le schème kantien selon Deleuze

En passant

[ Complément de lecture du  cours de jacques-alain miller du 2 février 2011]

Source : Sur le site Webdeleuze : DELEUZE / KANT – Cours à Vincennes – 04/04/1978

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Le centre de tout ce que je voudrais dire aujourd’hui c’est exactement ceci : si on s’en tient à la critique de la raison pure, livre célèbre de Kant, on voit bien, quant aux thèmes qui nous occupent concernant le temps, on voit bien qu’il y a deux grandes opérations. Ce qu’il y a de commun entre ces deux grandes opérations de la connaissance – puisque la raison pure s’occupe de la connaissance -, ce qu’il y a de commun entre ces deux grandes opérations de la connaissance c’est que dans les deux cas on fera correspondre, malgré leur hétérogénéité, malgré leur différence de nature, des déterminations conceptuelles et des déterminations spatio-temporelles.
Ces deux grandes opérations par lesquelles on fait correspondre – quelles que soient les difficultés de cette correspondance, une fois dit leur hétérogénéité -, déterminations spatio-temporelles et déterminations conceptuelles, ce sont toutes les deux des opérations synthétiques.

Elles sont synthétiques pour des raisons très simples, elles sont nécessairement synthétiques puisque, on l’a vu, déterminations spatio-temporelles d’une part et déterminations conceptuelles d’autre part, espace-temps et concept sont hétérogènes, donc l’acte qui les met en correspondance ne peut être qu’une synthèse d’hétérogènes. Ces deux opérations synthétiques ont un nom. Ces deux opérations ont aussi en commun d’être des actes de l’imagination. Évidemment imagination ne veut plus dire se faire des idées, ou imaginer quelque chose, puisque Kant donne un sens fondamentalement nouveau à l’acte d’imagination puisque c’est l’acte par lequel des déterminations spatio-temporelles vont être mises en correspondance avec des déterminations conceptuelles.

Vous me demanderez pourquoi est-ce qu’il appelle ça « imagination » ?

Comprenez qu’il en est déjà à un niveau où il saisit l’imagination à un niveau beaucoup plus profond que dans les philosophies précédentes; l’imagination ce n’est plus la faculté par laquelle on produit des images, c’est la faculté par laquelle on détermine un espace et un temps d’une manière conforme à un concept, mais qui ne découle pas du concept est d’une autre nature que la détermination de l’espace et du temps. C’est vraiment l’imagination productrice par opposition à l’imagination reproductrice. Lorsque je dis : j’imagine mon ami Pierre, c’est de l’imagination reproductrice. Pierre, je pourrais faire autre chose que de l’imaginer, je pourrais lui dire bonjour, aller chez lui, je pourrais me le rappeler, ce qui n’est pas la même chose que l’imaginer. Imaginer mon ami Pierre c’est de l’imagination reproductrice. En revanche, déterminer un espace et un temps conformément à un concept, mais de telle manière que cette détermination ne peut pas découler du concept lui-même, faire correspondre à un concept un espace et un temps, ça c’est l’acte de l’imagination productrice. Qu’est-ce que fait un mathématicien ou un géomètre ? Ou d’une autre manière que fait un artiste ? Ils vont faire des productions d’espace-temps.
Les deux opérations synthétiques qui établissent des mises en correspondance d’espace-temps à des concepts. Je dis que Kant leur donne des noms très stricts, et ce serait déjà très fâcheux de confondre ces deux opérations. L’une est désignée sous le nom de synthèse à proprement parler, la synthèse comme acte d’imagination productrice et l’autre – qui n’est pas moins synthétique -, Kant lui réserve un autre nom, celui de Schème. Un schème. C’est aussi une opération de l’imagination productrice. Continuer la lecture