16 décembre 2005

miroirs

à Barcelone

des cauchemars, toutes les nuits. dans un lit immense.

dans la chambre, de moi des images toutes trop différentes. celle de la salle de bain tout à  fait acceptable (mais je suppose que c’est comme dans les miroirs de magasins de vêtements, ils y accrochent des miroirs flatteurs et quand vous rentrez chez vous, vous vous rendez compte de l’immense erreur que vous venez de commettre), et puis l’image dans le miroir de la penderie : abomination.

le vieillissement : ça a commencé. c’est là .

j’aurai remarqué ça, comment les miroirs s’apprivoisent, mais c’est lentement, se font à  vous, à  l’image que d’eux vous attendez. ne me regarder que dans ceux qui me connaissent. dans le même esprit, je me serai quelquefois demandée si je devais calculer le degré d’amitié que l’on me porte à  la joliesse des photos que l’on prend de moi*. dans le même esprit : au monde rien qui soit moins fiable que mon image. peut-être rien qui ne me perturbe plus. dans le même esprit: tu me dis que je suis la plus belle femme du monde. alors que moi.

il faisait chaud bon à  l’hôtel, il y avait du tapis partout; la salle de bain était propre, les fauteuils en velours. nous étions entre nous. j’ai couru nue, c’est rare (dans les familles recomposées), avec jules au sol rampé, à  4 pattes marché, c’était bon, et en même temps, de façon insidieuse, cela qui montait, cette inquiétude à  propos de l’image que je renvoyais, à  propos de ce que je donnais à  voir de moi. de mon corps son vieillissement, d’ordinaire camouflé. c’est là  qu’est né le germe des cauchemars. et puis qu’est-ce que jules lui voyait? et qu’est-ce que je préférerais lui donner à  voir le visage, le corps d’une mère d’abord beau de jeunesse. dans le même esprit, et en forme de bémol, au fur et à  mesure que l’été avance, le corps qui s’embellit, se fait au fait d’être vu.

ne regarderions-nous de nous aucune image nous ne trouverions à  la façonner qu’à  l’empan du regard de l’autre, et plût au ciel qu’il se trouvât alors un amant à  qui elle plaise cette image et que nous ne soyons pas seuls avec autant de regards que nous aurions à  vider de nos inventions, de nos montages.

l’inquiétude où nous porte l’ignorance, l’impossible savoir attaché au corps. aucune image qui puisse contenir refléter le réel du corps qui est ce à  quoi de l’intérieur on a affaire. )

 

* ex.: d’une certaine k., j’ai compris vu jusqu’à  quel point elle ne m’aimait pas en voyant les photos qu’elle avait prises de moi. d’une autre, a., j’aurai vu qu’elle m’aimait. ou encore qu’elle m’aimait comme je m’aime. qu’elle veuille m’aimer comme je voudrais m’aimer. qu’elle aie de moi la même image idéale. celle qui me rassurerait.

Publié dans id, mag. fém., to be or |