Les corps de fer et les armures de la pensée*
En 1974, Jacques Lacan soulignait, comme un trait de notre époque, la perte de la dimension amoureuse, renvoyant à la substitution du Nom-du-Père par un ordre – rationalisé, bureaucratisé – supporté par le « être nommé-à quelque chose ». C’est-à -dire que la chute des Noms-du-Père ne produit pas un vide anarchique mais qu’elle restitue un ordre que Lacan – avec des résonances weberiennes – appelle « de fer« , véritable signe d’une « dégénérescence catastrophique ». En effet, le « nommer-à » dans cet ordre de fer est avant tout nominaliste et aspire à un fonctionnalisme radical en tant qu’il méconnaît ou délocalise le réel de l’autre, sa dimension d’objet, de reste incalculable.
Ainsi, le « politiquement correct » s’efforce-t-il aujourd’hui de réduire les relations entre l’homme et la femme à des relations de droit civil. On construit des catégories qui permettent de standardiser les opérations, mouvements et stratégies qui constituent les échanges de ces sujets, de sorte qu’ils soit prévisibles et entièrement calculables.
L’ordre de fer est un ordre qui, avant tout, exclut le père réel comme principe d’ex-sistence fondant un dire vrai. Or le Nom-du-Père est une instance qui fonde un mode de nomination qui, d’une certaine manière, apparaît sur fond d’acceptation d’une impossibilité.
Si elle procédait du Nom-du-Père, la nomination faciliterait l’ouverture vers l’usage, l’accès, la possibilité de se servir du nom mais aussi du corps. Tandis que le « nommer-à » de l’ordre de fer décerne au contraire un nom et un corps qu’il s’agit seulement de subir.
C’est d’ailleurs très tôt, en 1945, que Lacan signalait que la pente à la folie ne doit pas nécessairement être cherchée dans la faiblesse : « il se peut qu’un corps fer, des identifications puissantes, les complaisances du destin […], mènent plus sûrement à cette séduction de l’être ». Cette séduction de l’être est dans le fil de ce que Lacan avancera ensuite à propos du self, et en particulier du faux self, (cf. les Séminaires XV et XVI et Eidelberg A., Schejtman F., Soria Dafunchio N. y Ventoso J., Anorexia y bulimia. SÃntomas actuales de lo femenino, Buenos Aires, Serie del Bucle, 2003, p. 111-114.).
Les corps de fer de nombre d’anorexiques et de boulimiques répondent très bien à cette logique intimement liée au capitalisme hypermoderne. Comme l’indiquait une analysante, il s’agissait pour elle d’avoir un corps fermé, où rien n’entrerait ni ne sortirait – elle ne mangeait pas, ne déféquait pas, n’était pas réglée, n’avait pas de relations sexuelles. Un corps stérilisé et vidé. Impénétrable, fixé par la répétition incessante d’un calcul monotone qui éradiquait toute surprise de l’existence. Modelé par le carcan d’une pensée obsessionnalisée et entièrement ritualisée. Telle est sa différence essentielle d’avec le corps de l’hystérique, soutenu – comme Lacan le formule Lacan en 1976 – dans sa modalité torique (le « tore-trique ») par « l’armature » de l’amour pour le père. Ces corps contemporains se supportent de l’armure des pensées et du « nommer-à » qui, mettant en Å“uvre un rejet farouche de la dimension amoureuse, prétendent effacer la fonction topologique du trou torique en affirmant un faux self sphérique, fermé, impénétrable. Qu’il s’agisse de la modalité sphère-vide anorexique ou de la sphère-boule boulimique-obèse, on aperçoit comment l’effet thérapeutique requiert une intervention qui, en introduisant la fonction de la coupure, rétablit la structure torique du corps.
* Corps et fonction paternelle, Marcelo Barros, Alejandra Eidelberg, Claudio Godoy y Mónica Gurevicz
corps de fer, armure de pensées
18 novembre 2005 - 23:02 / to be or /
(le retour)
retour de barcelone (tourisme). devant l’immensité des choses à faire, se taire, devant l’immensité, taire, y aller, de proche en proche, ne pas se poser de questions, ne pas évaluer, il faut ce qu’il faut, croiser les doigts mentalement, fermer les yeux mentalement, une chose et puis l’autre, et espérer que ça s’arrête, à un moment, arriver au bout du bordel ambiant, du bordel dans la tête. (vivre dans le noir.)
16 décembre 2005 - 10:56 / to be or /
le trou du spectacle
société qui tourne essentiellement dans le registre de l’envie. faire envie. montrez-leur comment vous prenez votre pied (mot d’ordre à la starac). faire envie, faire montre de sa jouissance. faire envie de sa jouissance. une jouissance pour laquelle on aura durement travaillé (starac, toujours) – mais une jouissance atteignable, donc (au bout du travail comme on dirait au bout du rouleau.
et puis il y a ceux qui les regarde jouir.
(éventuellement on aurait : les esclaves, les travailleurs, ils travaillent, après, ils ont bien travaillé, ils peuvent jouir. c’est bien connu, c’est pas les maîtres qui jouissent, c’est bien connu, c’est-à -dire c’est lacan qui le dit. les maîtres mettent les esclaves au travail. et après le travail, les esclaves vont au bistrot jouir.)
que l’on veuille ça : faire montre de sa jouissance, se donner à voir pendant que ça jouit – les rires, tenez, qui se font plus forts quand il y a de l’alentour, du voisinage, c’est à ça que je pense; on en prend d’autant plus, on mime d’autant mieux le plaisir qu’on a du public; cherche-t-on à séduire, on s’offrira dans un éclat de rire, enfin, c’en est une, de façon.
encore aussi un jour un psychanalyste m’a dit, pas le mien, un ami ( un de mes « on », donc, cfr. mon post d’hier) que c’était un des fantasmes féminins les plus répandus, que celui d’être vue, pour une femme, se masturbant, vue, surprise. enfin, je ne sais pas si c’est vrai. mais, ça m’a frappée. la jouissance vient de se donner en spectacle, d’être vu. je suppose que debord là -dessus.
ce qui m’étonne, c’est le plaisir qui sera pris à son tour au fait de voir. de les regarder, ceux-là qui de leur jouissance donnent le spectacle, fût-elle ou non simulée, les larmes vraies ou fausses, celle qui compte, c’est celle qui leur vient à être regardé.
mais le regardeur, pourquoi regarde-t-il, le fait-il, regarder, quel compte y trouve-t-il? c’est-il qu’il y a là quelque chose qui jouit pour lui et ça lui suffit? ça le conforterait dans l’idée que la jouissance est possible, existe, ça le confirmerait dans son rêve, pervers, d’une jouissance atteignable ici bas, jouissance simplement détenue par d’autres, d’autres qui ont fait ce qu’il fallait, travaillé, puisqu’il n’y aurait… autrement qu’à la sueur de son front, travaillé suffisamment que pour se retrouver de l’autre côté du miroir, dans l’image, là où le corps n’a plus de mystère, n’est plus perdu? là où le corps est dans l’image, celle-là même qui du mien, du corps propre, est à jamais perdue, impossible – jamais tu ne te verras comme tu vois le reste du monde, tu es cela échappé au regard pour toujours forever forever. le trou du spectacle du monde.
S1 | –> | S2 |
— | — | |
$ | // | a |
S1 (le maître) ïƒ produit quoi ? des esclaves, du travail (S2)
y perd quoi? la jouissance, petit a
ignore quoi, que le barré, c’est lui, $ (S barré). que d’être barré, par le signifiant pour lequel il se prend, fait la vérité de son être : c’est ce qu’il sacrifie.
le spectateur jouit. c’est indibut. au téléspectateur que je pense (pas à celui qui fait le tableau, qui lui n’existe plus). penser à la pulsion de voir freudienne. peut-être la jouissance qu’il y aurait d’être regard, de se faire regard, voyeur. oui, les choses doivent se passer entre ce qui se conforte conforme comme exhibitionniste d’un côté et comme voyeur de l’autre. les deux font la paire. c’est de nouveau l’idée du pousse à la perversion de notre société, du pousse à croire à la jouissance à laquelle le pervers croit (qui croit à l’objet adéquat) du déni de la perte. alors la jouissance du fantasme, selon lequel : oui, probablement la jouissance n’est pas à portée de tous, mais dans l’autre, il y en a bien un, au moins un (reconstitution de l’exception, celle qui fait la règle), dans lequel ça jouit. donc tout n’est pas perdu. enfin, tout ça n’est rien du tout. ce qui compte, c’est de se faire raconter des histoires et que le corps ne compte plus.
17 décembre 2005 - 15:19 / to be or /
(s’exclure
il y a probablement une jouissance à s’exclure de la jouissance
17 décembre 2005 - 20:08 / to be or /
to be or
symptômes principaux:
les plus grandes difficultés* às O r tir (cause: ignorée). à aller, par exemple,
— au cours de jacques-alain miller le mercredi midi
— Ã celui de m-h brousse le lundi soir
— Ã la piscine
— voir une copine (il y en a une, une seule, Ã paris)
— chez le coiffeur
* c’est un euphémisme
EUPHÉMISME (eu-fé-mi-sm’), s. m.
Figure de rhétorique qui consiste dans l’adoucissement d’un mot dur. L’euphémisme est une figure par laquelle on déguise des idées désagréables, odieuses ou tristes, sous des noms qui ne sont point les noms propres de ces idées, DUMARSAIS, Tropes, II, 15. Un ouvrier qui a fait la besogne pour laquelle on l’a fait venir, et qui n’attend plus que son payement pour se retirer, au lieu de dire payez-moi, dit par euphémisme : n’avez-vous plus rien à m’ordonner ? ID. ib.
ÉTYMOLOGIE :
En grec, employer des expressions de bon augure, de bien, et dire (voy. FABLE, FATAL).
29 décembre 2005 - 10:46 / to be or /
ou être ou avoir
« Mais l’être, c’est la jouissance du corps comme tel, c’est-à -dire comme asexué,
puisque ce qu’on appelle la jouissance sexuelle est marqué, dominé, par l’impossibilité d’établir comme tel,
nulle part dans l’énonçable, ce seul Un qui nous intéresse, l’Un de la relation rapport sexuel« .
Lacan, Jacques, Le Séminaire, Livre XX, Encore, pp. 12-13.
29 décembre 2005 - 12:36 / copie/colle, to be or /
OR
je ne sORs pas . je ne dORs pas. je ne mORds pas. je mORds.
30 décembre 2005 - 16:28 / to be or /
comme j’aime
voilà . aujourd’hui, je n’en fais qu’à ma tête, je travaille gratuitement. il n’est pas né, celui qui m’en empêchera.
5 janvier 2006 - 15:03 / to be or /
mal aux transitions (1)
préliminaires. je ne sais faire que ça : chercher, en pensée, comment je l’écrirais, ce qui a lieu, et ça, jusqu’à ce que, comme on dit, les caresses se fassent plus précises. alors. alors. ce vide-à -dire qui s’ouvre, abrupt. ce trop brusque passage de la pensée possible à l’impossible pensée. l’impossible transition (dont je retiens le cri).
(plutôt qu’écrire, plutôt que de chercher à écrire, en pensée, je pourrais chercher à dire, ce qui me paraît d’autant plus impossible.)
il y a un rapprochement que je ne peux pas opérer, entre nous, une distance que je dois maintenir : la distance à moi. je nous maintiens à distance de moi. en observation de moi. et je t’observe, te débrouiller avec moi, moi qui entretiens l’illusion de disposer, in fine, de ce léger avantage sur toi que ce corps (quelle que soit la nature de la distance qui m’en sépare) n’en reste pas moins de moi. si léger, l’avantage – tandis que tu disposerais de celui de n’avoir pas, pour m’atteindre, à traverser mes pensées, elles qui seulement matérialisent la perte où je suis de moi, ce moment où ça ne pense plus, qui dès lors, d’ailleurs, ne s’opère pas, se dressant comme un mur entre moi et une distance abolie.
(nous avons de nouveaux préliminaires à inventer. nous aurions, à inventer, des préliminaires.)
PRÉLIMINAIRE (pré-li-mi-nê-r’), adj.
1° Qui précède l’objet principal, et qui sert à l’éclaircir.
2° S. m. Ce qui précède l’objet principal.
Commencement d’arrangement. Les préliminaires de la paix.
Le préliminaire de conciliation, l’essai de conciliation que la loi prescrit de faire devant le juge de paix avant de commencer un procès.
Familièrement. Préambule. Moi qu’on vient de chasser sans nul préliminaire, DORAT, Feinte par amour, III, 4.
ÉTYMOLOGIE :
Pré…, préfixe, et liminaire.
10 janvier 2006 - 18:11 / préliminaires, to be or /
adore et adore
j’apprends un soir qu’à la question de la nature du rapport de l’homme à son corps, il aurait répondu : il l’adore. un autre soir, hier soir, pendant le film que je regarde seule, ça me vient, je me dis que mon corps aussi probablement, je dois attendre que tu l’adores.
Le parlêtre adore son corps parce qu’il croit qu’il l’a. *
aujourd’hui, je me demande si toi aussi, tu attendrais ça, que je l’adore ton corps. si tu es en manque de ça. et cette réciprocité me heurte. plutôt tu vois, je nous aurais vus, toi et moi, ensemble, adorant ce corps, en tiers, ce corps de moi, et cette adoration venant recouvrir ce qu’il est pour nous comme corps de femme, comme corps-dit-la-femme, parlerait de cette distance, séparation où nous serions maintenus, toi et moi, de lui. tu vois, je vois, je ne suis pas vraiment sûre non, de l’avoir ce corps, ce corps-là que j’adore comme dora adorait la femme de celui qu’elle gifle, dont j’oublie le nom, quand il lui fait l’aveu, de ne l’aimer pas tant que ça, sa femme, elle qui est sa madone à elle, dora. sa madone, madame K.
* Jacques Lacan, Séminaire XXIII, Le Sinthome, Le Seuil, Paris 2005, p. 66.
16 janvier 2006 - 14:16 / préliminaires, to be or /
ou être ou avoir (m’étonne)
Note au passage :
Donc, Le parlêtre adore son corps parce qu’il croit qu’il l’a. Après, ça continue : En réalité, il ne l’a pas mais son corps est sa seule consistance. Je m’étonne, est-ce qu’il n’a pas parlé, ailleurs, de lom cahun un corps et nan-na Kun? Est-ce qu’il n’a pas souvent insisté là -dessus, sur cette idée que l’homme n’est pas son corps et ne fait que l’avoir?
LOM de base, c’est celui cahun un corps et nan-na Kun. Faut le dire comme ça : il ahun… et non : il estun (cor/niché). Lacan nous ramène, âne égaré, à notre troupeau; car avoir un corps, c’est bien sûr parler
avec son corps, ahun, quand il parle avec son être, il bafouille car l’être est plein de sens alors que le sens, il faut le savoir, n’est pas a priori. Il faut admettre cette formule : LOM a, au principe.
17 janvier 2006 - 12:25 / copie/colle, to be or /
ou être ou avoir (V)
LOM, LOM de base, LOM cahun corps et nan-na Kun. Faut le dire comme ça : il ahun… et non: il estun… (cor/niché). C’est l’avoir et pas l’être qui le caractérise. Il y a de l’avoiement dans le qu’as-tu? dont il s’interroge fictivement d’avoir la réponse toujours. J’ai ça, c’est son seul être. Ce que fait le f…toir dit épistémique quand il se met à bousculer le monde, c’est de faire passer l’être avant l’avoir, alors que le vrai, c’est que LOM a, au principe. Pourquoi? Ca se sent, et une fois senti, ça se démontre.
(…)
L’S.K.beau c’est ce que conditionne chez l’homme le fait qu’il vit de l’être (=qu’il vide l’être) autant qu’il a – son corps: il ne l’a d’ailleurs qu’à partir de là . D’où mon expression de parlêtre qui se substituera à l’ICS de Freud (inconscient, qu’on lit ça) : pousse-toi de là que je m’y mette, donc.
(…)
Avoir, c’est pouvoir faire quelque chose avec.
Lacan, Jacques, Autres écrits, Joyce le Symptôme, pp. 565-566
AVOI (a-voi), s. m.
Terme de brasserie. Donner un avoi, faire couler d’une cuve dans une autre.
ÉTYMOLOGIE :
Peut-être de l’ancien verbe avoyer, mettre en voie.
17 janvier 2006 - 19:55 / copie/colle, to be or /
lespensées qui réveilleraient
Semaine dernière avais pensé que si pensées me réveillaient, c’est peut-être qu’elles le voulaient , que je me réveille. Quelques temps déjà que je les incrimine de mes réveils nocturnes – mes pensées ou ce désir de pensée – et que je me demande ce qu’elles viennent faire là , pourquoi elles veulent, persistent.
Et donc, m’étais dit que peut-être c’était simplement ça : elles le veulent, me réveiller, que je le fasse – me lève. (Me lève et travaille).
Je n’obéis pas. Sauf aujourd’hui, voilÃ
31 janvier 2006 - 7:33 / to be or /
désir pour réalité
la solitude d’une phrase, une fois le point posé.
31 janvier 2006 - 11:44 / to be or /
ou être ou (VI)
L’assiette pleine cache une assiette vide, comme l’être cache le néant.
R. Queneau
31 janvier 2006 - 15:42 / to be or /
le dimanche de la vie
me suis acheté un manteau avec une ceinture.
(viens de lire préface très intéressante sur la fonction des italiques dans son oeuvre d’un livre de gaston leroux. )
5 février 2006 - 11:46 / to be or /