ai weiwei – « cet homme a quelque chose à dire et le dira »

 Alain , Je crois que c’est de Jean-Luc dont tu parles non ?

J’étais avec lui et Vanessa à Ai Weiwei , j’en ai écrit un petit texte :

 Nous sommes allés aussi voir Ai Weiwei, avec Vanessa et Jean-Luc. C’était mercredi dernier et il m’en reste une forte « impression » , dans le sens ou cela a fait impression pour moi et qu’il en reste quelque chose de très présent encore aujourd’hui, ce qui n’est quand même pas courant une semaine après une expo …

Des photos, des photos, des images fixes ou qui défilent sur des écrans, des photos de gens en Chine qui inscrivent la vie quotidienne en noir et blanc, des autoportraits aussi, sur plusieurs décennies où l’on voit Ai Weiwei changer : jeune avec cheveux, sans cheveux, habillé, nu, mince, avec un ventre proéminent … le regard toujours énigmatique. Ces photos semblent asexuées, on n’est pas dans l’érotisme des corps, plutôt dans une sorte de quête on pourrait presque dire « d’identité », mais plutôt comme une phrase qui dirait : « Vous voyez!!« 

Des photos couleurs en plus grand format, photos de destruction, beaucoup de terrains vagues, d’espaces vides ou presque, avec ce message d’éphémère, comme ce bâtiment qu’on lui a commandé et qu’il a mis 2 ans à construire et qui la veille de l’inauguration a été détruit en une nuit. C’était juste une façon de l’occuper, de l’avoir à l’œil pour les autorités … Il a quand même participé à la construction du stade olympique de Pékin, avant ? après ? …

Ce qui m’impressionne c’est ce désir décidé, Ai Weiwei a quelque chose à dire et il ne cesse pas de la dire, en photo. Ses photos sont comme une écriture pour moi, ce qui ne cesse pas de s’écrire ??

A close-up photograph of some of the seeds, each kiln-fired twice: once before being hand-painted, once again after. Each is unique

2 ans à fabriquer des graines de tournesol en céramique, de chercher la terre au moulage à la cuisson, à la peinture de chaque graine pour en faire un parterre de flowers. Des centaines de personnes embauchées pour travailler à ça ! Ou faire venir 1000 chinois à New York pour les photographier, passer des heures, des jours, des mois à chaque ambassade pour obtenir un passeport, un visa …

Photos de FUCK enfin, doigt d’honneur devant tous les monuments ou FUCK écrit sur des têtes avec une tondeuse. 3 photos monumentales qui se suivent où on voit Ai Weiwei lâcher un vase Ming 1 : il tient le vase. 2 : il le lâche. 3 : la vase s’écrase par terre. Point final .

Une impression encore de chercher le passé, des photos de son père à l’hôpital, de maisons de son grand père … et FUCK la mémoire aussi, paradoxe ou message de l’éphémère ou de l’inutilité …

 Ça me laisse cette sensation de ne pas répondre à mes questions d’un « Que voï ? » mais cet homme a quelque chose à dire et le dira. Malgré ses emprisonnements, et ses passages à tabac qui le laisse avec une hémorragie cérébrale, il est vivant. C’est une leçon d’un « ne pas céder sur son désir » .

 Isabelle

 

 

 

—- Message d’origine —-
De : « Gentes »
À : « Escapades Culturelles »
Objet : [escapadesculturelles] Impromptu .
Date : 28/02/2012 15:43:25 CET

 

J’interromps un bel échange sur FB avec Jean-Paul (Pradels), aussi banal que précieux, autour de ses sculptures, avec VerO et Ley, pour vous faire part d’une idée qui m’a traversé : la fin d’une psychanalyse ouvre à l’art, ça ne se démontre pas, ça s’acte.
Allez donc tourbillonner dans l’atelier de JLP, autour de ses créatures sans oublier the Artist.
Alain

Envoyé de mon iPhone

extraction et continu

chère catherine et chère isabelle,

 catherine d’abord : à propos de la séparation de l’objet, cela m’est revenu ce matin au réveil, j’avais envoyé un texte sur escapades – celui qui traitait du « n’importe quoi » -, où pour illustrer ce qui me semblait témoigner d’un nouveau tour pris par l’histoire de l’art, j’avais parlé du tableau de Manet, « L’asperge », où l’on voit une asperge sur le bord d’une table :

« or, en ce temps-là, il y a eu moment où c’était fait (Manet, l’asperge),http://escapadesculturelles.files.wordpress.com/2011/11/manet-asperge.jpg?w=300 l’asperge était extraite.

évidemment, ça se serait fait sur le bord de la table, au bord du vide, mais il y avait le cadre il y avait le nom il y avait la signature, eût-elle été pâteuse, parachèvement_

(d’éthique: d’un rendre compte de l’objet, sans se confondre avec lui, en s’en séparant) »

j’ai oublié de mentionner ça, samedi.

je vous avait dit (d’un point de vue historique) : à la renaissance, naissance de la perspective : apparition du sujet au point d’infini de la perspective (H. Damisch) et traité d’Alberti à la « fenêtre du tableau » : l’istoria : l’écriture, dans le cadre du tableau, du fantasme (cf. gérard waczman…)

je vous avais mentionné le livre de françois wahl : le discours du tableau

et puis, thierry de duve, Dieu est mort : avancée du « n’importe quoi » (Courbet, ses Casseurs de pierre, plus tard, de façon d’autant plus exemplaire : Duchamp). « n’importe quoi » que je dis de la pulsion (donc de l’objet) , temps donc, de l’extraction de l’objet, de la séparation, de la présentation.

 

 

et puis, Isabelle, à la suite de ça, ce passage sur l’extraction de l’objet, j’écrivais également :

« Tandis que nous, c’est comme si de cette extraction, on ne sortait pas, on ne sortait plus.

Et si le signifiant a fonction de porte (il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée), cette fonction, qui délimite un dedans et un dehors, n’est plus très assumée/assurée.

Comme si de l’être-même de la porte nous ne sortions plus. De son bois (hêtre) dont nous sommes chauffés, dont les gonds jouent au gré de vents auxquels nous ne pouvons rien, si forts parfois que nous en sortons. Des gonds sortons et alors_
/ cette chute – à laquelle l’asperge aurait pu sembler promise »

il s’agit donc d’un texte ancien, d’une époque où je réfléchissais à ce que je faisais dans les blogs, à ce qui se faisait dans les blogs, auxquels effectivement j’essayais de penser comme à « ce qui ne cesse pas de s’écrire ». je voulais revenir là-dessus dans la mesure où c’est l’expression qu’a reprise également Isabelle en découvrant l’exposition Ai Wei Wei.

mon expérience des blogs était bien celle d’une nécessité que je qualifierais d’impérieuse, il était vraiment très difficile de ne pas le faire, cela s’imposait à moi, me prenait « toute » (c’est un peu ma tendance, hein). et dans cette expérience-là, j’avais le sentiment, qu’effectivement « l’objet n’en finissait jamais de sortir »… (ça me paraît un peu atroce de dire ça, mais bon).

voilà, il me semble que c’est également une piste de travail intéressante, et je suis très heureuse que nos mots, à isabelle et à moi, se soient rencontrés là-dessus…

si, nous pouvions réfléchir à ça ensemble, j’en serais heureuse (internet, le présent continu, le perpétuel work in progress, le brouillon infini, l’addiction, bien sûr, etc.) (s’agit-il de « résister au présent ? »)

bien à vous,

à bientôt chers escapadeurs,

véronique