post kusama

Chers amis,

Et voilà! encore une super escapcult ce dimanche à Beaubourg pour l’exposition de cette artiste au prénom imprononçable pour nous, Yayoi Kusama.

En ce qui me concerne exposition intéressante à plusieurs titres. je n’arrive pas encore à élaborer ma question précisément mais elle tourne, d’une part, autour du lien de la psychose et de l’art, de ce que ce lien peut nous dire de la nature de l’art aujourd’hui, et, d’autre part, de ce que l’art nous dit du monde contemporain.

lien psychose – art // disparition du Nom du Père – monde contemporain // psychose généralisée

Au départ de l’expérience de YK que peut-on dire de l’éthique de l’artiste ?

Pour rappel, en guide de prélude à l’exposition, on passe par une pièce qui reproduit ce qu’Alain avait nommé le « phénomène élémentaire » d’enfant de Yayoi Kusama dont elle parle dans les termes suivants ( que je reprends du petit dépliant de l’exposition):

« Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s’étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en seront pleins; moi-même je m’acheminerai vers l’auto-anéantissement, vers un retour, vers une réduction, dans l’absolu de l’espace et dans l’infini d’un temps éternel […] Je fus saisie de stupeur. […] peindre était la seule façon de me garder en vie, ou à l’inverse était une fièvre qui m’acculait moi-même. […]. »

Le terme de « phénomène élémentaire » utilisé par Alain m’avait frappée, retenue : sans doute avais-je envie d’entendre parler de psychose (j e rappelle que je ne suis pas psychanalyste, mais très intéressée par la psychanalyse). Au cours de la discussion post-expo à la cafèt de Beaubourg, je repose la question : de quoi s’agit-il quand on parle de « phénomène élémentaire ». Dominique me répond que s’agissant de l’installation dont il est question plus haut on peut parler d’une expérience de jouissance. Et rappelle dans quels termes Lacan parle du phénomène élémentaire dans le séminaire des psychoses :

« Dès cette époque, j’ai souligné avec fermeté que les phénomènes élémentaires ne sont pas plus élémentaires que ce qui est sous-jacent à l’ensemble de la construction du délire. Ils sont élémentaires comme l’est, par rapport à une plante, la feuille où se verra un certain détail de la façon dont s’imbriquent et s’insèrent les nervures – il y a quelque chose de commun à toute la plante qui se reproduit dans certaines des formes qui composent sa totalité. De même, des structures analogues se retrouvent au niveau de la composition, de la motivation, de la thématisation du délire, et au niveau du phénomène élémentaire. Autrement dit, c’est toujours la même force structurante, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui est à l’œuvre dans le délire, qu’on le considère dans une de ses parties ou dans sa totalité. L’important du phénomène élémentaire n’est donc pas d’être un noyau initial, un point parasitaire, comme s’exprimait Clérambault, à l’intérieur de la personnalité, autour duquel le sujet ferait une réaction fibreuse destinée à l’enkyster en l’enveloppant, et en même temps à l’intégrer, c’est-à-dire à l’expliquer, comme on dit souvent.
Le délire n’est pas déduit, il en reproduit la même force constituante, il est, lui aussi, un phénomène élémentaire. »
J. Lacan, Le Séminaire, Livre III, Les Psychoses (1955-1956), Paris, Le Seuil, 1981, p. 26.

Je me souviens alors que Miller a parlé l’année dernière du symptôme comme d’un objet fractal (objet fractal que m’évoque ici la feuille et ses nervures de Lacan) :

Alors l’ itération du symptôme, l’itération du Un de jouissance, il m’est arrivé durant la semaine de la comparer, quand j’ai eu à parler à Londres, il m’est arrivé en passant, de la comparer au processus qui génère ce qu’on appelle en mathématiques, les objets fractals. Ce sont des objets qui sont exactement auto-similaires, c’est-à-dire où le tout est semblable à chacune des parties. Et bien, c’est sur cette référence que je m’arrête pour dessiner la configuration du symptôme dont la matrice est élémentaire, et dont pourtant les formes sont les plus complexes de celles qui peuvent se rencontrer dans les mathématiques.
cours du 6 avril 2011

Le symptôme, ce qui en reste une fois qu’il est interprété, une fois que le fantasme est traversé, une fois que le désêtre est conquis, le symptôme n’est pas dialectique, il représente, il répercute le « une seule fois« , et lorsqu’il est fermé, lorsque dans l’expérience, et dans la parole bien entendu, il est saisi dans sa forme la plus pure, alors il apparaît qu’il est, comme on dit en mathématiques, auto-similaire (n’écrivez pas ça « S -I-M-I- L L – E- R » … )  Il est auto-similaire, c’est-à-dire qu’on s’aperçoit que la totalité est semblable à l’une des parties, et c’est en quoi il est fractal.
cours du 3 mai 2011

Dans l’installation-prélude : passé et présent sont emmêlés : on trouve dans le buffet livres et photos récents de Yayoi, la nappe n’est pas celle de la première expérience – d’ailleurs il n’y en n’a plus – , témoignant de la constante actualité de cette hallucination : cela parle – ou plutôt manque à parler – encore aujourd’hui. A cette première hallucination, peut-être suivie d’autres, je ne le sais pas, YK n’a cessé de chercher à y revenir, d’en rendre, d’en ramener le réel vers la représentation.

Est-ce que c’est ce fait de la représentation qui la « soulage » ? Est-ce que c’est le « ratage » même de la représentation qui la sauve ?

Les Infinity Dots offrent ce même type de réponse : c’est la toile même qui fait arrêt, qui cadre qui limite l’expérience d’infinitisation, d’illimité (la cerne en un objet … d’art). Et en quelque sorte le ratage de la représentation vient ici redoubler le premier ratage, celui du manque rencontré dans le symbolique qui a provoqué l’hallucination, le retour dans le réel du forclos.

Ce qui est intéressant également, c’est que la réponse de YK trouve de l’intérêt auprès du public, qu’il fût artiste ou profane (l’intérêt du public et du marché, d’ailleurs) – dans quelle mesure est-ce que cela ne souligne pas qu’on a tous à faire avec la psychose…

Question à Alain : penses-tu que Munch est plutôt du côté de la psychose quand tu proposes le i de Munch comme son Nom-du-père ?

Autre question à Alain ( !) : lien Bourgeois /Kusama : pourquoi avoir souligné qu’il n’y avait pas d’ironie chez Kusama ?

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Autres points d’intérêt pour moi :

.politique

Au cours de la discussion, Nou a voulu souligner les points de ressemblances entre les 3 expos – Cahun /Munch/Kusama. voulait parler de leur présence dans le monde, de leur façon d’engagement politique.

.keskelart

C’est alors qu’à un moment donné Dominique a, me semble-t-il, posé la question de « Mais est-ce que c’est de l’art ? » « Pourquoi ? Parce que c’était quelque chose qu’elle faisait ‘pour elle-même’ ?» lui a répondu Nou parlant de Claude Cahun, et de son travail photographique…

(Pour moi, intuitivement, oui, c’est de l’art, il me semble que leur démarche à tous les trois s’inscrivait dans une démarche artistique, et il m’arrive de penser à l’art comme à un style de vie – il y a là, quelque chose, une vie qui se mène sinon au nom de l’art, au moins grâce au soutien de ce nom.

Bon, c’est pas très clair. Plus clairement, YK a fait une école d’art, il y a autour de Cahun et de sa compagne la présence de tout un monde artistique foisonnant ; quant à Munch il est clair que sa démarche est volontairement artistique. Puis, est-ce qu’il ne faut et suffit pas qu’il y ait quelqu’un qui dise : c’est de l’art, pour que ça en soit ? )

.l’acte et le processus

Enfin, il a une fois de plus été question du cartel proposé par Alain. De l’acte et du processus… (je m’étais permise de rapporter que Vanessa était éventuellement intéressée à travailler la question du processus de création – tandis qu’Alain était intéressé par la dimension de l’acte)

Qu’est-ce que l’acte ? On s’y oublie, dit quelqu’un (Dominique ?)

« Devenez un avec l’éternité. Oblitérez votre personnalité. Devenez une partie de votre environnement. Oubliez-vous. L’auto-destruction est la seule issue. » YK

Dominique souligne qu’on ne peut parler de l’acte sans se référer à l’acte analytique.

Je fais un rapprochement entre les Infinity Dots de Y. Kusama quand elle arrive à New York et le travail de Pollock. Frédéric en profite pour signaler qu’il n’aimait pas du tous les Infinity Dots. Qu’il les trouvait fastidieux, là où on contraire chez Pollock, on sent l’acte, le geste, le mouvement.

Les Infinity Dots rappellent à Dominique Louise Bourgeois qui, quand elle n’arrivait pas à dormir la nuit, dessinait des petits carrés.

J’ai encore été trop longue, hein.

biiiiise !!!

vrm

nb : hii, à ceux dont les propos sont rapportés ici, n’hésitez pas à corriger, compléter vos positions…

Chers Alain et Véronique,

Je suis très intéressée par vos échanges sur A Dangerous Method, film qui nous sollicite beaucoup décidément!  Peut-être parce qu’il appelle les origines de la psychanalyse, et la question des origines… Je me sens à la fois de l’Un et de l’Autre: Merci Véronique pour ton développement sur l’Un et l’hénologie, cette piqûre de rappel du cours 2011 de JAM. Les patients psychotiques nous en apprennent quelque chose de ces « Uns tout seuls », non-branchés sur l’Autre… Et puis  je suis assez d’accord avec Alain aussi: Pas d’Un sans l’Autre, dans les circuits de la demande et du désir. En toute fin d’analyse seulement, il devient possible de cultiver un peu son « autisme » (après la découverte de cette jouissance et  que Yad’lun)… pour le repos de chacun et afin de mieux s’en éveiller et en sortir! Comment dire cela? c’est un repos, un retrait vivant, à l’envers de la pulsion de mort, et qui permet d’être éveillé.

Bise à tous

Catherine Decaudin