Les prophéties de Lacan, par Jacques-Alain Miller

En passant

Article paru dans Le Point du 18 août 2011.

Propos recueillis par Christophe Labbé et Olivia Recasens

Éclairant. Ce que Lacan aurait dit sur notre époque, par son gendre et légataire intellectuel, le psychanalyste Jacques-Alain Miller.

Le Point : Jacques Lacan nous éclaire sur l’un des travers de notre société démocratique : l’individualisme roi. Peut-on parler d’une tyrannie du « Un » ?

Jacques-Alain Miller : L’époque est marquée par l’emprise croissante du chiffre, du comptage : on veut tout quantifier. Or le principe du tout-chiffrage, c’est le « Un ». Sans le « Un », nos calculs n’existeraient pas et, désormais, ils sont partout : dans la vie quotidienne, en politique – du moins, là où on vote -, dans la science, la médecine, l’économie, la librairie, le spectacle, tous les champs de l’activité humaine. L’islam est la religion qui met le plus l’accent sur le « Un » unique. Or, dans la sexualité, traditionnellement, c’est la dualité qui dominait. Tout était fondé sur la complémentarité des deux sexes. Freud concevait encore le rapport sexuel sur le modèle platonicien et évangélique : l’homme et la femme, et puis ils ne font qu’une seule chair.

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Citation

 » Je suis en train, ces jours-ci, d’articuler l’opposition conceptuelle entre l’être et l’existence. Et c’est une étape sur le chemin où j’entends distinguer et opposer l’être et le réel, being and the real.

Il s’agit pour moi de mettre en valeur les limites de l’ontologie, de la doctrine de l’être. Ce sont les Grecs qui ont inventé l’ontologie. Mais eux-mêmes en ont senti les limites puisque certains ont développé un discours portant explicitement sur un au-delà de l’être, beyond being Dans cet au-delà de l’être, dont il faut croire qu’ils ont senti la nécessité, ils ont placé le Un, the one. En particulier celui qui a développé le culte du Un, comme au-delà de l’être, c’est le nommé Plotin. Et il l’a tiré des siècles plus tard d’une lecture de Platon, précisément du Parménide de Platon. Donc il l’a tiré d’un certain savoir lire Platon. Et en deçà de Platon il y a Pythagore, mathématicien mais mystique-mathématicien. C’est Pythagore qui divinisait le nombre et spécialement le Un et qui ne faisait pas, lui, une ontologie mais ce qui s’appelle en termes techniques à partir du grec une hénologie, c’est-à-dire une doctrine du Un. Ma thèse, c’est que le niveau de l’être appelle, nécessite un au-delà de l’être. » → lire l’entièreté de l’intervention de jacques-alain miller au congrès de la NLS en avril 2011 sur le site de l’AMP