Lacan, Encore, « Le savoir et la vérité » (10 avril 1973), Extrait, p. 85, 86

En passant

Cet extrait de Encore vient ici en complément de mes notes du 6° cours de Miller , « quand Lacan baisse les bras s’agissant de l’objet a » :

« Autre chose encore nous ligote quant à ce qu’il en est de la vérité, c’est que la jouissance est une limite. Cela tient à la structure même qu’évoquaient au temps où je les ai construits pour vous mes quadripodes – la jouissance ne s’interpelle, ne s’évoque, ne se traque, ne s’élabore qu’à partir d’un semblant.

L’amour lui-même, ai-je souligné la dernière fois, s’adresse au semblant. Et, s’il est vrai que l’Autre ne s’atteint qu’à s’accoler, comme je l’ai dit la dernière fois, au a, cause du désir, c’est aussi bien au semblant d’être qu’il s’adresse. Cet être-là n’est pas rien. Il est supposé à c’est objet qu’est le a.

Ne devons-nous pas retrouver ici cette trace, qu’en tant que tel il répond à quelque imaginaire? Cet imaginaire, je l’ai désigné expressément de l »I, ici isolé du terme imaginaire. Ce n’est que de l’habillement de l’image de soi qui vient envelopper l’objet cause du désir, que se soutint le plus souvent – c’est l’articulation même de l’analyse – le rapport objectal.

L’affinité du a à son enveloppe est un de ces joints majeurs à avoir été avancé par la psychanalyse. C’est pour nous le point de suspicion qu’elle introduit essentiellement.

C’est là que le réel se distingue. Le réel ne saurait s’inscrire que d’une impasse de la formalisation. C’est en quoi j’ai cru pouvoir en dessiner le modèle à partir de la formalisation mathématique en tant qu’elle est l’élaboration la plus poussée qu’il nous ait été donné de produire de la signifiance. Cette formalisation mathématique de la signifiance se fait au contraire du sens, j’allais presque dire à contre-sens. Le ça ne veut rien dire concernant les mathématiques, c’est ce que disent, de notre temps, les philosophes des mathématiques, fussent-ils mathématiciens eux-mêmes, comme Russell.

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VI. De l’ontologie à l’ontique – 9 mars 2011

Bon. Aujourd’hui, je vais solder un vieux compte que j’ai avec Lacan depuis mes 20 ans. Quelque chose m’avait produit un certain déplaisir jadis, que je n’avais eu l’occasion d’aborder avec lui. M’enfin, c’est resté et ça s’inscrit bien dans ce que je trace cette année. Ça remonte à un moment très précis qui est indiquable dans le Livre  XI des Séminaires, les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse.

A la fin du chapitre II, à l’époque où Lacan laissait s’exprimer quelques auditeurs, vous verrez, par extraordinaire, que les questions et les réponses manquent. Ça n’a pas été transcrit  (peut-être que ça va réapparaître maintenant). C’était la première fois que je m’adressais à Lacan (en public, je l’avais vu une première fois rue de Lille, non, c’était après, donc, c’était la première fois que je m’adressais à lui).  Et il a fait une réponse à cette question que l’on peut trouver au début du chapitre III, la semaine suivante, on peut apercevoir de quoi il s’agissait. Il a été fort gentil avec moi. Ensuite,  il a même fait un petit mot à mon mentor, Althusser qui disait : « Plutôt bon, votre gars. » J’étais de ceux qui se dénommaient Althusseriens.

Lacan résume ma question dans ces termes (Jam lit) : Continuer la lecture

Lacan, Séminaire IX, 28 février 1962, extrait 2 – le point d’étranglement

En passant

[ Complément de lecture du  cours de jacques-alain miller du 2 février 2011]

Aussi bien, même avec cette affirmation que rien n’est fécond sinon le jugement synthétique, peut-il encore après tout l’effort de logicisation de la mathématique, être considéré comme sujet à raison. La prétendue infécondité du jugement analytique a priori, à savoir de ce que nous appellerons tout simplement l’usage purement combinatoire d’éléments extraits de la position première d’un certain nombre de définitions, que cet usage combinatoire ait en soi une fécondité propre, c’est ce que la critique la plus récente, la plus poussée, des fondements de l’arithmétique, par exemple, peut assurément démontrer. Qu’il y ait au dernier terme, dans le champ de la création mathématique, un résidu obligatoirement indémontrable, c’est ce à quoi sans doute la même exploration logicisante semble nous avoir conduits (le théorème de Gödel) avec une rigueur jusqu’ici irréfutée, mais il n’en reste pas moins que c’est par la voie de la démonstration formelle que cette certitude peut être acquise et, quand je dis formelle, j’entends par les procédés les plus expressément formalistes de la combinatoire logicisante.

Qu’est-ce à dire ? Est-ce pour autant que cette intuition pure, telle que pour Kant aux termes d’un progrès critique concernant les formes exigibles de la science, que cette intuition pure ne nous enseigne rien ? Elle nous enseigne assurément de discerner sa cohérence et aussi sa disjonction possible de l’exercice justement synthétique de la fonction unifiante du terme de l’unité en tant que constituante dans toute formation catégorielle et, les ambiguïtés étant une fois montrées de cette fonction de l’unité, de nous montrer à quel choix, à quel renversement nous sommes conduits sous la sollicitation de diverses expériences.

La nôtre ici évidemment seule nous importe. Mais n’est-il pas plus significatif que d’anecdotes, d’accidents, voire exploits, au point précis où on peut faire remarquer la minceur du point de conjonction entre le fonctionnement catégoriel et l’expérience sensible dans Kant, le point d’étranglement, si je puis dire, où peut être soulevée la question si l’existence d’un corps, bien sûr tout à fait exigible, en fait ne pourrait pas être mise en cause dans la perspective kantienne. Qu’en fait qu’elle soit exigée en droit, est-ce que quelque chose n’est point fait ?