- PARTIE I /
- PARTIE II / Des effets épistémiques de la traversée et au-delà
- PARTIE III / Les amphibologies du réel
- PARTIE IV / Le schème et le fantasme
partie I
cure – expérience
Il fut un temps où Lacan parlait de la cure analytique. C’est que, alors, il fallait dédouaner la psychanalyse en la faisant passer pour une thérapeutique – pour une action ayant pour but une guérison…
Vous savez qu’il lui substitua, dans son usage le plus courant, celui d’expérience analytique – expérience au sens où dans une analyse se passent des choses, on y vit quelque chose de tout à fait singulier / et le mot expérience a l’avantage de ne pas spécifier qu’il en résulte quelque chose comme une guérison… C’est prudent, et réaliste 😉
cure – psychanalyse didactique / guérison – formation
Conceptualiser l’expérience, comme on le faisait, et comme Lacan un temps l’a adopté, comme cure, oblige à en distinguer la psychanalyse dite didactique, celle dont le but est de formation.
Autrement dit, jusqu’à Lacan la psychanalyse se trouvait dédoublée. Il y avait la psychanalyse comme cure, avec finalité de guérison et l’expérience comme pédagogique, avec finalité de formation.
L’incidence de Lacan s’est marquée parce qu’elle a fait une union de ces deux versants de la pratique.
« Expérience », le mot, qualifie une processus unique – à la fois de guérison et de formation. Sauf que ces 2 termes apparaissent l’un et l’autre tout à fait inadéquats à désigner ce dont il s’agit, la façon dont Lacan mettait en œuvre la psychanalyse, la façon dont il invitait à la pratiquer ne trouvant pas à se ranger sous l’une de ses rubriques – même si on les confond.
effets / fantasme, passe et traversée
Tout ce qu’on peut dire, tout ce qu’on peut concéder, c’est qu’il y a en effet des effets … qui se déprennent du processus de la psychanalyse, des effets qui ne sont à trouver ni dans la guérison ni dans la formation. En revanche, la pratique de la psychanalyse comporte des conséquences qui convergent sur le fantasme, le fantasme du psychanalysant. Ces effets, Lacan concevait qu’ils se cristallisaient – ni en guérison ni en formation – mais en ce qu’il appelait la PASSE. En quoi il désignait le franchissent d’une impasse constitutive du sujet, proprement originelle et se traduisant par un effet majeur, que, pour le qualifier, j’ai retenu un mot employé par lui une fois dans un de ses écrits : TRAVERSÉE. Traversée du fantasme.
Ce mot de « traversée » ne vient que dans la 13eme année de son enseignement, dans sa « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’école » – néanmoins, c’est là-dessus que culmine son effort son effort d’enseignement jusqu’à cette date. Ça se situe entre la « Logique du fantasme » et « l’Acte psychanalytique ».
fantasme-écran / X et révélation / fantasme-fenêtre
Qu’en est il de ce fantasme? Au premier abord, je dirais que c’est essentiellement ce qui pour le sujet fait ÉCRAN au réel – et la traversée de cet écran est supposée lui permettre d’accéder au réel, d’avoir avec le réel une entente dont il était jusqu’alors retranché, incapable.
C’est aussi, ce fantasme, ce qui fait écran à son être de sujet – dans la mesure où ce qui précipiterait un sujet en analyse, ce serait la recherche de cet être, la question « qui suis-je? », dans la mesure où il ne disposerait pas de cette clé, où quelque chose serait venu opacifier son « je suis » et qui ferait que comme analysant, il se soutienne, comme ce qu’on appelle en algèbre un X, une inconnue. Et il est donc question que l’effet majeur de l’expérience ne soit, ni de guérison, ni de formation, mais, à proprement parler, de révélation ontologique quant au sujet.
Bon. Seulement le fantasme n’est pas seulement écran / il est en même temps FENÊTRE sur le réel. Il y a là une valeur du fantasme qui mérite d’être située, entre écran et fenêtre.
Je cite Lacan : « le fantasme est cela où se constitue pour chacun sa fenêtre sur le réel » [Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’Ecole » : » dans ce virage où le sujet voit chavirer l’assurance qu’il prenait de son fantasme où se constitue pour chacun sa fenêtre sur le réel, ce qui s’aperçoit, c’est que la prise du désir n’est rien d’autre que celle d’un désêtre » ].
En ce sens le fantasme est une fonction subjectivée, singularisée du réel. Ce qui laisse à l’horizon la possibilité que, une fois franchie cette fenêtre singularisante, il ait accès au réel « pour tous », à un champ commun du réel – qu’il est arrivé à Lacan de célébrer. Le sujet allait se dépouiller de sa singularité pour rejoindre un « pour tous », lequel avait une tonalité indiscutablement hégelienne.
du « pour tous » à « de l’un »
En 1967, il n’évoque pas cet horizon de « pour tous ». Mais seulement que la position du sujet s’assure du fantasme, c’est-à-dire d’un point de vue – c’est la fenêtre – singulier sur le réel que l’analyse peut lui permettre de dépasser, pour ne pas dire de transcender.
Cette traversée que Lacan a conçue, ça n’est pas dans Freud, c’est même une conception qui est faite afin de surmonter l’impasse sur laquelle Lacan voyait toute analyse déboucher : l’impasse sexuelle, du côté de l’homme et du côté de la femme, obligeant à la reprise infinie (indéfinie?) de l’analyse.
partie II / des effets épistémiques de la traversée et au-delà
Le passage du psychanalysant au psychanalyste, a une porte dont ce reste qui fait leur division est le gond, car cette division n’est autre que celle du sujet, dont ce reste est la cause.
Dans ce virage où le sujet voit chavirer l’assurance qu’il prenait de ce fantasme où se constitue pour chacun sa fenêtre sur le réel, ce qui s’aperçoit, c’est que la prise du désir n’est rien que celle d’un désêtre.
En ce désêtre se dévoile l’inessentiel du sujet supposé savoir, d’où le psychanalyste à venir se voue à l’agalma de l’essence du désir, prêt à le payer de se réduire, lui et son nom, au signifiant quelconque.
Car il a rejeté l’être qui ne savait pas la cause de son fantasme, au moment même où enfin ce savoir supposé, il l’est devenu.
« Qu’il sache de ce que je ne savais pas de l’être du désir, ce qu’il en est de lui, venu à l’être du savoir, et qu’il s’efface. » Sicut palea, comme Thomas dit de son œuvre à la fin de sa vie, – comme du fumier.
Ainsi l’être du désir rejoint l’être du savoir pour en renaître à ce qu’ils se nouent en une bande faite du seul bord où s’inscrit un seul manque, celui que soutient l’agalma.
La paix ne vient pas aussitôt sceller cette métamorphose où le partenaire s’évanouit de n’être plus que savoir vain d’un être qui se dérobe.
Jacques Lacan, « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École« , Autres écrits, p. 254.
de la traversée, 3 effets épistémiques
Pour Lacan, au delà de la didactique et de la guérison, cette traversée a des effets de savoir. Il y des effets epistémiques acquis à la fin de l’analyse. Il y en a trois.
1. désarroi
Le premier, ça s’entend dans ce Lacan dessine – je me contente de le souligner, ce que Lacan ne fait pas [… il n’aurait pas voulu donner d’indice sur la passe…. (rires) aujourd’hui la passe a changé, donc on peut] -, c’est un effet de désarroi, qui tient précisément à l’assurance que le sujet prend de sa connaissance du fantasme / qui lui fixe sa place par rapport au réel, qui lui dit ce que le réel veut dire pour lui. Cette assurance est chavirée, elle coule. Son monde, les catégories significatives qui ont organisé son monde : ce n’est que son monde à lui. [C’est à partir de la position d’analyste qu’on peut se demander comment un monde qui est mon monde peut tenir avec les autres mondes.]
De la place d’analyste, il voit arriver des sujets qui ont des catégories qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Chacun est corrélatif d’un monde qui est disjoint de celui du voisin. Il y a le monde du bon samaritain ou du fripon – ça fait 2 -, le monde où on fait du bien, le monde où l’on trompe… le monde où l’on fait du bien et où l’on trompe…
Il y a une relativité qui, une fois qu’elle s’aperçoit, se traduit d’abord par un désarroi, un désarrimage – avant d’éventuellement ouvrir à l’expansion de l’être.
2. du désir au désêtre
Le deuxième effet, est celui de déflation du désir : le désir ne saisit aucun être à proprement parler. (Ce qui s’aperçoit, c’est) Que l’être qui suscite le désir ne tient son éclat que de la libido que j’y investis […] La prise du désir se révèle prise de désêtre (« ce qui s’aperçoit, c’est que la prise du désir n’est rien que celle d’un désêtre » JL, prop. Passe). – un non-être qu’on croyait être et qui est destitué de cette qualité (préfixe « dés… »).
Il y a là une ontologie du désir.
Tant que l’objet est investi, il a la valeur de l’agalma : il devient un désêtre – essence évanouie -, une signification qui se dissipe – dont il se révèle qu’elle enveloppait ma jouissance, que ce qui faisait l’éclat du désir n’était que ce qui enrobait ma jouissance.
3. de l’être de désir à l’être de savoir, métamorphose
Le troisième effet est celui qui dénoue le lien à l’analyste. Il se révèle en effet que ce sujet-supposé-savoir n’était qu’une signification qui dépendait de mon désir – le lien au sujet-supposé-savoir se distend et se rompt.
Lacan traduit ça en terme de métamorphose.
être de désir –> être de savoir
L’être de désir mute en être de savoir. Dans cette conversion, c’est le fantasme qui se dénoue. Le fantasme soutenait le désir tant qu’il n’était pas su. Ne pas savoir ce qui le cause soutient le désir.
Il y aurait fin d’analyse quand le désir passe au savoir. C’est là que Lacan a situé le / son « Moment de conclure ».
au-delà, l’être de jouissance, le sinthome
Il y a un au-delà de la conversion du désir au savoir – l’au-delà dont je dirais qu’il n’est pas modifié par cette métamorphose -, que Lacan a épinglé par le sinthome, l’être de jouissance.
sinthome = être de jouissance
L’être du désir se laisse convertir en être du savoir. Le fantasme se laisse traverser (passe).
L’être de jouissance reste rebelle au savoir, la question de la jouissance et du sens, c’est plus coton. Ça ne se prête pas à une traversée.
partie III / Les amphibologies du réel
Amphibologies
J’ai évoqué au début de ce cours le terme de réel. Pour fixer les idées, je suis contraint de signaler que nous devrions inscrire un chapitre qui s’intitulerait « Les amphibologies[1] du réel ».
Le réel ne veut pas dire toujours la même chose. Il y a là une équivoque qu’il faut cerner. Lacan a beau dire qu’il revient toujours à la même place, c’est comme Achille au pied léger, il revient toujours à la même place / néanmoins, il ne veut pas toujours dire la même chose.
dans l’analyse, il n’y a pas de réel
« Le psychanalyste assurément dirige la cure. Le premier principe de cette cure, celui qu’on épelle d’abord, qu’il retrouve partout dans sa formation au point qu’il s’en imprègne, c’est qu’il ne doit point diriger le patient. La direction de conscience, au sens du guide moral qu’un fidèle du catholicisme peut y trouver, est ici exclue radicalement. Si la psychanalyse pose des problèmes à la théologie morale, ce ne sont pas ceux de la direction de conscience, en quoi nous rappelons que la direction de conscience en pose aussi.
La direction de la cure est autre chose. Elle consiste d’abord à faire appliquer par le sujet la règle analytique, soit les directives dont on ne saurait méconnaître la présence au principe de ce qu’on appelle « la situation analytique », sous le prétexte que le sujet les appliquerait au mieux sans y penser.
Ces directives sont dans une communication initiale posées sous forme de consignes dont, si peu que les commente l’analyste, on peut tenir que jusque dans les inflexions de leur énoncé, ces consignes véhiculeront la doctrine que s’en fait l’analyste au point de conséquence où elle est venue pour lui. Ce qui ne le rend pas moins solidaire de l’énormité des préjugés qui chez le patient attendent à cette même place : selon l’idée que la diffusion culturelle lui a permis de se former du procédé et de la fin de l’entreprise.
Posons seulement qu’à le réduire à sa vérité, ce temps consiste à faire oublier au patient qu’il s’agit seulement de paroles, mais que cela n’excuse pas l’analyste de l’oublier lui-même. «
Jacques Lacan, Écrits, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir », p. 586
C’est dire en tout cas que le réel n’est pas DIALECTIQUE. Le réel comporte un élément à caractère rebelle. Quand il introduit cette catégorie, il en fait un élément exclu. Ainsi, dans l’analyse, il n’y a pas de réel.
C’est ce qu’il énonce, non sans un certain cynisme, quand il s’efforce de donner des directives concernant la cure (Écrits, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir » (juillet 1958), p. 586 – voir ci-dessus, en exergue), il indique très précisément que le premier temps consiste pour le sujet à faire appliquer la règle analytique, à dire sans censure, en toute liberté / à dire ce qu’il lui passe par la tête, c’est l’ Einfall de Freud –> « ce qui vous tombe à la tête ». Ce temps initial consiste à faire oublier au patient qu’il s’agit seulement de paroles – il n’est pas question de réel. C’est là l’affichage de l’imposture première de l’expérience analytique : des paroles, non du réel. On ne vous demande pas de dire la vérité. L’adéquation de la chose et de la pensée, c’est une injonction juridique. On garde à la vérité son caractère inconnu. L’injonction c’est de dire n’importe quoi, ce qui vous vient, ni le vrai, ni le réel.
D’emblée, Lacan fait du réel ce qui peu ou prou est exclu de l’expérience (v. aussi conférence du 8.7.1953 sur « Le Nom du Père » : Lacan y récuse qu’on ait affaire au réel, il trouve l’imaginaire sur son chemin, analysable sans être confondu avec lui).
ici… Levi Strauss – j’ai pris très peu de notes…
tripartition IRS, récusation de la vérité / le Réel-réalité étant exclu, le Symbolique apparaît comme wirklich, réel an tant qu’ayant des effets( « propos sur la causalité psychique »)
je n’ai pas très assidûment noté la suite du cours.
automaton/tuché – réel-ordre / réel-trauma
L’enseignement de Lacan commence quand ce qu’il isole comme cause, c’est le signifiant (v. « La lettre volée »), dominant tout ce qui a signification pour le sujet. Pour le sujet, ce sont les permutations signifiantes qui engendrent les effets psychiques. Chacun devient différent, selon l’emplacement où se trouve de la lettre volée à un moment donné : paradigme de la Wirklichkeit du symbolique.
On peut dire là que le réel est essentiellement lié au symbolique, à ce que Lacan appelle l’ordre symbolique. Il ne s’agit pas de symboles disjoints. Une loi de permutation les lie. Le réel est identifié à l’ordre, au point que je parlerais du RÉEL-ORDRE.
Il me suffit de me référer au Séminaire XI, pour opposer un autre sens du réel. On y assiste au décrochage du R et du S, où le réel reste ce qui revient toujours à la même place, mais en tant que la pensée ne le rencontre pas, où il est ce qui ne se rencontre pas dans l’ordre.
- Automaton –> réseau signifiant –> là où s’incarne l’ordre
- Tuché –> tandis que la tuché, c’est une trouée – elle n’obéit pas à la loi – elle a lieu comme au hasard (ce qui va devenir : le réel est sans loi)
Donc, il ne faut pas s’y tromper : là où la répétition est au début du côté de l’ordre symbolique, par excellence automaton, par la suite, elle est foncièrement du côte du RÉEL-TRAUMA, comme inassimilable.
C’est l’ordre symbolique qui travaille pour l’homéostase, le bonheur, le confort. La répétition est elle facteur d’intranquillité.
Barthes, La chambre claire : Studium/punctum
Barthes a bien entendu ça dans sa Chambre claire sur la photographie. Il y distingue deux dimensions qu’il nomme de mots latins : le studium et le punctum,
- studium –> C’est « l’application à une chose, le goût pour quelqu’un, une sorte d’investissement général, empressé certes, mais sans acuité particulière »
- punctum –> C’est ce qui vient casser ou scander le studium. “Le punctum d’une photo c’est ce hasard en elle qui me point (mais aussi me meurtrit, me poigne)”. Un détail qui mobilise, qui fait tache.
Les Studium et punctum de Barthes répondent à automaton et tuché, je prétends que ça lui est venu du Séminaire XI.
Un coeur simple
Ça reconduit aussi bien à « L’effet de réel », un autre écrit de Barthes, un article sur le « Coeur simple » de Flaubert.
On y voit, dit-il, un piano, des boites, des cartons, et soudainement… un baromètre. Que vient faire là ce baromètre, ce certain détail qui apparaît en plus, punctum de la description. Elément qui ne s’explique pas dans la structure du récit, sans fonction donnable, scandaleux donc du point de vue de la structure. Luxe de la narration, notation insignifiante soustraite à la sémantique du récit, au fond énigmatique, énigmatique comme l’est toute description par rapport à l’action. On voit beaucoup de scansions historiques dans l’usage de la description, mais là, ce détail qui vient comme résidu de toute analyse fonctionnelle du texte, « résidu irréductible » dit Barthes, vient comme en plus – on ne voit pas à quoi il sert -, pour représenter le réel comme ce qui résiste à la structure, pur « il y a ». L’in-signifiance est là pour récupérée pour signifier le réel, que se produise pour le lecteur un effet de réel, elle tient la place de représentant du réel. Le réel se présente par le détail, se présente comme hors structure / le bout de réel s’y voit à l’extrême opposé de la loi structurale. Barthes est là d’inspiration lacanienne.
partie IV (fin) / Le schème et le fantasme
Qu’en est il de la topologie et de son rapport au réel ?
Voir Autres Écrits, p. 469, après une élaboration sur le rapport sexuel : « Un peu de topologie vient maintenant ».
En 2, 3 pages étourdissantes sont avancés le tore, la bouteille de Klein, le cross cap, la bande de Möbius, soit les quatre objets essentiels de sa topologie. Ce développement est à prendre comme « la référence de mon discours » dit Lacan. La référence, c’est : ce dont il s’agit, ayant valeur de réel. Il y insiste : ça n’est pas dit métaphoriquement.
« Ce développement est à prendre comme la référence – expresse, je veux dire déjà articulée – de mon discours où j’en suis : contribuant au discours analytique.
Référence qui n’est en rien métaphorique. Je dirais : c’est de l’étoffe qu’il s’agit, de l’étoffe de ce discours, – si justement ce n’était pas dans la métaphore tomber là.
Pour le dire, j’y suis tombé ; c’est déjà fait, non de l’usage du terme à l’instant répudié, mais d’avoir, pour me faire entendre d’à qui je m’adresse, fait-image, tout au long de mon exposé topologique.
Qu’on sache qu’il était faisable d’une pure algèbre littérale, d’un recours au vecteurs dont d’ordinaire se développe de bout en bout cette topologie.
La topologie, n’est-ce pas ce n’espace où nous amène le discours mathématique et qui nécessite révision de l’esthétique de Kant?«
Jacques Lacan, Autres Ecrits, « L’Etourdit », p. 471, 472
La référence dont il s’agit c’est la référence à la structure, définie comme le réel qui se fait jour dans le langage. Ce qu’il a appelé depuis toujours la structure, c’est le réel en tant qu’il se manifeste dans le langage par un certain nombre de relations.
Ne pas méconnaître le rôle des affinités que la pensée a reconnu entre le mathématique et le réel: Lacan s’inscrit dans cette voie – lui qui à 13 ans s’exerçait à dresser le tableau de l’Éthique de Spinoza et de ses inférences selon l’ordre géométrique, cet ordre géométrique qui était la voie classique majeure de la raison.
Pour Lacan, le champ du langage est celui du Logos, à la façon grecque, le langage c’est la raison.
[…]
Parallèle entre la Critique de la raison pure de Kant et la convergence chez Lacan sur le fantasme
B-a ba de la doctrine Kantienne, qui sépare dans la connaissance 2 sources fondamentales et hétérogènes : la sensibilité et l’entendement.
- sensibilité –> ce qui relève de la sensation (depuis Aristote) / intuition
- entendement –> met en jeu la faculté, le pouvoir des concepts par lequel on peut conceptualiser ce qui vient de l’intuition (de l’extérieur) / appartient à la spontanéité du sujet / la spontanéité, c’est le jeu des signifiants
La connaissance relève toujours de l’intuition (réceptivité) et du concept (spontanéité).
réceptivité ◊ spontanéité
–> Il y a là un « goulot d’étranglement » dit Lacan. Il faut à Kant trouver un médiateur, il le trouvera dans le schème, pour lequel il invente un pouvoir propre de l’âme qu’il appelle le schématisme.
C’est la-dessus que se distinguent les commentateurs.
Cette fonction schématisante est affectée depuis toujours à l’imagination, comme fonction intermédiaire entre le sentir et le penser. Elle est exigée en mathématiques, mais les images mathématiques sont d’un type spécial, elles doivent comporter en elles-mêmes quelque chose de la structure. Elles doivent avoir en elle-mêmes quelque chose de la règle de leurs permutations.
Ici culmine la difficulté de la Critique de la Raison Pratique.
Pour ma part, j’ai compris Kant en lisant Heidegger, Kant et le problème de la métaphysique
Si je veux en court-circuit ramener Kant à nous, ce qui est essentiellement pour le sujet réceptivité, c’est la jouissance, toujours liée à un premier événement de jouissance, liée à un premier événement de valeur traumatique du jeu des signifiants, et donc relève de l’Autre.
Le fantasme donc peut fonctionner comme le schème, a un pied de chaque côté, unit deux hétérogènes.
S barré ◊ a
Le fantasme fait schème entre la réceptivité de la jouissance et la spontanéité des signifiants.
/ Le schématisme affecté à l’imagination, la fantasia d’Aristote qui a donné le fantasme /
Structure transhistorique, dans deux registres distincts, avec un terme médiateur qui perce un niveau à partir d’un autre = Fantasme
/
A l’intérieur des affects, il en un en connexion avec le réel : l’angoisse : ce qui ne trompe pas.
« Le sentiment de l’impuissance de notre faculté à atteindre une Idée, qui pour nous est loi, est respect ».
Kant E., Critique de la faculté de juger, Section I, Livre II, §27, p. 96
Chez Kant, c’est le rôle du sentiment du respect, index du suprasensible qui pointe vers d’autres dimensions de la sensibilité.
Dans le séminaire IX sur l’identification, le parcours par Lacan de la Critique de la raison pratique précède sa première élaboration de topologie référée aux affinités du réel et des mathématiques.
NOTE:
[1] « Amphibologie des concepts de la réflexion » est le titre d’un passage de la Critique de la raison pure de Kant.
amphibologie, nom féminin : Phrase, proposition présentant deux sens possibles. Ex Louer une maison. Synonyme équivoque
Bonjour. Merci pour ces précieuses notes. Le baromètre que Barthes voit hors-sens peut provenir de A la recherche du temps perdu, dans Combray je crois: il n’est hors-sens que pour Barthes, car il est l’objet auquel le père du narrateur accorde toute son attention: une scène importante décrit le narrateur regardant sa mère regardant avec admiration le père regardant le baromètre (ouf!) Le baromètre pour Barthes qui était un marcélien impénitent, peut ainsi être en relation métonymique avec le père. Et avec Barthes du père au pire on passe allègrement: de quoi faire d’un pauvre baromètre … un réel.