette lettre mensongère a propos de Sabina, niant qu’il a été son amant.

Celui-ci a préféré sacrifier la dignité de sa maîtresse, qu’il aimait, connaissant de surcroit la fragilité de cette femme qu’il a soignée, à ses intérêts petits-bourgeois, à son économie personnelle et égotique, voire un peu sadique d’obsessionnel insuffisamment analysé. Cela fait penser à l’homme aux rats.

Mais ce n’est pas le fait que Jung ai couché avec une patiente que Freud a jugé inacceptable, c’est le fait qu’il l’ait démenti.
C’est pour cela que sur ce bateau où Jung voyageait en première classe, grâce aux finances de son épouse qu’il n’a pu quitter pour Sabina, Freud, lui en deuxième classe, mais allant apporter la psychanalyse comme « la peste » en Amérique, refuse de lui confier son rêve, qui portait sur l’amour aussi, …qu’il éprouvait pour sa « belle »-soeur.

Ainsi, on se trouve face à une Éthique de la psychanalyse, de « ne pas céder sur son désir« , de ne pas recouvrir le Désir de l’Analyste concernant la « Cause Sexuelle », qu’il nomme la libido, par des religiosités, …ni de recouvrir son désir sexuel pour Sabina Speilrein par des enjeux de réussite financière ou socio-professionnelle.

Sabina s’en sortira dignement cependant, en exigeant de son ex-amant qu’il écrive à Freud pour réhabiliter la vérité, et devenir ainsi sa patiente, puis analyste.

Jung n’a sans doute pas exploré la dimension de rivalité avec Freud, le père de la psychanalyse, mais il a souffert ensuite une double perte: celle de son amour et de la confiance de Freud.

Ainsi la présentation de ce film, surtout dans cette scène, qui éclaire le tout, me paraît défendre l’Éthique de la psychanalyse et, en même temps,  ce que je proposerai comme « une Éthique de l’amour »: On ne trahit ni l’une ni l’autre!

Bises à tous

Catherine Decaudin

Re: Re: Au bonheur des maths

Bien sûr, Isabelle, mais ces mathématiciens cherchent à approcher, avec leur vocabulaire, les phénomènes dont ils témoignent. Cela nous demande un effort de traduction ! Pas facile, car c’est plein de contradictions. Il ne s’agit sans doute pas de l’imaginaire comme nous l’entendons. Le terme de « vision« , que Michael Atiyah emploie aussi, convient peut-être mieux ? Avant de trouver quelque chose, ils écrivent beaucoup de formules, et en écrivent encore beaucoup après, pour vérifier une découverte, puis pour en formaliser la démonstration. Il insiste sur le fait que le chemin est semé d’essais et d’erreurs. Mais, et c’est ce qui m’a frappée, la trouvaille n’intervient pas quand ils ont le nez sur leurs équations. C’est un moment tout à fait particulier. Qu’est-ce qui pourrait traduire « vision » dans notre vocabulaire à nous ? Une sorte d’ « éclair », peut-être ?

« La pensée est beaucoup plus créative que la parole », dit-il encore. La pensée est bien du symbolique. Il s’agirait d’un discours sans paroles ? Cf. le travail de l’inconscient, les « pensées du rêve » chez Freud. Je divague. A l’aide, amis mathématiciens !

Enfin, ce terme si mystérieux de « beauté », que je distinguerai de l’ « élégance ». Les mathématiciens font aussi grand cas de l’élégance (c’est même un lieu commun), mais dans un second temps, celui de la démonstration. La démonstration, objet d’échange dans le monde scientifique. Alors que ce qu’il appelle la « beauté » intervient dans la quête et dans la découverte et, comme je le disais hier, me semble de l’ordre de la cause, propre à chacun. Cette appréhension de la beauté, Atiyah la qualifie de « certaine », d’ « immédiate et personnelle ». C’est sûr, la pratique des mathématiques génère chez certains un plus-de-jouir évident, une « lichette » de taille.

 Bon, tu vas les voir et de les entendre, ils sont passionnés (voire passablement allumés).

J’espère d’autres commentaires de toi après la visite.

 Dominique.

Rattrapage Mathématiques

Attention attention, rattrapage Mathématiques, un dépaysement soudain, je répète rattrapage Mathématiques, un dépaysement soudain, le vendredi 27 février à 17 heures.

L’exposition sur le site de la Fondation Cartier, là : http://fondation.cartier.com/fr/art-contemporain/26/expositions/27/mathematiques-un-depaysement-soudain/89/presentation/

l’objet nu du mathématicien prolétaire

Chère Catherine,

A propos de la beauté, de la bonne forme : Lacan s’en est toujours méfiée, me semble-t-il. Alors, comment préciser cela ?

Par ailleurs, il me semble que vous avez vu des choses qui rendait compte de la subjectivité à l’œuvre encore dans la démarche scientifique. Or, cette subjectivité – qui transparaît dans le style, la signature, dont tu parles – , est également ce que la science en premier chef tente à forclore : de sujet, point. Ce dont pâtit le monde contemporain et qui nous vaut le triste règne de l’évaluation. Où, comment se situe la distinction?

 À propos de l’objet du mathématicien, j’ai retrouvé cet extrait du cours de Miller du 9 mars 2011 (là : https://disparates.org/lun/2011/03/jam-9-mars-2011-de-l-ontologie-a-lontique/ ), au départ d’un texte d’Alain (https://disparates.org/lun/2011/03/le-mathematicien/ )

Tu verras que dans son cours Miller oppose l’objet de l’analyste et celui du mathématicien. L’objet de l’analyste a affaire avec les passions, « l’objet du mathématicien lui ne se laisse pas émouvoir. Il est rebelle, rétif à toutes les afféteries, les blandices de la parole. »

Qu’en penses-tu ? Qu’en pensez-vous ?

Bien sûr, je n’ai pas vu l’expo en raison de mon incroyable erreur qui a fait que je me suis retrouvée, avec Frédéric, à Maison Rouge, pour une autre exposition, plutôt qu’à la Fondation Cartier.

 Bises à toi, Bises aux autres,

 Véronique

 Ci-dessous, l’extrait concerné du cours (ma transcription) :

 […] je vais vous lire quelques lignes, non sans accents poétiques, d’un texte sur les affinités des mathématiques et du réel, d’un professeur pour lequel Lacan n’a eu que des sarcasmes, sans doute trace d’une dilection de jeunesse. Comme ça avait d’ailleurs été le cas pour Paul Valéry [ dont on sait par… (ex femme?) qu’il n’avait pour lui que des louanges dans sa jeunesse].

Jam lit:

Le mathématicien ne pense jamais sans objet. Je dis bien plus ; je dis que c’est le seul homme qui pense un objet tout nu. Défini, construit, que ce soit figure tracée ou expression algébrique. Il n’en est pas moins vrai qu’une fois cet objet proposé, il n’y a aucune espérance de le vaincre, j’entends le fondre, le dissoudre, le changer, s’en rendre maître enfin, par un autre moyen que la droite et exacte connaissance et le maniement correct qui en résulte. Le désir, la prière, la folle espérance y peuvent encore moins que dans le travail sur les choses mêmes, où il se rencontre bien plus qu’on ne sait, et enfin une heureuse chance qui peut faire succès de colère. Un coup désespéré peut rompre la pierre. L’objet du mathématicien offre un autre genre de résistance, inflexible, mais par consentement et je dirais même par serment. C’est alors que se montre la nécessité extérieure, qui offre prise. Le mathématicien est de tous les hommes celui qui sait le mieux ce qu’il fait.“

Alain, Esquisse de l’homme, 1927, “Le mathématicien”, 24 juin 1924.

L’auteur, c’est ce personnage éminent de la III° République, qui fut le penseur de référence du parti radical alors à son apogée, enseignant de khâgne à Henri IV et qui se choisit comme pseudonyme tout simplement Alain.

[ …]

« Le mathématicien est prolétaire par un côté. Qu’est-ce qu’un prolétaire ? C’est un homme qui ne peut même point essayer de la politesse, ni de la flatterie, ni du mensonge dans le genre de travail qu’il fait. Les choses n’ont point égard et ne veulent point égard. D’où cet œil qui cherche passage pour l’outil. Toutefois il n’existe point de prolétaire parfait; autant que le prolétaire doit persuader, il est bourgeois ; que cet autre esprit et cette autre ruse se développent dans les chefs, et par tous les genres de politique, cela est inévitable et il ne faut point s’en étonner. Un chirurgien est prolétaire par l’action, et bourgeois par la parole. Il se trouve entre deux, et le médecin est à sa droite. Le plus bourgeois des bourgeois est le prêtre, parce que son travail est de persuader, sans considérer jamais aucune chose. L’avocat n’est pas loin du prêtre, parce que ce sont les passions, et non point les choses, qui nourrissent les procès.»

Il invente de définir le mathématicien comme un “prolétaire”. Dans le travail du mathématicien, il n’y a en effet pas de place pour la politesse, la flatterie, les mensonges, on a affaires aux choses et non aux passions, on n’a pas à plaider. C’est une philosophie qui oppose parole et action.

[…]

Quand on a affaire à ce qu’il appelle les passions, on les dirige par la rhétorique, on s’y rapporte par l’art du bien dire. Et d’ailleurs quand on cherche à recomposer la théorie des passions d’Aristote, on va d’abord voir dans sa rhétorique, c’est-à-dire l’art d’émouvoir. L’objet du mathématicien lui ne se laisse pas émouvoir. Il est rebelle, rétif à toutes les afféteries, les blandices de la parole.

 – Opposition entre le rhéteur et le mathématicien. –

Le désir, la prière, la folle espérance ne peuvent rien sur l’objet.

Et quand Lacan dit “Je suis un rhéteur”, il ne s’agit non pas là d’une déclaration de son goût, sinon que le psychanalyste à affaire à une chose qui se meut et se meut par la parole.

La chose du psychanalyste est à l’opposé de l’objet du mathématicien.

L’inconscient est mû par la parole. La formation du psychanalyste – quand il y a formation, apprentissage, c’est avant tout une forme rhétorique. Quoi dire, et ne pas dire? On apprend comment agir par la parole sur les passions. c’est-à-dire sur le désir qui les résume toutes.

 

la beauté au un par un

Chère Véronique,

Il me semble que c’est justement cela, qu’il n’y ai pas de subjectivité ni d’émotions dans les mathématiques que l’exposition contredit foncièrement et de toutes les façons possibles… surtout en amenant cet objet, la beauté.

C’est vrai que Lacan n’aimait pas beaucoup « la bonne forme », placée du coté de l’imaginaire , surtout à cause des Gestaltistes, il me semble, qui avaient tendance à la standardiser. Mais au un par un, c’est peut-être différent.. tu verras le film de Depardon ou des mathématiciens s’expriment est magique!

Il y a aussi le rapport de la beauté avec la pulsion de mort, que Lacan attrappe dans « Antigone ». Bon..à voir…

Bon, il faut que j’aille travailler

A+ et bonne journée à toi

Cath

Baselitz ne parle que l’allemand mais en jouant avec les mots, presque de matière sculpturale.

Dans sa conversation le langage est un objet dont il éprouve la plasticité à tous moments. Il se considère comme un provincial mais souligne que c’est là une force puisque la province nourrit la capitale. Son imagination es t vive et il précède facilement les pensée de ses interlocuteurs. Il parle par métaphore et cherche souvent les paradoxes et les provocations. Il prend un réel plaisir à parler. De toute évidence il aime sa langue et s’évertue à la déformer comme il le fait avec la couleur quand il peint. Il cherche les idées et s’étonne de formulations comme il le fait sans doute devant les figures qu’il dessine, s’étonne que ce soit bon, et comme un enfant, un paysan ou un animal, emporte cette idée au fond de lui-même pour en faire, plus tard, un meilleur  usage.
Baselitz, p. 10

walser et lacadée à bourg la reine

Café Psychanalyse
Les Débats d’actualité en ACF-­IdF
L’écriture et la santé mentale
Invité : Philippe Lacadée, psychanalyste à Bordeaux
auteur de l’ouvrage Robert Walser, Le promeneur ironique paru aux Editions Cécile Defaut en 2010
(Prix OEdipe des libraires en 2011)
Textes de Robert Walser lus par Alain Gintzburger comédien et metteur en scène… ainsi que par d’autres voix.

Participation aux frais d’organisation = 5€
Espace Françoise Dolto,
116, avenue du Général Leclerc, 92340 Bourg la Reine

Moyen de transport : par le RER B (station Bourg la Reine) La salle Dolto est à 5 minutes à pieds de la gare

28-12-2011

Bonjour à tous,

Je vous propose une escapade chez l’écrivain Robert Walser en participant au Café Psychanalyse du 13 janvier 2012 à 20h30 à Bourg la Reine avec pour invité Philippe Lacadée auteur du livre Robert Walser, Le promeneur ironique paru aux Editions Cécile Defaut en 2010.

Meilleurs vœux à tous.

José Rambeau

scapade lacadée

Chers escapadeurs et deuses,

Je vous invite en effet à venir débattre avec Philippe Lacadée ce vendredi soir pour une soirée psychanalytico-littéraire agrémentée de lectures qui vous surprendront.

Pour l’intégrale du retour de la Guerre de Troie au Théâtre de Châtillon, j’ai déjà réservé ma place (avec mon épouse).

A vendredi pour certains d’entre vous.

José Rambeau

l’effet de beauté est effet d’aveuglement

Le 13/01/12 21:52, « Catherine Decaudin » a écrit :

Merci, Alain pour ton texte, qui retrace si bien ce parcours, que nous avons chacun fait « à part » et ensemble à l’exposition sur les mathémathiques.

Tu as bien raison,  de rappeler aussi, en contrepoint de la beauté, l’horreur pour les Maths. Rappelle-toi de ce que Lacan disait sur la beauté, dans le séminaire « L’éthique »:

Nous remettons ici en question la fonction du beau, par rapport à la visée du désir (p299).

Et,

l’effet de beauté est en effet un aveuglement (P.327).

Le côté touchant de la beauté fait vaciller tout jugement critique, arrête l’analyse, et plonge les différentes formes en jeu dans une certaine confusion, ou plutôt un aveuglement essentiel.

Il en parlait à propos d’Antigone, qui était allée pour défendre son frère, au-delà des biens de la cité, défendus par Créon, dans cet « Ex-nihilo », dans ce domaine de l’Até, où règne l’attrait pour le beau, mais aussi la pulsion de mort. Elle a tout sacrifié à cet attrait de la création d’un signifiant nouveau, « ex-nihilo », le signifiant « frère », la Fraternité, et s’est retrouvée entre deux morts…

bises à toi

Cath

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Le 13 janv. 2012 à 22:27, Gentes a écrit :

Chère Cath,

Notre cart-ailes du désir prend son envol! c’est ça!

Tu prolonges ma pensée de si belle façon avec ces références à Lacan. C’ets la réaction si vive de ce lycéen, mobilisant son corps pour tenter de dire ce qui n¹est pas possible à dire avec des mots, que m’est apparu l’oublié de cet expo: la beauté n’est qu’en son fond voile de l’horreur, du réel.

Bises à toi, et peut-être à demain si tu viens pour Diane Arbus.

Al.

Théâtre : « Les bonnes » sur le divan

et encore, et encore !!! C’est à ne plus travailler et ne faire que de l’art, la culture et la psychanalyse !! Et puis gagner au loto !!

Mariana

To: ecf-messager@yahoogroupes.fr;  Date: Thu, 12 Jan 2012 17:25:50 +0100 Subject: [ecf-messager] « Les Bonnes » et le divan, Théâtre de l’Athénée

Théâtre de l’Athénée le 4 février 2012 « Les Bonnes » et le divan

Dans le cadre du séminaire « les enfants de la science » de l’Envers de Paris sera organisée, en 2012 et 2013, une programmation théâtrale exceptionnelle, en partenariat avec plusieurs théâtres Parisiens ainsi qu’en province et en Suisse.

La représentation des « Bonnes » de Jean Genet inaugurera cette série, le 4 février 2012 au Théâtre de l’Athénée à 15h, et sera suivie d’un débat à partir de 17h, avec le metteur en scène, Jacques VINCEY, et François ANSERMET. Le spectacle « Les Bonnes » sera l’occasion de revisiter le texte de Lacan « Le Crime des sœurs Papin » à partir de ce qu’enseigne la façon dont Jean Genet a traité ce même fait divers qui reste autant inexplicable que terrifiant. La discussion portera aussi sur les sources de la destructivité qui reste une question centrale pour la psychanalyse, lorsqu’elle ne rejette pas la thèse freudienne de la pulsion de mort, question dont l’actualité ne cesse de nous être évidente.

Un tarif préférentiel est réservé aux membres de l’ECF, des ACF et de l’Envers de Paris.

http://www.athenee-theatre.com pour les réservations impératives.

 

Ca se dé-mère pour o-pérer…

Chers S…Capadants,

Voici quelques mots à délire sur notre chère mathématique, qui fait beauté pour les uns et horreur pour d’autres. Tiens, justement, voilà le secret de cette exposition: l’horreur de la Dame y est exclue, n’a pas droit de cité. Étrange, non?

Bises algébriques. Al.

Envoyé de mon iPad

doc iconESCAPADES CULTURELLES.doc

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ESCAPADES CULTURELLES
Mathématiques, un dépaysement soudain.
Fondation Cartier

Aux Arts’ Maths, Lacaniens!

Nous avons pris, samedi dernier, nos Cartier à la fondation du même nom, pour une S…capade au pays des mathématiciens. Le nombre 7 représentait notre collection de S(1…7), barrés chacun par deux ou trois lettres, selon la beauté de ce qui s’entend ou la nécessité de la distinction. Ainsi, Ley, Nou, Do, Jo, Veb, Cath & Al ont navigué entre les 3 salles de la fondation, à leur rythme, sous des voilures différentes. Se vérifie, comme  nous le voulons, que nous ne faisons point groupe, sinon peut-être un groupe gras (à courbure positive) ou maigre (à courbure négative), comme le dirait le mathématicien Cédric Villani.

Électrons libres nous sommes, qui s’entrecroisent autour d’un noyau littéral fluide « Arts et psychanalyse », aujourd’hui  les Mathématiques, et leur secret la poésie, à travers les espaces matériels de la Fondation. De nos mouvements,  Nicole El Karoui, fascinée par le hasard à mesurer, pourrait sans doute en calculer les aléas. Ah les A, qui justement là s’absentent pour laisser danser les Uns, se moquant de ce que la muse ment.

Quelle mouche m’a piqué pour aller voir cette exposition, et d’y embarquer quelques escapadants?

Des retrouvailles avec mon Ex, mon ex-amante « LesMathématiques« , premier amour post-maternel ! Mais aussi à cause de Lacan et de sa drôlerie mathématique: Mathèmes, Topologie & Nœuds.

Très vite,  je me suis retrouvé en sous-sol, à la salle du « bonheur des mathématiques« : pas un seul des mathématiciens interviewés n’a pu faire autrement que de livrer une rencontre unique, de jouissance, décideuse de leur destin de mathématicien. Une rencontre singulière entre une satisfaction de corps et un nombre, une écriture ou une démonstration, une rencontre qui fait croire au rapport sexuel. « La Matematica è stata un amante difficile » s’écrit Cédric Villani.

Là s’entendent les mots de Michel Cassé, astrophysicien: que les mathématiques, en leur unité, se résument en quelques mots, « rigueur et beauté, certains, y ajoutant plaisir« . On se met alors à douter que le sujet est forclos chez le mathématicien, comme il l’est dans le discours de la science. Surtout à lire Les Déchiffreurs de Sir Michael Atiyah:

« lorsqu’il fait grand jour, les mathématiciens vérifient leurs équations et leurs preuves, retournant chaque pierre dans leur quête de rigueur. Mais quand vient la nuit que baigne la pleine lune, ils rêvent, flottant parmi les étoiles et s’émerveillant au miracle des cieux. C’est qu’ils sont inspirés. Il n’y a sans le rêve ni art, ni mathématique, ni vie. »

Ce n’est pas sans évoquer le sinthome de Lacan, et ce qui se touche en fin de cure. Ce que disent ces mathématiciens, sous l’effet de leurs rencontres avec quelques artistes, dont David Lynch ou Patti Smith, résonne avec ce que Jacques Alain Miller dit de la compréhension: comprendre, c’est jouir en quelque sorte! Giancarlo Lucchini l’illustre, avec sa collègue, Carolina Canales González de façon épatante. Une jouissance se découpe sur un point qui « allume » le sujet. Nicole El Karoui, de nouveau, fait voisiner sa passion pour les aléas des phénomènes en mouvement avec l’aléatoire de la naissance de chacun de ses enfants.

Dans la foulée, elle conçoit le zéro comme une invention qui force le vide à entrer dans le symbolique, poussant par la même occasion ce dernier à s’ordonner, pour ne point trop délirer, ajouterais-je. C’est exactement ce que fit hier un garçon phobique de quatre ans, en analyse: user de la fonction du zéro pour commencer ses propres séances . Il déclara en effet à son analyste « Il me reste 0 séance, donc une! « , et à sa mère en fin de séance « encore 40 séances, Maman« . Autrement dit: terminer et annuler les séances imposées pour commencer les siennes.

« Au bonheur des maths » est l’affect qui me fixa, collégien, aux mathématiques pendant plusieurs années. En classe de 5eme, un professeur avare de mots, nous donna des équations à résoudre. Après quelques inquiétudes à faire gémir lettres et chiffres sur un bout de papier, une jubilation monte, irrésistible, d’avoir trouvé le résultat. Quelque chose s’est allumé, hors de portée de quiconque. J’ en sais aujourd’hui l’une des raisons: je pouvais me passer de la mère, et de son savoir inhibiteur. Ma fortune fut qu’elle n’y pompait rien à l’algèbre. Les Mathématiques comme ouverture à une autre loi. Une liberté se prend ici avec elles, au prix d’en perdre une autre: celle de la rencontre avec l’impossible rencontre, L’Autre sexe. La démonstration mathématique serait-elle une élégante façon de se passer de La femme qui n’existe pas? Au moins de se passer de la mère: se dé-mèrer pour o-pérer !

Si le sujet s’efface au moment de l’acte mathématique, il se rattrape vite au moment de l’entracte, où se lève un vent de poésie. Lisez donc « Entre deux miroirs » de Misha Gromov, et il vous viendra sans doute à la bouche le mot de sinthome, de Lacan. On pense alors au réel et à son abord différentiel entre psychanalyse et mathématiques.

Un autre mathématicien, dont je ne me souviens plus le nom, définit le réel comme la superposition des possibles imaginaires. Comment, diable, ne pas être intéressé par une telle approche! Il suffit de la renverser, ou de se promener suffisamment longtemps sur la bande de Moebius, pour en faire un usage plus lacanien: c’est à superposer assez longtemps des solutions imaginaires qu’on peut apercevoir ce qui ne s’imaginarise pas au bout du compte, ce qui y résiste.

Les mathématiques sont peut-être le plus pur transformateur de contingence en nécessité, de vide en existence.
Touché par cet exposition, d’un émerveillement étrange, je reste sur un brin d’énigme: pourquoi donc Lacan, avec ses mathèmes, et ses noeuds, n’y figure-t-il pas, ne serait-ce comme extime ?

Et sur une question, à partir de ce qu’un lycéen me dit, hier, « les maths? C’est monstrueux!  » : pourquoi l’horreur des mathématiques n’est-il pas abordé? Ce qu’il y a de réel dans les maths se dévoile peut- être plus dans leur horreur que dans leur beauté.

quand les murs rient

je reçois cette invitation et je m’empresse de la transmettre aux escapadeurs même si je ne pourrais y aller, d’autres peut être …

« … sur Radio-a, cette proposition de rencontre de l’artiste Milene Guermont au travers de sa newsletter…« 

bises

Isabelle

pdf iconnewsletter_mileneguermont_janvier_2012.pdf

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Détail de M.D.R., formé de Béton Cratères® et Béton Polysensoriel®, Patent pending, © Milène Guermont
Détail de M.D.R., formé de Béton Cratères® et Béton Polysensoriel®, Patent pending, © Milène Guermont

M.D.R. à Sainte-Marie de Neuilly
Visites les 21, 23 janvier et 11 février
 
 M.D.R., intégrée à l’architecture de la nouvelle extension du Lycée Sainte-Marie de Neuilly sera exceptionnellement accessible au public les 21 et 23 janvier et 11 février prochains.
 
Véritable exemple de la prise en considération de l’environnement par la matière, M.D.R. est une œuvre pérenne qui propose aux élèves une expérience sensorielle au cœur de la cour de récréation.
 
M.D.R. ne se repère pas au premier coup d’œil, il nécessite un temps d’adaptation, de l’attention, de l’écoute…
Sur les parois des murs extérieurs du gymnase créé par l’Agence Anthony Béchu & Associés sont disséminées des plaques étonnantes. Elles sont toutes formées de Béton Cratères® ou de Béton Polysensoriel®, mais chacune est unique avec ses nuances de couleurs, ses aspérités de surface singulières qui attirent le regard et la main.
 
Lorsque vous vous approchez et que vous touchez l’une d’entre elles,  un son en émane : un rire de jeune fille, déclenché par votre champ magnétique …
 
Depuis l’inauguration du gymnase fin mai 2011, M.D.R. est devenue l’ »attraction star » du lycée. Les élèves ne se lassent pas de venir toucher cette « pierre qui rit ». 

Cet engouement démontre que l’approche artistique développée par Milène en concertation avec les architectes et la Direction du lycée, pour sensibiliser les élèves à leur environnement par le toucher contribue pleinement à l’ambition de Sainte-Marie de s’affirmer comme lieu d’éveil à la conscience environnementale.
 
 
 
Les 21,23 janvier et 11 février mai 2011 de 9h à 11h30.
24 boulevard Victor Hugo, 92200 Neuilly sur Seine, France.
 
Nombre de places limité. Pour s’inscrire, écrire à  contact@mileneguermont.com  en indiquant l’heure de votre venue. Une confirmation avec les détails pratiques sera envoyée aux participants.

 

Bonjour Chacune, Chacun,

Vous semblez tous aimer Woody Allen, ce qui en soi n’est pas étonnant, donc je ne m’étale pas sur ce fait, mais par contre, ce qui m’intéresserait vraiment beaucoup, c’est de savoir ce qu’il vous plaît dans son cinéma.
Je ne veux pas prendre trop de votre temps, et je ne fais pas une enquête scientifique, c’est juste par curiosité, donc juste quelques qualificatifs me suffiraient.

Bonne journée
Malik

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Activités récentes:

 

Merci pour vos impressions… en trois exemplaires: un hommage aux trois "ça" dont parlent Géraldine et Catherine (je ne sais pas à quoi cela se rapporte, je n’ai pas vu le film)?

Et sinon, vous aimez Woody Allen?
Malik

— Dans escapadesculturelles@yahoogroupes.fr, "gleuzasalomon" <gleuzasalomon@…> a écrit :
>
> Chers collègues d escapades,
> quelques impressions du filme de Woody Allen
> mes compliments et bonnes vacances a vous
> Gleuza Salomon
>
> Woody qui est a "Rome" ou il se fait le maître de la contingence s`y fusse possible!!! Ni parmi les dieux de l Olimpe Ils ont pu y être. Mais, lui fait l` Art de la contingence comme une invention de Kairos . L Amour et ses ailes s en volent parmi les beaux quartiers de la ville eternele, la Fontana de Trevi, ça m a frappé comme c etait un Frederico Felini mais plein de joie et de couleurs, les dialogues sont très perspicaces avec des drôles ponctuations psychanalytiques . C est fait pour rir. Ça m a beacoup amusée!!! et, encore les midias, les celebrités des choses nules, l homme ordinaire comme l’ héros hipermoderne,. Le jeunes de la campagne et le grand ville a la rencontre de l inattendue comme une riviére qui les pousse a des petites aventures. Le double de le l architecte, au dedans et au dehors de la scene, un autre, et aussi, un alterego, les pensées obsessionelles au vif et encore le type qui ne pensait qu a la mort et l autre qu y là- bas travaillait, le Directeur, agent culturel, producteur qui trouve le grand star en jouant avec l imaginaire/ reél de la retraite qui lui remets a la mort et a l art et encore a la débauche de tout le grand monde et de l espectacle.
>

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Activités récentes:

Et la critique cinématographique ?

Bonjour cher Malik,

J’attendais impatiemment ton opinion sur A dangerous method et… rien du tout ! Tu rappellerais-tu du nom d’un film assez récent traitant du même thème ? Et du nom du réalisateur ? Recommandes-tu quelque chose en ce moment ? Bon, il ne sort pas un chef-d’oeuvre tous les jours, mais à défaut ?

J’ai beaucoup aimé Tous au Larzac. Une affaire de génération, sans doute un peu, ou beaucoup ? Mais j’ai aussi été touchée par Sweetgrass : encore une affaire de moutons, bien plus récente, en même temps qu’un document ethnographique, puisque c’était la dernière transhumance de ces bergers et de leurs troupeaux (Montana, 2003).

Côté fiction, euh…, pas grand-chose.

A bientôt.

Dominique.

 

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Bonjour chère Dominique,

oui effectivement, rien du tout de mon côté: mais cela va venir! En attendant, je suis avec attention les échanges sur le sujet.

Quant à des recommandations, je suis un peu emprunté: je vois les films en général assez longtemps à l’avance et je suis au fait des sorties en Suisse et en Allemagne, mais pas en France. Je vais me tenir plus au courant des films qui sortent en France pour pouvoir être plus en phase avec le groupe. Mais pour info: je vois beaucoup de films qui ne sortent jamais en salle dans nos pays formatés multiplex et art & essai intello-centrés, c’est un peu malheureusement ma spécialité.

 

Par contre, je recommande par défaut, car je ne l’ai pas vu mais aimerais le voir: Bruegel, le moulin et la croix.

A bientôt,

malik

 

Sabina Spielrein, ou l’éclat d’une première analyse

Les réflexions sur le film A dangerous method sont toutes aussi passionnantes les unes que les autres!

J’aime beaucoup ton idée formidable de « l’éthique de l’amour » Catherine, même si je ne partage pas totalement ton jugement un peu trop « moral » de l’attitude de Jung, l’amour pour sa femme, Emma, »son pilier », et leurs nombreux enfants dépassant, me semble-t-il, la logique de l’intérêt matérialiste et de la sauvegarde de ses privilèges petits-bourgeois. Le film se termine sur une scène d’adieux amères qui offre à Jung aux prises avec ses contradictions un peu plus de profondeur.

Mais nous sommes sans doute devenus trop savants et trop orientés pour regarder ce film sans parti pris dans ce conflit historique qui a opposé Freud et Jung. J’aimerais d’ailleurs si c’est possible avoir d’autres avis « non psy » sur le film, comme indiquait Dominique en témoignant de ce que lui disait le fils d’une amie. Tu as vu le film je crois Laurent? Et toi Malik, ton avis de critique de cinéma est très attendu.

A revenir aux origines de la psychanalyse et aux cheminements, aux tâtonnements de ses pères fondateurs, dans la société germanique très conservatrice , entre-deux siècles, (Kinder, Küche, Kirche?), nous replongeons aussi dans un contexte historique inédit, qui a permis que la psychanalyse voie le jour, et cette histoire d’alcôve, très humaine, n’y aura pas été étrangère. Cette femme exceptionnelle, Sabina Spielrein, première analysante de l’analyste autorisé de lui-même (et de sa femme!) qu’était Jung, (sur la seule lecture de Freud, avant de le rencontrer, donc pas encore analysant), y aura pris sa part de façon étonnante, désirante et décidée dans son mouvement ascendant. Et ce malgré, (ou grâce à?) l’histoire d’amour passionnée et parfois cruelle qu’elle a vécu avec Jung…

Otto Gross, ce personnage énigmatique, rebelle, libertaire,trop vite éclipsé, m’a laissé un goût d’y revenir et de rechercher ses écrits, s’il en a laissés? C’est une des thèses du film,c’est aussi après avoir fait sa rencontre que Jung cède à son amour pour Sabina. Je me souviens d’un bon mot de Jacques-Alain Miller, qui en 2009, interrogé par l’actrice Barbara Schulz, qui interprétait Sabina sur scène, dans la pièce « Parole et guérison« (assez décevante au regard du film et de ses possibilités pour l’interprétation du rôle), et qui lui demandait si cela arrivait souvent qu’analyste et analysant tombent amoureux, il avait répondu par «C’est très rare, mais ce sont les risques du métier!»…

La transgression, l’amour et ses murs, les effets du transfert, étaient à ce moment-là des risques méconnus, qui justement seront précisés par la suite dans le dispositif de la cure, et de ses règles fondamentales, avec d’autres conséquences si elles sont appliquées comme des standards…

Les clivages théoriques du fait des appartenances religieuses, dans un moment de déclin du religieux, m’a aussi beaucoup touchée Véronique. C’est avec une certaine tristesse, voire un découragement, que j’ai pris la mesure de cet énoncé Freudien, à Sabina « Je crains fort que votre volonté d’union mystique avec le blond Siegfried n’ait été dés les origines voués à l’échec, N’accordez aucune confiance aux Aryens, nous sommes des juifs chère Mademoiselle Spielrein, et juifs nous le resteront toujours.» C’est précisément cette phrase qui m’avait déjà tourmentée dans la pièce «Paroles et guérison» de Didier Long, en 2009. Mon « identification » pendant le film repérée à la position de Sabina Spielrein, qui a tenté à plusieurs reprises de réconcilier les deux hommes : «si vous ne trouvez aucun moyen de coexister, les progrès de la psychanalyse s’en trouveront freinés.», m’interroge sur mon fantasme de vouloir réconcilier ceux qui se sont fâchés, ratés, manqués et qui s’épuisent dans des combats fratricides et des guerres de chapelles ravageants pour la cause analytique… Peut-être que c’est Christopher Hampton, l’auteur de ces mots attribués à Freud qui pourrait nous éclairer sur ce qu’il a voulu transmettre là? Sans doute était-ce dans l’air du temps et ce qui s’annonçait en terme d’horreur absolue avec la montée du nazisme, a contribué à ce repli communautaire et à ce terrible constat né d’attentes déçues pour le mouvement psychanalytique, qui vivra ses heures les plus sombres et encore peu travaillées avec les questions laissées par l’existence des camps d’extermination. Le livre d’Anne-Lise Stern, « Le savoir déporté » m’a beaucoup aidée et enseignée sur ces questions.

Ce que je retiendrai de ce film est donc cette « petite histoire » dans la grande histoire, passée inaperçue et pourtant essentielle, de la place d’une femme, entre deux hommes, analysée par l’un puis ensuite par l’autre, qui a provoqué leur rencontre en devenant un cas en partage, comme un go-between, un trait d’union, une passante, amante de l’un, élève de l’autre, entre ces deux hommes fondateurs et pionniers d’une découverte et d’une réflexion tout à fait inédite de la pensée, avec une façon d’aborder la souffrance psychique vraiment novatrice en donnant la parole au sujet, « tu peux savoir« , parole que Sabina Spielrein a choisi de prendre pour ne plus la lâcher. Sa mort prématurée, assassinée par les nazis avec ses enfants,en 1942, emporte ce que cette psychanalyste aurait pu découvrir et travailler par temps de paix. On peut d’ailleurs mettre en rapport ce film avec ce que Dominique indique du film Augustine, de Jean-Claude Monod et Jean-Christophe Valtat , qui montre comment avec Charcot et le manque d’écoute des médecins moins intéressés à déchiffrer l’énigme des hystériques qu’à les observer et à les expérimenter comme des rats de laboratoire, l’invention freudienne et la talking cure ont aussi ouvert une voie unique d’écoute, de compréhension et d’émancipation des femmes.

Je reste sur la question du titre ambivalent du film de Cronenberg, A dangerous method, qui n’est pas sans rappeler la phrase de Freud à son arrivée à New-York avec Jung qui aurait dit : « Je vous apporte la peste« …Qu’en est-il aujourd’hui?

Vous l’aurez compris, c’est un film qui m’a beaucoup touchée, m’a fait travailler, et me fera travailler encore. Merci à Alain et Dominique pour leurs liens très intéressants sur le sujet.

A vous lire,

Amitiés,

Géraldine.

 

Clients, au théâtre Paris-Villette

bonne année à tous et à toutes, bonnes jambes et bon œil !je vous envoie ce mail, au sujet d’un spectacle qui m’a intéressé dans la mesure où il aborde et nous interpelle sur la jouissance masculine à partir de l’expérience d’une prostituée, qui s’est fait militante et poète, Grisélidis Real. Si vous n’arrivez pas à voir le spectacle allez voir ses interview sur la toile, tout à fait passionnant.Amicalement, Laure

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« la prostitution est un art, une science, un humanisme »

Bonjour,

Membres du « club CLIENTS », nous avons besoin de vous!

Tout d’abord, merci à ceux qui sont venus revoir CLIENTS dernièrement.
Comme vous le savez, nous sommes maintenant au cœur des représentations du spectacle qui se dérouleront jusqu’au 21 janvier. Pour soutenir Clotilde Ramondou et son spectacle, c’est le moment de relancer vos contacts.

« Alex. Sourd, petit, visage un peu dur – ne bande pas – à manipuler avec tendresse et une extrême douceur. 80Frs. Ne pas sucer – baise tant bien que mal… »

Pour cela, de très beaux articles viennent de paraître :

—>Un fauteuil pour l’orchestre  » Clients d’après Grisélidis Réal par Clotilde Ramondou au Théâtre Paris-Villette »
—>Rhinoceros  « Complainte d’une fille de joie »
—>Not for tourists  « Clients – Clotilde Ramondou au Théâtre Paris-Villette »
—>Le souffleur  « Où sont tous mes amants? »

N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations:

Lila Destelle            01 40 03 72 41     ldestelle@theatre-paris-villette.com
Caroline Dietler      01 40 03 72 38     cdietler@theatre-paris-villette.com
Joséphine Hazard                                  jhazard@theatre-paris-villette.com

Merci à vous !

L’équipe des relations avec le public

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« Chacun des hommes qui vient ici est unique, et je les aime de plus en plus même si c’est dur, insupportable, terrible, et qu’ils viennent déverser en moi non seulement leur sperme, mais aussi leurs fureurs, leurs douleurs, l’amertume, la douceur, le désespoir des pauvres et des blessés. Je suis une urne secrète, remplie à se briser, folle et sourde, impuissante… Et lucide. Eclatée.»

Bonjour à tous,

Vous avez aimé un peu, beaucoup ou passionnément le spectacle Clients présenté en Avril 2011 lors du festival ‘Hautes Tensions’. Nous vous proposons donc de faire partie du « Club Clients » pour la reprise du spectacle au Théâtre Paris-Villette du 3 au 21 janvier 2012.

Soyez nos relais privilégiés et aidez-nous à vite relancer le bouche à oreille pour Clients (par mails, amis Facebook…)

Pour cela, le Théâtre Paris-Villette vous propose:

•    Pour vous même : un tarif à 6€ (préciser au téléphone « Club Clients » lors de la réservation)
•    Pour vos amis : un tarif coup de coeur à 10€ (préciser au téléphone « Coup de coeur » lors de la réservation)
•    Pour les groupes à partir de 5 personnes : Le carnet Paris-Villette composé de 5 billets non nominatifs à 6€ soit 30€ le carnet.

Voici les informations pratiques sur Clients que vous pouvez transférer à vos contacts, ainsi qu’un dossier de présentation en pièce jointe.

Nous comptons sur vous, et n’hésitez pas à réserver dès maintenant !

À très bientôt 

CLIENTS
CLOTILDE RAMONDOU / GRISELIDIS REAL

3 > 21 JANVIER 2012
lun, mer, sam 19h30 – mar, jeu, ven 21h

Pas de littérature (le sujet – la prostitution – en a pourtant suscité beaucoup, et pas de la meilleure encre), mais la simple énumération, sans romance ni pathos, des caractéristiques sexuelles des clients de Grisélidis Réal, qu’elle avait soigneusement notées dans un petit carnet noir de 1977 à 1995, le tout suivi du tarif pratiqué. C’est cela Clients. Les notes du carnet demeurent des notes et l’on ne pensait pas que Clotilde Ramondou oserait nous les restituer dans leur sèche nudité. Et pourtant… elle ose. Et transforme son pari – c’en était un assurément – en un spectacle d’une force inouïe et, paradoxalement, non dénué d’une certaine douceur. À ses côtés circulent onze hommes se regroupant pour former un choeur sous la direction de Jean-Christophe Marti et interpréter trois lieder de Franz Schubert. Alors qu’elle égrène l’énumération des 220 hommes saisis sur le vif et par ordre alphabétique, dans leur intimité la plus secrète : c’est toute l’humanité qui défile ainsi. Elle les appelle un à un : on se croirait chez Sade recensant toutes les perversions dans Les 120 journées de Sodome… On est plus près, en fait, de la beauté et du cérémonial d’un texte de Jean Genet.
Jean-Pierre Han
Frictions – la revue en ligne

Spectacle pour adultes

d’après Carnet de Bal d’une Courtisane de Grisélidis Réal, mise en scène et interprétation Clotilde Ramondou, direction musicale Jean-Christophe Marti, hommes de choeur Florent Baffi, Florent Cheippe, Antoine David, Patrick Gufflet, Christophe Gutton, Emilien Hamel, Mehdi Idir, Lionel Mendousse, Victor de Oliveira, Pascal Omhovère, Michel Ouimet, collaboration artistique Hervé Falloux, costumes des hommes Laure Deratte, lumière Marc Delamézière, régie générale Julien Barbazin.

RESERVATION 01 40 03 72 23
resa@theatre-paris-villette.com
www.theatre-paris-villette.com

 

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Chère Joséphine !

Merci pour cette info. Cela fait longtemps que j’ai envie de découvrir Grisélidis Real et que ça ne se fait pas.

Une date pour une mini-escapade au théâtre Paris-Villette ? Hm… avant le 21 janvier, dur dur. Le vendredi 20, peut-être. Seule possibilité pour moi. Y a-t-il des amateurs ?

Dominique.

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Dommage que mon carnet d’escapades soit archi-plein pour ce we-là. Si vous le pouvez allez-y je n’ai lu que d’excellentes critiques. A vous, Véronique O

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Zut ! j’aurais trop aimé aller voir ça !!! Mais le 20 je ne peux pas. Mariana

Freud et Cronenberg, le parti du corps

Et voilà, Géraldine, avec l’éclat de son commentaire. Il est saisissant de constater que dès les débuts de la psychanalyse, il y a un partage des eaux entre les tenants du corps ( la jouissance) et les servants du dire ( le désir ), entre Jung et Freud ici. Je ne crois pas que cela relève d’un manque d’expérience, d’une technique naissante, mais plutôt d’un choix éthique hors pédagogie.

En attendant le non psy que tu appelles, Géraldine, si nécessaire pour nous, je brûle d’envie quand même de vous transmettre quelques mots du cours d’Alain Merlet à la section clinique de Bordeaux sur A Dangerous Method, ce vendredi 13, mots recueillis auprès d’une collègue qui y a assisté.

Alain Merlet indique que le réalisateur prend le parti de Freud parce que celui-ci a préféré le corps au psychique, comme lui, au cinéma: c’est la bouche qui doit déterminer le jeu de l’acteur, aussi  ne faut-il pas visser les acteurs à la story. Il laisse d’abord parler les acteurs pour que puisse se dessiner dans leur jeu quelque chose de l’invention. On a l’impression que Jung s’intéresse au corps autrement.

A. Merlet nous dit que ce qui compte pour Freud ne sont pas tant les aveux que le cheminement, forcément signifiant, par lequel on les obtient. Ce que Freud critique c’est la photographie du corps, donc ce qui est. Ce qui compte, c’est le dit. Jung obtient des éléments par la pire des psychanalyses appliquées. Il va droit au but en court-circuitant la défense du sujet. La catharsis néglige le symptôme. Qu’est-ce qui reste alors, sinon le passage à l’acte.

Pour Freud, nous rappelle Alain Merlet, c’est la chaîne des signifiants qui mène à la remémoration, plus que la scène elle-même, qui compte.

Céder sur le bien-dire vous destine inévitablement au mal faire. C’est ce qui arrive à Jung et Gross, à l’envers de Freud et, osons le dire, de Sabina Spielrein. Son activité d’analyste, brillante, fut trop courte, fauchée par la barbarie nazie.

On pourrait lui rendre hommage, chère Vm, en publiant son article remarquable sur une phobie d’enfant, article dont je vous ai envoyé le lien à Escapadesculturelles.

Bien à tous
Alain

Soirée Walser café-psychanalyse du vendredi 13 janvier 2012

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De la part de Alain Gentes Envoyé : samedi 14 janvier 2012 07:26

Bonjour chers Es Capadiens,

Cher José, Avez-vous bien Walser avec Lacadée autour d’un café sous le rythme endiablé de la psychanalyse?

Venez donc voir ce que voit Diane Arbus dans ses photographies cet aprem au jeu de paume, à 15h ! SANS SE POMMER !!!!!

Al 

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From: josé rambeau Date: Sat, 14 Jan 2012 13:55:33 +0100

Cher Alain et autres escapad’heures,

La soirée Robert Walser avec Philippe Lacadée a été un moment de culture à la fois littéraire et clinique fort agréable avec des intermèdes de lectures interprétées entre autres par un comédien Alain Gintzburger qui a su transmettre ce qui faisait vivre cet écrivain psychotique. Des photos ont été prises me semble-t-il de cet événement.

Je vous invite à venir au prochain Café Psychanalyse du samedi 11 février avec Marie-Hélène Brousse au Théâtre de Châtillon et de déjà noter dans vos agendas le café Psychanalyse suivant qui aura lieu le vendredi 13 avril 2012 à 20h30 toujours au Théâtre de Châtillon sur le thème « Jean Genet et la prison » avec pour invités Alain Merlet et Hervé Castanet deux psychanalystes grands connaisseurs de l’œuvre et de la vie de Genet. Cette soirée sera à nouveau agrémentée de lectures de textes de Jean Genet.

A bientôt le plaisir d’escapader à nouveau ensemble.

José

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Le 14 janv. 2012 à 14:18, Mariana Alba de Luna a écrit :

Cher José,

Très belle soirée et toujours si intéressant d’écouter l’intarissable Philipe Lacadée au sujet de Walser.

Cette ultime réduction des voix à un petit bruissement du crayon, moins incisif qu’une pointe de couteau (la mère) ou d’une plume, ondulant là sur la feuille, est mon hypothèse de travail et que je poursuis en suivant le travail de Philippe, cela pour Walser comme tentative pour défendre son dernier battement du vivant et son territoire du crayon – la sonorité du signifiant réduite à une lettre.

En cela il rejoint d’une certaine façon l’autiste sonore.

A poursuivre…

Les lectures du comédien Alain Gintzburger, de notre collègue Michèl Simon et de toi-même, sur les écrits de Walser, étaient une très belle surprise.

J’ai accompagné Philippe et les autres sur Paris, nous avons poursuivi la conversation tout en faisant encore les chemins de travers vers Paris. Malheureusement il n’y a pas eu d’enregistrement! J’ai oublié d’activer le micro… Les voix sont restées muettes cette fois, peut-être le esprit ricaneur de Walser était par là à nous jouer des tours…

Mariana

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De la part de nouage Envoyé : dimanche 15 janvier 2012 15:35

Chers Mariana, José, Alain, et amis escapadeurs,

Oui, très belle soirée Café-psychanalyse, avec un remarquable invité, Philippe Lacadée, homme de lettres et psychanalyste, tout à fait fascinant en orateur intarissable et passionné par son sujet, en passeur attentif et amoureux de l’oeuvre de Robert Walser.

Après avoir d’abord questionné Philippe Lacadée sur les circonstances de sa rencontre avec Walser, José a souhaité en apprendre plus sur le lien très particulier de Walser avec les femmes, en référence aux nombreux personnages féminins de ses écrits et c’est une anecdote incroyable qui nous a été racontée: Walser n’a jamais embrassé une femme…

La poésie particulière qui se dégage des textes de Walser, rendue par des lectures formidables, vivantes, incarnées, à plusieurs voix, une belle surprise, comme tu le soulignes Mariana, a donné je crois à chaque un des participants de cette soirée l’envie de vouloir s’y intéresser davantage… la salle était subjuguée!

J’ai rencontré sur place avec joie notre amie Brigitte Lehmann, IRL, qui nous suggérera bientôt quelques propositions d’escapades. Je vous envoie un petit film, court extrait de la lecture du comédien Alain Gintzburger, d’un passage du brigand je crois, à vérifier, il y en a eu plusieurs…

Cher José, je voulais ici rendre hommage à ce que tu as créé avec ces soirées café-psychanalyse, enseignantes et donnant le goût du savoir par la médiation de l’art et te dire que c’est aussi ce qui a inspiré en quelque sorte l’idée d’Escapades culturelles.

Bien à toi.

Amicalement, bon dimanche à vous!

Géraldine.

expo photo mandala

Si les mandalas peuvent être regardés comme des œuvres d’art, pour le bouddhiste, ce sont avant tout des représentations symboliques ayant une valeur sacrée extrêmement puissante.
Dix moines tibétains de l’Université tantrique de Gyütö ont réalisé un mandala de sables colorés à Saint-Merry du 14 au 16 juin 2011.
Cette expérience à la fois spirituelle et artistique s’est terminée par une cérémonie de prière spécifique, puisque les moines ont chanté selon un mode diphonique, mêlant à nouveau culture et spiritualité.
Le photoreporter Xavier de Torres a été invité et a réalisé une œuvre photographique.

Pour poursuivre dans l’esprit de Jung dont on sait la passion pour les mandalas et à partir desquels il a construit une théorie pour le moins farfelue. En revanche le travail photographique de Xavier ne l’est pas.

J’envisage de m’y rendre le 28 dans l’après midi juste avant le cartel,   http://www.voir-et-dire.net/?Xavier-de-Torres-Mandala  

Expo photo sur la création d’un mandala par des moines bouddhistes : Du 14 au 29 janvier 2012 Claustra saint-Merry 76 rue de la verrerie 75004 PARIS  

J’ai eu l’occasion d’assister à la création de plusieurs mandalas au Népal c’est magnifique. Ils sont faits de sable et symbolisent ainsi l’éphémère.

V.O

L’oubli de Cronenberg

Ah transfert, quand tu nous tiens ! C’est je crois la question de Cronenberg dans A Dangerous Method. Interviewé par un journaliste, il dit avoir fait ce film sans penser aux précédents… Et disant cela, oh surprise, il se rappelle son 1er film, un court métrage de 7 mn ! Et devinez son titre: Transfer !!!

Trouvons-le, et visualisons-le ! 

Bises à tous.

Alain

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ha ha, super, alain, cette découverte !!!

« Son premier film, Transfer (1966, un court métrage de 7 mn), traitait déjà de la relation ambiguë entre un psychiatre et son patient : on y voyait un patient suivre son analyste de manière compulsive. Et le duel Freud/Jung dans A Dangerous Method n’est pas sans rappeler l’aventure troublante des médecins jumeaux de son chef-d’œuvre Faux Semblants. Mais, devant son dernier opus, le film de l’auteur auquel on pense le plus (on reste frappé par la monstration de l’hystérie chez Sabina Spielrein/ Keira Knightley qui crée un corps crispé à la beauté convulsive), c’est Spider. »  http://mobile.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/a-dangerous-method-par-le-docteur-106654

v

 

RV : Bruegel, le moulin et la croix

Bruegel, le Moulin et la Croix

1h31mn‎‎ – Drame‎‎ – VO st Fr‎- Distribution: Rutger Hauer, Charlotte Rampling, Michael York, Oskar Huliczka, Joanna Litwin

Année 1564, alors que les Flandres subissent l’occupation brutale des Espagnols, Pieter Bruegel l’Ancien achève son chef-d’œuvre « Le Portement de la croix ». Derrière la Passion du Christ, on peut lire en filigrane la souffrance d’un pays en plein chaos. Le film plonge littéralement le spectateur dans le tableau et suit le parcours d’une douzaine de personnages au temps des guerres de Religion. Leurs histoires s’entrelacent dans de vastes paysages peuplés de villageois et de cavaliers rouges. Parmi eux Bruegel lui-même, son ami le collectionneur Nicholas Jonghelinck et la Vierge Marie

Vendredi 20 janvier à 17h 55 aux 7parnassiens. On entre dès qu’on peut et on se retrouve directement dans la salle ? Je devrai filer vite après. On échangera nos impressions sur Escapades
Dominique.

Cinéma Les parnassiens 98 boulevard Montparnasse 75014 Paris M° Vavin / Notre-Dames des Champs / Montparnasse / Edgar Quinet

Ce soir : Projection de « Compagnie », 23 janvier, ENTREE LIBRE

Lundi 23 janvier à 21h, au théâtre de la Madeleine, soirée commémorative en l’honneur de Pierre Chabert, comédien et metteur en scène, qui a travaillé avec Beckett pendant vingt ans. Projection de « Compagnie ». Entrée libre. C’est à 21h et il ne semble pas nécessaire de venir trop longtemps à l’avance. Vers 20h 45 ? Nous devons cette information à Jo Attié. Qu’en dites-vous ? eoik ?

Dominique.

du maniage du désir et de la jouissance

 Cher Alain,
 
Concernant le film A Dangerous Method, tu écrivais :  « Il est saisissant de constater que dès les débuts de la psychanalyse, il y a un partage des eaux entre les tenants du corps ( la jouissance) et les servants du dire ( le désir ), entre Jung et Freud ici. »

Jung, tenant du corps, jouissance, et Freud, servant du dire, le désir. Cette opposition, au moins dite de cette façon, tient-elle ?  Est-ce vraiment ce dont il s’agit ? Je pose la question. On a vu, l’année dernière encore, à son cours sur Yad’lun, Jacques-Alain Miller soutenir que le désir, l’ontologie, c’étaient du vent, que seul ce qui tenait, c’était ce qui existait, le un, le corps, la jouissance. Par ailleurs, il est vrai que le dire (à l’autre)  ira à mettre au jour, à cerner le réel en jeu dans la souffrance du sujet. (je ne dis évidemment pas que Jung aurait été en avance sur son temps, aurait tout compris, et que c’est sa voie qu’il s’agit de reprendre !!!!), je questionne ta  formule.

Ce que j’essaie d’interroger, c’est qu’il y a un endroit où Miller semble indiquer qu’il y a à détrôner quelque peu le désir, dans la mesure où il ne s’agit d’un semblant, et que le semblant seul ne peut que mentir, contourner la jouissance. Il me semble qu’il indiquait qu’il y avait presque de nouvelles manières de faire, de nouvelles écoutes à inventer pour le psychanalyste, et surtout pour le psychanalyste du XXIème siècle.

« Lacan enseignait le primat de l’Autre dans l’ordre de la vérité et celui du désir. Il enseigne ici le primat de l’Un dans la dimension du réel. Il récuse le Deux du rapport sexuel comme celui de l’articulation signifiante.  Il récuse le grand Autre, pivot de la dialectique du sujet, il lui dénie l’existence, et le renvoie à la fiction. Il dévalorise le désir, et promeut la jouissance. Il récuse l’Être, qui n’est que semblant. L’hénologie, doctrine de l’Un, surclasse ici l’ontologie, théorie de l’Être. L’ordre symbolique ? Ce n’est rien d’autre dans le réel que l’itération du Un. Doù l’abandon des graphes et des surfaces topologiques au profit des nœuds, faits de ronds de ficelle qui sont des Uns enchaînés.

Souvenez-vous : le Séminaire XVIII soupirait après un discours qui ne serait pas du semblant. Eh bien, avec le Séminaire XIX, voici l’essai d’un discours qui prendrait son départ du réel.
Pensée radicale d’l’Un-dividualisme moderne. »

Jacques-Alain Miller, Quatrième de couverture du Séminaire  …ou pire

« Alain Merlet, écris-tu, indique que le réalisateur prend le parti de Freud parce que celui-ci a préféré le corps au psychique, comme lui, au cinéma: c’est la bouche qui doit déterminer le jeu de l’acteur, aussi  ne faut-il pas visser les acteurs à la story. Il laisse d’abord parler les acteurs pour que puisse se dessiner dans leur jeu quelque chose de l’invention. »

Donc, Merlet, ici, indique bien, de façon très intéressante,  le corps comme « cela dont ‘ça’ part » – aussi bien pour Freud que pour Croenenberg. C’est à faire jouer la bouche, la jouissance orale, que la jouissance pulsionnelle se voit tirée, halée dans le dire, au moins pour partie. Et la pulsion, silencieuse, trouvant ses mots verra « advenir un nouveau sujet » pour reprendre les mots de Freud. Un nouveau sujet vient à naître, ce qui procure au parlêtre un apaisement. Il n’est plus seulement jouet de l’étrange. Il peut s’inventer un histoire, construire son fantasme. Le problème, plus tard, c’est qu’une fois ce fantasme traversé, quand cela va jusque là, ainsi qu’en parlait Miller l’année dernière, il y a du reste, les fameux « restes inalysables ».  Et l’on assiste, chez ces sujets, à une déflation du désir. Il y a alors un quelque chose de nouveau à inventer. S’agit-il d’un savoir-faire, comme tu l’as quelquefois laissé entendre. Savoir manier désir et jouissance, réajuster toujours la répression de l’un par l’autre. Consentir au semblant, en connaissance de cause, consentir, agir son désir en « sinthome », sans faire la passe sur son mode de jouissance, et ce qu’il comporte d’inanalysable. Bien sûr, ce n’est pas cela dont il est question dans le film. Le film, comme tu le disais récemment, c’est le temps de la découverte, de la découverte du transfert. 

« On a l’impression, ajoutes-tu, que Jung s’intéresse au corps autrement.« 

Mais comment ?

« A. Merlet nous dit que ce qui compte pour Freud ne sont pas tant les aveux que le cheminement, forcément signifiant, par lequel on les obtient. »

 Oui, les aveux, le pire. Mais nous montre-t-on un Jung qui pousse aux aveux? Il ne me semble pas. Il me paraît honnêtement tenter d’appliquer ce qu’il a lu dans Freud, avant même de l’avoir rencontré, et sans savoir s’il n’est pas le premier à le faire.

« Ce que Freud critique c’est la photographie du corps, donc ce qui est. »

« La photographie du corps ? » Que veux-tu dire ? L’expression me paraît heureuse, mais je ne vois pas ce que le film nous en dirait. Entends-tu le corps dans sa représentation, et donc signifiant, et donc de l’être ». Au revers du corps pulsionnel ? Qui lui ne passe pas, jamais, à la représentation, au signifiant ? En quoi Jung a-t-il fait « photographie du corps » ?

« Ce qui compte, c’est le dit. Jung obtient des éléments par la pire des psychanalyses appliquées. Il va droit au but en court-circuitant la défense du sujet. La catharsis néglige le symptôme. Qu’est-ce qui reste alors, sinon le passage à l’acte. »

Donc, pour toi, ce dont il s’agit c’est de catharsis? Mais les névrosé(e)s n’étaient autrefois pas les mêmes qu’aujourd’hui. Je me demande d’ailleurs ce qui les a fait tant changer. Les hystériques. Elles arrivaient à l’analyste avec un corps autrement plus parlant qu’aujourd’hui, se démenant comme un beau diable. 

Il me semble, quant à moi, que le premier travail de Jung avec Spielrein est psychanalytique (le travail sur la chaise), et obtient d’ailleurs des résultats remarquables, du moins est-ce ce que le film laisse entendre. Ce n’est que dans un deuxième temps, effectivement, comme le souligne Géraldine, dans la méconnaissance, dans l’ignorance des effets de transfert etc., sous l’influence de la rencontre avec Gross, qu’il y a passage à l’acte.  

« Pour Freud, nous rappelle Alain Merlet, c’est la chaîne des signifiants qui mène à la remémoration, plus que la scène elle-même, qui compte.« 

Oui, c’est très juste, il s’agit d’extraire de la scène le signifiant, et c’est le moment de l’invention, et de l’apaisement, et c’est la voie qui ouvre au désir, qui est d’abord désir de dire, encore. A l’autre, dire encore, et c’est le transfert, l’amour. Et ça, il va falloir l’épuiser, jusqu’à aller à ce qui ne passe pas, ne passe pas dans le transfert, n’appelle plus l’amour (vers une nouvelle solitude, « la différence absolue »). 

« Céder sur le bien-dire vous destine inévitablement au mal faire. C’est ce qui arrive à Jung et Gross, à l’envers de Freud et, osons le dire, de Sabina Spielrein. Son activité d’analyste, brillante, fut trop courte, fauchée par la barbarie nazie.« 

Oui, tu as raison, de cela au moins, bien-dire, nous pouvons être responsables.

v

 

 

plutôt servant du corps (évocation de la perversion) et tenant du dire (ne pas céder sur le désir )

Chère, très chère Véronique,

Ta plume est tranchante, comme l’est sans nul autre pareil l’acte, lorsqu’il est analytique. J’aime cette joute éthique que tu ouvres à partir de nos commentaires sur A Dangerous Method de Cronenberg.

J’y réponds, avec délice, mais, comme tu vas le voir, pas sans contradiction que j’abhorre d’éliminer.

Tout d’abord, je maintiens ma formule « tenant du corps/ servant du désir » à ceci près, d’en inverser les termes: plutôt servant du corps (évocation de la perversion) et tenant du dire (ne pas céder sur le désir ). Elle n’est pas tout-à-fait exacte mais tellement opératoire dans la clinique.

Ensuite, s’il y a lieu de distinguer l’hénologie de l’ontologie, la jouissance du désir, Yad’lun de l’Être, il ne s’agit pas pour autant de les OPPOSER, ni de retenir les Uns, en jetant les Autres à la corbeille. L’Un ne va  sans l’Autre qu’APRES S’EN ÊTRE SERVI. Le Yad’lun ne se découvre qu’après avoir épuisé le circuit du Dire, du Désir. Ce qui prend un certain temps. À négliger le circuit du semblant, vital, on fait un court-circuit de jouissance, comme Jung.

Si ce dernier se sert du semblant pulsionnel de Sabina pour faire jouir son corps, Freud, à la différence, est intéressé par la façon dont une structure langagière vient coincer de la jouissance de corps.
Ce qui existe ne tient pas sans le vent du désir. Ou bien alors ça tient holophrasé, comme dans l’expérience autistique.

Jung, dans le film, fait exister la jouissance de l’Autre, en étant son instrument, son serviteur. Freud est plutôt intrigué dès le début par ce que Lacan découvrira tardivement, à savoir le signifiant comme moyen premier de jouissance. La lalangue  épingle cela.

Je vous trouve, Géraldine et toi, bien gentille à l’égard de Jung. Sa position ne me semble pas résulter d’un manque de savoir sur le transfert, qui était vrai pour Freud aussi, mais d’un parti pris sur la jouissance, prélude à ce que sera sa position conciliante à l’égard des nazis.

Tes deux dernières remarques me siéent.

Je souscris aussi à cette conception du symbolique à partir du dernier cours de JAM:  » ce n’est rien d’autre dans le réel que l’itération du Un. »  Son destin va dépendre de la présence ou pas de l’orienteur phallique.

Voilà, chère Véronique, quelques étincelles de plus pour entretenir le feu de nos échanges.

À toi.

Alain

 

Ruy Blas de Victor Hugo joué au Théâtre des Gémeaux à Sceaux

Chers escapadeurs,

Je viens de rentrer d’une représentation de Ruy Blas de Victor Hugo joué au Théâtre des Gémeaux à Sceaux (C’est une Scène nationale). Je suis emballé. C’est une première en Ile de France.

La mise en scène est de Christian Schiaretti. Fantastique ! Et le jeu des acteurs est génial avec beaucoup d’humour malgré le sérieux du thème. La pièce dure trois heures avec un entracte au milieu.

Je vous conseille vivement d’y aller car c’est un événement théâtral. Il y a longtemps que je ne m’étais réjoui à ce point d’une pièce classique. La pièce se joue jusqu’au 29 janvier. Réservation au 01 46 60 05 64

Bien à vous dans l’attente de vos commentaires si vous y allez.

José Rambeau

La destruction comme cause du devenir

On trouvera à cette adresse des extraits de l’article de Sabina Spielrein « La destruction comme cause du devenir» (Revue française de psychanalyse 4/2002 (Vol. 66), p. 1295-1317) :

URL : http://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2002-4-page-1295.htm www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2002-4-page-1295.htm.

Chers Alain et Véronique,

Je suis très intéressée par vos échanges sur A Dangerous Method, film qui nous sollicite beaucoup décidément!  Peut-être parce qu’il appelle les origines de la psychanalyse, et la question des origines… Je me sens à la fois de l’Un et de l’Autre: Merci Véronique pour ton développement sur l’Un et l’hénologie, cette piqûre de rappel du cours 2011 de JAM. Les patients psychotiques nous en apprennent quelque chose de ces « Uns tout seuls », non-branchés sur l’Autre… Et puis  je suis assez d’accord avec Alain aussi: Pas d’Un sans l’Autre, dans les circuits de la demande et du désir. En toute fin d’analyse seulement, il devient possible de cultiver un peu son « autisme » (après la découverte de cette jouissance et  que Yad’lun)… pour le repos de chacun et afin de mieux s’en éveiller et en sortir! Comment dire cela? c’est un repos, un retrait vivant, à l’envers de la pulsion de mort, et qui permet d’être éveillé.

Bise à tous

Catherine Decaudin

Spielrein, Jung, Freud et le Néophyte

ou de l’intérêt d’une méthode dangereuse…

Tout le monde s’accorde, et je m’accorde avec le monde, pour dire que ce Cronenberg n’est pas du Cronenberg. Il n’y aurait aucun problème à cela, après tout qui en veut à Kubrick de n’avoir jamais fait du Kubrick, si cet entre biopic sur fond historique (mais biopic de qui? Jung, Spielrein, Freud) et historique (mais lequel? la tragédie austro-helvétique entre un père et un fils spirituel, la naissance d’une méthode de psychanalyse, la relation défendue et très originale depuis Adam et Eve entre un homme et une femme) sur fond de biopic, n’était poli, léché, presque récuré de tout ce qui fait le grain d’un cinéma qui n’a pas besoin d’être auteur pour donner un point de vue, une perspective. Entre le « Festin nu » et « CRash », il y aurait eu de la place pour faire un film avec un peu d’aspérité, quelques angles saillants, rentrants, aigus, pourquoi pas obtus ou nuls au lieu de ces angles plats et droits… pellicule immaculée remplie de libido.

Pour le néophyte, et nous étions plusieurs dans la salle, les premières scènes de Keira Knightley sont pénibles à regarder. Freud et Jung sont sans expressions ni émotions. Contraste encore plus frappant et marqué au regard du jeu de Keira Knightley. Le seul qui ait du corps, de l’esprit et une âme, c’est Otto Gross, avec un Vincent Cassel magnifiant l’état non pas seulement d’un être mais d’une époque, celle de la Mitteleuropa du début du siècle passé.

Jung a-t-il vraiment fait ce rêve à la fin du film? Quoi qu’il en soit, si oui, il aurait été préférable de ne pas le mettre et de ne pas mêler une intuition historique (déjà assez présente, mais ici avec un objectif de raison, par les multiples répétitions de Freud sur le danger d’être juif) à la chute du film, et si ce rêve fait partie de la licence artistique, Cronenberg devrait demander un renouvellement de son permis d’être considéré comme un réalisateur majeur de notre époque… Et je passe sur la musique qui accompagne par l’oreille le spectateur un peu endormi sans doute par cette soupe sans saveur pour lui faire remarquer que Frau Sabina Spielrein est en crise. Et je repasse, sur cet improbable plan d’une longueur exceptionnelle pour ce qu’il a dire, qui avait déjà été abondamment annoncé dans un plan viennois sur la virginité supposée de Frau Spielrein… et si nous n’avions pas compris, le doute n’étant pas tout à fait levé, nous avons pu contempler à loisir avec la dame toute à son émoi la preuve de cette rupture d’hymen… Alléluia, on est vraiment heureux pour eux! Peut-être que d’autres choses à passer m’ont échappée…il faut dire que je me suis assoupi plusieurs fois… Ce ménage à trois, quatre je suppose avec Cronenberg,  doit certainement être un des meilleurs succès commerciaux du réalisateur canadien… au moins tout ceci n’aura pas servi à rien.

Le néophyte, qui cherche quand même à comprendre quelque chose à cette naissance de la talking cure en regardant le film se demande à la fin qui cure qui? Le générique passé, le néophyte se dit, et je le cite: « heureusement que Frau Spielrein lui a fait effectuer une ‘body cure‘… Dr. Jung semble s’être enfin découvert à travers elle… »

Malik Berkati, le Néophyte

[source de l’illustration : http://anarchietotale.free.fr/neophytenouvellesperspectives.html ]

TIME de Kim Ki-Duk

Psychanalyse et Cinéma
Vendredi 27 janvier 2012
Séance de 20 h 30
ECF 1, rue Huysmans, Paris 6e

TIME de Kim Ki-Duk

Le partenaire transformable
Damien Guyonnet

En Corée, un couple contemporain, comme il en existe tant d’autres. Ils s’aiment tendrement, mais un jour la jalousie entre en scène. Puisque Ji-Woo regarde les autres femmes, See-Hee en conclut qu’il se lasse d’elle. Elle se doit de réagir. Prête à tout, elle s’adresse au médecin et au bistouri pour changer de visage…

La démonstration de Kim Ki-Duk est radicale. Il dépeint un monde où la logique capitaliste dénature la logique amoureuse : où chacun se vit à la fois comme objet interchangeable, d’où la jalousie, et comme objet consommable (c’est-à-dire jetable), d’où la hantise de ne plus être aimé. Il rend compte également du sans limites qui sévit dans une modernité où la science rend possible les actes les plus fous.

Nous essayerons de dégager la vérité du lien qui unit ces deux êtres qui, par amour, sont amenés, l’un après l’autre, à perdre la face, pénétrant dès lors dans une zone où la jouissance côtoie la mort. Et puisque c’est See-Hee (devenue Say-Hee) qui a enclenché cette folle spirale, la logique de son acte devra être interrogée au regard de la question du double certes, mais surtout de l’altérité et de la féminité.

Pour notre prochaine soirée, nous vous proposons une nouvelle formule. Afin de laisser plus de temps à la discussion, nous vous adressons à l’avance les textes des intervenants. Nous en débattrons directement à la suite de la projection du film.

Vous trouverez donc en pièces jointes les deux commentaires suivants : Charles-Henri Crochet, Vers l’infini et au-delà…  et  Carolina Koretzky, « Être Autre à elle-même »

 

Les maîtres de l’âge d’or du cinéma de genre japonais

Kenji Misumi (1921-1975) et Tai Katô (1916-1985) doivent à une reconnaissance tardive voire posthume leur statut de « maître du cinéma de genre ». Par cette appellation, il faut entendre une aptitude commune à ces
réalisateurs de studios des années 1960 à préserver la qualité héritée de leurs prestigieux aînés (Ozu, Mizoguchi, Kinugasa, Itô, Itami) dans un contexte de cinéma d’exploitation de plus en plus contraignant en raison de la crise de l’industrie du cinéma. Cette nouvelle série inaugurée avec Misumi et Katô présentera de nombreux exemples de ce travail de « maître » – d’auteur derrière le faiseur – qui pourrait se définir ainsi : un metteur en scène porteur d’un message personnel et inventeur de formes dans le respect de la tradition et de la conception du septième art propre à sa compagnie. (La Daiei pour Misumi et la Tôei pour Katô.)

http://www.mcjp.fr/francais/cinema/les-maitres-de-l-age-d-or-du/

C’est une information

Votre,
Guy.

Bruegel, le Moulin, la Croix et l’image

– ou du passage du fixé à l’animé – 

L’exercice était périlleux. Le résultat remarquable. Encore un film à ne pas mettre sous tous les yeux, car exigeant. Du cinéma qui offre un espace d’expression au spectateur et lui laisse la latitude d’aller au-delà de l’image montrée. Du grand art généreux, d’autant plus noble que le travail, l’énergie, la réflexion et la créativité mis dans ce film de Lech Majewski crèvent l’écran.

Invité dans le tableau de Pieter Bruegel l’Ancien, Le Portement de Croix, le spectateur suit la journée de quelques personnages du tableau choisis parmis les 500 figurants qui entourent le protagoniste principal: le Christ portant sa croix. Les petites histoires des hommes, dans leur quotidien se mêlent à la grande histoire de l’humanité, à travers les travers de ceux qui la compose, les petites et grandes lâchetés, les petites et grandes joies, les petites et grandes misères, les petites et grandes cruautés sur fond de grande histoire, l’invasion de la Flandre par les Espagnols au XVIème siècle, l’Inquisition vs. le Protestantisme.

Le plus impressionnant sans doute est la posture de l’artiste, Bruegel lui-même, qui tantôt explique son dessein, tantôt semble être le dessin, position d’acteur et de figure… fascinant.

Les trois acteurs principaux, Rutger Hauer, Bruegel, Michaël York son ami banquier et Charlotte Rampling, Marie shakespearienne, loin de la Vierge éplorée sont merveilleux. Petit bémol: on peut regretter que la plupart des autres acteurs soient polonais et les trois protagonistes ayant une voix dans le tableau soient les acteurs internationalement reconnus. Certes, ils sont excellents, mais un acteur de cet envergure doit bien se trouver en Pologne.

L’image fixée inspire souvent l’animation, comme l’image animée d’ailleurs (parmi d’autres La Rose pourpre du Caire), rêve d’enfant et de cinéaste qui s’allient merveilleusement bien, par exemple mon préféré non intellectualisant a contrario de ce film, Mary Poppins, même si je la soupçonne d’être un peu raciste… mais là je m’égare.

Le réalisateur brosse un tableau du tableau et en fait un film d’images animées, fixées dans un intemporel qui n’est pas figé. La passion du Christ inscrite dans le temps des hommes qui se répète à l’infini du temps du monde.

La difficulté pour le spectateur réside dans le fait qu’il ne suit pas une histoire, ni même des histoires, mais des séquences, sans logique apparante. Cependant, c’est ce qui fait aussi sa force, cette liberté laissée au spectateur, comme lorsqu’il regarde un tableau, de comprendre ou pas, d’imaginer ou pas une suite à la scène représentée.
La lumière (Majewski a été jusqu’à tourner les images du ciel et des paysages en Nouvelle-Zélande) est sublime, chaque plan un chef-d’oeuvre de composition.

Le making off du film

Malik Berkati

[illustration : Bruegel l’Ancien – Portement de croix – 1564 – détail du moulin / clic sur l’image pour une vue plus grande]

Walser avec Lacadée // «être un ravissant zéro tout rond»

Chers amis, Cher José,

Après le dernier café psychanalyse, si réussi, au cours duquel Lacadée vous a fait Walser, je brûle d’envie de vous inviter retrospectivement sur notre « Colline aux livres », dans la cité de Cyrano, qui a eu lieu le 17 septembre 2011.

En voici quelques mots, succulents de contingence.

Bien à tous

Alain

 

Unerwartet !

«La Colline aux Livres», charmante petite librairie, de Bergerac, délicieusement éclairée.

Coline, sa libraire, a bien voulu nous abriter en cette fin d’après-midi de septembre, pour parler d’un livre qui parle d’autres livres.

Ça tombe pas si mal que cela, en cette rentrée qui est là aussi lacanienne, dans ce petit coin de Dordogne où prospère L’ACF-Aquitania.

Lacanienne ? Assis entre les livres, nous en rappelons la raison : le trentième anniversaire de la mort de Jacques Lacan. Beaucoup de rififi autour de lui, de sa pratique, de son séminaire, de sa vie : émissions, articles, livres. J’en recommande un, celui de Jacques-Alain Miller, son gendre, que Lacan a choisi pour établir le texte de ses séminaires. Vie de Lacan, que je présente, en est son titre. Ce n’est pas une biographie, mais une vue sur un Lacan vivant, dégageant ce avec quoi il n’a cessé de batailler au fil de son enseignement, de sa pratique : le réel, à côté du symbolique et de l’imaginaire.

Qu’on le sache ou pas, d’une manière ou d’une autre, on est tous aux prises avec le réel. Et Robert Walser, avec ses livres, en est un bel exemple. Ce que témoigne la manière dont il nomme lui-même son écriture « le roman du réel ».

Je disais donc : un livre, pour parler d’autres livres, ceux précisément de Robert Walser :  Les enfants de Tanner, L’institut Benjamenta, L’homme à tout faire, La promenade, Le brigand

Et cet Un livre, celui, bien sûr, de Philippe Lacadée, avec son titre attirant :  « Robert Walser, le promeneur ironique » 1. Le sous-titre, «  Enseignements psychanalytiques de l’écriture d’un roman du réel », indique déjà ce dont il s’agit : que nous enseigne l’écriture de Walser ?

Le maître est Walser, et Lacadée son élève ! Un élève spécial quand même, puisqu’il apprend de Walser, avec Lacan, et même, avec Jacques-Alain Miller. Ce que son livre doit à l’enseignement de Lacan, au cours de Miller – Clinique ironique, Psychose ordinaire notamment – en structure sa confection, en oriente la trame.

On pourrait dire un livre, un auteur (Lacadée), passeur d’autres livres, d’un autre auteur (Walser).

Dans cette conversation qui s’annonce, Éric Dignac, homme de théâtre, nous accompagne. Il prêtera sa voix à quelques écrits de Walser, au fil de notre promenade de parole parmi les livres. «La promenade», justement sans laquelle Robert Walser, comme il le dit, «serait mort». Philippe Lacadée, jouant du son et du sens, nous « passe » ses romans comme «une promenade du corps dans lalangue». À l’école de Walser, il extrait de la miniaturisation de son écriture une opération essentielle : «être un ravissant zéro tout rond» à partir duquel deviennent possibles des semblants d’être, la servante de l’Autre,  « le feuilletoniste exécutant ». L’ironie s’invite dans le rapport à la langue et la production de nombreux néologismes. La traduction de ceux-ci en français est des plus délicates. Il mettra en valeur celle de Walter Weideli, en prenant deux exemples :  «  L’homme à tout faire » plutôt que « Le commis », comme titre de roman, et « bourrauder » plutôt que « maltraiter » pour un néologisme de Walser.

Surprise d’après-coup : Walter Weideli, le traducteur, était avec nous sur la Colline, et nous ne le savions même pas. Ce n’est qu’à la fin, dans un bar, à deux pas de la librairie, que nous invitions à notre table le vieil homme, seul avec sa bière, qui venait de nous écouter. Nous ne savions pas encore qui il était.

Je ne vous raconte guère la suite, prise dans un ravissement qui ne vaut qu’à se vivre. De un sortait deux, deux passeurs : l’un de lalangue, l’autre de la langue ! Nul doute qu’une telle unerwartete Begegnung aurait précipité Walser dans l’écriture, mais n’est pas Walser qui veut !

Alain Gentes

1 Lacadée Philippe, Walser, le promeneur ironiqueenseignements psychanalytiques d’un roman du réel, éd. Cécile Defaut.

doc iconBergerac.doc

[Illustration: Sources of Art (1967), Bailey Films ]

RE: Bruegel, le Moulin, la Croix et l’image

Cher Malik,

Merci beaucoup pour ce texte ! J’ai vu le film hier, avec Mariana, j’en ai été assez heureuse. Je ne suis pas cinéphile, mais j’aime que ce film m’ait donné envie de revoir cette peinture, m’ait donné une nouvelle porte d’entrée dans cette œuvre. Je me suis trouvée un peu honteuse de ne même pas me souvenir du Musée où se trouve cette toile, est-elle à Bruxelles ? Il m’a semblé reconnaître les murs du Musée d’Art Ancien, mais je n’en suis pas sûre. (( Mais non, elle se trouve au musée de Vienne, et je ne l’ai jamais vue. ))  Je n’ai pas pu résister à l’envie de mettre, en illustration de ton texte, une très grande, très belle image du moulin, si impressionnant dans le film, que nous pénétrons, où nous nous réveillons au petit matin avec le meunier, sa femme, et leur commis… immense ! Ces interminables escaliers dans la roche !! ((je ne sais ce qu’il m’évoquent, mais j’ai eu une impression de déjà-vu, et toi ? une référence cinématographique t’est-elle venue à l’esprit?)) Très touchante également cette explication que donne Bruegel à son ami, le collectionneur Nicolas Jonghelinck (Michael York !) : là haut, si haut, dans les nuages, le moulin mis la à la place où l’on trouve Dieu normalement, avec son meunier qui de haut tristement assiste aux …. égarements des hommes.    J’ai été très sensible à cette explication, ce pointage,  peut-être aussi parce que je m’appelle Muller, qui veut dire meunier. « Meunier, meunier,  tu dors ton moulin va trop vite… » La roue du temps (ranimée le temps du film, figée dans le  cadre de la peinture et le temps d’un instant figée dans le film même), la roue du supplice (juste avant que n’arrivent les mercenaires espagnols, Mariana me glissait qq chose comme « C’est le paradis » alors que ce si joli couple petit-déjeunait sur l’herbe, avec leur jeune veau)…

J’ai réfléchi courtement à la logique du film, apparemment sans logique, dont tu parles. Je crois qu’elle est nécessaire, cette lente présentation des faits… inouïs d’horreur, d’horreur et de beauté, puis, venant s’y loger, la Passion du Christ.

Et les dernières images, de la sarabande, cette danse, ces corps dans un poids, un rythme si différent du nôtre aujourd’hui…

Quant au silence des protagonistes, du jeune couple, des meuniers, de la famille de Bruegel (si je ne me trompe pas) (et ce silence, en dehors des cris des enfants) (mais, son épouse, si silencieuse au point que je me suis demandée si elle était muette) (et les pensées entendues de la mère du Christ, dans une langue et un texte anglais  superbes) (puis, quelques mots, cependant, entendus en vieux flamand, et l’espagnol des mercenaires), c’est vrai, comme le rappelait Mariana ce matin,  que je me suis interrogée à son sujet, me demandant d’abord s’il s’agissait du silence d’un peuple paysan (mythique ou réel, je ne sais, appartenant à cette époque ou vraie encore aujourd’hui ?), n’accordant pas encore à la parole la haute importance que nous lui accordons aujourd’hui, pour m’accorder ensuite à penser qu’il  s’agissait du silence de la toile.

Enfin voilà. J’ai très envie de publier sur le blog quelques grandes images de la toile,

Très amicalement,

Véronique

(je suis d’accord avec toi concernant le choix des acteurs, des stars, comme aurait dit Godard, et je n’aurais pas détesté les entendre parler polonais…)

Joyce, FinnegansWake s’extinsule et recouvre l’oille

FINNEGANS WAKE – CHAP. 1
D’erre rive en rêvière

17 janvier > 19 février 2012
du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h

d’après Finnegans Wake de James Joyce
traduction Philippe Lavergne (Ed. gallimard 1982)

mise en scène et lumière Antoine Caubet  (Théâtre Cazaril, cie associée au Théâtre de l’Aquarium),

son Valérie Bajcsa, film Hervé Bellamy, accessoires Cécile Cholet, régie lumière Pascal Joris, régie plateau Yunick Vaimatapako
avec Sharif Andoura

Livre hors piste, Finnegans Wake (publié en 1939) bouleversa la littérature contemporaine. Chacun des dix-sept chapitres est une variation du premier – qui fera à lui seul la matière du spectacle, et qu’on peut résumer ainsi : Finnegan, artisan couvreur, en prise avec l’alcool, sa libido et ses déboires conjugaux, glisse soudain de l’échelle et se casse la bobinette ! Réunis autour de sa dépouille, famille et amis ingurgitent des litres de Guinness et de whisky, et chantent la légende du héros du jour. Et bientôt c’est toute l’Irlande et toute l’histoire de l’humanité, depuis Adam jusqu’au jugement dernier, qui s’invitent au chevet de Finnegan… lequel s’envole dans les airs et va planer au-dessus de Dublin !…
Partant de ce petit conte, où le loufoque flirte avec le dérisoire, Joyce se fait donc griot de l’épopée du genre humain, brassant les civilisations, les cultures et les mythes. Mais Finnegans Wake est aussi un voyage à travers la langue, les langues : Joyce invente ici une écriture totalement inouïe, bricole comme un gosse des « mots-monstres » à base d’anglais, de gaëlique, de français, d’allemand, latin, grec et j’en passe, y glisse des onomatopées, des bruits de la nature et tutti quanti ! D’où une écriture abracadabrante et désarçonnante à première vue, qui devient un régal dès qu’on la met en bouche : alors seulement en explose la jubilation profonde et l’invention intarissable, qui ont tant marqué des auteurs aussi divers que Beckett et Novarina, Kerouac et Queneau. Incarnée le temps d’une représentation, elle surgit devant nous comme un langage inédit, étranger et pourtant évident, pour se raconter une histoire commune : la nôtre.

production Théâtre Cazaril (compagnie associée à l‘Aquarium), Théâtre de l’Aquarium, L’apostrophe, scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, Arcadi

To: escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
From: mariana
Date: Sun, 22 Jan 2012 02:03:06 +0100

 Catherine, chère amie, la soirée a été magnifique, mais non pas à cause des « Biscuits », ni de belles robes, ni des chapeaux, ni à cause des lumières et tout ceux que tu supposes avec tant d’invidia, mais la beauté est venue du jeu de cet acteur formidable qui seul en scène, ou presque, à su donner voix et une présence extraordinaire à Joyce ! Une très, très belle performance scénique, un jeu de la lettre et de la sonorité de tant des langues mélangées parfois inaccessibles, incompressibles, je dirais même la plupart de temps infranchissables, mais qui a su nous transporter avec lui dans la scène d’une mélodie joycienne, un monde si étrangement beau et poétique, plein des rebondissement hauts comme des cascades et fragiles comme le vent qui souffle apportant les mots loin loin faire leur balade dans nos corps et nous envelopper de leur mystérieuse musique toujours inachevée et brutalement si belle. Je mets peu des points et des arrêts pour jouer volontairement avec le style joycien si inimitable avec des mots qui glissent dans une rivière qui rejoins la mer sans point d’amarre, sans point de chute juste des mots mélangées dans un mixeur tournitouyant magnifique ! 

 
L’acteur Sharif Andoura a eu la bonté et la générosité inattendue de partager avec nous, comment il s’y est pris pour rencontrer Joyce et son texte, comme il a fait pour mémoriser ses longs passages où aucune logique n’apparait pour s’y accrocher aveuglement, naïvement comme on fait si souvent avec notre bêtise habituelle, alors ils s’est inventé de mondes et des paysages et à imaginé les phrases de Joyce se coller aux reliefs des montages du lac de Neufchatel en Suisse, où a l instant précis il tentait de faire naître un passage dans sa mémoire, et il à coller les mots aux ondulations des cailloux qu’il voyait, il a fait l’exercice de fixer une image à un mot, à un texte créant avec poésie son propre texte et son support imaginaire comme le ferait un autiste avec tant de facilité inavouée. Il s’est fait son Joyce avec Joyce, inventant des mots avec le début des mots de Joyce pour y accrocher sa mémoire et ouvrir avec ses propres béquilles textuelles et ses échelles le texte de Joyce à lui. Il a pris la première lettre d’une longue liste joycienne comme repaire mnémotechnique, pour créer d’autres mots avec une lettre qui devient litter qui chute et qui porte à la fois ouvrant le chemin à des univers si fantastiquement inconnus.
 
Voilà ce qui a été pour moi un des meilleurs moments de cette soirée où avec Joyce on a pu s’escapader loin, loin loin et nulle part… à condition de ne pas vouloir comprendre. Encore une fois la sonorité de la langue et de ses silences à été mise à l’honneur comme avec Bruegel, la création de l’écrivain et du peintre, quelle œuvre magique de la langue qui sait jouer de son univers et de ses torsions et de ses labyrinthes ! Tiens, moi aussi je fais ma Joyce… pobre ilusa de mi.
 
Ne pleure pas Grande Meaulnes… on n’est pas tous là où on pense y être et sûrement tu étais avec nous sans s’y être car ta pensée y étais à Finneganswake d’erre rive eu rêvière…
 
« Ce n’est pas écrit du tout. Ce n’est même pas fait pour être lu. C’est fait pour être regardé et entendu »
disait Joyce à propos de FW
 
Oui chère amiga, Finneganswake s’extinsule et recouvre l’oille…
 

 
et
 
bababadalgharaghtakamminaronnkonnbronntonnerronntuonnthonntrovarrhonnawskawntoohoohoordenenthurmik !
…le tonnerre eu 100 lettres et quelques langues.
 
La lune qui se couche al revés  at the end of the opening day que crepuscule.

 

To: escapadesculturelles@yahoogroupes.fr
From: cath.decaudin
Date: Sat, 21 Jan 2012 23:33:45 +0100
 

Hello dans le noir,

Je suis un peu triste ce soir,
Je suppose que vous êtes tous à l’Aquarium, qu’il y a là une grande fête, de la lumière, plein de monde , et des merveilles intellectuelles (des « Biscuits », comme ils disent à science Po), de belles robes et des chapeaux aussi, et… que je n’y suis pas. Je me sens un peu « Le Grand Meaulnes »,  d’Alain Fournier, qui derrière le mur, regarde la fête à laquelle il ne peut accéder. Mais comment sortir de cette lecture de jeunesse, qui m’a tant marquée et qui est encore un moteur si fort dans mes recherches et mes choix d’aujourd’hui???
« Ne pas céder sur son désir », c’est ce que j’en avais déduit, à l’époque, avant de rencontrer par mes lectures, Freud…
j’espère que vous m’en donnerez des nouvelles.
Bises
catherine

 

Re: et Re: Spielrein, Jung, Freud et le Néophyte

 

 Malik,

Impossible de ne pas te répondre, je m’y risque.

« biopic de qui ? » Jung, Spielrein (« joue purement ») et Freud à la fois, pourquoi pas, ça gêne qui ?
 
« biopic historique ? »  Mais oui, de tout ce que tu dis, si bien, oui : la tragédie austro-helvétique entre un père et un fils spirituel, la naissance d’une méthode de psychanalyse, la relation défendue et très originale depuis Adam et Eve entre un homme et une femme
 
« poli, léché, récuré… » Comme la Suisse ?
 
« pellicule immaculée remplie de libido » : si elle est remplie de libido, elle n’est certainement pas immaculée,  ou son immaculation est-elle rendue nécessaire du fait même de l’insupportable (pour le coup) en quoi aurait consisté sa présentation de façon « maculée » (drôle de mot)
 
« angles saillants, rentrants, aigus, pourquoi pas obtus ou nuls au lieu de ces angles plats et droits…» bien, ça c’est ton œil de cinéphile qui voit, et peut-être aurons-nous un jour l’occasion de revoir ce film ensemble, en vidéo, et que nous pourrons-nous arrêter, de sorte que tu me montres, car, pour ma part, ces choses-là je ne les vois pas.
 
« néophyte, Keira Knigtley, premières scènes… » : elles m’ont frappées également, et je les ai plutôt trouvées bien faites, je me suis demandée, et j’ai posé la question ici, sur quoi le jeu de l’actrice était basé, et comment, la folie, l’hystérie, ont pu à ce point changer de « comportement ». Je crois que ce qui est montré correspond à une réalité d’époque. Et j’étais frappée de la confrontation de ces corps : la folle, le médecin (tout droit, tout poli, tout léché, d’un machisme palpable). Qu’est-ce qui a changé les symptômes des hystériques ?
 
Bon, je dois filer,
 
V

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Véronique,

merci du retour.

Comme bien précisé dans le titre et tout au long de mon commentaire, je n’y connais rien en psychanalyse. Je vais donc voir un film qui entend me raconter une histoire, au contraire de Bruegel comme nous l’avons tous les deux remarqué dont l’idée n’est justement pas de raconter une histoire. Le problème donc avec ce film est qu’il n’est pas fait par un-e cinéaste sortant d’une école ou faisant son premier film. Si cela était le cas, j’aurais écrit, « comme trop souvent avec un premier film, le réalisateur veut tout raconter, veut tout mettre, et noie son sujet. » Mais Cronenberg n’est pas un néophyte lui. Et cela (me) dérange, non pas en tant que cinéphile (je n’ai jamais particulièrement aimé Cronenberg et ne suis donc pas déçu) mais en tant que simple spectateur. Il a voulu faire un film sous une forme classique, et bien il s’est retrouvé à faire un film qui raconte tout et rien, comme un gamin qui sort de l’école.

Comme je n’ai aucune idée de ce qu’est la talking cure, ni des débuts de la psychanalyse et de ses différentes écoles, comme je ne connaissais pas Spielrein, et ne connaissais que de nom Freud et Jung, je suis bien obligé de prendre ce film sous le seul angle qui fasse que je ne m’endorme pas jusqu’au générique: l’histoire entre un homme et une femme et éventuellement le clash entre un père et un fils spirituel. Soit. Les sujets les plus banals ne font pas de mauvais films, au contraire, mais il faut dans ces cas-là traiter cette chose traiter un million de fois de manière personnelle ou en prenant un angle particulier. De ce point de vue, le film n’est pas mauvais, il est nul. Zéro. Il n’y a rien. Aucune aspérité à laquelle s’accrocher ou réagir (en bien ou en mal peu importe). Rien de rien qu’une pensée pour les gens qui paient leur place pour voir ça.

Pour la « pellicule immaculée remplie de libido » c’est une antithèse oxymorique puisqu’une pellicule pour être visible doit être teintée d’images et (pour moi toujours), je n’y ai vu qu’un débordement de libido. Mais je me trompe certainement, je ne suis que spectateur, alors que toi tu es spécialiste du sujet (? s’il y en a un) du film.

Quant à « la Suisse », elle n’a jamais été polie, léchée et récurée, ceci est un fantasme populaire. La Suisse c’est le pays où les femmes venaient avorter quand cela était interdit dans le reste de l’Europe, c’est le pays où les gens ont le droit de mourir dans la dignité, là où c’est interdit ailleurs, c’est l’endroit qui a débuté en premier en Europe les traitements alternatifs pour les dépendants à la drogue, c’est le pays des montagnes sombres et menaçante de Ramuz, des mondes intérieurs tourmentés de Chessex, des empêcheurs de ronronner en semi-démocratie de Max Frisch et Dürenmatt, des manifestes politiques de Ziegler…et j’en passe.

Les scènes de Keira Knigtley: ta question est intéressante, j’aimerais bien savoir aussi sur quoi elle a basé son jeu. Et ton autre question « Qu’est-ce qui a changé les symptômes des hystériques ?« : en voilà un vrai sujet!

Bon début de semaine
malik

Derniers Jours : Gisèle Freund

James Joyce, Paris, 1939 Tirage photographique couleurs (dye-transfer) © Gisèle Freund / Collection de la famille Freund

 

Derniers jours de l’exposition Gisèle Freund à la fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, proposition escapade via Brigitte Lehmann.
Je pense y aller demain, qui m’accompagne? Brigitte? Vé?
Géraldine.

http://www.fondation-pb-ysl.net/fr/Accueil-Gisele-Freund-564.html

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Fondation Pierre Bergé – Yve Saint Laurent 5 avenue Marceau, 75116 Paris
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Musée d’art et d’histoire du Judaïsme Exposition Walter Benjamin Archives

Proposition d’escapade via Brigitte Lehmann, exposition jusqu’au 5 février. Je suis très intéressée, qui se joindrait à nous?
Géraldine.

Né à Berlin en 1892, dans une famille juive assimilée, Walter Benjamin s’est suicidé à la frontière franco-espagnole le 26 septembre 1940, devant la menace d’être livré aux nazis et envoyé à la mort. C’est à l’un des philosophes et critiques les plus importants du XXe siècle que l’exposition Walter Benjamin Archives est consacrée ; son ambition est de montrer la manière dont le penseur allemand organisait, préservait et inventait ses propres archives, à mesure de ses recherches.

L’exposition rassemble des matériaux, des supports, des objets ou des écrits (manuscrits, tapuscrits, cartes postales, carnets de notes, enveloppes, tickets, photographies, coupures de presse, registres, fichiers, répertoires, carnet d’adresses, paperolles, etc.), qui témoignent tous d’une exigence constante chez Walter Benjamin : arracher à l’oubli une pensée en devenir et en organiser le sauvetage, qu’il s’agisse de sa propre pensée, de celle de ses proches ou de pans entiers de l’histoire négligés. L’exposition est divisée en treize sections auxquelles s’adjoignent neuf sections conçues spécialement pour la présentation au MAHJ.

Sa vie durant, Walter Benjamin a pris soin de confier ses textes, notes ou manuscrits à différents amis (dont Gershom Scholem et Gretel Karplus). À la diversité des matériaux s’ajoute donc le caractère fragmentaire de ces « dépôts ». Ainsi émerge une constellation mouvante d’archives dispersées qui vient former un paysage de pensée d’une rare intensité. Voulue et organisée, cette dispersion fut amplifiée par les aléas de l’histoire : l’exil en France de Walter Benjamin à partir de 1933, ses périodes de refuge aux Baléares ou au Danemark, la disparition de sa bibliothèque, puis la partition de l’Allemagne après-guerre.

Collectionneur passionné (de livres pour enfants notamment), Walter Benjamin a adapté l’objet et la méthode de la collecte au travail de la pensée. L’extraction, le découpage, la citation, le montage, l’association, la juxtaposition, ou encore la mise en regard furent autant de gestes qui lui permirent de déconstruire des logiques de représentation dominantes et de faire apparaître des configurations inédites à l’origine de lectures radicalement nouvelles de l’histoire, de la littérature, du rapport de l’art au politique.

En nous conviant à découvrir ses micrographies et ses propres inventaires, en nous ouvrant ses correspondances, fichiers ou carnets de notes, en montrant son travail de recherche bibliographique ou la constitution de ses collections, cette exposition révèle un mode de pensée et une vision du monde réfléchis dans chacun des actes de Walter Benjamin.

Le livre Walter Benjamin Archives sera publié aux éditions Klincksieck à l’occasion de l’exposition.

http://www.mahj.org/fr/3_expositions/expo-Walter-Benjamin-Archives.php?niv=2&ssniv=

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PARTENARIAT
Tous les visiteurs de l’exposition Gisèle Freund bénéficient d’un tarif réduit pour l’exposition Walter Benjamin, sur simple présentation de leur billet d’entrée à la Fondation, et vice versa.

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L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée

par Walter Benjamin

I

Il est du principe de l’œuvre d’art d’avoir toujours été reproductible. Ce que des hommes avaient fait, d’autres pouvaient toujours le refaire. Ainsi, la réplique fut pratiquée par les maîtres pour la diffusion de leurs œuvres, la copie par les élèves dans l’exercice du métier, enfin le faux par des tiers avides de gain. Par rapport à ces procédés, la reproduction mécanisée de l’œuvre d’art représente quelque chose de nouveau ; technique qui s’élabore de manière intermittente à travers l’histoire, par poussées à de longs intervalles, mais avec une intensité croissante. Avec la gravure sur bois, le dessin fut pour la première fois mécaniquement reproductible il le fut longtemps avant que l’écriture ne le devînt par l’imprimerie. Les formidables changements que l’imprimerie, reproduction mécanisée de l’écriture, a provoqué dans la littérature, sont suffisamment connus. Mais ces procédés ne représentent qu’une étape particulière, d’une portée sans doute considérable, du processus que nous analysons ici sur le plan de l’histoire universelle. La gravure sur bois du Moyen-Age, est suivie de l’estampe et de l’eau-forte, puis, au début du XIXe siècle, de la lithographie.

Avec la lithographie, la technique de reproduction atteint un plan essentiellement nouveau. Ce procédé beaucoup plus immédiat, qui distingue la réplique d’un dessin sur une pierre de son incision sur un bloc de bois ou sur une planche de cuivre, permit à l’art graphique d’écouler sur le marché ses productions, non seulement d’une manière massive comme jusques alors, mais aussi sous forme de créations toujours nouvelles. Grâce à la lithographie, le dessin fut à même d’accompagner illustrativement la vie quotidienne. Il se mit à aller de pair avec l’imprimé. Mais la lithographie en était encore à ses débuts, quand elle se vit dépassée, quelques dizaines d’années après son invention, par celle de la photographie. Pour la première fois dans les procédés reproductifs de l’image, la main se trouvait libérée des obligations artistiques les plus importantes, qui désormais incombaient à l’œil seul. Et comme l’œil perçoit plus rapidement que ne peut dessiner la main, le procédé de la reproduction de l’image se trouva accéléré à tel point qu’il put aller de pair avec la parole. De même que la lithographie contenait virtuellement le journal illustré ainsi la photographie, le film sonore. La reproduction mécanisée du son fut amorcée à la fin du siècle dernier.

Vers 1900, la reproduction mécanisée avait atteint un standard où non seulement elle commençait à faire des œuvres d’art du passé son objet et à transformer par là même leur action, mais encore atteignait à une situation autonome les procédés artistiques. Pour l’étude de ce standard, rien n’est plus révélateur que la manière dont ses deux manifestations différentes reproduction de l’œuvre d’art et art cinématographique se répercutèrent sur l’art dans sa forme traditionnelle.

II

A la reproduction même la plus perfectionnée d’une œuvre d’art, un facteur fait toujours défaut : son hic et nunc, son existence unique au lieu où elle se trouve. Sur cette existence unique, exclusivement, s’exerçait son histoire. Nous entendons par là autant les altérations qu’elle peut subir dans sa structure physique, que les conditions toujours changeantes de propriété par lesquelles elle a pu passer. La trace des premières ne saurait être relevée que par des analyses chimiques qu’il est impossible d’opérer sur la reproduction; les secondes sont l’objet d’une tradition dont la reconstitution doit prendre son point de départ au lieu même où se trouve l’original.

Le hic et nunc de l’original forme le contenu de la notion de l’authenticité, et sur cette dernière repose la représentation d’une tradition qui a transmis jusqu’à nos jours cet objet comme étant resté identique à lui-même. Les composantes de l’authenticité se refusent à toute reproduction, non pas seulement à la reproduction mécanisée. L’original, en regard de la reproduction manuelle, dont il faisait aisément apparaître le produit comme faux, conservait toute son autorité; or, cette situation privilégiée change en regard de la reproduction mécanisée.

Le motif en est double. Tout d’abord, la reproduction mécanisée s’affirme avec plus d’indépendance par rapport à l’original que la reproduction manuelle. Elle peut, par exemple en photographie, révéler des aspects de l’original accessibles non à l’œil nu, mais seulement à l’objectif réglable et libre de choisir son champ et qui, à l’aide de certains procédés tels que l’agrandissement, capte des images qui échappent à l’optique naturelle. En second lieu, la reproduction mécanisée assure à l’original l’ubiquité dont il est naturellement privé. Avant tout, elle lui permet de venir s’offrir à la perception soit sous forme de photographie, soit sous forme de disque. La cathédrale quitte son emplacement pour entrer dans le studio d’un amateur ; le chœur exécuté en plein air ou dans une salle d’audition, retentit dans une chambre.

Ces circonstances nouvelles peuvent laisser intact le contenu d’une œuvre d’art – toujours est-il qu’elles déprécient son hic et nunc. S’il est vrai que cela ne vaut pas exclusivement pour l’œuvre d’art, mais aussi pour un paysage qu’un film déroule devant le spectateur, ce processus atteint l’objet d’art – en cela bien plus vulnérable que l’objet de la nature – en son centre même : son authenticité. L’authenticité d’une chose intègre tout ce qu’elle comporte de transmissible de par son origine, sa durée matérielle comme son témoignage historique. Ce témoignage, reposant sur la matérialité, se voit remis en question par la reproduction, d’où toute matérialité s’est retirée. Sans doute seul ce témoignage est-il atteint, mais en lui l’autorité de la chose et son poids traditionnel.

On pourrait réunir tous ces indices dans la notion d’aura et dire : ce qui, dans l’œuvre d’art, à l’époque de la reproduction mécanisée, dépérit, c’est son aura. Processus symptomatique dont la signification dépasse de beaucoup le domaine de l’art.

La technique de reproduction – telle pourrait être la formule générale – détache la chose reproduite du domaine de la tradition. En multipliant sa reproduction, elle met à la place de son unique existence son existence en série et, en permettant à la reproduction de s’offrir en n’importe quelle situation au spectateur ou à l’auditeur, elle actualise la chose reproduite. Ces deux procès mènent à un puissant bouleversement de la chose transmise, bouleversement de la tradition qui n’est que le revers de la crise et du renouvellement actuel de l’humanité. Ces deux procès sont en étroit rapport avec les mouvements de masse contemporains. Leur agent le plus puissant est le film. Sa signification sociale, même considérée dans sa fonction la plus positive, ne se conçoit pas sans cette fonction destructive, cathartique : la liquidation de ia valeur traditionnelle de l’héritage culturel. Ce phénomène est particulièrement tangible dans les grands films historiques. Il intègre à son domaine des régions toujours nouvelles. Et si Abel Gance, en 1927, s’écrie avec enthousiasme : Shakespeare, Rembrandt, Beethoven feront du cinéma… Toutes les légendes, toute la mythologie et tous les mythes, tous les fondateurs de religions et toutes les religions elles-mêmes… attendent leur résurrection lumineuse, et les héros se bousculent a nos portes pour entrer [1], il convie sans s’en douter à une vaste liquidation.

III

À de grands intervalles dans l’histoire, se transforme en même temps que leur mode d’existence le mode de perception des sociétés humaines. La façon dont le mode de perception s’élabore (le médium dans lequel elle s’accomplit) n’est pas seulement déterminée par la nature humaine, mais par les circonstances historiques. L’époque de l’invasion des Barbares, durant laquelle naquirent l’industrie artistique du Bas-Empire et la Genèse de Vienne, ne connaissait pas seulement un art autre que celui de l’Antiquité, mais aussi une perception autre. Les savants de l’École viennoise, Riegl et Wickhoff, qui réhabilitèrent cet art longtemps déconsidéré sous l’influence des théories classicistes, ont les premiers eu l’idée d’en tirer des conclusions quant au mode de perception particulier à l’époque où cet art était en honneur. Quelle qu’ait été la portée de leur pénétration, elle se trouvait limitée par le fait que ces savants se contentaient de relever les caractéristiques formelles de ce mode de perception. Ils n’ont pas essayé – et peut-être ne pouvaient espérer – de montrer les bouleversements sociaux que révélaient les métamorphoses de la perception.

De nos jours, les conditions d’une recherche correspondante sont plus favorables et, si les transformations dans le médium de la perception contemporaine peuvent se comprendre comme la déchéance de l’aura, il est possible d’en indiquer les causes sociales.

Qu’est-ce en somme que l’aura ? Une singulière trame de temps et d’espace : apparition unique d’un lointain, si proche soit-il. L’homme qui, un après-midi d’été, s’abandonne à suivre du regard le profil d’un horizon de montagnes ou la ligne d’une branche qui jette sur lui son ombre – cet homme respire l’aura de ces montagnes, de cette branche. Cette expérience nous permettra de comprendre la détermination sociale de l’actuelle déchéance de l’aura. Cette déchéance est due à deux circonstances, en rapport toutes deux avec la prise de conscience accentuée des masses et l’intensité croissante de leurs mouvements. Car : la masse revendique que le monde lui soit rendu plus accessible avec autant de passion qu’elle prétend à déprécier l’unicité de tout phénomène en accueillant sa reproduction multiple. De jour en jour, le besoin s’affirme plus irrésistible de prendre possession immédiate de l’objet dans l’image, bien plus, dans sa reproduction. Aussi, telle que les journaux illustrés et les actualités filmées la tiennent à disposition se distingue-t-elle immanquablement de l’image d’art. Dans cette dernière, l’unicité et la durée sont aussi étroitement confondues que la fugacité et la reproductibilité dans le cliché.

Sortir de son halo l’objet en détruisant son aura, c’est la marque d’une perception dont le sens du semblable dans le monde se voit intensifié à tel point que, moyennant la reproduction, elle parvient à standardiser l’unique. Ainsi se manifeste dans le domaine de la réceptivité ce qui déjà, dans le domaine de la théorie, fait l’importance toujours croissante de la statistique. L’action des masses sur la réalité et de la réalité sur les masses représente un processus d’une portée illimitée, tant pour la pensée que pour la réceptivité.

IV

L’unicité de l’oeuvre d’art ne fait qu’un avec son intégration dans la tradition. Par ailleurs, cette tradition elle-même est sans doute quelque chose de fort vivant, d’extraordinairement changeant en soi. Une antique statue de Vénus était autrement située, par rapport à la tradition, chez les Grecs qui en faisaient l’objet d’un culte, que chez les clercs du Moyen-âge qui voyaient en elle une idole malfaisante. Mais aux premiers comme aux seconds elle apparaissait dans tout son caractère d’unicité, en un mot dans son aura. La forme originelle d’intégration de l’œuvre d’art dans la tradition se réalisait dans le culte. Nous savons que les oeuvres d’art les plus anciennes s’élaborèrent au service d’un rituel d’abord magique, puis religieux. Or, il est de la plus haute signification que le mode d’existence de l’oeuvre d’art déterminé par l’aura ne se sépare jamais absolument de sa fonction rituelle. En d’autres termes : la valeur unique de l’oeuvre d’art authentique a sa base dans le rituel. Ce fond rituel, si reculé soit-il, transparaît encore dans les formes les plus profanes du culte de la beauté. Ce culte, qui se développe au cours de la Renaissance, reste en honneur pendant trois siècles – au bout desquels le premier ébranlement sérieux qu’il subit décèle ce fond. Lorsqu’à l’avènement du premier mode de reproduction vraiment révolutionnaire, la photographie (simultanément avec la montée du socialisme), l’art éprouve l’approche de la crise, devenue évidente un siècle plus tard, il réagit par la doctrine de l’art pour l’art, qui n’est qu’une théologie de l’art. C’est d’elle qu’est ultérieurement issue une théologie négative sous forme de l’idée de l’art pur, qui refuse non seulement toute fonction sociale, mais encore toute détermination par n’importe quel sujet concret. (En poésie, Mallarmé fut le premier à atteindre cette position.)

Il est indispensable de tenir compte de ces circonstances historiques dans une analyse ayant pour objet l’oeuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée. Car elles annoncent cette vérité décisive : la reproduction mécanisée, pour la première fois dans l’histoire universelle, émancipe l’oeuvre d’art de son existence parasitaire dans le rituel. Dans une mesure toujours accrue, l’oeuvre d’art reproduite devient reproduction d’une oeuvre d’art destinée à la reproductibilité [2]. Un cliché photographique, par exemple, permet le tirage de quantité d’épreuves : en demander l’épreuve authentique serait absurde. Mais dès l’instant où le critère d’authenticité cesse d’être applicable à la production artistique, l’ensemble de la fonction sociale de l’art se trouve renversé. À son fond ritueldoit se substituer un fond constitué par une pratique autre : la politique.

V

Il serait possible de représenter l’histoire de l’art comme l’opposition de deux pôles de l’oeuvre d’art même, et de retracer la courbe de son évolution en suivant les déplacements du centre de gravité d’un pôle à l’autre. Ces deux pôles sont sa valeur rituelle et sa valeur d’exposition. La production artistique commence par des images au service de la magie. Leur importance tient au fait même d’exister, non au fait d’être vues. L’élan que l’homme de l’âge de la pierre dessine sur les murs de sa grotte est un instrument de magie, qu’il n’expose que par hasard à la vue d’autrui ; l’important serait tout au plus que les esprits voient cette image. La valeur rituelle exige presque que l’oeuvre d’art demeure cachée : certaines statues de dieux ne sont accessibles qu’au prêtre, certaines images de la Vierge restent voilées durant presque toute l’année, certaines sculptures des cathédrales gothiques sont invisibles au spectateur au niveau du sol. Avec l’émancipation des différents procédés d’art au sein du rituel se multiplient pour l’oeuvre d’art les occasions de s’exposer. Un buste, que l’on peut envoyer à tel ou tel endroit, est plus susceptible d’être exposé qu’une statue de dieu qui a sa place fixée dans l’enceinte du temple. Le tableau surpasse à cet égard la mosaïque ou la fresque qui le précédèrent.

Avec les différentes méthodes de reproduction de l’oeuvre d’art, son caractère d’exposabilités’est accru dans de telles proportions que le déplacement quantitatif entre les deux pôles se renverse, comme aux âges préhistoriques, en transformation qualitative de son essence. De même qu’aux âges préhistoriques, l’oeuvre d’art, par le poids absolu de sa valeur rituelle, fut en premier lieu un instrument de magie dont on n’admit que plus tard le caractère artistique, de même de nos jours, par le poids absolu de sa valeur d’exposition, elle devient une création à fonctions entièrement nouvelles – parmi lesquelles la fonction pour nous la plus familière, la fonction artistique, se distingue en ce qu’elle sera sans doute reconnue plus tard accessoire. Du moins est-il patent que le film fournit les éléments les plus probants à pareil pronostic. Il est en outre certain que la portée historique de cette transformation des fonctions de l’art, manifestement déjà fort avancée dans le film, permet la confrontation avec la préhistoire de manière non seulement méthodologique mais matérielle.

VI

L’art de la préhistoire met ses notations plastiques au service de certaines pratiques, les pratiques magiques – qu’il s’agisse de tailler la figure d’un ancêtre (cet acte étant en soi-même magique) ; d’indiquer le mode d’exécution de ces pratiques (la statue étant dans une attitude rituelle) ; ou enfin, de fournir un objet de contemplation magique (la contemplation de la statue s’effectuait selon les exigences d’une société à technique encore confondue avec le rituel). Technique naturellement arriérée en comparaison de la technique mécanique. Mais ce qui importe à la considération dialectique, ce n’est pas l’infériorité mécanique de cette technique, mais sa différence de tendance d’avec la nôtre – la première engageant l’homme autant que possible, la seconde le moins possible. L’exploit de la première, si l’on ose dire, est le sacrifice humain, celui de la seconde s’annoncerait dans l’avion sans pilote dirigé à distance par ondes hertziennes. Une fois pour toutes – ce fut la devise de la première technique (soit la faute irréparable, soit le sacrifice de la vie éternellement exemplaire). Une fois n’est rien- c’est la devise de la seconde technique (dont l’objet est de reprendre, en les variant inlassablement, ses expériences). L’origine de la seconde technique doit être cherchée dans le moment où, guidé par une ruse inconsciente, l’homme s’apprêta pour la première fois à se distancer de la nature. En d’autres termes : la seconde technique naquit dans le jeu.

Le sérieux et le jeu, la rigueur et la désinvolture se mêlent intimement dans l’oeuvre d’art, encore qu’à différents degrés. Ceci implique que l’art est solidaire de la première comme de la seconde technique. Sans doute les termes : domination des forces naturelles n’expriment-ils le but de la technique moderne que de façon fort discutable ; ils appartiennent encore au langage de la première technique. Celle-ci visait réellement à un asservissement de la nature – la seconde bien plus à une harmonie de la nature et de l’humanité. La fonction sociale décisive de l’art actuel consiste en l’initiation de l’humanité à ce jeu harmonien. Cela vaut surtout pour le film. Le film sert à exercer l’homme à la perception et à la réaction déterminées par la pratique d’un équipement technique dont le rôle dans sa vie ne cesse de croître en importance. Ce rôle lui enseignera que son asservissement momentané à cet outillage ne fera place à l’affranchissement par ce même outillage que lorsque la structure économique de l’humanité se sera adaptée aux nouvelles forces productives mises en mouvement par la seconde technique [3].

VII

Dans la photographie, la valeur d’exposition commence à refouler sur toute la ligne la valeur rituelle. Mais celle-ci ne cède pas le terrain sans résister. Elle se retire dans un ultime retranchement : la face humaine. Ce n’est point par hasard que le portrait se trouve être l’objet principal de la première photographie. Le culte du souvenir des êtres aimés, absents ou défunts, offre au sens rituel de l’oeuvre d’art un dernier refuge. Dans l’expression fugitive d’un visage humain, sur d’anciennes photographies, l’aura semble jeter un dernier éclat. C’est ce qui fait leur incomparable beauté, toute chargée de mélancolie. Mais sitôt que la figure humaine tend à disparaître de la photographie, la valeur d’exposition s’y affirme comme supérieure à la valeur rituelle. Le fait d’avoir situé ce processus dans les rues de Paris 1900, en les photographiant désertes, constitue toute l’importance des clichés d’Atget. Avec raison, on a dit qu’il les photographiait comme le lieu d’un crime. Le lieu du crime est désert. On le photographie pour y relever des indices. Dans le procès de l’histoire, les photographies d’Atget prennent la valeur de pièces à conviction. C’est ce qui leur donne une signification politique cachée. Les premières, elles exigent une compréhension dans un sens déterminé. Elles ne se prêtent plus à un regard détaché. Elles inquiètent celui qui les contemple : il sent que pour les pénétrer, il lui faut certains chemins; il a déjà suivi pareils chemins dans les journaux illustrés. De vrais ou de faux – n’importe. Ce n’est que dans ces illustrés que les légendes sont devenues obligatoires. Et il est clair qu’elles ont un tout autre caractère que les titres de tableaux. Les directives que donnent à l’amateur d’images les légendes bientôt se feront plus précises et plus impératives dans le film, où l’interprétation de chaque image est déterminée par la succession de toutes les précédentes.

VIII

Les Grecs ne connaissaient que deux procédés de reproduction mécanisée de l’oeuvre d’art : le moulage et la frappe. Les bronzes, les terracottes et les médailles étaient les seules oeuvres d’art qu’ils pussent produire en série. Tout le reste restait unique et techniquement irreproductible. Aussi ces oeuvres devaient-elles être faites pour l’éternité. Les Grecs se voyaient contraints, de par la situation même de leur technique, de créer un art de valeurs éternelles. C’est à cette circonstance qu’est due leur position exclusive dans l’histoire de l’art, qui devait servir aux générations suivantes de point de repère. Nul doute que la nôtre ne soit aux antipodes des Grecs. Jamais auparavant les oeuvres d’art ne furent à un tel degré mécaniquement reproductibles. Le film offre l’exemple d’une forme d’art dont le caractère est pour la première fois intégralement déterminé par sa reproductibilité. Il serait oiseux de comparer les particularités de cette forme à celles de l’art grec. Sur un point cependant, cette comparaison est instructive. Par le film est devenue décisive une qualité que les Grecs n’eussent sans doute admise qu’en dernier lieu ou comme la plus négligeable de l’art : la perfectibilité de l’oeuvre d’art. Un film achevé n’est rien moins qu’une création d’un seul jet ; il se compose d’une succession d’images parmi lesquelles le monteur fait son choix – images qui de la première à la dernière prise de vue avaient été à volonté retouchables. Pour monter son Opinion publique, film de 3 000 mètres, Chaplin en tourne 125 000. Le film est donc l’oeuvre d’art la plus perfectible, et cette perfectibilité procède directement de son renoncement radical à toute valeur d’éternité. Ce qui ressort de la contre-épreuve : les Grecs, dont l’art était astreint à la production de valeurs éternelles, avaient placé au sommet de la hiérarchie des arts la forme d’art la moins susceptible de perfectibilité, la sculpture, dont les productions sont littéralement tout d’une pièce. La décadence de la sculpture à l’époque des oeuvres d’art montables apparaît comme inévitable.

IX

La dispute qui s’ouvrit, au cours du XIXe siècle, entre la peinture et la photographie, quant à la valeur artistique de leurs productions respectives, apparaît de nos jours confuse et dépassée. Cela n’en diminue du reste nullement la portée, et pourrait au contraire la souligner. En fait, cette querelle était le symptôme d’un bouleversement historique de portée universelle dont ni l’une ni l’autre des deux rivales ne jugeaient toute la portée. L’ère de la reproductibilité mécanisée séparant l’art de son fondement rituel, l’apparence de son autonomie s’évanouit à jamais. Cependant le changement des fonctions de l’art qui en résultait dépassait les limites des perspectives du siècle. Et même, la signification en échappait encore au XXe siècle – qui vit la naissance du film.

Si l’on s’était auparavant dépensé en vaines subtilités pour résoudre ce problème : la photographie est-elle ou n’est-elle pas un art ? – sans s’être préalablement demandé si l’invention même de la photographie n’avait pas, du tout au tout, renversé le caractère fondamental de l’art – les théoriciens du cinéma à leur tour s’attaquèrent à cette question prématurée. Or, les difficultés que la photographie avait suscitées à l’esthétique traditionnelle n’étaient que jeux d’enfant au regard de celles que lui préparait le film. D’où l’aveuglement obstiné qui caractérise les premières théories cinématographiques. C’est ainsi qu’Abel Gance, par exemple, prétend : Nous voilà, par un prodigieux retour en arrière, revenus sur le plan d’expression des Egyptiens… Le langage des images n’est pas encore au point parce que nos yeux ne sont pas encore faits pour elles. Il n’y a pas encore assez de respect, de culte pour ce qu’elles expriment. [4]Séverin-Mars écrit : Quel art eut un rêve plus hautain, plus poétique à la fois et plus réel. Considéré ainsi, le cinématographe deviendrait un moyen d’expression tout à fait exceptionnel, et dans son atmosphère ne devraient se mouvoir que des personnages de la pensée la plus supérieure aux moments les plus parfaits et les plus mystérieux de leur course. [5]Alexandre Arnoux de son côté achevant une fantaisie sur le film muet, va même jusqu’à demander : En somme, tous les termes hasardeux que nous venons d’employer ne définissent-ils pas la prière ? [6]Il est significatif de constater combien leur désir de classer le cinéma parmi les arts, pousse ces théoriciens à faire entrer brutalement dans le film des éléments rituels. Et pourtant, à l’époque de ces spéculations, des oeuvres telles que L’Opinion publique et La Ruée vers l’or se projetaient sur tous les écrans. Ce qui n’empêche pas Gance de se servir de la comparaison des hiéroglyphes, ni Séverin-Mars de parler du film comme des peintures de Fra Angelico. Il est caractéristique qu’aujourd’hui encore des auteurs conservateurs cherchent l’importance du film, sinon dans le sacral, du moins dans le surnaturel. Commentant la réalisation du Songe d’une nuit d’été, par Reinhardt, Werfel constate que c’est sans aucun doute la stérile copie du monde extérieur avec ses rues, ses intérieurs, ses gares, ses restaurants, ses autos et ses plages qui a jusqu’à présent entravé l’essor du film vers le domaine de l’art. Le film n’a pas encore saisi son vrai sens, ses véritables possibilités… Celles-ci consistent dans sa faculté spécifique d’exprimer par des moyens naturels et avec une incomparable force de persuasion tout ce qui est féerique, merveilleux et surnaturel. [7]

X

Photographier un tableau est un mode de reproduction ; photographier un événement fictif dans un studio en est un autre. Dans le premier cas, la chose reproduite est une oeuvre d’art, sa reproduction ne l’est point. Car l’acte du photographe réglant l’objectif ne crée pas davantage une oeuvre d’art que celui du chef d’orchestre dirigeant une symphonie. Ces actes représentent tout au plus des performances artistiques. Il en va autrement de la prise de vue au studio. Ici la chose reproduite n’est déjà plus oeuvre d’art, et la reproduction l’est tout aussi peu que dans le premier cas. L’oeuvre d’art proprement dite ne s’élabore qu’au fur et à mesure que s’effectue le découpage. Découpagedont chaque partie intégrante est la reproduction d’une scène qui n’est oeuvre d’art ni par elle-même ni par la photographie. Que sont donc ces événements reproduits dans le film, s’il est clair que ce ne sont point des oeuvres d’art ?

La réponse devra tenir compte du travail particulier de l’interprète de film. Il se distingue de l’acteur de théâtre en ceci que son jeu qui sert de base à la reproduction, s’effectue, non devant un public fortuit, mais devant un comité de spécialistes qui, en qualité de directeur de production, metteur en scène, opérateur, ingénieur du son ou de l’éclairage, etc., peuvent à tout instant intervenir personnellement dans son jeu. II s’agit ici d’un indice social de grande importance. L’intervention d’un comité de spécialistes dans une performance donnée est caractéristique du travail sportif et, en général, de l’exécution d’un test. Pareille intervention détermine en fait tout le processus de la production du film. On sait que pour de nombreux passages de la bande, on tourne des variantes. Par exemple, un cri peut donner lieu à divers enregistrements. Le monteur procède alors à une sélection établissant ainsi une sorte de record. Un événement fictif tourné dans un studio se distingue donc de l’événement réel correspondant comme se distinguerait la projection d’un disque sur une piste, dans un concours sportif, de la projection du même disque au même endroit, sur la même trajectoire, si cela avait lieu pour tuer un homme. Le premier acte serait l’exécution d’un test, mais non le second.

Il est vrai que l’épreuve de test soutenue par un interprète de l’écran est d’un ordre tout à fait unique. En quoi consiste-t-elle ? À dépasser certaine limite qui restreint étroitement la valeur sociale d’épreuves de test. Nous rappellerons qu’il ne s’agit point ici d’épreuve sportive, mais uniquement d’épreuves de tests mécanisés. Le sportsman ne connaît pour ainsi dire que les tests naturels. Il se mesure aux épreuves que la nature lui fixe, non à celles d’un appareil quelconque – à quelques exceptions prés, tel Nurmi qui, dit-on, courait contre la montre. Entre-temps, le processus du travail, surtout depuis sa normalisation par le système de la chaîne, soumet tous les jours d’innombrables ouvriers à d’innombrables épreuves de tests mécanisés. Ces épreuves s’établissent automatiquement : est éliminé qui ne peut les soutenir. Par ailleurs, ces épreuves sont ouvertement pratiquées par les instituts d’orientation professionnelle.

Or, ces épreuves présentent un inconvénient considérable : à la différence des épreuves sportives, elles ne se prêtent pas à l’exposition dans la mesure désirable. C’est là, justement qu’intervient le film. Le film rend l’exécution d’un test susceptible d’être exposée en faisant de cette exposabilité même un test. Car interprète de l’écran ne joue pas devant un public, mais devant un appareil enregistreur. Le directeur de prise de vue, pourrait-on dire, occupe exactement la même place que le contrôleur du test lors de l’examen d’aptitude professionnelle. Jouer sous les feux des sunlights tout en satisfaisant aux exigences du microphone, c’est là une performance de premier ordre. S’en acquitter, c’est pour l’acteur garder toute son humanité devant les appareils enregistreurs. Pareille performance présente un immense intérêt. Car c’est sous le contrôle d’appareils que le plus grand nombre des habitants des villes, dans les comptoirs comme dans les fabriques, doivent durant la journée de travail abdiquer leur humanité. Le soir venu, ces mêmes masses remplissent les salles de cinéma pour assister à la revanche que prend pour elles l’interprète de l’écran, non seulement en affirmant son humanité (ou ce qui en tient lieu) face à l’appareil, mais en mettant ce dernier au service de son propre triomphe.

XI

Pour le film, il importe bien moins que l’interprète représente quelqu’un d’autre aux yeux du public que lui-même devant l’appareil. L’un des premiers à sentir cette métamorphose que l’épreuve de test fait subir à l’interprète fut Pirandello. Les remarques qu’il fait à ce sujet dans son roman On tourne, encore qu’elles fassent uniquement ressortir l’aspect négatif de la question, et que Pirandello ne parle que du film muet, gardent toute leur valeur. Car le film sonore n’y a rien changé d’essentiel. La chose décisive est qu’il s’agit de jouer devant un appareil dans le premier cas, devant deux dans le second. Les acteurs de cinéma, écrit Pirandello, se sentent comme en exil. En exil non seulement de la scène, mais encore d’eux-mêmes. Ils remarquent confusément, avec une sensation de dépit, d’indéfinissable vide et même de faillite, que leur corps est presque subtilisé, supprimé, privé de sa réalité, de sa vie, de sa voix, du bruit qu’il produit en se remuant, pour devenir une image muette qui tremble un instant sur l’écran et disparaît en silence… La petite machine jouera devant le public avec leurs ombres, et eux, ils doivent se contenter de jouer devant elle. [8]

Le fait pourrait aussi se caractériser comme suit : pour la première fois – et c’est là l’oeuvre du film – l’homme se trouve mis en demeure de vivre et d’agir totalement de sa propre personne, tout en renonçant du même coup à son aura. Car l’aura dépend de son hic et nunc. Il n’en existe nulle reproduction, nulle réplique. L’aura qui, sur la scène, émane de Macbeth, le public l’éprouve nécessairement comme celui de l’acteur jouant ce rôle. La singularité de la prise de vues au studio tient à ce que l’appareil se substitue au public. Avec le public disparaît l’aura qui environne l’interprète et avec celui de l’interprète l’aura de son personnage.

Rien d’étonnant à ce qu’un dramaturge tel que Pirandello, en caractérisant l’interprète de l’écran, touche involontairement au fond même de la crise dont nous voyons le théâtre atteint. À l’oeuvre exclusivement conçue pour la technique de reproduction telle que le film ne saurait en effet s’opposer rien de plus décisif que l’oeuvre scénique. Toute considération plus approfondie le confirme. Les observateurs spécialisés ont depuis longtemps reconnu que c’est presque toujours en jouant le moins possible que l’on obtient les plus puissants effets cinématographiques… . Dès 1932, Arnheim considère comme dernier progrès du film de n’y tenir l’acteur que pour un accessoire choisi en raison de ses caractéristiques… et que l’on intercale au bon endroit [9]. À cela se rattache étroitement autre chose. L ‘acteur de scène s’identifie au caractère de son rôle. L’interprète d’écran n ‘en a pas toujours la possibilité. Sa création n’est nullement tout d’une pièce ; elle se compose de nombreuses créations distinctes. A part certaines circonstances fortuites telles que la location du studio, le choix et la mobilisation des partenaires, la confection des décors et autres accessoires, ce sont d’élémentaires nécessités de machinerie qui décomposent le jeu de l’acteur en une série de créations montables. II s’agit avant tout de l’éclairage dont l’installation oblige à filmer un événement qui, sur l’écran, se déroulera en une scène rapide et unique, en une suite de prises de vues distinctes qui peuvent parfois se prolonger des heures durant au studio. Sans même parler de truquages plus frappants. Si un saut, du haut d’une fenêtre à l’écran, peut fort bien s’effectuer au studio du haut d’un échafaudage, la scène de la fuite qui succède au saut ne se tournera, au besoin, que plusieurs semaines plus tard au cours des prises d’extérieurs. Au reste, l’on reconstitue aisément des cas encore plus paradoxaux. Admettons que l’interprète doive sursauter après des coups frappés à une porte. Ce sursaut n’est-il pas réalisé à souhait, le metteur en scène peut recourir à quelque expédient : profiter d’une présence occasionnelle de l’interprète au studio pour faire éclater un coup de feu. L’effroi vécu, spontané de l’interprète, enregistré à son insu, pourra s’intercaler dans la bande. Rien ne montre avec tant de plasticité que l’art s’est échappé du domaine de la belle apparence, qui longtemps passa pour le seul où il pût prospérer.

XII

Dans la représentation de l’image de l’homme par l’appareil, l’aliénation de l’homme par lui-même trouve une utilisation hautement productive. On en mesurera toute l’étendue au fait que le sentiment d’étrangeté de l’interprète devant l’objectif, décrit par Pirandello, est de même origine que le sentiment d’étrangeté de l’homme devant son image dans le miroir – sentiment que les romantiques aimaient à pénétrer. Or, désormais cette image réfléchie de l’homme devient séparable de lui, transportable et où ? Devant la masse. Évidemment, l’interprète de l’écran ne cesse pas un instant d’en avoir conscience. Durant qu’il se tient devant l’objectif, il sait qu’il aura à faire en dernière instance à la masse des spectateurs. Ce marché que constitue la masse, où il viendra offrir non seulement sa puissance de travail, mais encore son physique, il lui est aussi impossible de se le représenter que pour un article d’usine. Cette circonstance ne contribuerait-elle pas, comme l’a remarqué Pirandello, à cette oppression, à cette angoisse nouvelle qui l’étreint devant l’objectif ? À cette nouvelle angoisse correspond, comme de juste, un triomphe nouveau : celui de la star. Favorisé par le capital du film, le culte de la vedette conserve ce charme de la personnalité qui depuis longtemps n’est que le faux rayonnement de son essence mercantile. Ce culte trouve son complément dans le culte du public, culte qui favorise la mentalité corrompue de masse que les régimes autoritaires cherchent à substituer à sa conscience de classe. Si tout se conformait au capital cinématographique, le processus s’arrêterait à l’aliénation de soi-même, chez l’artiste de l’écran comme chez les spectateurs. Mais la technique du film prévient cet arrêt : elle prépare le renversement dialectique.

XIII

Il appartient à la technique du film comme à celle du sport que tout homme assiste plus ou moins en connaisseur à leurs exhibitions. Pour s’en rendre compte, il suffit d’entendre un groupe de jeunes porteurs de journaux appuyés sur leurs bicyclettes, commenter les résultats de quelque course cycliste ; en ce qui concerne le film, les actualités prouvent assez nettement qu’un chacun peut se trouver filmé. Mais la question n’est pas la. Chaque homme aujourd’hui a le droit d’être filmé. Ce droit, la situation historique de la vie littéraire actuelle permettrait de le comprendre.

Durant des siècles, les conditions déterminantes de la vie littéraire affrontaient un petit nombre d’écrivains à des milliers de lecteurs. La fin du siècle dernier vit se produire un changement. Avec l’extension croissante de la presse, qui ne cessait de mettre de nouveaux organes politiques, religieux, scientifiques, professionnels et locaux à la disposition des lecteurs, un nombre toujours plus grand de ceux-ci se trouvèrent engagés occasionnellement dans la littérature. Cela débuta avec les boîtes aux lettresque la presse quotidienne ouvrit à ses lecteurs – si bien que, de nos jours, il n’y a guère de travailleur européen qui ne se trouve à même de publier quelque part ses observations personnelles sur le travail sous forme de reportage ou n’importe quoi de cet ordre. La différence entre auteur et public tend ainsi à perdre son caractère fondamental. Elle n’est plus que fonctionnelle, elle peut varier d’un cas à l’autre. Le lecteur est à tout moment prêt à passer écrivain. En qualité de spécialiste qu’il a dû tant bien que mal devenir dans un processus de travail différencié à l’extrême – et le fût-il d’un infime emploi – il peut à tout moment acquérir la qualité d’auteur. Le travail lui-même prend la parole. Et sa représentation par le mot fait partie intégrante du pouvoir nécessaire à son exécution. Les compétences littéraires ne se fondent plus sur une formation spécialisée, mais sur une polytechnique et deviennent par là bien commun.

Tout cela vaut également pour le film, où les décalages qui avaient mis des siècles à se produire dans la vie littéraire se sont effectués au cours d’une dizaine d’années. Car dans la pratique cinématographique – et surtout dans la pratique russe – ce décalage s’est en partie déjà réalisé. Un certain nombre d’interprètes des films soviétiques ne sont point des acteurs au sens occidental du mot, mais des hommes jouant leur propre rôle – tout premièrement leur rôle dans le processus du travail. En Europe occidentale, l’exploitation du film par le capital cinématographique interdit à l’homme de faire valoir son droit à se montrer dans ce rôle. Au reste, le chômage l’interdit également, qui exclut de grandes masses de la production dans le processus de laquelle elles trouveraient surtout un droit à se voir reproduites. Dans ces conditions, l’industrie cinématographique a tout intérêt à stimuler la masse par des représentations illusoires et des spéculations équivoques. À cette fin, elle a mis en branle un puissant appareil publicitaire : elle a tiré parti de la carrière et de la vie amoureuse des stars, elle a organisé des plébiscites et des concours de beauté. Elle exploite ainsi un élément dialectique de formation de la masse. L’aspiration de l’individu isolé à se mettre à la place de la star, c’est-à-dire à se dégager de la masse, est précisément ce qui agglomère les masses spectatrices des projections. C’est de cet intérêt tout privé que joue l’industrie cinématographique pour corrompre l’intérêt originel justifié des masses pour le film.

XIV

La prise de vues et surtout l’enregistrement d’un film offrent une sorte de spectacle telle qu’on n’en avait jamais vue auparavant. Spectacle qu’on ne saurait regarder d’un point quelconque sans que tous les auxiliaires étrangers à la mise en scène même – appareils d’enregistrement, d’éclairage, état-major d’assistants – ne tombent dans le champ visuel (à moins que la pupille du spectateur fortuit ne coïncide avec l’objectif). Ce simple fait suffit seul à rendre superficielle et vaine toute comparaison entre enregistrement au studio et répétition théâtrale. De par son principe, le théâtre connaît le point d’où l’illusion de l’action ne peut être détruite. Ce point n’existe pas vis-à-vis de la scène de film qu’on enregistre. La nature illusionniste du film est une nature au second degré – résultat du découpage. Ce qui veut dire : au studio l’équipement technique a si profondément pénétré la réalité que celle-ci n’apparaît dans le film dépouillée de l’outillage que grâce à une procédure particulière – à savoir l’angle de prise de vues par la caméra et le montage de cette prise avec d’autres de même ordre.

Dans le monde du film la réalité n’apparaît dépouillée des appareils que par le plus grand des artifices et la réalité immédiates’y présente comme la fleur bleue au pays de la Technique.

Ces données, ainsi bien distinctes de celles du théâtre, peuvent être confrontées de manière encore plus révélatrice avec celles de la peinture. II nous faut ici poser cette question : quelle est la situation de l’opérateur par rapport au peintre ? Pour y répondre, nous nous permettrons de tirer parti de la notion d’opérateur, usuelle en chirurgie. Or, le chirurgien se tient à l’un des pôles d’un univers dont l’autre est occupé par le magicien. Le comportement du magicien qui guérit un malade par imposition des mains diffère de celui du chirurgien qui procède à une intervention dans le corps du malade. Le magicien maintient la distance naturelle entre le patient et lui ou, plus exactement, s’il ne la diminue – par l’imposition des mains – que très peu, il l’augmente – par son autorité – de beaucoup. Le chirurgien fait exactement l’inverse : il diminue de beaucoup la distance entre lui et le patient – en pénétrant à l’intérieur du corps de celui-ci – et ne l’augmente que de peu – par la circonspection avec laquelle se meut sa main parmi les organes. Bref, à la différence du mage (dont le caractère est encore inhérent au praticien), le chirurgien s’abstient au moment décisif d’adopter le comportement d’homme à homme vis-à-vis du malade : c’est opératoirement qu’il le pénètre plutôt.

Le peintre est à l’opérateur ce qu’est le mage au chirurgien. Le peintre conserve dans son travail une distance normale vis-à-vis de la réalité de son sujet – par contre le cameraman pénètre profondément les tissus de la réalité donnée. Les images obtenues par l’un et par l’autre résultent de procès absolument différents. L’image du peintre est totale, celle du cameraman faite de fragments multiples coordonnés selon une loi nouvelle.

C’est ainsi que, de ces deux modes de représentation de la réalité – la peinture et le film – le dernier est pour l’homme actuel incomparablement le plus significatif, parce qu’il obtient de la réalité un aspect dépouillé de tout appareil – aspect que l’homme est en droit d’attendre de l’oeuvre d’art précisément grâce à une pénétration intensive du réelpar les appareils.

XV

La reproduction mécanisée de l’oeuvre d’art modifie la façon de réagir de la masse vis-à-vis de l’art. De rétrograde qu’elle se montre devant un Picasso par exemple, elle se fait le public le plus progressiste en face d’un Chaplin. Ajoutons que, dans tout comportement progressiste, le plaisir émotionnel et spectaculaire se confond immédiatement et intimement avec l’attitude de l’expert. C’est là un indice social important. Car plus l’importance sociale d’un art diminue, plus s’affirme dans le public le divorce entre l’attitude critique et le plaisir pur et simple. On goûte sans critiquer le conventionnel – on critique avec dégoût le véritablement nouveau. Il n’en est pas de même au cinéma. La circonstance décisive y est en effet celle-ci : les réactions des individus isolés, dont la somme constitue la réaction massive du public, ne se montrent nulle part ailleurs plus qu’au cinéma déterminées par leur multiplication imminente. Tout en se manifestant, ces réactions se contrôlent. Ici, la comparaison à la peinture s’impose une fois de plus. Jadis, le tableau n’avait pu s’offrir qu’à la contemplation d’un seul ou de quelques-uns. La contemplation simultanée de tableaux par un grand public, telle qu’elle s’annonce au XIXe siècle, est un symptôme précoce de la crise de la peinture, qui ne fut point exclusivement provoquée par la photographie mais, d’une manière relativement indépendante de celle-ci, par la tendance de l’oeuvre d’art à rallier les masses.

En fait, le tableau n’a jamais pu devenir l’objet d’une réception collective,ainsi que ce fut le cas de tout temps pour l’architecture, jadis pour le poème épique, aujourd’hui pour le film. Et, si peu que cette circonstance puisse se prêter à des conclusions quant au rôle social de la peinture, elle n’en représente pas moins une lourde entrave à un moment où le tableau, dans les conditions en quelque sorte contraires à sa nature, se voit directement confronté avec les masses. Dans les églises et les monastères du Moyen-Age, ainsi que dans les cours des princes jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la réception collective des oeuvres picturales ne s’effectuait pas simultanément sur une échelle égale, mais par une entremise infiniment graduée et hiérarchisée. Le changement qui s’est produit depuis n’exprime que le conflit particulier dans lequel la peinture s’est vue impliquée par la reproduction mécanisée du tableau. Encore qu’on entreprît de l’exposer dans les galeries et les salons, la masse ne pouvait guère s’y contrôler et s’organiser comme le fait, à la faveur de ses réactions, le public du cinéma. Aussi le même public qui réagit dans un esprit progressiste devant un film burlesque, doit-il nécessairement réagir dans un esprit rétrograde en face de n’importe quelle production du surréalisme.

XVI

Parmi les fonctions sociales du film, la plus importante consiste à établir l’équilibre entre l’homme et l’équipement technique. Cette tâche, le film ne l’accomplit pas seulement par la manière dont l’homme peut s’offrir aux appareils, mais aussi par la manière dont il peut à l’aide de ses appareils se représenter le monde environnant. Si le film, en relevant par ses gros plans dans l’inventaire du monde extérieur des détails généralement cachés d’accessoires familiers, en explorant des milieux banals sous la direction géniale de l’objectif, étend d’une part notre compréhension aux mille déterminations dont dépend notre existence, il parvient d’autre part à nous ouvrir un champ d’action immense et insoupçonné.

Nos bistros et nos avenues de métropoles, nos bureaux et chambres meublées, nos gares et nos usines paraissaient devoir nous enfermer sans espoir d’y échapper jamais. Vint le film, qui fit sauter ce monde-prison par la dynamite des dixièmes de seconde, si bien que désormais, au milieu de ses ruines et débris au loin projetés, nous faisons insoucieusement d’aventureux voyages.Sous la prise de vues à gros plan s’étend l’espace, sous le temps de pose se développe le mouvement. De même que dans l’agrandissement il s’agit bien moins de rendre simplement précis ce qui sans cela garderait un aspect vague que de mettre en évidence des formations structurelles entièrement nouvelles de la matière, il s’agit moins de rendre par le temps de pose des motifs de mouvement que de déceler plutôt dans ces mouvements connus, au moyen du ralenti, des mouvements inconnus qui, loin de représenter des ralentissements de mouvements rapides, font l’effet de mouvements singulièrement glissants, aériens, surnaturels. [10]

Il devient ainsi tangible que la nature qui parle à la caméra, est autre que celle qui parle aux yeux. Autre surtout en ce sens qu’à un espace consciemment exploré par l’homme se substitue un espace qu’il a inconsciemment pénétré. S’il n’y a rien que d’ordinaire au fait de se rendre compte, d’une manière plus ou moins sommaire, de la démarche d’un homme, on ne sait encore rien de son maintien dans la fraction de seconde d’une enjambée. Le geste de saisir le briquet ou la cuiller nous est-il aussi conscient que familier, nous ne savons néanmoins rien de ce qui se passe alors entre la main et le métal, sans parler même des fluctuations dont ce processus inconnu peut être susceptible en raison de nos diverses dispositions psychiques. C’est ici qu’intervient la caméra avec tous ses moyens auxiliaires, ses chutes et ses ascensions, ses interruptions et ses isolements, ses extensions et ses accélérations, ses agrandissements et ses rapetissements. C’est elle qui nous initie à l’inconscient optique comme la psychanalyse à l’inconscient pulsionnel.

Au reste, les rapports les plus étroits existent entre ces deux formes de l’inconscient, car les multiples aspects que l’appareil enregistreur peut dérober à la réalité se trouvent pour une grande part exclusivement en dehors du spectre normal de la perception sensorielle. Nombre des altérations et stéréotypes, des transformations et des catastrophes que le monde visible peut subir dans le film l’affectent réellement dans les psychoses, les hallucinations et les rêves. Les déformations de la caméra sont autant de procédés grâce auxquels la perception collectives’approprie les modes de perception du psychopathe et du rêveur. Ainsi, dans l’antique vérité hératiclienne – les hommes à l’état de veille ont un seul monde commun à tous, mais pendant le sommeil chacun retourne à son propre monde – le film a fait une brèche, et notamment moins par des représentations du monde onirique que par la création de figures puisées dans le rêve collectif, telles que Mickey Mouse, faisant vertigineusement le tour du globe.

Si l’on se rend compte des dangereuses tensions que la technique rationnelle a engendrées au sein de l’économie capitaliste devenue depuis longtemps irrationnelle, on reconnaîtra par ailleurs que cette même technique a créé, contre certaines psychoses collectives, des moyens d’immunisation, à savoir certains films. Ceux-ci, parce qu’ils présentent des fantasmes sadiques et des images délirantes masochistes de manière artificiellement forcée, préviennent la maturation naturelle de ces troubles dans les masses, particulièrement exposées en raison des formes actuelles de l’économie. L’hilarité collective représente l’explosion prématurée et salutaire de pareilles psychoses collectives. Les énormes quantités d’incidents grotesques qui sont consommées dans le film sont un indice frappant des dangers qui menacent l’humanité du fond des pulsions refoulées par la civilisation actuelle. Les films burlesques américains et les bandes de Disney déclenchent un dynamitage de l’inconscient. [11]Leur précurseur avait été l’excentrique. Dans les nouveaux champs ouverts par le film, il avait été le premier à s’installer. C’est ici que se situe la figure historique de Chaplin.

XVII

L’une des tâches les plus importantes de l’art a été de tout temps d’engendrer une demande dont l’entière satisfaction devait se produire à plus ou moins longue échéance. L’histoire de toute forme d’art connaît des époques critiques où cette forme aspire à des effets qui ne peuvent s’obtenir sans contrainte qu’à base d’un standard technique transformé, c’est-à-dire dans une forme d’art nouvelle. Les extravagances et les crudités de l’art, qui se produisent ainsi particulièrement dans les soi-disant époques décadentes, surgissent en réalité de son foyer créateur le plus riche. De pareils barbarismes ont en de pareilles heures fait la joie du dadaïsme. Ce n’est qu’à présent que son impulsion devient déterminable : le dadaïsme essaya d’engendrer, par des moyens picturaux et littéraires, les effets que le public cherche aujourd’hui dans le film.

Toute création de demande foncièrement nouvelle, grosse de conséquences, portera au-delà de son but. C’est ce qui se produisait pour les dadaistes, au point qu’ils sacrifiaient les valeurs négociables, exploitées avec tant de succès par le cinéma, en obéissant à des instances dont, bien entendu, ils ne se rendaient pas compte. Les dadaïstes s’appuyèrent beaucoup moins sur l’utilité mercantile de leurs oeuvres que sur l’impropriété de celles-ci au recueillement contemplatif. Pour atteindre a cette impropriété, la dégradation préméditée de leur matériel ne fut pas leur moindre moyen. Leurs poèmes sont, comme disent les psychiatres allemands, des salades de mots, faites de tournures obscènes et de tous les déchets imaginables du langage. II en est de même de leurs tableaux, sur lesquels ils ajustaient des boutons et des tickets. Ce qu’ils obtinrent par de pareils moyens, fut une impitoyable destruction de l’aura même de leurs créations, auxquelles ils appliquaient, avec les moyens de la production, la marque infamante de la reproduction. Il est impossible, devant un tableau d’Arp ou un poème d’August Stramm, de prendre le temps de se recueillir et d’apprécier comme en face d’une toile de Derain ou d’un poème de Rilke. Au recueillement qui, dans la déchéance de la bourgeoisie, devint un exercice de comportement asocial [12], s’oppose la distraction en tant qu’initiation à de nouveaux modes d’attitude sociale. Aussi, les manifestations dadaïstes assurèrent-elles une distraction fort véhémente en faisant de l’oeuvre d’art le centre d’un scandale. Il s’agissait avant tout de satisfaire à cette exigence : provoquer un outrage public.

De tentation pour l’oeil ou de séduction pour l’oreille que l’oeuvre était auparavant, elle devint projectile chez les dadaïstes. Spectateur ou lecteur, on en était atteint. L’oeuvre d’art acquit une qualité traumatique. Elle a ainsi favorisé la demande de films, dont l’élément distrayant est également en première ligne traumatisant, basé qu’il est sur les changements de lieu et de plan qui assaillent le spectateur par à-coups. Que l’on compare la toile sur laquelle se déroule le film à la toile du tableau ; l’image sur la première se transforme, mais non l’image sur la seconde. Cette dernière invite le spectateur à la contemplation. Devant elle, il peut s’abandonner à ses associations. I1 ne le peut devant une prise de vue. À peine son oeil l’a-t-elle saisi que déjà elle s’est métamorphosée. Elle ne saurait être fixée. Duhamel, qui déteste le film, mais non sans avoir saisi quelques éléments de sa structure, commente ainsi cette circonstance : Je ne peux déjà plus penser ce que je veux. Les images mouvantes se substituent à mes propres pensées. [13]

En fait, le processus d’association de celui qui contemple ces images est aussitôt interrompu par leurs transformations. C’est ce qui constitue le choc traumatisant du film qui, comme tout traumatisme, demande à être amorti par une attention soutenue. [14]Par son mécanisme même, le film a rendu leur caractère physique aux traumatismes moraux pratiqués par le dadaïsme.

XVIII

La masse est la matrice où, à l’heure actuelle, s’engendre l’attitude nouvelle vis-à-vis de l’oeuvre d’art. La quantité se transmue en qualité : les masses beaucoup plus grandes de participants ont produit un mode transformé de participation.Le fait que ce mode se présente d’abord sous une forme décriée ne doit pas induire en erreur et, cependant, il n’en a pas manqué pour s’en prendre avec passion à cet aspect superficiel du problème. Parmi ceux-ci, Duhamel s’est exprimé de la manière la plus radicale. Le principal grief qu’il fait au film est le mode de participation qu’il suscite chez les masses. Duhamel voit dans le film un divertissement d’îlotes, un passe-temps d’illettrés, de créatures misérables, ahuris par leur besogne et leurs soucis…, un spectacle qui ne demande aucun effort, qui ne suppose aucune suite dans les idées…, n’éveille au fond des coeurs aucune lumière, n’excite aucune espérance, sinon celle, ridicule d’être un jour « star » à Los-Angeles. [15]

On le voit, c’est au fond toujours la vieille plainte que les masses ne cherchent qu’à se distraire, alors que l’art exige le recueillement. C’est là un lieu commun. Reste à savoir s’il est apte à résoudre le problème. Celui qui se recueille devant l’oeuvre d’art s’y plonge : il y pénètre comme ce peintre chinois qui disparut dans le pavillon peint sur le fond de son paysage. Par contre, la masse, de par sa distraction même, recueille l’oeuvre d’art dans son sein, elle lui transmet son rythme de vie, elle l’embrasse de ses flots. L’architecture en est un exemple des plus saisissants. De tout temps elle offrit le prototype d’un art dont la réception réservée à la collectivité s’effectuait dans la distraction. Les lois de cette réception sont des plus révélatrices.

Les architectures ont accompagné l’humanité depuis ses origines. Nombre de genres d’art se sont élaborés pour s’évanouir. La tragédie naît avec les Grecs pour s’éteindre avec eux ; seules les règles en ressuscitèrent, des siècles plus tard. Le poème épique, dont l’origine remonte à l’enfance des peuples, s’évanouit en Europe au sortir de la Renaissance. Le tableau est une création du Moyen Âge, et rien ne semble garantir à ce mode de peinture une durée illimitée. Par contre, le besoin humain de se loger demeure constant. L’architecture n’a jamais chômé. Son histoire est plus ancienne que celle de n’importe quel art, et il est utile de tenir compte toujours de son genre d’influence quand on veut comprendre le rapport des masses avec l’art. Les constructions architecturales sont l’objet d’un double mode de réception : l’usage et la perception, ou mieux encore : le toucher et la vue. On ne saurait juger exactement la réception de l’architecture en songeant au recueillement des voyageurs devant les édifices célèbres. Car il n’existe rien dans la perception tactile qui corresponde à ce qu’est la contemplation dans la perception optique. La réception tactile s’effectue moins par la voie de l’attention que par celle de l’habitude. En ce qui concerne l’architecture, l’habitude détermine dans une large mesure même la réception optique. Elle aussi, de par son essence, se produit bien moins dans une attention soutenue que dans une impression fortuite. Or, ce mode de réception, élaboré au contact de l’architecture, a dans certaines circonstances acquis une valeur canonique. Car : les tâches qui, aux tournants de l’histoire, ont été imposées à la perception humaine ne sauraient guère être résolues par la simple optique, c’est-à-dire la contemplation. Elles ne sont que progressivement surmontées par l’habitude d’une optique approximativement tactile.

S’habituer, le distrait le peut aussi. Bien plus : ce n’est que lorsque nous surmontons certaines tâches dans la distraction que nous sommes sûrs de les résoudre par l’habitude. Au moyen de la distraction qu’il est à même de nous offrir, l’art établit à notre insu jusqu’à quel point de nouvelles taches de la perception sont devenues solubles. Et comme, pour l’individu isolé, la tentation subsiste toujours de se soustraire à de pareilles tâches, l’art saura s’attaquer aux plus difficiles et aux plus importantes toutes les fois qu’il pourra mobiliser des masses. Il le fait actuellement par le film. La réception dans la distraction, qui s’affirme avec une croissante intensité dans tous les domaines de l’art et représente le symptôme de profondes transformations de la perception, a trouvé dans le film son propre champ d’expérience. Le film s’avère ainsi l’objet actuellement le plus important de cette science de la perception que les Grecs avaient nommée l’esthétique.

XIX

La prolétarisation croissante de l’homme d’aujourd’hui, ainsi que la formation croissante de masses, ne sont que les deux aspects du même phénomène. L’État totalitaire essaye d’organiser les masses prolétarisées nouvellement constituées, sans toucher aux conditions de propriété, à l’abolition desquelles tendent ces masses. Il voit son salut dans le fait de permettre à ces masses l’expression de leur nature, non pas certes celle de leurs droits. [16]Les masses tendent à la transformation des conditions de propriété. L’État totalitaire cherche à donner une expression à cette tendance tout en maintenant les conditions de propriété. En d’autres termes : l’État totalitaire aboutit nécessairement à une esthétisation de la vie politique. Tous les efforts d’esthétisation politique culminent en un point. Ce point, c’est la guerre moderne. La guerre, et rien que la guerre permet de fixer un but aux mouvements de masses les plus vastes, en conservant les conditions de propriété. Voilà comment se présente l’état de choses du point de vue politique. Du point de vue technique, il se présenterait ainsi : seule la guerre permet de mobiliser la totalité des moyens techniques de l’époque actuelle en maintenant les conditions de propriété. Il est évident que l’apothéose de la guerre par l’état totalitaire ne se sert pas de pareils arguments, et cependant il sera profitable d’y jeter un coup d’oeil. Dans le manifeste de Marinetti sur la guerre italo-éthiopienne, il est dit : Depuis vingt-sept ans, nous autres futuristes nous nous élevons contre l’affirmation que la guerre n’est pas esthétique… Aussi sommes-nous amenés à constater… La guerre est belle, parce que grâce aux masques à gaz, aux terrifiants mégaphones, aux lance-flammes et aux petits tanks, elle fonde la suprématie de L’homme sur la machine subjuguée. La guerre est belle, parce qu’elle inaugure la métallisation rêvée du corps humain. La guerre est belle, parce qu’elle enrichit un pré fleuri des flamboyantes orchidées des mitrailleuses. La guerre est belle, parce qu’elle unit les coups de fusils, les canonnades, les pauses du feu, les parfums et les odeurs de la décomposition dans une symphonie. La guerre est belle, parce qu’elle crée de nouvelles architectures telle celle des grands tanks, des escadres géométriques d’avions, des spirales de fumée s’élevant des villages en flammes, et beaucoup d’autres choses encore… Poètes et artistes du Futurisme… souvenez-vous de ces principes d’une esthétique de la guerre, afin que votre lutte pour une poésie et une plastique nouvelle… en soit éclairée !

Ce manifeste a l’avantage de la netteté. Sa façon de poser la question mérite d’être adoptée par le dialecticien. À ses yeux, l’esthétique de la guerre contemporaine se présente de la manière suivante. Lorsque l’utilisation naturelle des forces de production est retardée et refoulée par l’ordre de la propriété, l’intensification de la technique, des rythmes de la vie, des générateurs d’énergie tend à une utilisation contre-nature. Elle la trouve dans la guerre, qui par ses destructions vient prouver que la société n’était pas mûre pour faire de la technique son organe, que la technique n’était pas assez développée pour juguler les forces sociales élémentaires. La guerre moderne, dans ses traits les plus immondes, est déterminée par le décalage entre les puissants moyens de production et leur utilisation insuffisante dans le processus de la production (en d’autres termes, par le chômage et le manque de débouchés).

Dans cette guerre, la technique insurgée pour avoir été frustrée par la société de son matériel naturel extorque des dommages-intérets au matériel humain. Au lieu de canaliser des cours d’eau, elle remplit ses tranchées de flots humains. Au lieu d’ensemencer la terre du haut de ses avions, elle y sème l’incendie. Et dans ses laboratoires chimiques elle a trouvé un procédé nouveau et immédiat pour supprimer l’aura.

Fiat ars, pereat mundus, dit la théorie totalitaire de l’état qui, de l’aveu de Marinetti, attend de la guerre la saturation artistique de la perception transformée par la technique. C’est apparemment là le parachèvement de l’art pour l’art. L’humanité, qui jadis avec Homère avait été objet de contemplation pour les dieux olympiens, l’est maintenant devenue pour elle-même. Son aliénation d’elle-même par elle-même a atteint ce degré qui lui fait vivre sa propre destruction comme une sensation esthétique de tout premier ordre. Voilà où en est l’esthétisation de la politique perpétrée par les doctrines totalitaires. Les forces constructives de l’humanité y répondent par la politisation de l’art.

Notes

[1]Abel GANCE : Le Temps de l’image est venu: L’art cinématographique, II, Paris, 1927. pp. 94-96).

[2]Pour les films, la reproductibilité ne dépend pas, comme pour les créations littéraires et picturales, d’une condition extérieure à leur diffusion massive. La reproductibilité mécanisée des films est inhérente à la technique même de leur production. Cette technique, non seulement permet la diffusion massive de la manière la plus immédiate, mais la détermine bien plutôt. Elle la détermine du fait même que la production d’un film exige de tels frais que l’individu, s’il peut encore se payer un tableau, ne pourra jamais s’offrir un film. En 1927, on a pu établir que, pour couvrir tous ses frais, un grand film devait disposer d’un public de neuf millions de spectateurs. Il est vrai que la création du film sonore a d’abord amené un recul de la diffusion internationale – son public s’arrêtant à la frontière des langues. Cela coïncida avec la revendication d’intérêts nationaux par les régimes autoritaires. Aussi est-il plus important d’insister sur ce rapport évident avec les pratiques des régimes autoritaires, que sur les restrictions résultant de la langue mais bientôt levées par la synchronisation. La simultanéité des deux phénomènes procède de la crise économique. Les mêmes troubles qui, sur le plan général, ont abouti à la tentative de maintenir par la force les conditions de propriété, ont déterminé les capitaux des producteurs à hâter l’élaboration du film sonore. L’avénement de ce dernier amena une détente passagère, non seulement parce que le film sonore se créa un nouveau public, mais parce qu’il rendit de nouveaux capitaux de l’industrie électrique solidaires des capitaux de production cinématographique. Ainsi, considéré de l’extérieur, le film sonore a favorisé les intérêts nationaux, mais, vu de l’intérieur, il a contribué à internationaliser la production du film encore davantage que ses conditions antérieures de production.

[3]Le but même des révolutions est d’accélérer cette adaptation. Les révolutions sont les innervations de l’élément collectif ou, plus exactement, les tentatives d’innervation de la collectivité qui pour la première fois trouve ses organes dans la seconde technique. Cette technique constitue un système qui exige que les forces sociales élémentaires soient subjuguées pour que puisse s’établir un jeu harmonien entre les forces naturelles et l’homme. Et de même qu’un enfant qui apprend à saisir tend la main vers la lune comme vers une balle à sa portée l’humanité, dans ses tentatives d’innervation, envisage, à côté des buts accessibles, d’autres qui ne sont d’abord qu’utopiques. Car ce n’est pas seulement la seconde technique qui, dans les révolutions, annonce les revendications qu’elle adressera à la société. C’est précisément parce que cette technique ne vise qu’à libérer davantage l’homme de ses corvées que l’individu voit tout d’un coup son champ d’action s’étendre, incommensurable. Dans ce champ, il ne sait encore s’orienter. Mais il y affirme déjà ses revendications. Car plus l’élément collectif s’approprie sa seconde technique, plus l’individu éprouve combien limité, sous l’emprise de la première technique, avait été le domaine de ses possibilités. Bref, c’est l’individu particulier, émancipé par la liquidation de la première technique, qui revendique ses droits. Or, la seconde technique est à peine assurée de ses premières acquisitions révolutionnaires, que déjà les instances vitales de l’individu, réprimées du fait de la première technique l’amour et la mort aspirent à s’imposer avec une nouvelle vigueur. L’oeuvre de Fourier constitue l’un des plus importants documents historiques de cette revendication.

[4]Abel GANCE, Op. Cit., pp. 100-101.

[5]Séverin-Mars, cité par Abel GANCE, Op. Cit., p. 100.

[6]Alexandre ARNOUX, Cinéma, Paris, 1929, p. 28.

[7]Franz WERFEL, Ein Sommernachtstraum. Ein Film von Shakespeare und Reinhardt, Neues Wiener Journal, cité par Lu, 15 novembre 1935.

[8]Luigi PIRANDELLO : On tourne, cité par Léon PIERRE-QUINT, Signification du cinéma(L’Art cinématographique, II, Paris, 1927, pp. 14-15).

[9]Rudolf ARNHEIM, Der Film als Kunst, Berlin, 1932, pp. 176-177.

[10]Rudolf ARNHEIM, Op. Cit., p. 138.

[11]Il est vrai qu’une analyse intégrale de ces films ne devrait pas taire leur sens antithétique. Elle devrait partir du sens antithétique de ces éléments qui donnent une sensation de comique et d’horreur à la fois. Le comique et l’horreur, ainsi que le prouvent les réactions des enfants, voisinent étroitement. Et pourquoi n’aurait on pas le droit de se demander, en face de certains faits, laquelle de ces deux réactions, dans un cas donné, est la plus humaine ? Quelques-unes des plus récentes bandes de Mickey Mouse justifient pareille question. Ce qui, à la lumière de nouvelles bandes de Disney, apparaît nettement, se trouvait déjà annoncé dans maintes bandes plus anciennes : faire accepter de gaieté de coeur la brutalité et la violence comme des caprices du sort.

[12]L’archétype théologique de ce recueillement est la conscience d’être seul à seul avec son Dieu. Par cette conscience, à l’époque de splendeur de la bourgeoisie, s’est fortifiée la liberté de secouer la tutelle cléricale. À l’époque de sa déchéance, ce comportement pouvait favoriser la tendance latente à soustraire aux affaires de la communauté les forces puissantes que l’individu isolé mobilise dans sa fréquentation de Dieu.

[13]Georges DUHAMEL, Scènes de la vie future, Paris, 1930, p. 52.

[14]Le film représente la forme d’art correspondant au danger de mort accentué dans lequel vivent les hommes d’aujourd’hui. Il correspond à des transformations profondes dans les modes de perception transformations telles qu’éprouve, sur le plan de l’existence privée, tout piéton des grandes villes et, sur le plan historique universel, tout homme résolu à lutter pour un ordre vraiment humain.

[15]Georges DUHAMEL, op. cit., p. 58.

[16]Il s’agit ici de souligner une circonstance technique significative, surtout en ce qui concerne les actualités cinématographiques. A une reproduction massive répond particulièrement une reproduction des masses. Dans les grands cortèges de fête, les assemblées monstres, les organisations de masse du sport et de la guerre, qui tous sont aujourd’hui offerts aux appareils enregistreurs, la masse se regarde elle-même dans ses propres yeux. Ce processus, dont l’importance ne saurait être surestimée, dépend étroitement du développement de la technique de reproduction, et particulièrement d’enregistrement. Les mouvements de masse se présentent plus nettement aux appareils enregistreurs qu’à l’oeil nu. Des rassemblements de centaines de mille hommes se laissent le mieux embrasser à vol d’oiseau et, encore que cette perspective soit aussi accessible à l’oeil nu qu’à l’appareil enregistreur, l’image qu’en retient l’oeil n’est pas susceptible de l’agrandissement que peut subir la prise de vue. Ce qui veut dire que des mouvements de masse, et en premier lieu la guerre moderne, représentent une forme de comportement humain particulièrement accessible aux appareils enregistreurs.

Re: Help! (Message personnel)

El 25 janv. 2012, a las 16:01, « Guy M. » escribió:

Bonjour je suis en réunion mais n’oublie pas d’acheter mes biscottes
Heudebert de préférence
Merci
Ton,
Guy.

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De la part de mariana alba de luna
Envoyé :mercredi 25 janvier 2012 20:56

Véro, pourrait tu m’acheter aussi mes tortillas? De préférence maiz et pas farine.

Muchas gracias 

Mariana Luna

—————————————

De la part de Guy
Envoyé :mercredi 25 janvier 2012 23:06

Back on topic

http://youtu.be/oqSpPyDuIZw

sorry, it’s in English again

Votre,

Guy.

—————————————

De la part de Véronique
Envoyé :jeudi 26 janvier 2012 00:26

really nice GUY ! thanks !

good night to to you ALL

véronique

Nota bene, pour ce qui est de l’english

Escapade, en anglais:

1 a wild or exciting adventure, esp. one that is mischievous or unlawful; scrape  

2 any lighthearted or carefree episode; prank; romp 
  (C17: from French, from Old Italian scappata, from Vulgar Latin ex-cappare (unattested) to escape)  

adventure, antic, caper, fling, lark    (informal)  mischief, prank, romp, scrape    (informal)  spree, stunt, trick  

et aussi :

Étymologie d’Escapade

Du vieil espagnol escapada, dérivé de escapar (« échapper »), du latin vulgaire excappāre («échapper»).

Définition d’Escapade 

escapade

Nom commun

escapade /ɛs.ka.pad/ féminin

  1. (Équitation) (Vieilli) Action du cheval qui s’emporte.
  2. (Par extension)Action de se dérober, de manquer à son devoir pour aller se divertir.
    • On avait beau le corriger quand les voisins le ramenait en carriole, l’habitude de ces fugues était prise. […]. Si une semaine s’écoulait sans escapade, on le voyait s’ennuyer, dépérir et fureter dans le logis pour trouver une issue. — (Francis Carco, L’Homme de Minuit, 1938)

« MÊME PAS MORTE » Cie Mabel Octobre

Bonsoir à tous,

Mabel octobre est une compagnie de théâtre.

« Même pas morte » est une pièce mise en scène par Judith Depaule qui est, hélas pour les Parisiens, jouée en banlieue. Elle a fait l’objet d’un café psychanalyse auxquels José et moi et quelques autres ont eu le plaisir d’assister.

Vesna (« le printemps ») a entre 8 et 10 ans. C’est une enfant de la guerre. On peut imaginer qu’elle est orpheline. Après avoir fui un pays en conflit, elle se retrouve dans une famille d’accueil d’un pays occidental. Mais pour Vesna les choses « normales » de la vie quotidienne ne veulent pas dire grand chose. Vesna, dotée d’un tempérament vif et impulsif, a contracté pendant la guerre de drôles d’habitudes et une vision du monde dont il lui est difficile de se défaire, elle a développé des facultés que les autres enfants n’ont pas comme de disparaître dans ses rêves, diurnes comme nocturnes. Les adultes qui l’entourent essaient de lui réapprendre à vivre et à oublier la guerre…

C’ est un spectacle basé sur la rencontre des arts de la scène et des technologies numériques (vidéo, animation 2D assistée par ordinateur, animation 3D, effets spéciaux, programmation, jeu vidéo). Il met en scène une marionnette virtuelle nommée Vesna (la fillette), un personnage animé en 3D, projeté en vidéo et manipulé en direct. Ce personnage dialogue avec le public et de vrais acteurs, dans des décors virtuels.

J. Depaule a créé le langage que parle Vesna, pour cela elle s’est adressée à un laboratoire qui a mixé différentes langues (le roumain, l’arabe, l’hébreu etc…), le résultat est très réussi. De loin, petit clin d’oeil à Joyce ?…………

C’est une pièce qui est accessible à tout public, lorsque nous y sommes allés nombreux étaient les enfants qui y assistaient. Je vous invite vivement à vous y rendre.

vous informe de la représentation de
à L’Apostrophe – Théâtre des Arts – scène nationale (Cergy – 95)
le 04 février 2012 à 17h
le 06 février 2012 à 10h00 et 14h30
le 07 février 2012 à 20h30
et le 08 février 2012 à 14h30
réservations 01 34 20 14 14 / Pour venir
à la Salle Jacques Brel (Gonesse – 95)
le 10 février 2012 à 14h30 et 21h00
réservations 01 64 73 49 00 / Pour venir
au théâtre Jean-Vilar (Vitry-sur-Seine – 94)
le 02 mars 2012 à 14h30
le 05 mars 2012 à 10h00 et 14h30
le 06 mars 2012 à 14h30 et 19h00
et le 08 mars 2012 à 21h
réservations 01 55 53 10 60 / Pour venir
Créé par Judith Depaule, directrice artistique de la compagnie MABEL OCTOBRE,
 
 
 
N’hésitez pas à nous contacter

 

01 41 50 38 10
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Si une semaine s’écoulait sans escapade, on le voyait s’ennuyer, dépérir et fureter dans le logis pour trouver une issue

Edward Munch, Galopperende hest [Cheval au galop], 1910-1912 Huile sur toile, 148 x 120 cm

De la part de  Mariana

J’adore cette partie : « Si une semaine s’écoulait sans escapade, on le voyait s’ennuyer, dépérir et fureter dans le logis pour trouver une issue”. — (Francis Carco, L’Homme de Minuit, 1938)

C’est à faire figurer sur le haut du Blog !! Caramba !!!

olé !

~

De la part de Alain

Je suis d’accord avec Mariana, mettons cette phrase comme emblème de notre Blog !

le désir qui sauve de l’hémorragie de libido!

~

De la part de Catherine Decaudin

Oui, « échapper », c’est une façon d’être « Pas-tout », et « Pas-toute » dans la jouissance de l’Autre, en bref, un peu moins bête .

~

De la part de géraldine

Oui!!!! Tout à fait d’accord avec vous, sublime cette phrase!

Le blog Escapade a trouvé sa formule d’invitation!  Je vais voir de plus près de quoi parle ce livre (1938?).

~

De la part de véronique m

j’aime assez aussi l’action du cheval qui s’emporte

~

De la part de mariana

Géniale !!! Arre, arre caballo !!! 

~

De la part de véronique m

«  le désir qui sauve de l’hémorragie de libido! »mais… comment tu définiras la libido, toi ? alain ? que je comprenne bien…

~

De la part de Catherine Decaudin

C’est plutôt la libido qui va au galop!

Elle emmène son cavalier où elle veut aller, comme l’image freudienne du ça et du moi (P 237 Essais); 

mais, à ce train là, galoper vers des escapades, je veux bien, d’autant que, c’est vrai, il s’agit de s’échapper , d’échapper à toute forme de Tout…

Alors à bientôt, pour nos « escapades pas-toutes » .

Cath

~

De la part de véronique m.

… et aussi à “pas-toutes nos escapades pas-toutes” Clignement d'œil

~

De la part de Gentes

[Le 26 janv. 2012 à 19:30, Véronique a écrit : mais… comment tu définiras la libido, toi ? alain ? que je comprenne bien…]

Ah ! Ah!  Je veux faire le malin avec mes formules Un, plus rapides que mon ombre, tel un Lucky Luke sans cheval, eh bien, bien fait pour moi, encore une femme qui ne me laisse pas roupiller !

Libido? Libido? J’ai dit libido, moi? Est-ce que j’ai une tête de libido? Bon, alors, c’est quoi ce machin truc qui s’empare de notre tas de carne pour ne plus le quitter, sauf dans la mort ou la mélancolie? C’est une chose à Freud, présente dès sa correspondance à Fliess, chose sexuelle que s’empressera de désexualiser Jung. Voilà ce que j’ai trouvé en furetant mes livres, au lieu de dormir, ce qui serait évidemment plus raisonnable que de répondre à la fée du logis:  » manifestation dynamique dans la vie psychique de la pulsion sexuelle. »

Inutile de me demander où j’ai trouvé cela chez Freud, je vais vous le dire:  » Pschoanalyse und Libidotheorie », 1922, G.W, XIII, 220: SE, XVIII,244.

Dans le film  » A Dangerous Method  » on voit Freud s’intéresser à l’intuition de Sabina Spielrein sur une possible connexion entre amour et mort, à partir de sa propre expérience. Ce qui annonce la pulsion de mort, pas sans lien avec la libido chez Freud ( cf Au-delà du principe de plaisir , Malaise dans la civilisation ), lien que n’hésitera pas d’établir Lacan:

jouissance = libido + pulsion de mort,
donc
libido = Jouissance – pulsion de mort ! Et vogue le navire.

Je me frotte les yeux de sommeil.

Et là, Chaire Vé, tucon pr’en bi ain? Jes père queue non.

À l’un.

~

De : véronique m

En tous cas, je me suis bien amusée à te lire… merci!
Heu, et “libido = jouissance – pulsion de mort” , c’est dans lacan ça aussi?

Enfin, à vous lire, maintenant, chers Catherine et Alain, je me dis qu’éventuellement s’K’Al1  veut dire avec son « hémorragie de libido », c’est que “si libido (p)fuit,  transfusion de désir sauve?”

Bonjour!

Illu: Edward Munch, Cheval au galop, 1910-1912, Huile sur toile, 148 x 120 cm (photo @alintes)

les tomates au soleil OU ça …K’HommUnique

publication

Date: Thu, 19 Jan 2012 09:24:54 +0000
Subject: [[escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme

Correspondance d’escapades a publié un nouvel article intitulé :

cultivons ensemble notre autisme

Vous pouvez lire la suite de cet article à l’adresse suivante:

https://disparates.org/escapades/cultivons-ensemble-notre-autisme/

Vous recevez cet email parce que vous avez demandé à être notifié des
nouvelles parutions sur le blog.

Cordialement,
Correspondance d’escapades

—————————————————————————————————————————–alarmation

De la part de Mariana Alba de Luna
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 12:01
Objet : RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme

Chers escapadeurs,

Je ne comprends pas le sens de ce titre, il est trompeur. Comment pouvons nous « cultiver notre autisme ensemble » ?

Invitez-vous à un « autisme à plusieurs » ?

Danger et dérive, me semble-t-il…

Paradoxe…

Il me semble que Catherine a voulu faire référence à la fin de l’analyse, mais cela n’est pas clair de tout pour moi.

Un tel titre m’interpelle.

Mariana

—————————————————————————————————————————–rigolation

De la part de Catherine Decaudin
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 12:13
Objet :Re: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme

Effectivement, je n’ai jamais dit « ensemble »… C’est rigolo

Catherine

—————————————————————————————————————————–changeation

De la part de Véronique Müller
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 13:12
Objet : RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme

d’accord, d’accord, mariana, je change le titre, il est de moi, c’était un joke…

quelque chose à proposer en échange ?

—————————————————————————————————————————– 😉

Le 19 janv. 2012 à 13:42, Véronique Müller  a écrit :

mariana,

bien sûr que catherine parlait de la fin de l’analyse, et d’un très jolie façon d’ailleurs…

mais, je dirais pour ma défense,

culture, se cultiver, cultivons, c’est le travail du désir, c’est un travail qui a du mal à s’accorder avec la jouissance, parce que le culturel, le culturé, cela qui demande culture, demande d’en passer par l’Autre, et donc de prendre quelques distances, quelque liberté par rapport à la jouissance (autiste toujours) (catherine dit « l’Un pas sans l’Autre », ça résonne avec « se passer du père à la condition de savoir sans servir ») (se passer de l’Autre, à la condition d’en connaître un bout sur son Un)

n’y a pas à se leurrer sur le rapport sexuel qu’il n’y a pas. le désir le fait être, et c’est tant mieux, et il faut trouver le moyen de le conjuguer aux contemporaines formes de jouissances qui se passent de l’Autre à tout mieux mieux. c’est un pari, qui ne se passe certainement pas de la culture, que je souhaite perçante. ce qui je crois peut se faire par un rappel du corps, un rappel à la vie du corps (un corps qui ne soit pas « photographié », comme disait Alain) et  qui soit désarrimé, désappareillé  de ses nouveaux gadgets. enfin, je blablate et tu sais tout ça.

mais j’ai ajouté un 😉 à la fin du titre : cultivons ensemble notre autisme 😉

alors, deal ? j’en change, de titre, mais vous m’en trouvez un autre, à cet article : https://disparates.org/escapades/cultivons-ensemble-notre-autisme/

—————————————————————————————————————————–adoucissant

De la part de Alain Gentes
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 15:25
Objet :Re: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme

Véro,

J’aime bien pourtant ton titre, son style provocateur.

Peut-être l’adoucir en mettant autisme entre guillemets ( pour dire qu’on y touche en fin d’analyse, avec le Yadl’Un, pas sans lien à l’Autre), peut-être aussi remplacer ensemble par  » à plusieurs » pour éviter l’ambiance groupe de  » ensemble ». Mais c’est moins beau que ta formule!

Peut-être seulement les guillemets!

Al
Envoyé de mon iPhone

—————————————————————————————————————————–vérité

De la part de Mariana Alba de Luna
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 15:29
À : Escapades Culturelles
Objet :RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme

Véronique,

Les Uns de la fin de l’analyse sont pour moi justement des Uns qui sont sans Autre, qui résonnent avec la destitution de l’Autre comme idéal, adresse et causalité de tout.

Des Uns qui surgissent après avoir passé par un « L’Autre n’existe pas », qui est si difficile d’accepter, lâchant la jouissance que cela implique de toujours être en prise à son ravage.

Ces Uns, ne renvoient plus à L’Autre mais à notre propre responsabilité d’exister.

Donc je ne partage pas ce : « L’Un pas sans l’Autre » qui n’est pas de tout la même chose que « se passer du père à la condition de s’en servir ».

Mais ton expression « se passer de l’Autre à la condition d’en connaître un bout de son Un » racine de son être et choix subjectif, mais paraît intéressante.

Les Uns, le père, autisme, on mélange tout là.

On ne se désappareille pas des bouts de la langue auxquels le corps a été attaché, on desserre le lien, on le subvertit, on lui fait faire une torsion, voilà pour moi l’opération de la fin, ces Uns qui on entend autrement et que nous choisissons d’extraire, encore autrement.

C’est une question complexe, en effet. J’avance sur ce chemin, les Uns qui sont des restes, des lettres asséchées à presque rien et qui ne renvoyant plus à autre chose, ni à l’Autre mais à ma propre existence, jouissance et désir face à l’impossible. Chemin assez solitaire, difficile mais certainement pas autistique et pas d’ensemble face à ça.

Je ne souhaite pas cultiver mon autisme, mais plutôt mes tomates au soleil.

Mariana

—————————————————————————————————————————–anorganisme

De la part de Guy M.
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 16:38
Objet :RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme

je trouve que l’expression « cultivons ensemble notre autisme » décrit
parfaitement bien l’expérience internet
on n’y est jamais « ensemble » et on multiplie les outils pour ne pas l’être
mais surtout pour se donner l’illusion d’un rapprochement, une pseudo
présence forcée techniquement,
vaine, puisqu’il n’y a pas de corps
ou le corps sans organes comme disaient les duettistes D&G, mais à propos
de la radio je crois
là on n’a même pas la voix, c’est muet
ça communique mais il n’y a personne
je ne suis pas avec vous sur twitter
je ne suis pas avec vous sur facebook
je ne suis avec vous sur le blog
je ne suis pas avec vous sur cette liste de discussion
quand j’écris je suis avant vous, les uns après les autres et jamais
ensemble non plus ce pseudo vous
quand je lis je suis après vous
mais jamais « là »
Votre,
Guy.

—————————————————————————————————————————–privation

El 19 janv. 2012, a las 17:18, Véronique Müller escribió:

catherine me propose d’enlever « ensemble » 😉

mais je crois que je vais plutôt laisser tomber, c’était juste un clin d’œil, prenons comme une private joke escapCult. c’est bien que mariana ait réagi.

enfin, je peux pas le faire maintenant parce que j’ai plus d’accès à mon internet sur mon pc.

—————————————————————————————————————————–moi&moi

De la part de Véronique Müller
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 17:19
Objet : RE: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme

 

Véronique,

  • Mariana,

Les Uns de la fin de l’analyse sont pour moi justement des Uns qui sont sans Autre, qui résonnent avec la destitution de l’Autre comme idéal, adresse et causalité de tout.
Des Uns qui surgissent après avoir passé par un « L’Autre n’existe pas », qui est si difficile d’accepter, lâchant la jouissance que cela implique de toujours être en prise à son ravage.
Ces Uns, ne renvoient plus à L’Autre mais à notre propre responsabilité d’exister.

  • OUI. j’essayais de dire aussi quelque chose du désir. mais ça n’est pas clair encore.

Donc je ne partage pas ce : « L’Un pas sans l’Autre » qui n’est pas de tout la même chose que « se passer du père à la condition de s’en servir ».
Mais ton expression « se passer de l’Autre à la condition d’en connaître un bout de son Un » racine de son être et choix subjectif, mais parâit intéressante.

  • mon expression est insuffisante.

Les Uns, le père, autisme, on mélange tout là.

  • non, je ne pense pas. moi-même j’ai parlé d’autisme, à cause de l’autisme de la jouissance, du réel. L’un, c’est ce qu’il y a, c’est l’impossible du père. L’un est sans Autre, sans le père. L’un est holophrastique. Il est répétition du même. Ses reflets, ses doubles dans le signifiant sont repérables, et multiples. Mais l’un est sans double. Il ne s’agit ici que de quelque chose que j’essaie de dire. Je pense que ce qui est à traquer, ce sont les faux-doubles du Un.

    (je dis ceci en pensant à mon « muller et muller », dont j’avais parlé ici autrefois, ce rêve, dont je me réveille en sursaut, horrifiée « muller et muller ! mon nom, celui de mon père ! mais c’est le même ! c’est l’holophrase ! comment séparer le même du même ? » ce que j’essaie de formuler ici, c’est un dit de ma mère, épelant notre nom « M – U – double L – E – R ». Comment j’ai été marquée par ce « double L ». Ce double est une invention de l’Autre. Qui m’a portée à manger les choses en double, à craindre de doubler, à craindre d’être en double, à me percevoir, me jouer comme étant l’enjeu de deux hommes – et si ces deux n’étaient pas ? qu’étais-je moi ? que restait-il ? rien, rien, rien, comme si j’étais hors du compte… plus tard, à poursuivre Miller de mes assiduités : lui : M . I . double L . E . R.  Moi : M . ü (double points) . double L . E .R.) (mais la séparation de l’un et de l’autre éclaire l’existence.  )

On ne se désappareille pas des bouts de la langue auxquels le corps a été attaché, on desserre le lien, on le subvertit, on lui fait faire une torsion, voilà pour moi l’opération de la fin, ces Uns qui on entend autrement et que nous choisissons d’extraire, encore autrement.
C’est une question complexe, en effet. J’avance sur ce chemin, les Uns qui sont des restes, des lettres asséchées à presque rien et qui ne renvoyant plus à autre chose, ni à l’Autre mais à ma propre existence, jouissance et désir face à l’impossible. Chemin assez solitaire, difficile mais certainement pas autistique et pas d’ensemble face à ça.

  • Oui, c’est ça que je voulais dire. Il s’agit d’extraction, de séparation. Et alors, l’existence. 

Je ne souhaite pas cultiver mon autisme, mais plutôt mes tomates au soleil.

  • essentiel 😉

Mariana

    • oui
      (j’ai oublié d’aller chercher mon fils à l’école !!)

—————————————————————————————————————————–LoL

De la part de mariana alba de luna
Envoyé : jeudi 19 janvier 2012 19:53
Objet :Re: [escapadesculturelles] [correspondance d’escapades] cultivons ensemble notre autisme

Magnifico ! Je te dirais plus tard ce q cela m’évoque.

Dans ce redoublement que tu choisit pour fixer ta jouissance dans la nomination, dans ces LL , il y a aussi peut être à entendre une recherche pour cerner ton  : ELLE. 

Zut, faut pas q n’oublie de faire diner mes vampiritos ! 

Mariana
Enviado desde mi iPhone

 

[affaire à suivre…]

pourquoi PLATONOV mais et remarque sur les tarifs

 

skalpaldeurs, skalpadées, skalpaldatrices,

 PLATONOV MAIS…
23 mars > 15 avril 2012
 
d’après Platonov d’Anton Tchekhov
adaptation et mise en scène Alexis Armengol (Théâtre à cru)
avec Stéphane Gasc, Céline Langlois, Alexandre Le Nours, Édith Mérieau, Christophe Rodomisto, Laurent Seron-Keller, Camille Trophème

 Aviez-vous remarqué, saviez-vous que c’est 10€ sur la 1ère semaine des représentations et 14€ pour «  À deux c’est mieux ! « (soit 28€ au lieu de 40€ pour 2 personnes)

 Et pourriez-vous me dire ce qui a motivé votre choix de cette pièce, l’auteur ? le sujet ? le metteur en scène ? les acteurs ?

 Je n’ai jamais pensé vous poser cette question auparavant,

à plus,

amour simple et éternel,

moi

 

Être Autre à elle-même… par Carolina Koretzky

Psychanalyse et Cinéma
Vendredi 27 janvier 2012
Séance de 20 h 30
ECF 1, rue Huysmans, Paris 6e

TIME de Kim Ki-Duk

Mon commentaire va être bref. Il va se centrer autour d’un signifiant que ce film m’a tout de suite évoqué : l’altérité. Ce film pose au spectateur la question suivante : quelles sont les voies pour atteindre (ou pas) une altérité dans le rapport entre les sexes ? Quel type de partenaire est le personnage féminin dans ce film ?

Une réponse inédite

Le film commence par le ratage du couple, aussi nous ne savons pas grand chose sur les deux ans qu’ils ont passés ensemble. Plus précisément, le réalisateur place notre regard au moment de vacillement du couple : où il commence à regarder d’autres femmes, où ce regard toujours là devient, à un moment donné, un insupportable pour elle. En tout cas, See-Hee produit, au sein du couple qu’elle forme avec Ji-Woo, une réponse jusqu’alors inédite.

See-Hee construit une réponse face au désir qu’elle devine chez son partenaire : « Il veut du nouveau. » Elle va donc décider d’incarner, dans le réel, cet objet « corps nouveau » qui comblerait, à ses yeux, le désir de cet homme. Dès la première scène d’intimité entre eux, nous assistons aux prolégomènes de ce qui sera son passage à l’acte chirurgical. Face à la détumescence de l’organe masculin chez son partenaire, elle lui demande de penser qu’il couche avec une autre femme. Ça le fait jouir. Ainsi : il regarde des femmes, elle les met au lit.

L’homme relais, la femme Autre

See-Hee voudra désormais être une Autre pour lui. Devenir une Autre nous rapproche de la problématique de l’être dans la position féminine et évoque cette célèbre citation de Lacan : « L’altérité du sexe se dénature de cette aliénation. [Aliénation à l’Autre, explique Lacan quelques lignes auparavant.] L’homme sert ici de relais pour que la femme devienne cet Autre pour elle-même, comme elle l’est pour lui. » (( Lacan J., « Propos directifs pour un Congrès sur la sexualité féminine », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 732. )) Phrase assez curieuse où l’homme est qualifié de relais et la femme d’Autre pour lui et pour elle-même. Par le biais de l’homme, la femme retrouve une duplicité en elle-même : d’une part, une jouissance phallique, et d’autre part, elle rencontre une jouissance qui relève d’une autre dimension. À partir de là, quelle est la variante que le sujet hystérique introduit ? Au lieu d’interroger l’Autre, l’altérité comme telle, en prenant l’homme comme relais, elle va convoquer, dans ce point, une Autre femme.

Une économie de la parole

Arrivée à ce stade de la réflexion, je ne suis pas sûre que le personnage féminin du film mette en place une solution hystérique. Certes, elle va interroger l’altérité en sacrifiant ce qui lui est le plus cher : son compagnon. Elle va tout risquer, elle est prête à tout, elle disparaît pendant six mois afin d’être tout pour lui. Mais être une Autre femme passera par une transformation, dans le réel, de son visage. See-Hee le paie très cher par la suite : elle se sent trahie par l’Autre qu’elle est devenue. Elle devient son propre piège dans une course à l’infini, course qui est évoquée par cet escalier qui accueille les amants mais qui monte au ciel vers l’infini.

La réponse de See-Hee est d’une modernité absolue, car nous voyons bien que, dans son cas, le recours à la science fait une totale économie de la parole. Elle pense qu’elle n’aura plus à se demander : Que veut-il ? Qu’est-ce qu’il veut quand il regarde une Autre ? Où est son désir ? Que suis-je pour lui ? Qu’est-ce que l’Autre aurait de si agalmatique ? C’est une solution qui vise l’altérité, mais qui court-circuite les avatars propres au questionnement sur le désir de l’Autre.

Est-ce peut-être celui-ci le trait absolument contemporain du film ? Je le pense. Il est présent à plus d’un titre. À cette incapacité de communiquer s’ajoute l’immersion du spectateur dans un monde impersonnel : appartements ultra-minimalistes, où la seule trace singulière ce sont les quelques photos exposées, des personnages sans métier, sans histoire, sans passé et sans famille. Définitivement, dans ce film le spectateur est immergé dans un monde où le symbolique fait défaut : les lieux et les liens y sont touchés.

Vers l’infini et au-delà… par Charles-Henri Crochet

Psychanalyse et Cinéma
Vendredi 27 janvier 2012
Séance de 20 h 30
ECF 1, rue Huysmans, Paris 6e

TIME de Kim Ki-Duk

Avec le temps, See-Hee considère que Ji-Woo montre des signes de désamour. Deux ans après leur première rencontre, tout dans le comportement de Ji-Woo lui indique qu’il se lasse. Le temps donne le la à l’amour. Il s’agit moins de la routine du quotidien, ils ne partagent d’ailleurs pas le même appartement, que de la mise à l’épreuve du désir par le temps qui passe. Le temps sonne le glas du désir. Pour See-Hee l’objet qu’elle incarne, se doit d’être renouvelé pour combler le désir de l’Autre. « Désolée d’avoir toujours la même tête. » s’excuse-t-elle en se voilant la face d’un drap. Érodé par le temps, l’objet perd de sa brillance phallique. Ceci est partagé par les amis de Ji-Woo. Du corps d’une femme, avoue l’un d’entre eux, « On en a marre. Ça n’veut pas dire qu’il n’y a plus d’amour. Ça veut dire qu’on a envie d’autre chose. »

Le temps ne fait plus symptôme

Les photographies et les sculptures, omniprésentes dans la vie des personnages, rappellent le temps qui s’écoule tout en suspendant son vol. Les oeuvres figent ce que l’inéluctable de la course du temps affecte. Elles sont là pour répéter à l’infini les scènes d’un amour immobile que le temps ne saurait que corrompre.

Le temps est aussi bien comptable de la perte de l’aimé, qu’un test pour éprouver l’amant au cours de la disparition de See-Hee. Le reconquérir constamment au risque de le perdre signifie pour See-Hee se faire Autre en devenant Say-Hee. Transmutation de celle qui voit [see] en celle qui dit [say].

Quant à Ji-Woo, c’est le temps du lent travail de deuil qui le plonge dans une grande solitude intérieure faite de nostalgie, de désolation et de désespoir. Il rencontre ensuite un réel inassimilable, l’insoutenable  transformation de See-Hee. Et enfin, après sa propre opération, le temps de l’impossible retour s’enkyste. La présence dans l’absence, sa (( Miller J.-A., « Une fantaisie », Mental, 2005, Paris, NLS, n° 15, p. 19. )) présence impossible, le précipite vers la mort.

Le temps responsable de l’usure d’un couple, le temps qui émousse l’amour, c’est là une thématique on ne peut plus classique. Mais ici, le temps prend un autre rythme. Il est entraîné par la cadence effrénée de notre société contemporaine scandée par le discours du maître moderne. Le discours capitaliste instaure un rapport à l’objet qui ne peut que se consumer afin d’être sans cesse renouvelé. Seul l’attrait de la nouveauté marque cette série d’objets métonymiques. Ce renouvellement infini permet de tenir en éveil le désir.

L’idéal féminin de See-Hee est du côté de la nouveauté, collant ainsi au discours capitalise qui enjoint le consommateur à la répétition. Elle se fait elle-même objet de consommation.

Modelant son corps dans une course folle contre le temps, elle devient pur produit de consommation. On voit ici combien les modes du lien social et la régulation des jouissances sont subvertis. Il ne s’agit plus de faire consister le non-rapport entre les sexes par les voies de l’insatisfaction mais par le labyrinthe de l’impossible. Le temps ne fait plus symptôme.

Le temps est un réel

Le temps est un réel auquel See-Hee se cogne. Un impossible. Le désir n’est mesurable qu’à l’aune du temps 1 de la première rencontre. See-Hee se fait objet du désir d’un homme mais l’Autre ne lui répond plus, plus comme avant. Angoisse proustienne, s’il en est, où le sens de leur rapport est prisonnier de la première fois. Ça a marché mais ça ne tourne plus rond. La voilà confrontée à une bascule, un ratage particulier qui n’est autre que le ratage généralisé, propre à tous les êtres parlants et c’est pour elle insupportable. Il lui suffit alors de réinventer cette première rencontre pour devenir Autre, pour ranimer le désir de l’Autre afin qu’il soit tout à elle. Cette Autre elle-même est accessible par la chirurgie. Elle s’y emploie comme un coréen sur dix. Véritable «psychothérapie chirurgicale» (( www.chirurgien-esthetique-plastique-paris.fr ))  prônée par le corps médical.

Dans un premier temps, See-Hee confectionne elle-même son image à l’aide d’éléments hétéroclites à la Frankenstein découpés dans les magazines. Le choix du nouveau visage qu’elle veut incarner colle aux canons contemporains de la beauté. Et c’est, presque sans mot, qu’elle accède au billard de la salle d’opération. Le chirurgien sans mot dire, lui aussi, projette sur écran le réel insoutenable de l’opération, mais See-Hee ne cèdera pas. « Pour avoir un nouveau visage, je suis prête à tout ! » lance-t-elle.

Ce que femme veut, le maître contemporain le veut. Le chirurgien esthétique lui offre sur un plateau d’argent le rêve d’une beauté artificielle modelable à merci. Véritable deus ex machina, il ira avec elle jusqu’au bout. Aucune limite ne les arrête. Le client est roi. Il lui demande in fine : « Vous voulez que personne ne vous reconnaisse ? » Qu’à cela ne tienne, à chaque problème, nous dit le maître moderne, il y a une solution. C’est le miracle du bistouri ! Au frontispice de la clinique on peut d’ailleurs lire : « Vivez une autre vie. » Ici, la chirurgie est le moyen de changer d’identité, voire de disparaître. La marque du discours capitaliste rend anonyme.

Le temps du scalpel

See-Hee s’évertue à répondre au plus près à l’injonction du monde contemporain. Si Ji-Woo est en quête d’un nouvel objet de désir, alors, elle sera cette nouvelle femme. « La dictature du plus-de-jouir dévaste la nature, elle […] remanie le corps [ouvrant les portes à] une posthumanité. » constate Jacques-Alain Miller. (( Miller J.-A., Une fantaisie, Mental, 2005, Paris, NLS, n° 15, p. 19. ))  Say-Hee offre à Ji-Woo un fauxsemblant de nouveauté. Elle se fait objet métonymique. Elle incarne la nouveauté renouvelable à l’envi. Et ça marche, puisque Ji-Woo peut en jouir. Mieux, ce qu’il éprouve lors de leur première relation sexuelle après la chirurgie est de l’ordre de la nouveauté. Il confie naïvement à Say-Hee : « C’était très différent, je n’avais jamais ressenti ça avant. »

Ce qui fait exister le rapport sexuel, c’est donc le bistouri. Ici, le symptôme ne pallie pas au rapport qu’il n’y a pas entre un homme et une femme. Le symptôme comme évènement de corps dans ce qu’il a de plus radical, ce que Lacan nomme sinthome (( Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005. )), scelle de manière indélébile la rencontre du langage sur le corps. Il supplée à l’impossible de formaliser dans un discours le rapport entre les sexes. Impossible écriture. Ce n’est qu’au titre du signifiant que l’être parlant se dit homme ou femme. Il n’y a donc ni harmonie, ni recette, ni même complémentarité. Le symptôme est la réponse signifiante dans le corps à la castration symbolique. Il est un mode de jouir du parlêtre avec son inconscient (( Lacan J., Le Séminaire, livre XXII, « RSI », leçon du 18 février 1975, inédit.  )).

Ici, l’incidence indélébile sur le corps passe par le bistouri. On y traite le corps réel afin de suppléer au non rapport. La chirurgie plastique suture toute marque de castration. Elle la forclot à l’instar du discours capitaliste. Dans la modernité, le versant réel du corps occupe les devants de la scène. Le corps est traité comme un « meuble », (( Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, op. cit., p. 154. )) sans âme et sans limite.

L’imaginaire va alors coller à ce réel.

 Peut-on dire que le visage est élevé au rang de mascarade ? See-Hee fait-elle usage de semblants ? Elle est le semblant, pourrait-on dire. Il n’y a rien à chercher derrière le masque. Elle fait de son visage un objet fétiche. Elle s’identifie à la cause du désir d’un homme jusqu’à se faire marchandise malléable. L’objet en soi ne compte pas, c’est sa qualité qui importe, nommée ici nouveauté. See-Hee se transforme en consommable.

Évidement, elle reste insatiable, jalouse de sa rivale qui n’est autre qu’elle-même. Elle entre en compétition avec son double. Elle joue double jeu en faisant revivre sa version antérieure. Joue-t-elle avec les semblants ? Non, les suites post-opératoires lui échappent.

Elle est confrontée à un impossible. Elle vacille au chevet de son amant endormi. Dans un moment de division subjective, elle s’avoue à elle-même : « Ça c’est déroulé comme je l’avais prévu. Et pourtant, est-ce que je suis heureuse ? La tristesse envahit mon coeur. J’ai l’impression qu’il va exploser. » Le temps poursuit sa course et, de fait, elle se trouve prise dans un engrenage sans fin.

Elle… Et lui ?

« Nous entrons dans la grande époque de la féminisation du monde » (( Miller J.-A., L’orientation lacanienne, «les us du laps» (1999-2000), enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de Paris VIII, leçon du 26 janvier 2000, inédit. )) note J.-A. Miller.

Elle est ici à l’oeuvre, entraînant avec elle sa part de ravage. Le passage à l’Autre jouissance libéré de la prégnance du signifiant phallique fait vaciller Ji-Hoo. D’un côté, l’incommensurable de la jouissance féminine pousse See-Hee vers le ravage. Elle l’emporte dans une volonté de jouissance débridée, sans fard, pour enfin faire sombrer Say-Hee dans l’anonymat. De l’autre, elle entraîne Ji-Hoo vers l’au-delà de ses limites.

L’homme ne peut pas suivre. Il s’y essaie, mais il en meurt, incapable de se représenter à elle. Il est allé trop loin.

quel nom pour quel visage

Hé oui, « l’habitude de ces fugues était prise… Si une semaine s’écoulait sans escapade, on le voyait s’ennuyer, dépérir et fureter dans le logis pour trouver une issue ».

Ce week-end, ce fut une escapade autour des visages : Le film coréen présenté à la soirée « Cinéma et psychanalyse » ciblait une femme qui s’est « dévisagée » pour renouveler le désir de son homme. Voyant qu’il regardait d’autres femmes et que sa libido était un peu fatiguée (tu en as marre de moi? disait-t’elle), elle s’est « fait l’objet du désir de l’homme », non dans le semblant, mais dans le réel, en passant par la chirurgie esthétique. Pourtant, disait le chirurgien, vous ne pourrez pas être plus belle, vous l’êtes déjà. Elle croit réussir, en le séduisant incognito avec son nouveau visage, après six mois d’absence,   mais ce succès s’avère un échec et elle est « triste à exploser »; il aime encore celle qu’il croit avoir perdue, ce qui ranime en elle une jalousie absurde. Devant l’impossible à supporter de ce réel qu’il finit par découvrir, il tente de la suivre dans cet au-delà, cet illimité féminin, et va voir le chirurgien, lui aussi. Cela se termine très mal, puisqu’il ne pourra jamais plus se présenter à elle et préférera mourir: Il ne peut être « Autre à lui-même ». Il devient méconnaissable, elle aussi d’ailleurs. « On ne pourra plus jamais vous reconnaître », dit le chirurgien qu’elle retourne voir une seconde fois, comme si cela pouvait effacer l’horreur de son premier acte. Voila un peu ce que j’en ai retenu.

Le lendemain, ce fut grâce l’exposition photo de Gisèle Freund, qu’il devenait possible de mettre des visages sous des noms, et reconnaître Gide, Malraux, Cocteau, Sartre, Marie Bonaparte, Zweig et…. Joyce. La démarche m’a parue inverse de la veille: retour au symbolique, reconnaissance qui s’opposait bien à la méconnaissance.

Notre discussion après, autour d’un verre, fut magique.

Enfin, aujourd’hui, petit « rattrapage » Baselitz, en solo, avec, du coup une émotion face aux visages jaunes et en creux des « femmes de Dresde », et la monumentale « femme outremer ».

Je te passe la plume pour l’escapade des deux semaines prochaines où je ne pourrais venir, Alain?

Bises à tous,

Catherine

 

Illus:

  1. Une image de la fin du film de Kim Ki-Duc
  2. André Gide sous le masque de Leopardi, Gisele Freund, Paris 1939
  3. Georg Baselitz, Le labyrinthe des plaintes des femmes de Dresde
Est-ce capadecapable ?
Je rentre de ma solitude lègeoise, où le froid se chamaillait avec le soleil sous quelques larmes du ciel. Je scrutais mon iPad pour quelques trésors d’escapades parisiennes…Qui vinrent finalement sous la plume de Cath.
Décidément, l’écriture de l’Un fait exister à l’Autre ce qui n’a pas eu lieu pour lui. Merci pour cette navigation du Miroir, de l’île du réel au port du symbolique, et retour.
Le programme des 2 semaines suivantes est chargé: les Bonnes de J. Genet, le débat avec Ansermet, les archives avec Benjamin et  le café psychanalyse avec les « Bonnes de J.Genet et MHB.
Clin d’œil à tous !

Alain

Pourquoi « Platonov mais… »?

J’aime ta question Vé! 

Les mystères des choix d’escapades!!! Pourquoi « Platonov mais…« ?

C’est à partir de ce que nous indiquait Marion lors de la soirée Fineggans au théâtre de l’aquarium que j’ai retenu le titre de la pièce, que je ne connaissais pas. J’ai fait quelques recherches sur le net et, le sujet, l’histoire m’ont intéressée. C’est donc à Marion, à son enthousiasme contagieux et à ses yeux pétillants de passion pour cette œuvre que nous devons cette proposition! (le détail du mémoire donné par Dom m’avait échappé.)

Voilà chère Vé, les escapades les plus riches pour moi naissent de ces moments indéfinissables, qui surgissent tout à trac, qui nous animent du désir d’un(e) autre, d’un désir à l’autre, au croisement d’une transmission souvent inconsciente de ce qui nous touche et nous tient à coeur, que nous souhaitons partager et qui fait écho…C’est d’une certaine manière le fruit d’une mise en commun des désirs qui nous tiennent!

Bises

Géraldine. 

La Tétralogie d’Euripide

Chers compagnes et compagnons d’escapades,

J’ai essayé pour vous l’intégrale de la Tétralogie d’Euripide au Théâtre de Châtillon mise en scène par Christian Esnay.

La Tétralogie se compose de quatre pièces (Hécube ; Hélène ; Oreste et Le Cyclope) qui traitent des retours de la guerre de Troie.

Nous y retrouvons les principaux acteurs mythiques de la guerre de Troie qui ont conduit la ville à sa perte.

Les quatre pièces sont de facture différente, cela va de la tragédie pure (Hécube) à la comédie (Le Cyclope) en passant par la tragicomédie (Hélène et Oreste).

Ce qui m’a le plus enthousiasmé dans cette mise en scène de Christian Esnay c’est d’avoir su tirer du texte des plus antique qui soit (selon les canons du théâtre grec avec la place des chœurs) une interprétation revisitée par un jeu d’acteur moderne qui intègre la fonction du chœur an cœur même de l’action scénique ce qui m’a donné l’impression de mieux saisir ce que pouvait vivre un spectateur du temps d’Euripide à l’écoute du chœur. La fonction du chœur a été très actualisée en faisant usage de séquences musicales (accordéon) et de chants aux rythmes d’aujourd’hui (rapp ou hiphop).

On ne s’ennuie pas du tout même après plus de six heures de spectacle en tout.

Vous pouvez encore vous y rendre puisqu’il y a des représentations jusqu’au 5 février. Vous serez vraiment impressionnés par cette mise en scène et ces chœurs revisités avec les outils scéniques d’aujourd’hui.

Bien à vous.

José Rambeau

 

A dangerous method, débat au cinéma du Panthéon, réponses à quelques questions

DISCUSSION AUTOUR DU FILM : A DANGEROUS METHOD, David Cronenberg (2011)
Mercredi 1er février à 20h, Cinéma du Panthéon, 13 rue Victor Cousin, Paris V
Projection suivie d’un débat animé par Geneviève Morel (psychanalyste). En partenariat avec l’ALEPH (Association pour l’Etude de la Psychanalyse et de son Histoire).

Débat intéressant, très sérieusement préparé. L’intervenante avait lu tout ce qu’on pouvait lire sur la question, ou presque. Je crois avoir obtenu quelques éclaircissements sur des points qui nous étaient restés obscurs.

1- Réponse à ta question, Véronique, sur le jeu de la comédienne :
Il y a là un certain anachronisme. Son interprétation est fondée, en effet, sur les documents que l’on a sur les leçons de Charcot – lesquelles avaient eu lieu quelques vingt ans avant. Déjà, à l’époque, les hystériques avaient évolué et ne faisaient plus de « grandes crises » comme celle qui nous est montrée. En revoyant le film, j’ai trouvé moi-même que cette scène passait moins bien. Réalisateur et comédienne en font un peu trop…

2- Quant à la scène finale qui, pour Malik, ne passe vraiment pas :
La pièce originale de Christopher Hampton, dont la construction est assez différente, est coupée en deux par la scène extrêmement violente de la mort de Sabina, fusillée par les nazis. Le scénariste aurait choisi de reporter cette violence à la fin et lui aurait cherché un équivalent dans le rêve de Jung, ce qui produit une sorte de télescopage temporel. Rêve authentique mais pas vraiment prémonitoire, puisqu’il l’a fait pendant la première guerre mondiale et qu’il semble ici se rapporter aux événements de la deuxième.

3- Géraldine, à propos de cette phrase qui t’a tellement frappée (nous resterons toujours des juifs, gardons-nous des aryens) : elle se trouve dans une lettre de Freud à Sabina, dont les termes seraient encore plus violents. Pour G. Morel, et ça ma paraît assez convainquant, ce ne serait pas la position personnelle de Freud mais une interprétation analytique qu’il lui fait : il serait temps qu’elle arrête de délirer sur son blond Siegfried et qu’elle s’aperçoive que cette histoire est vouée à l’échec. Siegfried, c’était aussi le thème de son mémoire, dont on la voit discuter avec Jung, et qui est bien sûr très intriqué avec ce qu’elle vit alors : Wagner, « L’or du Rhin », le génie qui ne pourrait naître que d’une transgression, la pulsion de destruction annonçant la pulsion de mort (ce dont Freud lui rend hommage).

4- Les scènes sado-masochistes ne sont attestées par aucun document. Elles peuvent être liées à la problématique de Cronenberg lui-même. Mais n’en sont pas moins vraies, car elles montrent par un procédé fictionnel comment Jung entre dans le fantasme de Sabina (« Un enfant est battu »), comme il était entré dans celui d’Otto Gross, personnage en effet très réussi. En somme, il se laisse toujours faire par ses patients.

5- Je persiste à trouver Freud un peu caricaturé, même si, comme vous l’avez tous souligné, le film rend parfaitement justice à sa position éthique. Il est très pontifiant, où est passé son humour ? Michael Fassbender me paraît bien meilleur, surtout si on a présente à l’esprit sa prestation récente et si différente dans « Shame ». Alors j’avoue que, surtout la première fois, je me suis laissée emporter par le personnage de Jung, si bien rendu, si conforme à l’archétype du jeune psychiatre aryen – même si on sait à quel point l’homme était fou (cf. son autobiographie, « Ma vie ».) Les subtilités de ses conversations avec Freud, qui synthétisent leurs divergences, m’apparaissent mieux maintenant.

6- Quant à tes autres remarques, Malik, sur le côté trop lisse du film, etc., je suis hélas bien incompétente. Quelqu’un dans la salle a remarqué qu’il fumait beaucoup de cigares mais qu’il n’y avait pas trace de fumée ! Est-ce que ça rejoint ta critique ? C’est compliqué, le cinéma. Beaucoup plus que le théâtre, je trouve. Pour une fois que je me montrais bon public… Les critiques exigeants nous font avancer. Merci à toi.
PS. Je suis affreusement déçue par le film de Chantal Akerman, « La folie Almayer« . Tu as quelque chose à en dire ?

Dominique.

ennuyeux, mike kelley has died

De la part de Guy M.
Objet : [escapadesculturelles] ennuyeux

  http://www.galleristny.com/2012/02/mike-kelley-has-died/

 __._,_.___

De la part de véronique müller
Objet :[escapadesculturelles] ennuyeux, mike kelley has died

tu te souviens, en 2004, de cette exposition que nous avions vue, de lui, MIKE KELLEY

et nous avions même ramené une des photocopies qui parsemaient le sol, et je l’avais ensuite donnée à annick, en lui disant tiens j’ai un mike kelley à te donner, et quand même elle avait été un peu déçue…

 GH-Kelley2-06G.jpg

 GH-Kelley2-01G.jpgGH-Kelley2-02G.jpgGH-Kelley2-03G.jpgGH-Kelley2-04G.jpgGH-Kelley2-05G.jpg

De la part de Guy M.
Objet : [escapadesculturelles] ennuyeux, mike kelley has died

Oui bien sûr
j’avais vu aussi son expo au whitney museum en ’93, ‘catholic tastes’ le
catalogue est très bien
et surtout j’ai le t-shirt!
http://books.google.com/books?id=_NXdfW9kpokC&pg=PA77&lpg=PA77&dq=Hi+my+name+is+if+I+am+lost+take+me+to+the+clock+tower&source=bl&ots=rqe-5GiX7c&sig=iabiKiX2IFhgl9s70MP7RCl3yhw&hl=en&sa=X&ei=XpsqT_-rOI-G-wbw-cSuDg&ved=0CB8Q6AEwAA
qui est en haut de la page 77 (si vous arrivez à accéder à la page…)

Hi my name is
_____________
if I am lost
take me to
the clock tower

je suppose que j’ai écris quelque chose là dessus à l’époque
à l’époque j’écrivais des trucs
et je m’intéressais à l’art

c’est aussi pour ça, là:
http://punkmusic.about.com/od/punkinthenews/a/Rip-Mike-Kelley-1954-2012.htm
que c’est triste

Votre,
Guy.
PS/ je crois qu’on a vu aussi une expo à bruxelles il y a un an, il
fallait se mettre à quatre pattes dans des tuyaux de plus en plus petits,
hein

De la part de Guy M.
Objet : [escapadesculturelles] ennuyeux

Un homme de culture

 

c’est trop triste

 

Votre,

Guy.

__._,_.___

De la part de véronique müller
Objet :[escapadesculturelles] ennuyeux, mike kelley has died

ah, oui, “Educational Complex Onwards” au Wiels, en 2008, avec Jules, c’est vrai, je me souviens aussi.

je dois avoir une sorte d’affiche quelque part,

De la part de Guy M.
Objet : [escapadesculturelles] ennuyeux

l’article dans liberation aujourd’hui est completement stupide avec ces
histoires de « trash » qui ne veulent rien dire
  néanmoins ça m’a fait revenir ce à quoi je pensais en 93 au sortir de
catholic tastes, je résume:

mike kelley (ici un exemple parmi d’autres)
http://www.initialaccess.co.uk/exh/42/8/unholy-truths/mike-kelley
annette messager
http://www.shift.jp.org/en/archives/2008/09/annette_messager_exhibition.html
(c’est aussi un exemple)

utilisation des peluches
ce serait à discuter
si je n’avais pas
http://homme-moderne.org/musique/carnet2/?p=3836
un ami mort

Votre,
Guy.

l’anti-dépresseur du gai-savoir…

ces formes géométriques de toutes les couleurs qui se déroulent dans un écran en creux
ces sortes de robots  "implantés" dans un espace pour étudier la naissance du langage
ces sortes de robots "implantés" dans un espace pour étudier la naissance du langage

Bonjour à tous,

Comme Mariana, en solo j’ai  rattrapé mon retard de l’escapade « Mathématiques, un dépaysement soudain » à la fondation Cartier.

Quelle surprise et quel bonheur de rencontrer ces mathématiciens pétillants et joyeux de nous transmettre leur gai-savoir.

Je retrouvais mes yeux d’enfants à observer ces formes géométriques de toutes les couleurs qui se déroulent dans un écran en creux, et j’ai eu un échange très drôle avec une des femmes présentes pour nous guider qui nous expliquait ces sortes de robots  « implantés » dans un espace pour étudier la naissance du langage. Ce sont des tiges informatisées que David Lynch a « habillées » avec les têtes d’un de ses films, faites de 3 creux, 2 yeux et une bouche en forme de 0 pourrait-on dire. En aparté, la présentatrice me disait son trouble qu’on leur ait mis des visages et son étonnement quand, pour parler de « ça », on dise « elles » –  ce serait devenu des femmes ??? On a bien ri !

Et le soir j’allais écouter, entre autres, Cinzia Crozali sur la dépression, qui mettait l’accent sur l’anti-dépresseur trouvé par Lacan du côté du « gai-savoir », la boucle était bouclée !

Je reviens le 22 février à Paris pour une réunion de bureau des PF, une escapade vers 16h30/17h vous tenterait ? sinon j’ai plein de retard à rattraper lol

Bises,

Isabelle

~
des robots implantés dans un espace pour « étudier la naissance du langage » dis-tu !!!!
et tu pourrais nous en dire plus ????
vrm
~
Ce sont des tiges qui sont implantées dans un espace, des tiges informatisées et leur logiciel est d’entrer en interaction l’une avec l’autre et avec le public qui bouge devant « elles ». Je n’ai pas tout compris mais quand elles sont d’accord sur un terme elles lèvent la tête et quand elles ne sont pas d’accord elles la baissent, elles se cherchent et elles fabriquent des sons, des sonorités, parfois il y a des mots et derrière sur un écran, une arborescence se dessine petit à petit. J’ai trouvé ça très poétique, et très drôle aussi d’imaginer des êtres féminins en train de palabrer… mais s’il y a quelqu’un qui a une explication plus scientifique, elle sera la bienvenue
Bon week end d’escapade.. ou pas
Isabelle

walter benjamin meurt à port-bou

kiefer-tescheveuxcendresulamith.jpg

Anselm Kiefer, Dein aschenes Haar, Sülamith.

PORT-BOU – ALLEMAND ?

Déjouque la cagoule magique,
le casque d’acier.
Nibelungs
de gauche, Nibelungs
de droite:
nettoyé, rhincé, purifié,
déchet.
Benjamin
vous non-dit, à jamais,
il oui-dit.
Ce genre d’éternité, aussi
sous les espèces du B~ Bauhaus :
non.
Pas de Trop tard,
un secret
Ouvert.

Paul Celan

Les « Nibelungs de gauche» désignent un collectif: les étudiants « antifascistes» de 1968 qui élurent Benjamin comme leader spirituel tout en se présentant eux-mêmes en victimes de leurs pères. Comme Benjamin, Celan «dit non» pour « dire oui» : non à « ce genre d’éternité », non à toute éternité héroïco-transhistorique, non aussi à sa purification moderniste, non au fonctionnalisme ésotérique du Bauhaus. Celan met en parallèle l’isolement croissant de Benjamin et le sien, son propre sentiment de marginalisation parmi des gauchistes qu’il soupçonne, à tort ou à raison, d’être restés fidèles à l’appel des Nibelungs sous la cagoule magique d’un philo sémitisme ressentimental. Il les met dans le même sac que les « Nibelungs de droite », les nationalistes de « l’Allemagne secrète» critiqués par Benjamin, s’approprie l’adjectif « secret» et pose un « secret Ouvert» utopique, en lieu et place de la topique nationaliste. Quant à l’adjectif qualificatif « allemand », il est éjecté vers le titre, séparé par un trait de Port-Bou, la localité dans les Pyrénées espagnoles où Benjamin, poursuivi par la Gestapo, ne voyant plus d’issue, s’est donné la mort en 1940. L’évocation de Port-Bou place l’ensemble du poème sous l’angle du suicide et de la tombe de Benjamin en terre espagnole, sous l’angle du rétrécissement ultime de sa biographie dans l’impasse de l’histoire. Port-Bou serait-il allemand? La question du titre débouche sur un « secret Ouvert». Ouvert serait-il la « petite porte étroite» par laquelle, selon Benjamin, le monde en ruines pouvait encore trouver une issue? On ne le saura pas. À 1′instar du philosophe, Celan conserve le missing link qui ouvre le dialogue avec le lecteur.

Andrea Lauterwein, Anselm Kiefer et la poésie de Paul Celan, Editions du regard, pp. 63, 64

les bonnes de genet (avant-goût de gentes)

Les Bonnes furent époustouflantes de surprise, de dureté, d’ironie sur le mal d’être, le mal du deux, le double dans tous ses états que seule la mort sauve de la destruction.
D’autres mots viendront  plus tard, pour l’heure je sirote un Bordeaux château Roquefort avec quelques escapadrices dé-Gentes !!!!
Demain, je viens nu ( sans billet) comme dans les Bonnes !!!!
Mais je vais où, au fait? Benjamin, c’est où?
Au fait, qui est Gui aime?
À demain.
Al

//

 pour info : Lacan, non pas sur Les bonnes, mais sur Le Balcon de Genêt, dans Séminaire des Formation de l’inconscient, leçon du 5 mars 1958
v

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Super,  Vé, merci pour cette ref. Que je vais éplucher dès que le TGV aura bien voulu me déposer à Bordeaux: déjà 40 mn de retard !
Voici quelque chose d’amusant pour une TROMPE-ESCAPADE !

//

un très bel article sur genet, « Jean Genet par-delà le paravent », qui s’appuie sur, entre-autres,  lacan, blin, bakounine, trouvé là : http://refractions.plusloin.org/spip.php?article34#nh4

 

Rencontre avec Francis Warin, artiste peintre et sculpteur

Chers amies, chers amis, ès cap pas d’heures,

Groupe ouvert et à géométrie variable, j’aime la liberté offerte par nos escapades qui laissent une place de choix à l’improvisation, à la surprise, à la contingence! C’est par le biais d’un ami Lithuanien, intéressé par l’art et auquel je parlais récemment de notre aventure nouvelle en terre d’escapades, que le nom de Francis Warin a surgi en associant librement… »Ah, tiens, je voudrais te présenter un ami… ».

Jeudi dernier, avec Nidas donc, d’un ami à l’autre, le temps d’un délicieux déjeuner improvisé au Café de la pie à Saint-Maur des Fossés, chez Solange, lieu insolite où le temps n’a pas de prise, j’ai fait la rencontre incroyable de cet artiste peintre sculpteur de 81 ans, Francis Warin, dont la vie est un roman tout à fait passionnant, traversé par tant d’événements historiques marquants et de rencontres d’artistes majeurs, tant dans sa vie personnelle que dans sa vie artistique et dont il témoigne avec beaucoup de générosité, en conteur libre et spontané. La rencontre a été un grand moment d’échange sur l’art, la vie, la psychanalyse…

Après que Francis Warin ait évoqué un projet de réunir un jour, dans son atelier au milieu de ses œuvres, des musiciens de jazz, je lui ai parlé de la rencontre de Miro et Duke Ellington, et lui ai fait parvenir ce lien:

http://www.dailymotion.com/video/x35lvc_duke-ellington-blues-for-miro-1966_music

Francis Warin m’a confié après avoir écouté le lien que c’est en écoutant Duke Ellington, qu’il connait par coeur, qu’il crée… Je suis revenue le rencontrer, seule, aujourd’hui, dans son très bel atelier, qui nous ouvre toutes grandes ses portes. Je vous joins quelques photos d’un très bon moment passé en une fort agréable et enseignante compagnie.

C’est une visite et une rencontre que je vous propose de faire à votre tour, seul(e) ou à plusieurs, à la découverte de ses œuvres et à l’écoute de ses nombreuses anecdotes, Francis Warin étant un hôte tout à fait remarquable, accueillant et pétillant. Quelle émotion de parler avec l’artiste, dans son univers, dans ses murs, de le voir s’animer devant ses tableaux, de l’écouter témoigner de l’insaisissabilité de l’acte de création, son mystère, son évanescence, de toucher les sculptures, de poser ses questions, de photographier librement, de jouer avec la lumière naturelle sur une toile, de laisser se dérouler une visite impromptue, intemporelle, laissant les œuvres se dévoiler, se découvrir, se retrouver, se parler, au hasard de la conversation, de fil en aiguille, sans suivre un circuit, un sens, un guide…

A vous de faire votre rencontre, Francis Warin vous accueillera pour une visite de son atelier à Saint Maur des Fossés. Vos visites sont attendues. Peut-être même que Francis Warin rejoindra notre groupe d’escapadeurs à l’occasion? L’invitation est lancée pour l’exposition à la Pinacothèque:

http://www.pinacotheque.com/index.php?id=732

A propos, si vous connaissez des artistes, des ateliers, des galeries, des endroits insolites d’expressions artistiques, des lieux de création inconnus, des expositions qui sortent des sentiers battus et tout bitumés de l’art en marché,  je suis très intéressée par de nouvelles découvertes, et souhaite qu’Escapade s’oriente aussi dans ces voies là. Et vous? 🙂

Bises.

Géraldine.

« Je ne commente pas l’histoire, je suis une partie de l’histoire. »

Chers amis,

 Je vous adresse à la faveur des récentes escapades Baselitz et de la fin de l’exposition, la réflexion qui m’était venue au moment de la découverte de l’exposition avec Véronique en décembre et que j’ai complétée tout dernièrement dans l’après-coup.

Merci Véronique pour ce témoignage et ces recherches passionnantes autour de l’oeuvre de Baselitz, artiste peintre, dessinateur et sculpteur contemporain allemand, qui nous introduit à une réflexion de plus en plus poussée sur ce qui pourrait définir l’art moderne, et merci surtout pour cette escapade improvisée ensemble ce mardi de novembre pluvieux au musée des arts modernes, à la rencontre de ses sculptures insolites et colossales.

J’ai pour ma part d’emblée été saisie par un certain malaise, tu le sais, en découvrant en tout premier le monumental Modell für eine Skulptur (1979-1980), la sculpture inaugurale, présentée à la Biennale de Venise en 1980 et qui fit scandale. Est-ce le bras tendu, assimilable au salut hitlérien, est-ce le profil ambigu de cette grossière tête humaine sortie du tronc, rampante et cherchant à se dresser, quelque chose là, dans ce buste menaçant, d’une étrangeté inquiétante m’a renvoyée à cette sombre période de l’histoire.

Suivant le fil de ce malaise en m’intéressant ici uniquement aux sculptures exposées et en faisant quelques recherches biographiques sur l’artiste, je trouve son témoignage d’une enfance prise dans la tourmente de la dictature du troisième Reich: « mon père était nazi, mais comment peut-on m’attribuer une part de responsabilité alors que j’avais 7 ans en 1945. » 

Cette formulation en dit long et m’évoque une phrase de Victor Klemperer, philologue juif allemand vivant également à Dresde et qui a écrit pendant les douze années du nazisme, en tenant un journal clandestin, au péril de sa vie, afin de résister et de dénoncer l’effet progressif d’empoisonnement de la langue comme mode de propagation de la « LTI, la langue du III Reich », que je cite de mémoire, à propos des jeunesses hitlériennes : « combien de générations avant que ces immondices nazies ne s’effacent de ces chères têtes blondes?« .

Comment ne pas y songer en voyant certaines de ces statues géantes…comme le retour du refoulé, de ce que l’enfant Baselitz a perçu des figures effrayantes, monstrueuses du nazisme, du discours totalitaire qui ont marqué ses premières années et des mots qu’il a entendu alors? 

Mais son expérience de la dictature ne s’arrêta pas avec la fin de la guerre, Baselitz, dont le nom d’artiste est un hommage à sa ville de naissance en Saxe, à Deutschbaselitz, a vécu  également l’horreur du Stalinisme depuis l’Allemagne de l’Est et ne passera à l’ouest qu’en 1957, après avoir été renvoyé de l’École des arts plastiques de Berlin-est pour « manque de maturité socio-politique. « …

Les sculptures de Baselitz, artiste viscéralement travaillé par les questions laissées par l’Histoire allemande: « je ne commente pas l’histoire, je suis une partie de l’histoire », charcutent les corps, comme autant de représentations possibles de corps percutés par les signifiants du nazisme, du stalinisme, du totalitarisme, et de sa variante moderne de l’hyper-capitalisme?

Massifs, les géants de bois, dont la matière première m’évoque le pantin ou le jouet et tamponne le gigantisme et la figure de puissance, tantôt totémiques, en pieds, assis, couchés, en bustes, en morceaux, démembrés,  bruts, peints, maquillés outrageusement, naïfs, primitifs, découpés, scarifiés, tronçonnés, morcelés, asexués, bi-sexués, parfois recouverts de tissus comme une tentative d’habillage, de voile mis sur l’horreur, parfois accoutrés à la manière d’ouvriers stalino-communistes, en uniforme, en culotte courte, bottés, perchés sur des escarpins grossiers, avec des grosses montres, ou colorés, ensanglantés, cramoisis, jaunis, bleuis, ne cessent d’interpeler sur les restes des signifiants du nazisme, du fanatisme, du fascisme, du culte et de ses offrandes à des dieux obscurs, hérités depuis la nuit des temps, qui tiennent au corps ou pire.

Cela m’évoque un passage du séminaire livre XI de Lacan, cité par Anne-Lise Stern, dans « …Et Lacan:  un courageux regard », p 158 In Le Savoir-déporté, Seuil, 2004.

« Il est quelque chose de profondément masqué dans la critique de l’histoire que nous avons vécue. C’est présentifiant les formes les plus monstrueuses et prétendues dépassées de l’holocauste, le drame du nazisme. Je tiens qu’aucun sens de l’histoire, fondé sur les prémisses hégéliano-marxistes n’est capable de rendre compte de cette résurgence, par quoi il s’avère que l’offrande à des dieux obscurs d’un objet de sacrifice est quelque chose à quoi peu de sujets peuvent ne pas succomber, dans une monstrueuse capture.

L’ignorance, l’indifférence, le détournement du regard, peut expliquer sous quel voile reste encore caché ce mystère. 

Mais pour quiconque est capable, vers ce phénomène, de diriger un courageux regard – et encore une fois, il y en a peu assurément pour ne pas succomber à la fascination du sacrifice en lui-même – , le sacrifice signifie que dans l’objet de nos désirs, nous essayons de trouver le témoignage de la présence du désir de cet Autre que j’appelle ici le Dieu obscur. C’est le sens éternel du sacrifice, auquel nul ne peut résister, sauf à être animé de cette foi si difficile à soutenir, et que seul, peut-être, un homme a su formuler d’une façon plausible – à savoir Spinoza, avec l’Amor intellectualis. »

Les femmes de Dresde, tableau émouvant de têtes nues de femmes aux couleurs de flammes et aux regards vides, creux, hommage aux survivantes hagardes des bombardements et de l’incendie qui a ravagé Dresde à la fin de la guerre, se laissaient approcher de loin, pour mieux entendre leurs plaintes lancinantes qui se faisaient écho dans le labyrinthe de colonnes qui les soutenaient. Te souviens-tu Vé? Tu t’y es arrêtée et t’es retournée… As-tu entendu comme moi les pleurs inconsolables de ces femmes chargées de re-donner vie et de re-construire après le chaos et l’enfer?

Le portrait mélancolique de Volk Ding Zero, que tu as formidablement commenté Véronique, à partir de l’inspiration indiquée de la figure du martyr du Christ s’impose à la fin de l’exposition, par son énigmatique douleur… Volk Ding Zero. 

Une exposition dont je ne suis pas sortie indemne, qui a produit son effet plus dans l’après-coup et qui m’a interrogée sur la fonction de l’art moderne au sein du malaise contemporain aux prises avec les questions de notre époque, tout autant traversées par ‘les restes’? 

A vous lire,

 Géraldine.

RE: « Je ne commente pas l’histoire, je suis une partie de l’histoire. »

Merci Géraldine! 

Coup sur coup, ta rencontre singulière et aventureuse avec ce peintre sculpteur, ses formes et ses couleurs si incisives et ton commentaire historicisé de Baselitz. J’ai surtout relevé cette référence au « Dieu obscur », qui pourrait dangereusement prendre la place de l’objet cause du désir et devenir insidieusement « Désir de l’Autre », menant à tous les sacrifices et à toutes les destructions sous l’égide de la pulsion de mort … sauf pour celui qui soutient décidément le Désir de l’analyste, serrant un objet qui ne serait plus un objet de sacrifice, mais un objet vivant, au-delà du bien, des biens, et du discours commun.

Merci et bise à toi

catherine

Baselitz à propos de Modèle pour une sculpture

Chers tous, Nou en particulier,

Je tombe, en faisant un peu de rangement, sur ce vieux numéro d’Art Press datant du moment de l’ouverture de l’exposition Baselitz. Dans son interview Baselitz revient sur Modèle pour une sculpture et s’en explique de la façon suivante :

« Le point de départ a été la Biennale de Venise [de 1980], où Anselm Kiefer et moi avions été sélectionnés pour occuper le pavi­llon allemand. Ce pavillon a toujours été critiqué car il s’agit d’un bâtiment fasciste, construit pendant la période fasciste et déjà utilisé en tant que pavillon par les fascistes. Celui-ci a accueilli avant moi de nombreuses expositions de sculpteurs. Le pavillon ne se prête pas à la peinture. Je n’avais pas encore réalisé de sculptures. Aussi trouvais-je les sculptures conçues par mes collègues sans inté­rêt. Je me suis dit qu’il fallait faire autre chose. « À cette époque, il y a avait une sorte de compétition entre les peintres, quelque peu déconsidérés, et les conceptuels, ces « gau­chistes » qui projettent des programmes artistiques sans jamais les exécuter. Et puis il y avait la sculpture. J’ai bien entendu été témoin de la « réduction » sculpturale. Flavin, Andre et Judd et toutes ces choses m’étaient fami­lières ( … ) On part du principe que les sculp­teurs sont plus idiots que les peintres. C’est un préjugé. C’est aussi lié à la proximité et à la question de l’objet. Il est très difficile d’extraire une sculpture de sa condition d’objet. Qu’on le veuille ou non, Judd réalise des boîtes et Carl Andre du carrelage. Tandis que la pein­ture a une capacité d’abstraction. Elle peut être beaucoup moins précise, plus inventive dans ce qu’elle représente. On peut finalement tout représenter ou ne rien représenter. On peut peindre une toile blanche.

« Quand je me suis dit que j’allais réaliser une sculpture, j’ai été confronté à une difficulté dans la mesure où je peins tout à l’envers. Mon programme consiste à s’éloigner de toute forme de « figuration », de tout « environnement ». Je ne crois pas à la représentation de contenus. ( … ) J’ai commencé par travailler de la terre glaise et du plâtre. J’ai tout jeté. Puis j’ai sculpté du bois. Au début, c’était bâclé et j’ai fait en sorte que cela s’améliore. Puis la sculpture de Venise est née. Je l’ai appelée Modèle pour une sculpture. Un modèle est quelque chose d’inachevé. C’est une tentative. Le mot sous-entend la possibilité d’un renouvellement et d’une exécution ( … ) [Le résultat] a été vilipendé. Encore une fois pour des questions de contenu. Il y a eu un scandale. On a évoqué le salut hitlérien. Alors que je me référais à la sculpture africaine, à la sculpture Lobi [Burkina Faso], où l’on retrouve des gestes similaires. J’étais totalement innocent. Auparavant, de nombreuses personnes avaient vu la sculpture. Et aucune d’entre elles n’avait réagi de la sorte. ( … ) Dans la presse, on avait pour habitude de me représenter comme quelqu’un de contradictoire et d’agressif. Et cette image collait parfaitement avec Venise. Puis le fait d’avoir co-exposé avec Kiefer n’a pas arrangé les choses. Le tout était un peu prévisible. C’est toujours la même rengaine allemande. Quand on se fait insulter en Allemagne, on ne vous traite pas de salopard, mais de salopard nazi.

« Il y a des influences que l’on suit et d’autres que l’on écarte, auxquelles on s’oppose ( … ). Je me suis toujours confronté à l’art, en particulier à l’art allemand. J’ai toujours essayé de me comparer à d’autres. Le tout est lié aux informations dont on dispose. Après la guerre, en RDA, l’information était mince, mauvaise et univoque. Beaucoup de choses n’étaient pas visibles. Les bibliothèques avaient été vidées des livres déjà censurés par les nazis. Il n’y avait aucun livre sur Die Brücke, Paul Klee ou Kandinsky.

« À 16 ans, je suis tombé sur une brochure italienne sur le futurisme qui contenait des illustrations en noir et blanc. Une source incroyable d’information. Du jour au lendemain, vous tombez sur le futurisme. Comme un Africain j’étais confronté à quelque chose qui m’était totalement étranger. Les ponts entre l’art promu par les nazis et Picasso, l’abstraction et le futurisme étaient inexistants. Il fallait, à par­tir de cette information très mince, développer, quelque chose, et ce dans une méconnaissance presque totale de ce qui avait été conçu par les deux générations précédentes. Une fois étudiant à Berlin-Est, j’ai pu accéder à un peu plus d’information. Il y avait des revues tchèques et polonaises. La Pologne avait des liens avec la France. Les Polonais avaient le droit de voyager. L’art français était commenté dans les revues polonaises, à commencer par l’École de Paris. Puis j’ai pu avec un ami entreprendre un voyage à Berlin-Ouest. Nous sommes allés dans des librairies et avons volé des cartes postales de peintures qui nous intéressaient. Il ne faut pas oublier que le matériau en matière de publications était beaucoup plus réduit à l’époque. Il était maigre et en noir et blanc.

« Je me suis toujours intéressé à ce que font les autres. J’ai fait mes choix et tracé mon chemin. De manière intuitive. J’étais très réceptif à l’école. J’étais curieux. Je le suis aujourd’hui encore, même si c’est mon propre passé qui m’interpelle en premier lieu. ( … ) Quand j’ai commencé à concevoir mes sculp­tures [en 1979], je savais ce qui existait. J’avais vu de Kooning et Giacometti. Picasso et Matisse. Kirchner et Schmidt-Rottluff ( … ). Il y a constamment cette obligation de commencer à zéro. De mettre de côté ce qui est à votre disposition. Cela a toujours été mon problème principal. [À l’Ouest] mon professeur était «dépendant» de Hans Hartung. Il était abstrait, car l’abstraction représentait pour cette génération une libération incroyable, compte tenu de la merde qui existait auparavant. Par la suite, cette génération a voulu nous entraîner dans cette libération. J’ai tenté ainsi pendant un an et en bon étudiant de faire ce que Kandinsky ou Malevitch nous ont appris. Mais je ne suis pas un bon étudiant. L’art en Allemagne a toujours été lié à cette manie de vouloir tout savoir mieux que les autres (Besserwisserei). À l’Ouest, il fallait être un bon étudiant pour faire du bon art. Mon professeur m’a dit à l’époque que ce que je faisais était derrière nous. Anachronique. »

 Extrait d’art press n°381, septembre 2011

Bien amicalement,

Véronique

 

 

 

Lignes de corde, avec Café & Psy

Ma plus belle escapade eut lieu hier soir, sur le Mont rouge, encordé à la compagnie Retouramont et à son extime du jour, Marie-Hélène Brousse.

Le froid a battu en retraite sous les coups francs des cordes, des marines comme des vocales, sous la beauté de leurs vibrations accouchant de mélodies (sur scène ) et de discours (sur l’Autre scène, le débat ).
Ce fut une divine et magique traversée du labyrinthe pour les uns, de la parole pour les autres, pour se perdre et s’y retrouver avec le masculin/féminin d’aujourd’hui.

D’abord ce qu’il n’y a pas de nouveau, entre un homme et une femme, qui s’est réitéré hier soir autant sur la scène préalable du quotidien que de la danse et du débat: de l’impossible, toujours là, qui se met en travers de La Rencontre. Le deux ne fera jamais un… à cause du trois, du zéro, ou de chaqu’Un si vous voulez.

Ma venue au théâtre en a porté la trace: celle qui devait m’accompagner n’est pas venue. Son billet n’est pas pour autant devenu un billet de trop, à revendre: il a trouvé son usage, marquer son absence comme compagne.
La venue de MHB n’a pas échappé à la contingence de l’impossible. Elle nous raconta sa traversée de Paris en Taxi. Ce fut une séance psychanalytique à l’envers: elle dut payer son trajet pendant lequel son chauffeur lui déversa ses déboires conjugaux. Trois femmes paranoïaques successives pour un seul homme dépressif: là, nous dit-elle, la formule du rapport sexuel commence à s’écrire, une paranoïaque fait couple avec un dépressif, pour cet homme.

Laissons nos inventions du quotidien pour se fondre dans celles du jeu de la danse. N’importe quel objet tombe dans la beauté avec un voile de mouvement, de lumière, de sons et de voix. Un spectacle à atmosphère lacanienne: court, épuré, topologique !
Freudienne aussi bien: vaste Fort-Da entre deux corps sculptés par des cordes qu’hypnotise, à distance et à plusieurs langues, une chanteuse-musicienne.
L’impossible du rapport s’acte par la présence de la corde de chacun, qui noue et dénoue dans le même temps la rencontre entre les deux corps: sublime. Le spectateur ne peut alors que créer en lui l’amour et le souffler vers la scène pour qu’enfin ait lieu le rêve d’y être !

Passons à ce qu’il y a de nouveau dans le masculin/féminin d’aujourd’hui. Il apparaît dans la pièce chorégraphique avec de l’ancien, la figure du minotaure, mi homme-mi bête, que MHB traduit dans notre actualité par la moindre distinction entre homme et femme, moindre distinction qui complexifie et multiplie les possibilités des liens d’amour: un homosexuel homme peut aussi bien aimer une femme, etc. Les combinaisons d’amour et de lien sont plus diversifiées. L’impossible du rapport n’en disparaît pas pour autant. Il en apparaît que plus.

Donc, belle, très belle même cette soirée de danse, danse avec les corps et la parole.

Grand merci à José pour cette merveilleuse réalisation.

Ultime impression: je ne suis pas sûr que la beauté puisse exister en dehors du champ de la solitude…

Alain

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Complément:
La danse des corps avec les cordes résonnent avec la structure torique du sujet telle qu’elle apparaît dans le séminaire sur l’identification de Lacan.
Chaque danseur éprouve et épouse son rond de corde, avant d’y faire passer l’autre enrobé dans son propre rond de corde. Amusant.
Alain

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Merci, Alain! de cette transmission que j’attendais impatiemment, n’ayant pas pu y être. Je note bien le « nouveau » dans le masculin/féminin noté par MH Brousse de la « moindre distinction », qui est un peu l’envers de ce que j’avais essayé de soutenir aux journées d’automne, à savoir que la question des hommes et des femmes et de leur différence est encore la seule à pouvoir soutenir du symbolique aujourd’hui.

Bises à toi

Catherine

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Chère Cath, la varité des liens conjugaux est à son apogée aujourd’hui …on s’y retrouvera mieux avec un symbolique nouveau, plus adossé à la combinatoire qu’au phallus.
MHB a déjà développé cela à Bordeaux à propos de l’éducation freudienne.  
De l’hôtel de ville,
Alain
 
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Merci Alain pour tes commentaires sur la soirée et le Café Psychanalyse d’hier soir au Théâtre de Châtillon.

Cela n’était pas évident de faire un débat après un spectacle de danse (sans paroles). Marie-Hélène Brousse a su faire la coupure avec le spectacle  et amorcer le débat sur le masculin/féminin en introduisant son anecdote clinique avec son chauffeur de taxi sur les démêlés conjugaux.

Chers compagnes et compagnons d’escapades vous pouvez déjà prendre date du prochain Café Psychanalyse qui aura pour thème « Jean Genet et la prison » avec pour invités Alain Merlet et Hervé Castanet. Il se tiendra le vendredi 13 avril 2912 à partir de 20h30 au Théâtre de Châtillon et ne sera pas précédé cette fois d’un spectacle. Une lecture de textes de Genet agrémentera le débat.

Je vous ferai parvenir l’affiche dès qu’elle sera composée.

Bien à vous.

José

après-coup d’escapades / Freund et Benjamin

Chers tous,

 A propos de l’exposition  « Gisèle Freund, L’œil frontière » à la Fondation Cartier, j’avais envie d’essayer de vous expliquer mes a priori. Aux photos que nous avons vues ensemble, c’est presque leurs noms, seuls, les noms de leurs illustres portraiturés qui fait pour moi (encore) obstacle. [i] Je préfère et de loin les photos d’anonymes.

L’aura idéalisant que ces portraits peuvent imposer, qui ne ressortit  pas de la photographie même mais de ce que l’on sait de celui qui s’y trouve représenté, cet aura se dissiperait pour moi aujourd’hui (même s’il continue de faire obstacle à une juste appréciation de cette exposition). [ii]  Quelque chose aurait chuté du côté de l’idéal… Chute qui ne se serait pas faite sans en passer par un moment, plus ou moins long, de rejet du « culturel » dans son ensemble. 

Au moins aimerais-je n’avoir pas en passer par un nom pour apprécier une œuvre, aimerais-je que l’art se suffît à lui-même. Il va de soi que le fait que moi père ne se soit pas, lui, « fait un nom », rejaillit sur cette méfiance qui est la mienne vis-à-vis du nom.

Et j’aurais aimé  profiter de vous pour mettre peut-être un peu au clair ce qu’il en est de cette méfiance vis-à-vis du nom.

oubli

Je vous l’ai déjà dit, à l’instar de Freud qui en souffrait également, les noms, je les oublie. J’oublie l’histoire aussi, celle avec un grand H, et la géographie.  Chacun de ces oublis mérite probablement d’être examiné séparément ; à première vue, je noterai d’abord qu’ils ont ensemble cette capacité de rendre la conversation difficile (qu’on songe seulement aux trous que peuvent y faire ces noms de personne, de temps, de lieux quand ils viennent à manquer, c’est une vraie constellation qu’on voit bientôt apparaitre quand une conversation au contraire se doit d’être liée, smooth. La culture ne peut avoir de réticence avec ces trois types de noms.)[iii]

 insignifiance

Ont-ils en commun d’être des signifiants plus particulièrement « insignifiants », c’est-à-dire valant trop purement comme signifiant, comme Un-signifiant  pour l’inconscient qui, lui ni plus que moi, ne distingue l’heure ou le lieu, n’hésite à se jouer du nom des personnes, ne se soucie que du réel en jeu dans le lien à ce que ces signifiants recouvrent et d’avantage encore à la part de réel  rapportée dans les lettres qui les composent. En tous cas, c’est par ce bout-là que le prend Freud quand on le voit s’intéresser à ses oublis,  qu’il note comme étant des oublis de « noms d’auteur » (à NdP, créateur).

Qu’est-ce à dire que ces signifiants seraient plus « particulièrement insignifiants » que d’autres ? Que sont-ils ? Faute d’arriver à saisir quelque chose de plus fondamental sur leur nature, je retiendrai d’abord qu’ils participent de la fabrication de l’histoire. L’histoire faite de noms de personnes, vivant à des moments spécifiques dans le temps, dans des lieux spécifiques. « Gisèle Freund », née en « 1908 » à « Schöneberg », près de « Berlin », « Allemagne ». Et morte en « 2000 », devenue française par mariage, à « Paris ». De  cet ordonnancement du réel par le symbolique, l’inconscient ne retient rien. Là, je le dis de façon trop assurée, mais essayons comme ça.

réel de l’inconscient

Au niveau de l’inconscient (que je dirais, ici, réel), comme nous nous le sommes par le passé déjà dit, l’ordinal – la succession, la suite – ne fonctionne pas. Un signifiant vaut en tant que Un et cet Un ne rentre dans aucun calcul. On est dans l’empilement. Hors-temps, hors-lieu, hors-nom(-du-père) où est-on ? Il y aurait un corps. L’entrée dans le temps et dans l’espace, dans le nom (mais ça résonne plus curieusement), la reconnaissance de cette (déjà) prise (réelle),  ne se fait qu’à partir du moment où un « je » (pro-nom, à la place du nom) rentre dans la circulation de la parole, pur signifiant représentant, à un moment donné, et aucun autre, un signifiant auprès d’un autre signifiant, à cet endroit-là de la phrase, et nulle part ailleurs. Simple place, provisoire nom d’un manque, lié à cette prise inaliénable dans le temps et la mort, l’espace et la place que mon corps y occupe, le nom, propre, qui m’a été donné, imposé, et m’assigne comme trumain, être parlant, appartenant à la communauté humaine, schlagué de ce nom et aucun autre, évanescence,  zéro. Ca serait ça, la castration.

D’où l’on peut déduire que la culture, l’histoire, suppose une certaine séparation, distance à cet inconscient (réel) où l’ordre qui prévaut est celui du ou des traumas (S1) (où il est d’après-coup). Cette séparation, ce vidage est-il possible ? Si oui, dans quelle condition ?

Walter Benjamin à la Bibliothèque nationale par Gisèle Freund

de l’Erlebnis à l’Erfahrung

Pour Walter Benjamin, que je redécouvre en ce moment,  suite à cette autre exposition que nous avons été voir ensemble, au Musée d’Art et d’histoire du judaïsme, le trauma de la première guerre mondiale est ce qui a entraîné une certaine « perte de l’histoire », quand  l’homme s’est vu manquer de la possibilité de dire, et la modernité est pour lui marquée de ce que l’Erlebnis, l’événement vécu, dans son immédiateté, l’instant, en est venu  à remplacer l’expérience relatée (Erfahrung).

« Pour Benjamin, un trait marquant du monde moderne réside dans le remplacement de l’ ‘expérience ‘ (Erfahrung), la mémoire transmissible, par l’ ‘ expérience vécue’»  (Erlebnis) fragmentaire et éphémère. La ‘ remémoration’» (Eigedenken), c’est-à-dire la réactivation du passé dans le présent, ‘ sa relique sécularisée’»[iv], a cessé d’être une pratique sociale spontanée et naturelle dont les modalités sont léguées d’une génération à l’autre. Dans son essai sur la figure du « conteur », consacré à l’œuvre de Nicolas Leskov, Benjamin indiquait dans la Première Guerre mondiale le moment décisif de dissolution de l’expérience transmissible. C’est lorsque les massacres technologiques de 14-18 avaient brisé les rythmes naturels de millions d’êtres humains, en plaçant leurs ‘ corps minuscules et fragile’ au milieu ‘d’un champ de forces traversé de tensions et d’explosions destructrices’, que les expériences antérieurement acquises apparaissaient inutiles et périmées. La remémoration nécessite désormais un déclencheur, une mèche.[v] »[vi]

rapprochement de l’inconscient

Quand  auparavant un certain trauma, une rencontre avec un réel indicible, pouvait être relayé dans un canevas symbolique fort, détaché de la spécificité du trauma, mais lié à un trauma, à un réel plus impersonnel (celui d’un manque fondamental à écrire le réel du sexe, de la génération et de la mort, le fameux « Herr » qui manque à « Signorelli ») pris en charge la religion, ses rites et ses récits, son discours et ses lois, son adresse enfin  à un Dieu, lui, toujours là, celui qui aujourd’hui se voit confronté à ce type de trauma se retrouve seul avec lui (et  technique ou la science, son chiffrage). L’on voit que la perte de Dieu a pu participer à cette perte de l’histoire dont parle Benjamin, à un  rapprochement de chacun à son inconscient, dont les méandres ne trouve plus de ressources extérieures à lui-même pour « s’ex-primer », le condamnant à jouer tout-seul. Benjamin lui, parle-t-il de la mort de Dieu ? Je ne le connais pas suffisamment, peut-être pas de cette façon. Il parle d’une culture qui selon lui n’a plus cours,[vii] dont il a été par ailleurs été gavé jusqu’à plus soif par son père, antiquaire,  dont il veut faire table-rase, tandis qu’Adorno, curieux personnage qui ne manqua pas de cruauté dans l’ascendant qu’il prit sur lui (du fait d’une situation plus confortable, il travaillait aux États-Unis, et la bourse grâce à laquelle vivait Benjamin dépendait de ses bons-offices),  mais pas non plus de lucidité, pense lui que  Benjamin essaye  de « mobiliser la force de l’expérience théologique, de façon anonyme, au sein du profane ».[viii] « Benjamin ne recherchait aucune transcendance, mais interprétait la littérature profane comme s’il s’agissait de textes sacrés et voulait préserver l’héritage théologique par les moyens d’une ‘profanation radicale’ »[ix].

Je peux donc préciser maintenant que ma méfiance vis-à-vis de l’exposition Cartier tient également à ce que je veuille délier la culture, l’art, de toute forme de « croyance » ou d’adoration – où culture, art, canon en viendraient remplacer la religion perdue (ce à quoi je le crois la culture se voit souvent réduite) (à préciser).

Or, mes propres oublis, mon absence de mémoire, ont-ils quelque chose à voir avec la perte de l’histoire dont parle Benjamin, liée aux avancées technologiques ayant ouvert le champ d’une guerre désormais sans fronts mais où bombes ou gaz semblaient devoir, pouvoir surgir de partout, et de nulle part ?

hystérie et revendication

J’ai longtemps voulu croire qu’il s’agissait chez moi d’une position hystérique consistant à laisser le savoir dans l’Autre de sorte qu’il existe, tant le savoir d’ailleurs que celui qui le détient (Sbarré à S1) . Au cours de l’analyse, avec le temps, cette position s’est modifiée, partant d’abord du constat d’une jouissance, jouissance à ne pas savoir, à se trouver à bricoler, jouer de ce manque,  pour en venir à s’y attacher au point de vouloir le défendre, voire le revendiquer. Il ne s’agit plus non plus de garder une position silencieuse, mystérieuse, pour faire miroiter aux yeux de l’Autre  la valeur d’un « inestimable trésor » (petit a), bien plutôt de trouver les mots qui ce manque le fassent résonner,  rendent compte, au moins,  de la justesse (le bonheur) que recèle un savoir qui n’est pas de l’Autre.

cartothèque et pâte feuilletée et lettre

Benjamin, de son côté, une fois reconnue par lui cette perte de l’histoire, cette séparation de la culture ancestrale, a voulu aller dans le sens de cette perte. N’a pas voulu la combattre. Il s’est alors agi pour lui d’écrire, écrire encore, au nom de la mémoire mais en sortant l’écriture de la linéarité, en l’ouvrant comme champ (qui n’est pas sans rappeler celui de son champ de bataille traumatisant) tridimensionnel, rhyzomatique, en l’étendant  à l’espace graphique, la ramenant vers l’image,  rapportant la lettre à son tracé, en travaillant à la façon de Mallarmé sa cartothèque, l’ensemble de ses fiches, qu’il trie, dispose et redispose, procédant par coupures, transferts, collages, assignation de sigles graphiques  :

« La cartothèque apporte la conquête de l’écriture à trois dimensions, par là donc un surprenant contrepoint à la tridimensionnalité de l’écriture en sa forme originaire, runique ou nouée.»

Difficile de ne pas voir là une préfiguration de l’internet d’aujourd’hui, et c’est aussi parce que les mots de Benjamin sont encore écrits manuellement, dans un souci et une contrainte physique recherchée magnifiques de l’écriture et de sa matérialité, que j’étais tentée par cette exposition, nous, qu’internet encore, vaste de champs de lettres immatérielles et d’un format de plus en plus standardisé, ramène si souvent à l’écriture.

obsessionnalisation

Par ailleurs, mon analyse se prolongeant, le rapprochement de la pulsion, la chute des idéaux, un sentiment global de plus grande satisfaction, n’ont pas éliminé l’angoisse, et m’ont laissée très interrogative quant au désir. Ce que j’ai pris pour une sorte d’obsessionnalisation, assez invalidante dans la mesure où plus aucun choix n’est possible, ou tout semble valoir tout et rien ne valoir rien, et où la tentation du mesurage ou du calibrage à un objet scientifiquement correct se faisait de plus en plus forte,  cette obsessionnalisation ne m’a pas davantage rapprochée du savoir que je désirais, pas tant un savoir universitaire qu’un savoir qui me permît de prendre part aux conversations du monde, sans plus avoir à en passer par les sauts d’obstacles au-dessus de trous. Non… le désir de savoir est resté chez moi… lié au désir. Tandis que le lien à mon fondamental trauma s’est resserré, mon désir de savoir ne s’est pas mis à tricoter une grande cape de signifiants qui en vienne à couvrir le manque du monde. Du désir de savoir il ne m’est resté que le désir.

Ce manque qui nous lie, comme le disait si joliment Catherine dans un  bus qui nous ramenait d’escapade.

en guise de non-conclusion (bâclée)

Cependant que la question cruciale, et inhibante, de la valeur serait longtemps restée pendante, latente, inquiétante, tentante. Que vaux-je, que vaut l’art, que valent ces photos ? Que vaut mon père ?  Or, la seule question que je vois à cette question pour le moment, c’est : Qu’est-ce que ça me fait ? Ou plutôt : quels mots pourrais-je mettre sur ce que ça me ferait ? Ce que ça me fait, je ne vois pas encore comment je puis faire autrement que de l’inventer, en m’agrippant à la moindre prise, signifiante, qu’un objet peut m’offrir, l’étirer, vous écrire. N’y aurait-il d’art que d’après-coup.

keski s’oublie dans ski s’entend ?

L’oubli du nom est le rappel de la lettre. Elle ne s’efface pas.
 



[i]       Ce n’est pas un reproche que je puis opposer à la photographe, Gisèle Freund, qui explique dans le film qu’on a pu voir sur place qu’ elle n’avait jamais voulu faire de portraits que d’auteurs dont elle avait lu et apprécié l’œuvre, comment ça avait été une façon pour elle de se rapprocher d’eux, de  les chercher encore,  et comment elle ne pouvait s’empêcher de s’amuser gentiment de leur  « vanité » à se faire tirer le portrait, de l’importance que ça pouvait avoir pour eux et de la façon dont aucun d’entre eux n’avait jamais aimé « sa » photo – celles des autres, « oh oui, magnifiques », mais la leur…

[ii]      Par ailleurs, j’ai beau aimer un auteur, je n’éprouve pas le besoin de sa photo sur la jaquette de son livre. Au contraire, elle me dérange.

[iii]      Ici, on pourrait bien sûr me rétorquer que j’ai seulement du mal à ne pas me trouver suffisamment « intelligente ». C’est vrai. Et que là où je vais chercher des explications liées à mon inconscient et à l’histoire du monde, il s’agit seulement d’un cerveau moins bien configuré qu’un autre, ou, si l’on est gentil, on dira, différent.

[iv]      W. Benjamin, Charles Baudelaire, p. 239.

[v]      W. Benjamin, « Le conteur. Réflexions sur l’œuvre de Nicolas Leskov », Œuvres, t. III, p. 116. Voir : http://dormirajamais.org/narrateur/

[vi]      E. Traverso, « Adorno et Benjamin – Une correspondance à minuit  dans le siècle », Revue Lignes n° 11, mai 2003, p. 64

[vii]     « L’expérience, on savait exactement ce que c’était : toujours les anciens l’avaient apportée aux plus jeunes. […] Où tout cela est-il passé ? Trouve-t-on encore des gens capables de raconter une histoire ? Où les mourants prononcent-ils encore des paroles impérissables, qui se transmettent de génération en génération comme un anneau ancestral, [..] Qui chercherait à clouer le bec à la jeunesse en invoquant son expérience passée ? »  W. Benjamin, « Expérience et pauvreté », Œuvre, t. II, Paris, Gallimard, 2000, p. 364-365.

[viii]    Th. W. Adorno, « Portait de Walter Benjamin », SWB, p. 14, cité IN Lignes n°11, Op. cit.,  p. 71.

[ix]      Lignes n°11, Ibid.

RE: après-coup d’escapades (Freund et Benjamin) – pardon / reflet, sonorité

Chère Véronique,

Je ne vois pas comment répondre à ton long texte et ses interrogations qu’en confiant cette phrase de mon analyste, alors que je remettais quasiment tout en question, face au coté vaniteux de l’objet et fatal de la vie, dévoilé en analyse: « Il y a des choses qui valent plus que d’autres ». j’ai été saisie par cette phrase parce que j’en étais en fait parfaitement d’accord, et m’y tiens depuis… mais en me demandant souvent ce qui vaut vraiment mieux entre ceci et cela, plus ou moins grave selon les cas. C’est une ligne de division subjective qui n’est plus seulement référée à l’objet qui fait jouir autistement, mais aussi à se qui se passe dans le monde dont la culture est  peut-être un reflet.

bises

Catherine

¤

Bonsoir à tous,

 
Belle réponse de Catherine à Véronique…cette division subjective se référant au monde et à la culture…comme une pirouette ou un pas de côté….!
 
A Véronique, juste une pensée me traversant l’esprit me venant à la lecture de certains passages de ton texte, et si la mémoire ne me fait pas défaut… celle de cet  « umlaut ajouté à ton Nom » (qui en modifie, non pas la voyelle mais la sonorité de la voyelle)…:-)
 
A bientôt,

Brigitte

¤

Un pas de côté si tu veux, je connais cela un peu…, mais qui fait face au réel. Et ça, quelques soient nos origines ou nos amis, c’est pas facile.

Bises

cath

RE: après-coup d’escapades (Freund et Benjamin) – pardon

Pardon, dis-tu miss Vé? 

Par le don,

Parle donc!

Te répondre est insensé,

Mais comme la folie me sied bien en ce moment,

Jeu mi-risk, de travers.

Jèm la chutedetontext : l’oubli d’un nom est le rappel de la lettre! Sa présence même, rajouterais-je.

Hâte lire m’est venue de suite qu’il y a nom et nom: le propre et le sale, pardon, le commun !

Et le commun, sans grand intérêt – sauf pour l’obsessionnel – n’est que le comme Un : anobli par Lacan sous le titre de S2.

Avec le nom propre, on entre dans la scène de l’insulte, du trauma, du meurtre ( de la chose que lon-naît ) où règne un pas-de-refoulement, un insubstituable dévergondé !  C’est un velouté de letter, litter & S1tout seul. Une lettre se fixe sur un corps, le sujet en meurt. Et, pour renaître, à partir de son  « dur désir de s’insére »r, comme le jame Miller dans un Feuillet du Courtil, qui ne sera plus qu’on line désormais, il escapade un S2 sur le col de l’Autre, s’allégeant ainsi du trauma du crime de sa première nomination, qui s’efface. S’il n’y a nulle Aspérité au relief, c’est fou…tu !

L’expo sur WB se réduisit pour moi au tableau  » Opinions et pensées. Mots et locutions du fils ».

J’y suis passé maintes fois, aimanté par l’intérêt de Benjamin pour les premières inventions langagières de son fils, soumises à inventaire par le père: la lalangue?

Alain

Envoyé de mon iPad

RE: après-coup d’escapades (Freund et Benjamin) – pardon

Bonjour et Merci
ou de rien, puisque pardon

J’ai exactement la même interrogation, ou plutôt réticence puisque je ne suis pas allé voir l’exposition Freund pour cette raison même: quel intérêt de voir une galerie de stars ? qui plus est à la fondation de l’odieux bergé, bon beaucoup de réticences mais laissons cela et je crois qu’on peut ajouter un questionnement sur la photographie. J’avais complètement oublié, moi, que cette dame avait écrit un ouvrage de référence sur la photo que j’ai lu et dont je n’ai aucun souvenir. ce n’est pas grave.

Il y a sans doute dans ces photographies tout de même l’aspect le plus simple et basique de ce que l’on attend de cette activité (si l’on pouvait parler d’art à un moment je crois qu’on peut dire que depuis les années 60 la photographie est devenue une activité très répandue), c’est à dire la documentation. Admettons donc que cette exposition soit documentaire: voici l’aspect physique de certaines personnes d’une certaine époque dont on connait par ailleurs les productions et auxquelles on est (ou pas) attaché bien sûr on sait toutes les limites de cette documentation et tous les choix, donc les restrictions, qui amènent à ce que l’on voit en 2012 telles images. A commencer par la mise en scène initiale, le choix des vêtements, du lieu, de la pose, de la pellicule, du cadrage, du tirage, … Tout est fabrication. Il n’y a pas de documentation qui échappe au fictionnel. Ici, Gisele Freund prend en photo ses « amis » et par cet acte elle s’inscrit elle même dans l’histoire comme amie de ces personnes. soyons un peu indulgent, c’est vrai qu’une recherche d’image de james joyce démontre que les photos de gisele freund sont sommes toutes d’apparence plus intime. Difficile de savoir si l’intimité est feinte, organisée par le sujet ou la photographe, les deux et dans quel but. Mais il est presque impossible de s’extraire du nom et je crois plus précisément de la renommée du sujet. Il est bien ce mot « renommée ». Ici la renommée dévore tout, le cadre la couleur le tirage et le sens. C’est très gênant, c’est insurmontable.

Cela me fait penser aussi que j’avais un moment pensé faire une œuvre en recopiant tous les noms d’un numéro d’art press, je ne l’ai pas fait l’idée me suffisait et me suffit toujours, et surtout c’était beaucoup trop de travail j’ai fait ça à la place http://pleine-peau.com/oeuvre/

sur walter benjamin, il faut que je réfléchisse à ce que tu dis
beaucoup de travail
pardon

Votre,
Guy.

HEY ! Modern Art & Pop Culture – escapade du 22 février

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De la part de nouage  http://sortir.telerama.fr/evenements/expos/hey-modern-art-pop-culture,51324.php

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De la part d’Isabelle : Je suis partante, le mercredi 22 février vers 16h30/17h ça vous irait ?

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De la part de eoik : on avait vu la première expo HEY, on avait été déçu. mais bon, guy me rappelle qu’il y avait tout de même des trucs très bien : Clovis Trouille, Robert Crumb, Robert Combas, Erró
alors, à voir, peut-être bien

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de la part de Guy Je crois que c’est l’expo qu’on a vu et qu’ils ont ajouté 25 oeuvres en janvier.
Ont ils retiré les mauvaises pour autant ? c’est à vérifier
Et, oui, je trouve qu’il y a des choses intéressantes dans cette expo mais l’esprit général est trop kitsch ou faux vintage si vous ne connaissez pas du tout ce style d’art ça reste intéressant.

sinon il va y avoir ça

et on ira sans doute
il faut dire que c’est à côté de chez nous

Votre,
Guy.