Quand on vient de passer huit heures devant un ordinateur, on souhaiterait ne pas y passer la neuvième. Aussi, lis-je, Ethique et pulsion de Ph. De Georges. Arrêtée par cette phrase:
Le discours capitaliste moderne n’a rien à voir avec ce que notre gauchisme sexuel d’antan appelait la morale bourgeoise. Son impératif catégorique en matière d’éthique est : Jouis!
Toutes choses connues s’il en est, si ce n’est « l’impératif catégorique » pour ce qui me concerne et qui me rappelle au texte de Thierry de Duve « Fais n’importe quoi ». Texte auquel déjà souvent j’ai fait allusion ici et dont je dois m’excuser ce soir encore de ne l’avoir point encore relu – relu vraiment. Ouvert cependant, me demandant si lui oui ne parlait pas d’impératif catégorique moderne en terme de « n’importe quoi ». (Non, je ne sais pas ce que c’est « l’impératif catégorique » : mais c’est sur lui que j’ai buté – cela n’empêche donc qu’il puisse faire borne dans mon esprit, aussi bornée que je m’en trouve.)
[ Impératif catégorique (capitaliste) : Jouis ! – Impératif catégorique (moderne, selon TdD) : N’importe quoi ! ]
Alors, je rouvre, le livre. Le livre qui s’appelle Au nom de l’art, je le rouvre au chapitre « Fais n’importe quoi ». Et, je trouve p. 129 :
Fais n’importe quoi. Point. Sans conditions. Fais absolument n’importe quoi.
(Et je me dis, tu vois, Véronique : ta mémoire te joue des tours on s’en fout bien de la mémoire mais : donc : je n’avais rien compris*. On recommence.)
Je recommence = je continue, p. 138.
L’impératif catégorique, c’est l’impératif du jugement. Faire de l’art, c’est juger de l’art, trancher, choisir. « Faire quelque chose – dit Duchamp – c’est choisir un tube de bleu, un tube de rouge, en mettre un peu sur sa palette, et toujours choisir la qualité du bleu, la qualité du rouge, et toujours choisir la place sur laquelle on va la mettre sur la toile, c’est toujours choisir… Le choix est la chose principale, dans la peinture, même normale ».
Et avant ça, pp. 133-134 :
Il y va, disais-je il y a un instant, de l’universalité de la loi, de l’universalité de l’art, de l’universalité de l’impératif catégorique « fais n’importe quoi ». […] Il est entendu également que l’impératif catégorique kantien n’énonce aucun contenu de la loi, mais qu’il prescrit la conformité de la maxime à l’universalité d’une loi en général. Comme le dit Jean-Luc Nancy : « La loi prescrit de légiférer selon la forme de la loi, c’est-à -dire selon la forme universelle. Mais – ajoute-t-il – l’universalité n’est pas donnée » (Jean-Luc Nancy, L’impératif catégorique, Flammarion, Paris, 1938, p. 24). Si, comme je le soutiens, « fais n’importe quoi » est bien un impératif catégorique, alors il faut aller plus loin et dire que l’universel est impossible, ou que l’impossible est aujourd’hui la modalité de l’universel.
La phrase « fais n’importe quoi » ne donne pas le contenu de la loi, seulement le contenu de la maxime. Et encore ce contenu est-il quelconque et ne devient-il déterminé que par l’action qui met la maxime en pratique. Cela ne prescrit qu’une forme conforme à l’universel dans les conditions radicales et finales de la finitude. Et cela signifie : conforme à l’impossible.
(Oui, j’ai rêvé. D’un homme qui me demandait ma voix. Oui, j’ai rêvé encore. Ou plutôt non, une voix, la nuit, est venue m’a expliqué cette lettre que je m’étais adressée et que mon père m’avait donnée, m’a expliqué comment cette lettre tournait autour de mon père, ou plutôt comment mon père était venu se placer là , par hasard, au lieu du retour de cette lettre vers moi. Mais je n’ai pas bien retenu et ça n’a pas beaucoup d’importance. C’est juste un peu drôle (ces explications théoriques qui me viennent la nuit, poursuivent mes élucubrations). Il y a deux nuits, je n’ai pas du tout dormi trop inquiète à propos de tout ce travail que j’ai. La nuit passé, j’ai pris un somnifère. Entre les deux, il y a eu nous, je veux dire lui et moi. Tout autour des hormones inquiètes qui voletaient. Il y a trois jours, je me suis dit, non, je ne me plaindrai pas auprès d’eux, il faudra qu’à l’avenir que je fasse en sorte de n’avoir plus à me plaindre. A d’autres moments, je pense que voilà , maintenant, c’est comme ça, il faut que je fasse, tête baissée tous ces boulots, que je les termine, et un jour, ce sera fini. Dans un avenir probablement pas proche, mais, on n’y peut plus rien. )
(* J’avais retenu : « n’importe quoi à condition » et m’étais interrogée, ici-même, sur les conditions de cette condition.)