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1. 4. 7. D’un don qui n’aurait pas été fait

L’argument massue du Séminaire III de Lacan sur les psychoses (1955 –
1956), portait sur la dissymétrie dans le symbolique s’agissant du sexe de l’homme et de la femme,
du fait de la prévalence du phallus en regard au caractère d’absence où
s’offre le sexe féminin, d’où Lacan déduisait la nécessité pour la
femme de s’identifier au père.  A quoi, il ajoutait, dans La relation d’objet, l’année suivante (1956-1957):
« […]
si elle (Dora) n’a pas elle-même renoncé à quelque chose, c’est-à-dire
précisément au phallus paternel conçu comme un objet du don, elle ne
peut rien concevoir, subjectivement parlant, qu’elle reçoive d’autres,
c’est-à-dire d’un autre homme.  Dans la mesure où elle est exclue
de la première institution du don et de la loi dans le rapport direct
du don d’amour, elle ne peut vivre cette situation qu’en se sentant
réduite purement et simplement à l’état d’objet.
« 1

C’est brutal.
Ainsi donc un certain don eût-il été fait, ou, précisément, le phallus
paternel eût-il cessé d’être conçu comme objet du don, eût-il été
permis de se désintriquer de la question que pose le problème de ce
flottement dans le symbolique qui fait qu’au signifiant du sexe de
l’homme ne corresponde pas, de façon symétrique, de signifiant qui dise
le sexe de la femme, eût-il permis de ne pas avoir l’être
inlassablement questionné par ce manque de matériel dans le symbolique pour désigner le sexe féminin,
d’admettre la prévalence du phallus et de plier son discours à ce
signifiant.  De n’être pas de celles pour qui la semblance fait
sentence.
L’hystérique serait celle arrêtée à la question posée par « le caractère d’absence, de vide, de trou«  2
du sexe féminin, de n’être pas assurée d’un signifiant qui serait
possible, de ce qu’il ne lui a pas été donné par le père (ce phallus
qui ne prend de force que celle de sa vérité à elle, ce qui ne serait
pas peu dire), de ce qu’elle eût voulu se le voir recevoir, le phallus
paternel, qu’il lui fût donné, comme objet – dont le manque
d’objectivité ne lui a fait percevoir que le manque.  Où un objet
est conçu d’être de manque, puis comme reçu, comme tel.

Parer à l’absence de signifiant pour dire le sexe féminin, reviendrait
à n’en être plus à attendre un don du père qui ne vient pas.

Qu’elle s’identifie au père, ne serait pour l’hystérique qu’un moyen,
une voie prise, pour continuer à poser la seule question qui continue à
compter : « Qu’est-ce qu’une femme? »  Et au-delà : « Quel était ce
désir de la mère?  »  Qu’elle s’identifie au père, viendrait de ce
que si elle ne le sent pas de l’intérieur, ce que c’est une femme, elle
essaie de le voir de l’extérieur, en s’identifiant à ce qui n’est pas
elle, à ce qui est un homme et qui aussi regarde, observe, voit,
désire, s’interroge, sur ce qu’est une femme, cela, cette femme, qui
peut-être, l’a lui-même, un jour, longtemps auparavant, rendu
incertain, dubitatif.

1. Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre IV, La relation d’objet, p. 144.

2. Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre  III, Les psychoses, p. 199.